Abstract
Divorce - Compétence internationale
Action relative à l'état d'un étranger. Domicile de droit et de fait à l'étranger (oui). Exception d'incompétence recevable. Article 4 du Code de procédure civile dérogeant à l'article 2 du Code de procédure civile.
Résumé
En matière d'état des personnes, la compétence du Tribunal de Première instance de Monaco est déclinée à bon droit en cas d'action relative à l'état d'un étranger lorsque, conformément aux dispositions des articles 4 et 262 du Code de procédure civile, le défendeur justifie de sa nationalité et avoir conservé à l'étranger un domicile de droit et de fait.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu que suivant l'exploit susvisé C. S., de nationalité française, né le 14 avril 1948 à Chelles (Seine et Marne) a régulièrement assigné en divorce C. M., née le 14 janvier 1954 à Dijon, également de nationalité française qu'il avait épousée le 12 juillet 1980 à Dijon ;
Qu'un enfant prénommé C. est issu de cette union le 10 octobre 1980 ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande, le sieur C. S. expose que C. M. a refusé de le suivre en Principauté de Monaco préférant demeurer près de Dijon alors qu'il venait d'être transféré par la Régie Renault de Dijon où il exerçait la profession de vendeur au concessionnaire Monégasque de cette Société ;
Qu'en outre, son épouse avait un comportement agressif et dominateur tant à son encontre qu'à l'égard de la fillette qu'il avait eue d'un premier lit et qui venait parfois chez eux le week-end ;
Que ces faits ont constitué des injures graves justifiant sa demande tendant à voir prononcer le divorce aux torts et griefs exclusifs de la dame C. M. ;
Attendu que C. M. soulève en réponse l'incompétence du tribunal de céans pour connaître de la demande de son époux ; qu'à cette fin, la défenderesse précise que C. S. et elle-même sont de nationalité française et ont fixé leur domicile conjugal à Varanges où ils ont fait construire une maison individuelle aux fins d'y résider ;
Que C. M. évoque par ailleurs le caractère significatif du départ précipité de son époux qui a démissionné brusquement, sans préavis et a abandonné sa famille sans pour autant pouvoir l'accueillir en Principauté où l'établissement d'un nouveau domicile conjugal n'a jamais été sérieusement envisagé par son mari qui avait successivement résidé à l'hôtel, en studio meublé puis en collocation avec un camarade de travail ;
Qu'elle conclut, dès lors, à la recevabilité de son exception d'incompétence et au renvoi de C. S. à mieux diriger sa demande ;
Attendu que par d'ultimes conclusions en date du 13 avril 1983, C. S. prétend que son épouse n'a pas voulu le suivre à Monaco où il avait en fait demandé sa mutation pour cause d'incompatibilité d'humeur avec le Directeur de la succursale de Dijon ;
Que dès lors, la femme mariée n'ayant aux termes de l'article 80 du Code civil d'autre domicile que celui de son mari, le Tribunal de Monaco doit se déclarer compétent pour connaître du présent litige ;
Que C. S. reprend pour le surplus le bénéfice de son exploit introductif d'instance et conclut au prononcé du divorce aux torts et griefs exclusifs de son épouse ;
Sur quoi,
Attendu que la présente demande en divorce procède d'une action relative à l'état des personnes ;
Qu'en cette matière, la compétence du Tribunal de Première Instance de Monaco peut être déclinée en cas d'action relative à l'état d'un étranger conformément aux dispositions des articles 4 et 262 du Code de procédure civile ;
Que - pour satisfaire aux conditions prévues par ces textes - il appartient à la défenderesse de justifier de la nationalité qu'elle invoque, ainsi que de l'existence d'un domicile de droit et de fait en France devant les Juges duquel la demande pourrait être utilement portée ;
Attendu qu'en l'espèce, C. M. établit sa nationalité française par la production d'un certificat de nationalité ;
Que par ailleurs, la défenderesse apparaît au vu des pièces versées aux débats n'avoir jamais quitté avec son fils C. la maison individuelle que son mari et elle avaient fait construire quelques mois auparavant à Varanges dans la banlieue dijonnaise aux fins d'y établir leur domicile conjugal ;
Qu'en effet, il ressort d'un avis d'arrêt de travail en date du 4 mai 1982 et d'un jugement du Tribunal d'Instance de Dijon en date du 16 juin 1982 que l'adresse de C. M. était bien située [adresse], adresse à laquelle lui était également signifiée la présente assignation en divorce ;
Que dès lors, la défenderesse qui a justifié de la réalité de son domicile actuel à Varanges peut à bon droit décliner la compétence du Tribunal de Monaco, et ce, en dépit de l'installation de son mari sur le territoire de la Principauté, l'article 4 du Code de procédure civile dérogeant à cet égard aux prescriptions de l'article 2 du même code ;
Attendu, en conséquence, que la défenderesse de nationalité française justifiant avoir conservé en France un domicile de droit et de fait, il y a lieu - conformément aux dispositions des articles 4 et 262 du Code de procédure civile - pour le Tribunal de se déclarer incompétent pour connaître du présent litige ;
Que C. S. qui succombe doit supporter les dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Dit fondée l'exception soulevée par la défenderesse et se déclare incompétent pour connaître de la demande en divorce introduite par C. S. contre C. M. ;
Composition
MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; J.F. Londwerlin, vice-prés. ; V. Garrabos, subst. proc. gén. ; MMe Marquilly et Sbarrato, av. déf.
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