Abstract
Exceptions et fins de non-recevoir
Irrecevabilité - Conclusions non motivées - Moyen soulevé d'office (non)
Assurances terrestres
Assuré. Activité déclarée - Activité réelle distincte - Risque non couvert
Résumé
Lorsqu'un défendeur soulève l'irrecevabilité d'une instance mais qu'il ne la justifie pas, sinon par des conclusions de principe non motivées sur ce point, ces conclusions ne permettent pas au Tribunal d'invoquer d'office un moyen que le défendeur n'a pas cru développer lui-même.
Si l'on rapproche la définition de l'activité de l'assuré dans le texte des « conditions particulières » de l'énonciation de sa profession en tant que souscripteur, il apparaît que le terme « mandataire » intercalé comme il se trouve, ne peut concerner une telle activité que dans le cadre de la fonction d'administrateur de biens entraînant de constants mandats et non une activité principale de mandataire jouant un rôle d'agent d'affaires ou de banquier ; en l'espèce, le risque n'est pas couvert par la police d'assurance souscrite.
Motifs
Le Tribunal
Attendu que par l'exploit susvisé le sieur H. a assigné les compagnies d'assurances « La Concorde » et « l'Urbaine et la Seine » (devenue l'U.A.P.) aux fins d'entendre :
* déclarer commun à elles-mêmes le jugement rendu, le 22 juin 1973, entre lui, la société anonyme monégasque Transcontinentale (Sotransco), le sieur E. L., la dame A. L. et Me T. G. (ces deux derniers pris es qualités de gérants de la faillite de la Société Anonyme d'assurances belge « Belfort » ) et le sieur B. B. ;
* dire et juger qu'en conséquence ces deux compagnies seront tenues de relever et garantir ledit L. et la Sotransco du montant des condamnations prononcées à leur encontre, à son profit ;
Attendu que le demandeur expose que le jugement susvisé, devenu définitif, est intervenu sur une action exercée par lui contre Sotransco, L. et les deux compagnies d'assurances françaises, instance à laquelle avaient été joints les appels en cause et garantie formés par les deux premiers défendeurs nommés vis-à-vis des gérants de la faillite de la société Belfort et B. B. ; que dans cette décision, ayant condamné Sotransco et E. L., conjointement et solidairement, à lui payer les sommes de 67 194,58 F et de 32 042,93 francs, avec intérêts de droit, ainsi que L. et G. et B. B. à relever et garantir ceux-là des condamnations ainsi prononcées, le Tribunal, au motif que le demandeur n'avait requis aucune condamnation contre « La Concorde » et « l'Urbaine et la Seine » ni dans le dispositif de l'assignation, ni dans ses conclusions, a décidé que ces deux compagnies d'assurances devaient être, en l'état de la procédure, mises hors de cause ;
Attendu que l'assignation actuelle tend essentiellement à faire déclarer commun aux deux défenderesses un jugement rendu dans une instance où celles-ci étaient parties et qui les a mises hors de cause ;
Attendu que les défenderesses soulèvent l'irrecevabilité de cette instance mais qu'elles ne la justifient pas, sinon par des conclusions de principe, non motivées sur ce point, et qui ne permettent pas au Tribunal d'invoquer d'office un moyen qu'elles n'ont pas cru développer d'elles-mêmes ;
Que la procédure doit donc être considérée comme recevable ;
Attendu que le demandeur se dit fondé à actionner ces deux compagnies d'assurances contractuellement tenues de couvrir la responsabilité civile de Sotransco (La Concorde) et du sieur E. L. (l'Urbaine et la Seine) consécutivement au préjudice par lui subi du fait de leurs agissements, indissociables, ainsi que l'a retenu le jugement du 22 juin 1973,
Qu'il conteste les moyens et l'argumentation des défenderesses, qu'il considère être identiques à ceux que la décision susvisée n'avait pas estimé nécessaire d'examiner, en se référant à un jugement rendu par ce même Tribunal, dans une espèce qualifiée de similaire le 1er juin 1973, soit qu'il fasse sienne la motivation ayant retenu la compagnie « La Concorde » obligée de relever et garantir la Sotransco, soit qu'il s'oppose à celle ayant refusé l'application de la police liant l'Urbaine et la Seine au sieur L. par une interprétration, selon lui erronée, du mot « mandataire » figurant dans l'énumération des activités professionnelles couvertes par le contrat d'assurance,
