Abstract
Responsabilité civile
Épreuve sportive - Travaux - Pose de matériel - Exécution par une entreprise spécialisée - Organisateur - Gardien du matériel (non)
Résumé
L'organisateur d'une épreuve sportive, qui confie à une entreprise spécialisée l'exécution de travaux de pose de matériel, n'a pas la qualité de gardien de ce matériel tant que celui-ci n'a pas été effectivement installé et ne lui a pas été livré, car les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle lui échappent jusqu'au jour de la livraison du matériel posé.
Motifs
Le Tribunal
Attendu que suivant exploit en date du 19 septembre 1975, dame L. a assigné l'Automobile Club de Monaco et la Compagnie Union des Assurances de Paris aux fins de s'entendre déclarer les défendeurs conjointement et solidairement responsables, sur le fondement de l'article 1231 alinéa 1 du Code Civil, de l'accident dont elle a été victime le 22 mai 1974, au cours duquel elle a heurté un rouleau de grillage, déposé sur la chaussée de la rue Princesse Antoinette par l'entreprise L. qui en était propriétaire et devait en effectuer la pose dans le cadre des mesures de sécurité prévues par l'Automobile Club organisateur d'une épreuve sportive, les condamner conjointement et solidairement à réparer son entier préjudice pour la détermination duquel elle sollicite la nomination d'un expert, et à lui payer la somme de 1 915,10 francs, montant de divers frais qu'elle a engagés, et celle de 5 000 francs à titre de provision ;
Attendu que suivant un autre exploit en date du 6 novembre 1975, l'Automobile Club de Monaco et la Compagnie Union des Assurances de Paris ont assigné dame L. et la Compagnie « Assurance Groupe de Paris, La Minerve » en intervention forcée dans l'instance les opposant à dame L. et en garantie de toutes les condamnations dont ils pourraient faire l'objet dans le cadre de ladite instance en demandant qu'il leur soit donné acte de leurs réserves en ce qui concerne le bien fondé de l'action de dame L. ;
Attendu que par conclusions du 15 décembre 1975, les demandeurs à l'action en garantie sollicitent la jonction des deux instances ci-dessus rappelées et concluent au déboutement de dame L., au motif que le rouleau de grillage incriminé n'était pas placé sous leur garde mais sous celle de l'entreprise L., et la victime ayant de surcroît commis une faute de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; que dans ses écrits du 20 janvier 1976, dame L. et la Compagnie « La Minerve » concluent au déboutement de l'action de l'Automobile Club de Monaco et de la Compagnie Union des Assurances de Paris à leur encontre, comme étant irrecevable et mal fondée estimant d'une part que l'Automobile Club de Monaco est le seul gardien du matériel incriminé, l'entreprise L. n'étant qu'un prestateur de service sous l'autorité directe et constante de l'organisateur de l'épreuve, et d'autre part, que l'accident survenu à dame L. est dû à sa faute exclusive ;
Attendu que la dame L. déclare, dans ses conclusions du 8 avril 1976, ne pas s'opposer à la jonction des instances sollicitées, et conclut à la responsabilité exclusive de l'Automobile Club de Monaco en demandant le bénéfice de son exploit introductif d'instance, soutenant que la garde du grillage n'appartient pas à la dame L. ;
Attendu, sur la jonction des instances, qu'il y a lieu de faire droit à la demande de l'Automobile Club de Monaco et de la Compagnie Union des Assurances de Paris, les deux affaires soumises à l'appréciation du Tribunal présentant un lien de connexité certain ;
Attendu que la question que les parties entendent faire trancher par le Tribunal est celle de savoir si l'Automobile Club de Monaco était le gardien du rouleau de grillage sur lequel dame L. a chuté, et donc si à ce titre il doit être déclaré responsable des conséquences de l'accident, la Compagnie U.A.P. ne pouvant être déclarée responsable d'un accident dans lequel elle n'a eu aucune part, et ne pouvant qu'être tenue de garantir le paiement d'éventuels dommages-intérêts mis à la charge de l'Automobile Club de Monaco, dans les limites du contrat d'assurance, passé avec celui-ci ;
Attendu que dame L. fait découler la garde dont aurait été investi l'Automobile Club de Monaco, du fait que cet organisme, étant organisateur d'une épreuve sportive pour laquelle il avait commandé des travaux notamment à l'entreprise L., avait autorité sur ladite entreprise ; que cependant et contrairement à ce que soutient la demanderesse, l'Automobile Club de Monaco, en confiant à une entreprise spécialisée l'exécution de travaux de pose de matériel ne peut se voir attribuer la qualité de gardien de ce matériel tant que celui-ci n'a pas été effectivement installé et donc ne lui a pas été livré, car les pouvoirs d'usage de direction et de contrôle, sans lesquels la garde est inexistante, lui échappent, durant ce temps, et que ce n'est qu'au jour de la livraison du matériel posé que cette garde lui est transférée et avec elle les pouvoirs qui en sont le corollaire ; que s'il n'est pas contesté que l'Automobile Club de Monaco impose aux entreprises, des sujétions en ce qui concerne les lieux d'implantation du matériel, cet organisme n'est pas pour autant responsable des modalités d'exécution des travaux et notamment des conditions dans lesquelles les grillages sont transportés et laissés sur place dans l'attente de leur installation ; qu'il apparaît, en l'espèce, que cette garde aurait pu d'autant moins lui appartenir que le grillage incriminé était la propriété de l'entreprise L. laquelle l'avait elle-même apporté et déposé sur la chaussée de la rue Princesse Antoinette ;
Attendu que l'Automobile Club de Monaco n'étant pas le gardien du rouleau de grillage dont s'agit, ne peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article 1231 alinéa 1, des conséquences de l'accident du 22 mai 1974 ; qu'il y a donc lieu de débouter dame L. de ses demandes fins et conclusions ;
Attendu en ce qui concerne l'action dirigée contre la dame L. et la Compagnie La Minerve, que cette action est recevable mais est sans objet en l'état de l'absence de responsabilité de l'Automobile Club de Monaco ; que dame L. n'ayant pas conclu contre ces défendeurs ceux-ci doivent être mis hors de cause purement et simplement, aucune condamnation ne pouvant être en l'état de la procédure prononcée contre eux ; que la dame L. qui succombe doit être condamnée aux dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Joint les instances n° 118/1975 et n° 64/1975,
Déboute la dame L. de ses demandes, fins et conclusions tant contre l'Automobile Club de Monaco que contre la Compagnie Union des Assurances de Paris ;
Déclare recevable en la forme l'action en intervention forcée et garantie de l'Automobile Club de Monaco à l'encontre de dame L. et de la Compagnie La Minerve mais constatant que dame L. n'a pas conclu à l'encontre de dame L. et de la Compagnie « La Minerve », met celles-ci, en l'état, purement et simplement hors de cause ;
Composition
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita, Clerissi av., Marquet av. déf.
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