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18/03/1976 | MONACO | N°25791

Monaco | Tribunal de première instance, 18 mars 1976, Dame H.-L. c/ C.


Abstract

Astreintes

Terminologie - Critère non déterminant - Appréciation du juge

Résumé

En matière d'astreinte la terminologie utilisée, comminatoire ou non comminatoire, n'est pas déterminante ; par contre, il est essentiel de rechercher les conditions dans lesquelles la juridiction, spécialement saisie de ce point, s'est prononcée et a motivé la mesure ordonnée ; lorsqu'elle prononce une astreinte indemnitaire, cette juridiction a l'obligation de constater l'existence d'un préjudice, d'en déterminer l'imputabilité et d'en évaluer l'importance.


Motifs

Le Tribunal

Attendu que par jugement du 21 mai 1971, confirmé par arrêt de la Co...

Abstract

Astreintes

Terminologie - Critère non déterminant - Appréciation du juge

Résumé

En matière d'astreinte la terminologie utilisée, comminatoire ou non comminatoire, n'est pas déterminante ; par contre, il est essentiel de rechercher les conditions dans lesquelles la juridiction, spécialement saisie de ce point, s'est prononcée et a motivé la mesure ordonnée ; lorsqu'elle prononce une astreinte indemnitaire, cette juridiction a l'obligation de constater l'existence d'un préjudice, d'en déterminer l'imputabilité et d'en évaluer l'importance.

Motifs

Le Tribunal

Attendu que par jugement du 21 mai 1971, confirmé par arrêt de la Cour d'Appel du 6 mars 1972, le Tribunal civil de céans a ordonné l'expulsion du sieur C. de l'appartement que celui-ci occupait, . et qui était la propriété de dame H.-L., et a jugé que faute par lui de quitter les lieux dans le mois de la signification dudit jugement, il y serait contraint par toutes voies et moyens de droit et serait, en outre, tenu au paiement d'une astreinte non comminatoire de cent francs par jour de retard ;

Attendu que ce jugement a été signifié le 9 juin 1971 et que C. n'a quitté les lieux que le 20 août 1973 et qu'en conséquence, par l'exploit susvisé du 10 avril 1975, dame H.-L. a assigné C. aux fins d'obtenir paiement, d'une part, de la somme de 77 000 francs, représentant le montant de l'astreinte pendant les 770 jours durant lesquels le défendeur n'a pas exécuté cette décision, et, d'autre part, de la somme de 6 501,60 francs, montant des indemnités d'occupation dues depuis le mois de mars 1972 ;

Attendu que cette dernière somme de 6 501,60 francs a été réglée par C., en sorte que dame H.-L. ne maintient plus sa demande sur ce point et que, seule, demeure à juger la demande en liquidation d'astreinte ;

Attendu que dame H.-L. soutient qu'il est de principe formel aussi bien en doctrine qu'en jurisprudence que lorsqu'une astreinte a été ordonnée sous une forme non comminatoire, elle n'est pas révisable car elle constitue des dommages-intérêts définitivement appréciés par les juges du fond et dont le montant ne dépend plus, désormais, que du temps écoulé entre le moment où la décision a été prononcée et celui où elle a été exécutée ; que C. estime, au contraire, que toute astreinte doit être liquidée en fonction du préjudice réellement éprouvé par la partie au profit de qui elle a été prononcée et qu'il appartient, dès lors, à la juridiction qui est appelée à statuer sur sa liquidation, de la proportionner, au besoin en la réduisant, à ce préjudice ; qu'il précise, qu'en l'espèce, l'appartement litigieux n'avait pas une valeur locative de 3 000 francs par mois, montant de l'astreinte et que la somme réclamée de 77 000 francs doit être réduite en tenant compte de toutes les circonstances de fait et à un montant qui ne saurait dépasser le préjudice existant, dont la preuve doit être apportée par dame H.-L. ; que, cependant, lui-même n'offre le paiement d'aucune somme à ce titre ;