Attendu que la compagnie l'Urbaine et la Seine (U.A.P.) conclut au débouté du demandeur ; qu'elle fait valoir, que, par la police 9332077, consentie le 12 juillet 1961, elle n'a garanti que la responsabilité civile de L. (et de ses préposés) excluant celle de Sotransco, et ce dans l'exercice de la profession bien définie d'administrateur de biens, administrateur d'immeubles, mandataire et non en tant qu'agent d'affaires ou même banquier, activités auxquelles ressortissent les opérations pour lesquelles H. avait déposé plainte avec constitution de partie civile et, L., été renvoyé devant le Tribunal correctionnel, circonstances rendant inapplicable le contrat dont une clause retirait de la garantie les faits délictueux du souscripteur et leurs conséquences ;
Attendu que la Compagnie La Concorde conclut pareillement au déboutement d'H. ; qu'elle soutient que le contrat n° 4 358 808 ne couvrait pas « les conséquences des inobservations, fraudes et vols commis par l'assuré lui-même et de tous autres faits provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de sa part » alors que ce sont des fautes de cette nature que le demandeur a invoquées dans son assignation primitive du 2 juin 1970 et dont il se prévaut dans ses conclusions du 12 mars 1975 ; qu'elle soutient que la convention susvisée ne garantissait pas les opérations d'agent d'affaires - banquier effectuées par Sotransco et L. ; qu'elle signale avoir, pour sa part, à l'encontre du jugement du 1er juin 1973, interjeté un appel qui est toujours en cours ; qu'enfin, tout à fait subsidiairement, cette défenderesse demande qu'en toute hypothèse sa garantie à l'égard de L. et de Sotransco soit limitée à la somme de 100 000 F stipulée globalement ;
Attendu que le jugement du 22 juin 1973 a posé le principe de la responsabilité solidaire de Sotransco et de L., entre lesquels existait une fusion complète d'administration et d'intérêts, vis-à-vis d'H. consécutivement à deux prêts hypothécaires consentis à la S.C.I. « La Bégude » et à la S.A.R.L. « Société de Matériaux et de Scieries Vésubiens », opérations ayant entraîné pour le demandeur des préjudices respectifs de 67 194,58 francs et 32 042,93 francs ;
Attendu que cette même décision analyse le rôle de L. au regard des actes accomplis au nom de H. comme celui d'un mandataire et a caractérisé par les termes de manquements particulièrement graves, de légèreté et d'imprudence certaine les inexécutions contractuelles relevées à sa charge ;
Attendu en ce qui concerne l'Urbaine et la Seine (U.A.P.) que les premier et troisième moyens soulevés par cette défenderesse ne sauraient être retenus ;
Qu'en raison de la complète fusion de direction et d'intérêts entre Sotransco et L., la police garantissant ce dernier et ses préposés ne saurait voir ses effets limités aux conséquences des actes de L. seul ;
Que, par ailleurs, la poursuite initiée par le dépôt de plainte avec constitution de partie civile de H. s'est conclue par une décision de relaxe au bénéfice de L., suivant jugement du 27 mai 1969 ;
Attendu, en revanche, que le moyen tiré par la compagnie de la détermination du risque par la profession de l'assuré doit être retenu comme pertinent, nonobstant l'argumentation du demandeur tendant à démontrer que le terme mandataire inclus dans la police n° 9 332 007 recouvre une activité distincte de celle d'administrateur de biens ou d'immeubles, celle même que L. a eue dans le cadre des mandats qu'il avait reçus pour les deux affaires ;
