Abstract
Accident du travail
1° - Victime - Obligations militaires - Force majeure (non) - Prescription - Suspension (non)
2° - Incapacité permanente - Certificat médical - Transmission au juge par l'assureur (non) - Prescription (non)
Résumé
L'accomplissement par la victime d'un accident du travail de ses obligations militaires d'activé ne peut être considéré comme un cas de force majeure au regard des règles régissant la prescription des actions et ne saurait, dès lors, constituer une cause de suspension de prescription (1).
Lorsque l'accident du travail a entraîné, pour la victime, une incapacité permanente, le certificat médical de consolidation doit être transmis sans délai au juge pour provoquer la désignation d'un médecin-expert ; l'assureur de l'employeur, en conservant ce certificat, ne saurait en l'état de cette carence, se prévaloir de la date de cessation des paiements des indemnités temporaires qu'il a fixée de sa propre initiative comme point de départ d'une prescription qui n'a pu commencer à courir par suite de l'inobservation des dispositions légales (2).
Motifs
Le Tribunal
Attendu que L. M. a été victime le 19 mars 1973, alors qu'il était au service de la S.A.M. Polyplastic dont l'assureur-loi est la compagnie d'assurances générales de France, d'un accident du travail, régulièrement déclaré le 23 mars 1973, constaté par certificat du Professeur C. aux termes duquel il était atteint d'une section du tendon long extenseur du pouce gauche au niveau du premier métacarpien ; qu'il était consolidé, sous réserves d'I.P.P., le 7 mai 1973 par un autre certificat du même praticien en date du 25 mai 1973 ; qu'il saisissait le juge des accidents du travail au mois d'août 1975 et se voyait opposer la prescription de l'article 24 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ;
Attendu que, par l'exploit susvisé, M., qui expose qu'il a été incorporé dans l'armée italienne pendant la période du 30 avril 1973 au 25 juin 1974, au cours de laquelle il a accompli ses obligations militaires, a assigné la S.A.M. Polyplastic et la Compagnie d'Assurances Générales de France pour s'entendre dire et juger que cette prescription ne lui est pas opposable du fait du cas de force majeure constitué par son séjour sous les drapeaux et désigner un expert chargé de déterminer les conséquences de l'accident dont il a été victime ;
Attendu que les défenderesses s'opposent à cette demande en faisant valoir que le dernier paiement des indemnités temporaires étant intervenu le 7 mai 1973, l'action de M. doit être déclarée prescrite à compter du 7 mai 1974 en application de l'article 24 du texte susvisé ;
Attendu que l'accomplissement par M. de ses obligations légales d'activité ne peut être considéré comme un cas de force majeure, au regard des règles régissant la prescription d'une action, et ne saurait dès lors constituer une cause de suspension de la prescription instaurée par cet article ;
Attendu cependant qu'il résulte du dossier de la procédure d'accident du travail, communiqué au Tribunal conformément à l'article 21 bis alinéa 4 de la loi n° 636, que le certificat médical du 25 mai 1973 prévoyant une possibilité d'I.P.P., et faisant état du départ à l'armée de la victime et de ce qu'elle était en cours de rééducation, a été remis par M. à la compagnie d'assurances défenderesse qui l'a conservé sans en saisir le juge des accidents du travail auquel il n'a été adressé que le 12 août 1975 ;
Attendu qu'au terme de l'article 21-5e du même texte lorsque l'accident du travail a entraîné une incapacité permanente, hypothèse à laquelle doit être assimile le cas de l'espèce à raison des réserves formulées de ce chef par le certificat de consolidation, ce document doit être transmis sans délai au Juge pour provoquer la désignation d'un médecin expert chargé d'en fixer le taux ;
Attendu qu'en conservant ce certificat la compagnie d'assurances générales de France, qui ne pouvait ignorer ses obligations en la matière ni les conséquences de son abstention à l'égard des droits ouverts pour la victime, a fait échec à la mise en œuvre des procédures prévues par les articles 19 et 21-5 ;
Attendu en conséquence qu'elle ne saurait, en l'état de cette carence, se prévaloir de la date de cessation des paiements des indemnités temporaires qu'elle a, de sa seule initiative, fixée au 7 mai 1973 comme point de départ d'une prescription qui n'a pu commencer à courir par suite de l'inobservation des dispositions légales et, a fortiori, opposer cette même prescription ;
Attendu dans ces conditions que les défenderesses ne peuvent se soustraire à leurs obligations légales et contractuelles relativement à la prise en charge des conséquences de l'accident du travail du 19 mars 1973 et qu'il y a lieu de faire droit à la mesure d'expertise sollicitée ; que les dépens doivent suivre la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Dit et juge que les défenderesses sont mal fondées à opposer la prescription prévue par l'article 24 de la loi n° 636 ;
Et avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant pour le surplus réservés ;
Composition
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Lorenzi et Marquet av. déf.
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