Attendu qu'en matière d'astreinte, et au-delà même de la terminologie utilisée, laquelle est d'ailleurs sujette à discussion puisque, faute de vocabulaire précis à propos d'une institution qui constitue une création purement jurisprudentielle, aucune référence ne pouvant être faite à l'article 1036 du Code de procédure civile français, ainsi que cela avait été, un temps, soutenu par une partie de la doctrine, la tendance la plus récente est d'abandonner la distinction entre astreinte comminatoire et astreinte non comminatoire, cette dernière étant appelée astreinte indemnitaire, il doit être admis que la juridiction a la faculté soit d'ordonner une astreinte proprement dite, c'est-à-dire d'assortir sa décision d'une mesure comminatoire ayant essentiellement pour effet d'impressionner le condamné et de l'amener à exécuter la condamnation prononcée contre lui dans la crainte d'être obligé de payer des sommes importantes au cas où il se refuserait à le faire, ladite astreinte pouvant en ce cas être réduite, après exécution du jugement, compte tenu du temps mis à ladite exécution, soit d'évaluer, à l'avance, le montant des dommages-intérêts qui seront alloués à la partie au profit de qui la condamnation a été prononcée au cas où le débiteur se refuserait à exécuter cette condamnation, lesdits dommages-intérêts devant alors être fixés en fonction du préjudice éprouvé par cette partie et étant proportionnels à la durée de la résistance puisqu'ils sont exprimés par jour de retard, ce mode de réparation autrefois dénommé astreinte non comminatoire et désigné actuellement sous le vocable « astreinte indemnitaire » ne pouvant à l'évidence être modifié, ni dans son montant, ni dans son quantum définitif, lequel est fonction du temps écoulé, car une juridiction qui a statué sur l'appréciation de dommages-intérêts a épuisé sa saisine et ne peut, une seconde fois, connaître d'une demande portant sur lesdits dommages-intérêts ;

Attendu que les règles ainsi définies établissent qu'en matière d'astreinte, la terminologie utilisée, comminatoire ou non comminatoire, n'est pas déterminante, mais qu'il est essentiel de rechercher les conditions dans lesquelles la juridiction, spécialement saisie sur ce point par le demandeur, s'est prononcée et, notamment, a motivé la mesure ordonnée ; qu'en particulier, cette juridiction lorsqu'elle prononce une astreinte indemnitaire a l'obligation, comme chaque fois où elle doit apprécier des dommages-intérêts, de constater l'existence d'un préjudice, d'en déterminer l'imputabilité et d'en évaluer l'importance, étant observé qu'en ce qui concerne cette astreinte, l'évaluation du préjudice est faite à l'avance et que la réparation conserve un caractère éventuel puisque ces dommages-intérêts seront fonction du retard apporté à l'exécution de la décision intervenue et ne seront pas dus si cette décision est exécutée à bonne date ;

Attendu qu'en l'espèce, le jugement du 21 mai 1971 ne s'est pas prononcé sur l'évaluation de l'astreinte ; qu'ainsi, cette dernière, bien que qualifiée de non comminatoire, n'a pu présenter le caractère d'une appréciation préalable et définitive du préjudice subi par dame H.-L. et qu'elle n'a pas un caractère indemnitaire ; qu'elle n'est donc pas définitivement fixée et qu'elle doit être liquidée par le Tribunal ;

Attendu en ce qui concerne cette liquidation, que le Tribunal a des éléments suffisants d'appréciation, compte tenu notamment de la durée du défaut d'exécution du jugement du 21 mai 1971 et du préjudice subi par la dame H.-L. qui n'a pu disposer d'un appartement situé dans un des quartiers les plus résidentiels de Monte-Carlo, pour fixer à la somme de 20 000 francs la somme que C. doit payer à la demanderesse au titre de l'astreinte prononcée par cette décision ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Donne acte à dame H.-L. de ce qu'elle renonce à la demande de paiement de la somme de six mille cinq cent un francs soixante centimes (6 501,60 francs) ;

Dit et juge que l'astreinte qualifiée de non comminatoire dans le jugement du 21 mai 1971 ne présente pas, en l'espèce, le caractère d'une astreinte indemnitaire et, de ce fait, est soumise à liquidation ; la liquide à la somme de vingt mille francs (20 000 francs) ;

Condamne C. à payer à dame H.-L. la somme de vingt mille francs (20 000 francs) à ce titre ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MM. Clerissi et Boisson, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25791
Date de la décision : 18/03/1976

Analyses

Justice (organisation institutionnelle)


Parties
Demandeurs : Dame H.-L.
Défendeurs : C.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1976-03-18;25791 ?

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