Attendu, en effet, que si l'on rapproche la définition de l'activité de l'assuré, dans le texte des « conditions particulières », de l'énonciation de sa profession en tant que souscripteur, il apparaît que le terme mandataire, intercalé comme il se trouve, ne peut concerner une telle activité que dans le cadre de la fonction d'administrateur de biens ou d'immeubles, entraînant de constants mandats, notamment de négociation ou de représentation à des assemblées, et non une activité principale de mandataire jouant un rôle d'agent d'affaires ou de banquier ainsi qu'il l'a été souligné en plusieurs décisions ; que les fonctions attribuées par « les annales des loyers » aux administrateurs de biens, selon la fédération nationale groupant ceux-ci, consistent à effectuer en qualité de mandataire toutes opérations de gestion d'immeubles, gérance, entretien, exécution des obligations des propriétaires ou bailleurs ; que cette spécification du souscripteur, dans l'esprit du contrat d'assurance, résulte en outre du mot « concierges » parmi les préposés et même de la modicité de la prime de 150 francs par an, fait mentionné par la compagnie comme confortatif de son moyen ;
Attendu qu'il ressort ainsi que le risque de la nature de celui qui fait l'objet du litige n'était pas couvert par la police souscrite auprès de l'Urbaine et la Seine (U.A.P.) ; qu'en conséquence H. doit être débouté de sa demande envers cette défenderesse ;
Attendu en ce qui concerne la Compagnie La Concorde que la police n° 4 358 808 avait été contractée le 18 mars 1965 par le syndicat patronal des agents immobiliers de Monaco au nom et pour le compte de diverses agences énumérées dans le contrat pour des activités correspondant à trois catégories A, B et C dont les définitions étaient données ;
Que l'agence Sotransco se trouvait couverte à raison de 100 000 francs pour l'activité « B » et que parmi les conditions générales figurait l'exclusion de la garantie pour les causes invoquées par ladite compagnie dans ses conclusions ;
Attendu que ce premier moyen doit être écarté ; qu'en effet, il n'apparaît pas de l'examen des faits de la cause, tels que les présentent les pièces versées aux débats, que L. ait à l'égard d'H. commis des actes délictueux (cf. jugement correctionnel du 27 mai 1969) ou des fautes intentionnelles ou dolosives ;
Attendu que ne peut être davantage accueilli le moyen tiré par la défenderesse de la nature de l'activité garantie ; qu'en effet si en schématisant les agissements extrêmes de L. et de la Sotransco, que celui-ci dirigeait, leur rôle commun peut apparaître comme celui d'agent d'affaires ou même de banquier, il est nécessaire de préciser que les dommages dont H. recherche par la voie civile réparation sont intervenus consécutivement à deux opérations de prêts hypothécaires ; or, l'activité B, définie à la police, correspond à celle d'agent immobilier, indicateur, intermédiaire, « mandataire pour... la négociation de prêts hypothécaires et sur le nantissement » ;
Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, d'accueillir la demande d'H. à l'égard de la Compagnie La Concorde, en tenant toutefois compte du moyen subsidiaire qu'elle fait valoir concernant la limite de la garantie totale de la somme de 100 000 francs ;
Attendu qu'il échet de faire masse des dépens de la présente instance qui seront supportés par moitié par H. et la Compagnie La Concorde ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Accueille en la forme le sieur H. en sa demande en déclaration de jugement commun à l'encontre de la Compagnie d'Assurances l'Urbaine et la Seine (U.A.P) et la Compagnie d'Assurances La Concorde ;
Déboute H. de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de U.A.P. ;
Faisant droit à la demande dirigée contre La Concorde, condamne ladite compagnie à relever et garantir le sieur L. E. et la Compagnie Sotransco du montant des condamnations conjointes et solidaires prononcées par le jugement du Tribunal de céans du 22 juin 1973 au paiement, au profit de H., des sommes de soixante-sept mille cent quatre vingt-quatorze francs cinquante-huit centimes (67 194,58 F) et trente-deux mille quarante-deux francs quatre vingt-treize centimes (32 042,93 F) avec intérêts de droit à compter du 2 juin 1970, ce dans les limites de la somme de 100 000 francs (cent mille francs), montant de la garantie stipulée initialement au bénéfice de Sotransco, sous réserve du concours d'autres créanciers pouvant en bénéficier ;
Composition
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquilly, Lorenzi, Clérissi av. déf., Slama et Balarello (tous deux du barreau de Nice) av.
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