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17/11/1983 | MONACO | N°25959

Monaco | Tribunal de première instance, 17 novembre 1983, Sté Dauphin Office Technique Affichage c/ R. R.


Abstract

Clause compromissoire

Exception d'incompétence. Rejet en l'absence d'un différend relevant de l'application de la clause.

Résumé

Selon l'article 940 alinéa 2 du Code de procédure civile, la mise en œuvre d'une clause compromissoire suppose à l'évidence que le litige invoqué procède de contestations ou de différends nés à l'occasion des relations contractuelles entre les parties ; en conséquence, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence soulevée sur la base d'une telle clause à défaut de toute contestation sérieuse sur l'exécuti

on de la convention liant les parties, ce qui les place hors du champ d'application de la cl...

Abstract

Clause compromissoire

Exception d'incompétence. Rejet en l'absence d'un différend relevant de l'application de la clause.

Résumé

Selon l'article 940 alinéa 2 du Code de procédure civile, la mise en œuvre d'une clause compromissoire suppose à l'évidence que le litige invoqué procède de contestations ou de différends nés à l'occasion des relations contractuelles entre les parties ; en conséquence, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence soulevée sur la base d'une telle clause à défaut de toute contestation sérieuse sur l'exécution de la convention liant les parties, ce qui les place hors du champ d'application de la clause compromissoire.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que l'exposé des faits et moyens des parties peut être ainsi résumé :

Il est constant qu'au cours des années 1980 et 1981, R. R., exerçant le commerce à Monaco sous l'enseigne P. a passé une série d'ordres d'affichage temporaire à la société anonyme de droit français dénommée Dauphin-Office Technique d'Affichage, ci-après société Dauphin, dans le dessein de se voir réserver, dans les conditions prévues aux documents contractuels divers emplacements publicitaires destinés à faciliter la commercialisation - qu'il assurait en sa qualité d'agent immobilier - d'un immeuble sis en Principauté ; le coût de cette campagne publicitaire a fait l'objet de factures qui n'ont pas été réglées par R., en dépit de l'acceptation d'une série de traites (21 au total émises au cours de l'année 1981 pour un montant de 208 798 francs) acceptées par lui pour assurer le paiement de partie des factures ; R. a été mis en demeure, en particulier le 22 septembre 1981, d'avoir à s'acquitter des sommes dues, arrêtées selon relevé de compte du 28 juillet 1981 qui lui a été notifié, à 312 286,00 francs ;

Saisi d'une demande en paiement de ce montant avec intérêts au taux légal, outre 30 000 francs de dommages-intérêts et en déclaration de cessation des paiements du débiteur défaillant par la société Dauphin à laquelle R. s'est opposé en invoquant in limine litis l'incompétence du Tribunal de Monaco au profit de la Chambre de Commerce Internationale désignée comme arbitre en cas de litige dans les bons de commande signés par les parties, le Tribunal de céans, après avoir affirmé que « l'examen du mérite de l'exception d'incompétence soulevée sur la base d'une clause compromissoire devant régir les litiges pouvant exister entre les parties à l'instance et qui seraient nés de l'exécution de leurs conventions suppose au préalable, en l'état notamment des effets acceptés ci-dessus mentionnés, que soit établie la portée précise du différend (les) séparant, dès lors... que le tireur (Dauphin) dispose contre l'accepteur (R.) d'une action directe résultant de la lettre de change et qu'en l'espèce, une telle action n'apparaît pas requérir pour son aboutissement qu'il soit fait recours à la clause d'arbitrage dont s'agit », a, par jugement du 25 mars 1983, sursis à statuer sur le mérite de l'exception d'incompétence soulevée et renvoyé la cause et les parties à une audience ultérieure pour qu'il soit par elles conclu au fond puis statue par le Tribunal sur le tout par un seul et même jugement, en réservant les dépens ;

Les parties ont alors échangé quatre jeux de conclusions qui permettent de formuler comme suit leurs positions respectives ;

La Société Dauphin maintient les termes de sa demande initiale, fondée en particulier sur les lettres de change acceptées et relève qu'il appartient à R., débiteur défaillant, de s'expliquer au fond sur les motifs de sa résistance, ce qu'il s'abstient de faire ; elle déduit de cette omission, qu'elle qualifie de manœuvre dilatoire, la reconnaissance implicite du bien fondé de sa demande ;

R. R. pour sa part, soumet cette alternative au Tribunal ;

* Il demande qu'il soit pris acte de ce que la société Dauphin a précisé dans ses écritures judiciaires que son action tend exclusivement à obtenir le paiement des 19 lettres de change (en réalité 21) et offre en conséquence d'en régler le montant de 194 686 francs (en réalité 208 798 francs) au moyen de dix règlements mensuels, ladite offre devant être déclarée entièrement satisfactoire et entraînant le rejet du surplus des demandes de la Société Dauphin ;

* Au cas où cette société ne limiterait pas à cette somme ses prétentions, il observe que la différence entre le montant des traites et la somme initialement réclamée de 312 286 francs ne pourrait être éventuellement due par lui qu'en vertu des bons de commande à valeur contractuelle qui soumettent le litige à un arbitrage ; il reprend en conséquence dans cette hypothèse l'exception d'incompétence précédemment soulevée ;

Il y a lieu d'observer que R. ne s'explique nullement, au fond, sur le différend qui l'opposerait à la société Dauphin et se borne à relever dans le dernier état de ses écritures, par une incidente dont le laconisme commande la transcription textuelle « que... (les documents contractuels) concernent d'ailleurs des marchés publicitaires qui n'ont pas été exécutés » ;

