Abstract
Nom patronymique - divorce
Usage du nom du conjoint - Autorisation précaire et révocable (oui) - Interdiction de l'usage pour l'avenir (oui)
Résumé
Si, aux termes du dernier paragraphe de l'article 25 de l'Ordonnance Souveraine du 3 juillet 1907 sur le divorce et la séparation de corps, chacun des époux reprend par l'effet du divorce l'usage de son nom, il est loisible à l'époux d'autoriser son ex-femme à user de son nom patronymique, une telle autorisation dépourvue d'effet définitif quant à la transmission du nom et de nature précaire et révocable, peut être légitimement limitée dans le temps, au gré de la seule volonté du titulaire du nom.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu que S. B., née le 22 février 1945 à Genève (Suisse) a, le 3 septembre 1971 épousé dans cette localité H. N., né le 30 septembre 1948 à Monaco, dont elle a eu un enfant prénommé N., né le 3 août 1973 ;
Attendu que le 2 juillet 1981 a été prononcé par le Tribunal, le divorce de ces deux époux à leurs torts réciproques ;
Que le jugement ainsi rendu, devenu définitif, a confié à la mère la garde de l'enfant N. ;
Attendu qu'aux termes d'une autorisation écrite postérieure H. N. a jusqu'au 31 décembre 1982, autorisé son ex-épouse à porter accolé au patronyme de B. celui de N. ;
Attendu que par l'exploit susvisé, S. B. sollicite d'être, par le Tribunal, autorisée pour l'avenir à user ainsi du nom de son ex-mari ;
Qu'elle justifie cette demande par l'intérêt, qui s'y attache, pour l'enfant N. de porter le même nom qu'elle et pour elle de conserver dans l'exercice de sa profession d'architecte à Monaco le nom sous lequel sa clientèle la connaît, et dont elle a, en fait, usé jusqu'ici ;
Attendu qu'H. N. s'opposant à une telle prétention demande reconventionnellement au Tribunal d'interdire désormais à S. B. l'usage que celle-ci réclame du patronyme N., de la condamner à lui payer la somme de 1 000 francs pour chaque infraction à une telle interdiction qui serait constatée toutes les 48 heures, outre 60 000 francs en réparation du préjudice correspondant aux infractions antérieures au jugement à intervenir, d'ordonner aux frais de cette partie la publication, dans trois journaux, du dispositif dudit jugement, enfin de la condamnation à lui payer la somme de 10 000 francs au titre des frais, dits irrépétibles, qu'il aurait engagés à l'effet de la présente instance, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Sur quoi
Attendu qu'en tant, d'une part, que S. B. demande au Tribunal de consacrer le droit qu'elle prétend avoir, dans son intérêt et celui de son enfant, de continuer à porter accolé au sien, le nom de son ex-époux et que, d'autre part, celui-ci lui conteste un tel droit depuis l'expiration, le 31 décembre 1982, de l'autorisation qu'il lui avait antérieurement donnée à cet effet, le présent jugement s'avère, par la portée que les parties ont ainsi entendu conférer à la présente instance, non seulement attributif de droits, notamment en ce qu'il vaudra pour l'avenir, mais encore déclaratif de la validité de droits ayant pu être antérieurement exercés, en sorte que, pour apprécier le bien fondé des demandes dont il est saisi, le Tribunal se doit d'examiner les faits de la cause en les plaçant non seulement au moment de sa décision mais aussi à l'époque de l'introduction de la demande, et ce, à la lumière du droit positif alors applicable, étant à ce propos relevé qu'en vertu de l'article 2 du Code civil, la loi n° 1056 du 27 mai 1983, qui n'a pas d'effet rétroactif, ne peut valoir que pour l'avenir ;
Et ce sur,
Attendu qu'aux termes du dernier paragraphe de l'article 25 de l'Ordonnance Souveraine du 3 juillet 1907 sur le divorce et la séparation de corps, chacun des époux reprend par l'effet du divorce l'usage de son nom ;
