Abstract
Hypothèques
Femme mariée - Hypothèque légale - Inscription - Portée
Résumé
La femme mariée est fondée à inscrire son hypothèque légale à tout moment afin de protéger ses droits, car ce faisant, elle ne fait que pallier la carence de son mari qui est tenu, aux termes de l'article 1974 du Code Civil à requérir lui-même inscription sur les immeubles lui appartenant ou ceux pouvant lui appartenir par la suite ; elle est fondée à inscrire son hypothèque légale sur les biens propres du mari ; enfin, cette inscription n'est pas pour autant dépourvue de valeur si elle a été prise sur un acquêt de communauté.
Motifs
Le Tribunal
Attendu que le 15 décembre 1961 le sieur A. de Z. et la dame J. B. ont contracté mariage, en l'état d'un contrat passé le 6 décembre 1961 par devant Maître Aureglia notaire et aux termes duquel la communauté ne se composait que des acquêts faits par les époux pendant le mariage, ensemble ou séparément, provenant tant de leur industrie que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens personnels ;
Attendu que suivant acte Crovetto, notaire à Monaco, en date du 23 juin 1975, A. de Z. a acquis, d'un sieur S., la nue-propriété d'un appartement sis [adresse] à Monte-Carlo, l'usufruit de cet appartement étant acquis conjointement et solidairement d'une part par les époux R. de Z. – B. G., parente de A. de Z. et d'autre part, par J.-M. de Z., frère de ce dernier ;
Attendu que le 13 août 1969, dame B. a introduit une demande en divorce à l'encontre de son mari, et que le 10 octobre 1969 elle a inscrit sur la nue-propriété de cet appartement, une hypothèque légale en vertu des articles 1959, 1960, 1972 alinéa 2, 1988 et 1992 du Code Civil (hypothèque légale de la femme mariée) ;
Attendu que le 3 janvier 1972, le Tribunal de grande instance de Nice a prononcé le divorce aux torts respectifs des deux époux et a désigné Maître Widenlocher, remplacé par ordonnance du 11 octobre 1973 par Maître Seassal, pour procéder à la liquidation des droits respectifs des époux ; que le notaire commis a procédé à l'ouverture des opérations de liquidation le 30 octobre 1973 et a établi un procès-verbal de carence contre de Z., le 24 février 1975 ;
Attendu que par l'exploit susvisé, de Z. a assigné son ancienne épouse aux fins d'obtenir mainlevée de l'hypothèque prise le 10 octobre 1969 ; que dans le dernier état de ses conclusions, il fonde sa demande sur deux moyens ; que d'une part dame B. n'a pas la qualité de créancière, au sens de l'article 1960 du Code Civil et n'était pas en droit d'inscrire l'hypothèque que lui confère l'article 1959 ; que d'autre part, la nue-propriété acquise le 23 juin 1965 ne faisait pas partie de la communauté, car elle ne constituait pas un acquêt, ayant été achetée avec des deniers appartenant aux parents de Z. qui avaient eu pour préoccupation essentielle d'assurer, sa vie durant, un logement à leurs fils J.-M. et avaient, à cette fin, acquis l'usufruit conjointement et solidairement avec lui ; qu'ainsi, cette nue-propriété n'avait pas été acquise avec des fonds provenant de l'industrie des époux ou des fruits et revenus de leurs biens respectifs, mais, en réalité, lui était advenue du fait de son père, par donation ou autres, et, à ce titre, était exclue de la communauté, aux termes mêmes du contrat de mariage ;
Attendu que dame B. conclut au rejet de cette demande, au motif que la nue-propriété dont s'agit constitue un acquêt de communauté, ainsi que cela a d'ailleurs été reconnu par de Z. devant Maître Seassal, le 30 octobre 1973, et forme une demande reconventionnelle aux fins de faire constater que les agissements de son ancien mari constituent un recel de bien de communauté et obtenir, en conséquence, que la totalité de cette nue-propriété lui soit attribuée, outre une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Attendu sur le premier moyen soutenu par de Z. qu'aux termes de l'article 1959 du Code Civil, l'hypothèque légale reconnue à la femme mariée a pour objet d'assurer la protection de ses droits et de ses créances, celles-ci devant s'entendre de toutes reprises, restitutions ou indemnités que le mari peut lui devoir et étant, dans une large mesure indéterminées, puisqu'elles peuvent augmenter ou diminuer pendant le mariage et qu'elles ne seront définitivement connues et chiffrées qu'à l'issue de la liquidation de la communauté ; que dès lors, la femme mariée est fondée à inscrire son hypothèque légale à tout moment afin de protéger ses droits, étant rappelé que ce faisant, elle ne fait que pallier la carence de son mari qui, aux termes de l'article 1974, est tenu de requérir lui-même inscription au bureau à ce établi sur les immeubles lui appartenant ou ceux pouvant lui appartenir par la suite ; que dame B. avait donc qualité pour inscrire l'hypothèque contestée et que ce premier moyen doit, dès lors, être rejeté ;
Attendu sur le second moyen que deux hypothèses doivent être envisagées :
Attendu que si la nue-propriété dont s'agit est un bien personnel de Z., ainsi que celui-ci s'évertue à le démontrer tout au long de ses conclusions, sa demande doit être rejetée, car, contrairement à ce qu'il semble croire, l'hypothèque légale de la femme mariée porte, aux termes de l'article 1973, du Code Civil, sur les immeubles de son mari, donc sur ses propres et que selon sa propre thèse, dame B. était parfaitement fondée à inscrire son hypothèque légale sur cette nue-propriété ;
Attendu que si cette dernière constitue un acquêt de communauté, bien que l'hypothèque légale de la femme mariée ne puisse, en principe, porter sur des biens communs l'inscription qu'elle a prise n'est pas pour autant dépourvue de valeur ;
Qu'en effet, si la femme a accepté la communauté, ce qui apparaît être le cas de l'espèce, il est indispensable de connaître celui des époux qui, à la suite du partage qui doit intervenir entre eux, se verra attribuer ce droit immobilier, car, si ce dernier est mis dans le lot du mari, de Z. sera réputé, par suite de l'effet déclaratif du partage, avoir toujours été propriétaire de la nue-propriété dont s'agit et dame B. pourra, dès lors, se prévaloir de l'hypothèque qui aura été inscrite sur un bien propre de son mari ; que dans cette hypothèse également, la demande de Z. ne peut, en l'état, être accueillie ;
Attendu en conséquence que ce second moyen doit être également rejeté ;
Attendu sur la demande reconventionnelle tendant à faire constater le recel que le Tribunal de Monaco n'est pas compétent pour connaître d'une procédure qui est incidente à un partage actuellement en cours devant un notaire, désigné à cette fin, et qui suppose qu'un des époux a entendu dissimuler, de mauvaise foi, condition sine qua non, l'existence d'un bien commun, ce qui n'est pas le cas de l'espèce puisque de Z. se borne à soutenir que le droit immobilier litigieux est un propre ; qu'il suit de là que le Tribunal doit se déclarer incompétent ; que la demande de dommages-intérêts n'est pas motivée et doit, de ce seul fait, être rejetée ;
Attendu que de Z. qui succombe doit être condamné aux dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Déboute de Z. de ses demandes fins et conclusions, se déclare incompétent pour statuer sur la demande reconventionnelle de dame B. ; déboute celle-ci de sa demande de dommages-intérêts ;
Composition
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquilly, Lorenzi av. déf. et Perrussel (du barreau de Nice) av.
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