Sur quoi,

Attendu qu'aux termes de l'article 940 alinéa 2 du Code de procédure civile, il est loisible aux personnes contractant en matière commerciale de convenir, comme en l'espèce, de soumettre à un arbitrage toutes les contestations qui s'élèveraient entre elles ;

Qu'au vu de cet article, la mise en œuvre d'une clause compromissoire suppose à l'évidence, ainsi que l'a affirmé le Tribunal dans son jugement précité, qu'en l'espèce le litige invoqué procède précisément de contestations ou de différends nés à l'occasion des relations contractuelles entre les parties ;

Or, attendu qu'il est expressément admis par R. que les sommes ayant fait l'objet des lettres de changes émanant de la société Dauphin sont effectivement dues « par lui ; (cf. ses conclusions du 28 juin 1983) qu'il apparaît que ces sommes doivent être réglées en contrepartie des prestations assurées par cette société dans le cadre du marché publicitaire dont l'exécution ne fait l'objet d'aucune contestation par R., qui en dûment passé commande ;

Attendu par ailleurs qu'en ce qui concerne les autres sommes réclamées, R. s'est abstenu, en dépit des injonctions du Tribunal sur ce point, de s'expliquer sur les raisons de sa résistance à s'en acquitter alors qu'il avait tout loisir de le faire au cours des longs échanges d'écritures judiciaires entre les parties ; que le Tribunal déduit de ce silence, troublé par la seule et tardive allusion à une inexécution des marchés publicitaires au demeurant injustifiée par les pièces produites et qui ne saurait revêtir la moindre portée, que le défendeur n'a pas de moyen sérieux à opposer aux demandes dirigées de ce chef à son encontre qu'il ne conteste pas au fond bien qu'invité, le cas échéant, à le faire ;

Attendu en conséquence que le défaut ainsi mis en relief de toute contestation sérieuse sur l'exécution par la société Dauphin des conventions liant les parties a pour effet de les placer hors du champ d'application de la clause compromissoire ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par R. sur la base d'une telle clause inapplicable au cas d'espèce bien que valablement convenue entre les parties, le Tribunal retenant au contraire sa compétence en vertu des règles du Code de procédure civile qui ont pour effet de placer R., de nationalité monégasque, sous la juridiction de ses juges naturels ;

Attendu au fond que si R. a admis devoir le montant des traites qu'il a acceptées, il doit être également observé qu'il a reconnu la validité des bons de commande qui constituent la base contractuelle de la demande de la société Dauphin (cf. ses conclusions du 1er février 1983) ; qu'au vu de ces documents et des factures produites, la société Dauphin apparaît fondée par application des dispositions du Code de commerce à demander le paiement de la somme de 312 286 francs telle qu'arrêtée par le relevé du 28 juillet 1981 dont il a reçu notification sans élever de discussion ; que les intérêts au taux légal sur ce montant doivent courir à compter du 22 septembre 1981, date d'envoi d'un courrier R.A.R. valant mise en demeure de s'en acquitter ;

Attendu, sur la demande de dommages-intérêts complémentaires, qu'il s'évince des circonstances de la cause que R., qui a contraint par sa résistance tout aussi fautive qu'injustifiée la société Dauphin à engager la présente procédure pour recouvrer d'importantes sommes incontestablement dues a occasionné à la demanderesse un préjudice distinct de celui qui vient d'être réparé par l'allocation des intérêts de retard et qui doit être évalué, compte tenu des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose, à la somme de 10 000 francs au paiement de laquelle R. doit en outre être condamné ;

Attendu que l'attitude procédurale adoptée par ce défendeur, qui a témérairement tenté d'éviter qu'une solution au fond n'intervienne dans la présente instance en persistant, après jugement du Tribunal, à faire porter sa discussion sur l'exception et a, de ce fait, bénéficié en pratique de délais importants pour apurer sa dette sans pour autant régler le moindre acompte à la société Dauphin, interdit d'imposer à cette société de recevoir un paiement fractionné tel que R. le sollicite ;

Attendu qu'au vu des éléments en la possession du Tribunal et en l'état des affirmations du défendeur, qui expose, sans être contredit sur ce point avoir repris une activité commerciale » normale « après quelques » difficultés de trésorerie " et être totalement apte à assurer rapidement le reliquat de son passif en voie d'extinction, il n'apparaît pas que sa situation financière soit définitivement et irrémédiablement compromise, en sorte qu'il n'y a pas lieu de constater son état de cessation des paiements ;

Attendu que le défendeur qui succombe doit supporter les dépens du présent jugement outre ceux afférents à la décision du 25 mars 1983 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant après jugement contradictoire du 25 mars 1983 ;

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur ;

Se déclarant compétent pour connaître de la présente action ;

Condamne R. R., exerçant le commerce à l'enseigne P. à payer à la société Dauphin-Office Technique d'Assistance la somme de 312 286 francs avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 1981, outre celle de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu de constater la cessation des paiements de ce débiteur ;

Déboute R. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Composition

MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; J.F. Landwerlin, vice prés. ; V. Garrabos, subst. proc. gén. ; MMe Clerissi et Sanita av. déf.

Note

Voir aussi le jugement du Tribunal de première instance en date du 25 mars 1983.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25959
Date de la décision : 17/11/1983

Analyses

Contrat - Général ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : Sté Dauphin Office Technique Affichage
Défendeurs : R. R.

Références :

Code de commerce
25 mars 1983
article 940 alinéa 2 du Code de procédure civile
Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1983-11-17;25959 ?

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