Attendu que si, par dérogation à ce principe d'intérêt privé par essence supplétif de la volonté des parties, H. N. a pu, après son divorce, autoriser son ex femme à user du nom de N. qu'il porte, circonstance admise en jurisprudence, une telle autorisation dépourvue d'effet définitif quant à la transmission du nom et, partant, de nature précaire et révocable, pouvait légitimement voir son application limitée dans le temps, ainsi que cela a été le cas en l'espèce, au gré de la seule volonté du titulaire d'un tel nom, en sorte que, postérieurement à la date susvisée du 31 décembre 1982, S. B. qui a depuis lors usé ainsi qu'elle le reconnaît, du nom litigieux de N., l'a fait sans droit ;
Attendu cependant qu'H. N. n'a pas établi le préjudice qu'il allègue de ce chef ni même précisé en ses écritures judiciaires quelles pouvaient être ses consistance et importance ; que sa demande de 60 000 francs formée à cet égard doit dès lors être rejetée en ce qu'elle n'est pas justifiée ;
Attendu, par ailleurs, qu'en l'état de l'opposition manifestée par H. N., dans ses conclusions, à la demande principale formulée par S. B., celle-ci ne peut quant à l'usage qu'elle prétend faire du nom de N. qu'être déboutée de ses prétentions qui se heurtent désormais aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 1056 du 27 mai 1983 ;
Qu'il doit en revanche être fait droit sur la base de ce même texte à la demande reconventionnellement présentée par H. N. d'interdire à son ex épouse l'usage qu'elle pourrait faire indûment du nom de N. hors l'autorisation qu'elle invoque à ce propos mais qu'il ne lui a pas renouvelée et à l'absence de laquelle le Tribunal ne saurait suppléer ;
Qu'à l'effet de mettre un terme à un tel usage qu'il y a urgence à faire cesser en raison notamment des risques préjudiciables de confusion qu'il pourrait occasionner dans l'esprit de tiers, il convient de faire droit aux demandes d'exécution provisoire et d'astreinte formulées, sans qu'il y ait lieu, toutefois d'ordonner qu'il sera par ailleurs procédé aux mesures de publication sollicitées, dès lors que celles-ci ne sauraient constituer qu'un mode particulier de réparation d'un préjudice antérieur et qu'eu égard à ce qui précède, un tel préjudice n'a pas été établi ;
Attendu, enfin, que dans le dessein de passer outre à l'absence de renouvellement de l'autorisation susvisée, donnée jusqu'au 31 décembre 1982, S. B. a contraint son ex mari de procéder à la défense judiciaire de ses droits ; qu'à raison du préjudice certain qui en est résulté pour lui, aux plans tant moral que pécuniaire, H. N. apparaît dès lors fondé à réclamer, en réparation une indemnité devant être fixée à la somme de 4 000 francs compte tenu des éléments suffisants d'appréciation dont le Tribunal dispose à cet égard ;
Et attendu que S. B. qui succombe doit supporter les dépens de l'instance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Fait défense à S. B. de faire directement ou indirectement usage du nom patronymique de N. sous quelque forme et en quelque occasion que ce soit ;
Dit que faute de s'être conformée à cette interdiction dans le délai d'un mois courant à compter de la signification du présent jugement, S. B. sera passible d'une astreinte provisoire de 1 000 francs pour chaque infraction constatée par 48 heures et ce pendant un délai de deux mois passé lequel il serait à nouveau fait droit ;
Condamne S. B. à payer à H. N. la somme de 4 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Ordonne de ces chefs l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel ;
Déboute les parties du surplus des fins de leurs conclusions ;
Composition
MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; J.F. Londwerlin, vice-prés. ; V. Garrabos, subst. proc. gén. ; MMe Blot et Karczag-Mencarelli, av. déf.
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