Abstract
Vente d'immeuble
Droit de préemption du locataire en cas de cession d'un immeuble à titre onéreux article 40 de l'ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 - Admission subordonnée à une location portant sur l'ensemble des biens cédés
Résumé
Le droit de préemption sur l'immeuble ou le local loué au cas de cession à titre onéreux prévu à l'article 40 de l'ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ne peut être exercé que lorsque la location porte sur l'ensemble des biens cédés.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu qu'il est constant que B. L., propriétaire d'un immeuble dont la vente était par lui envisagée, a fait connaître dans les formes légales, conformément aux prescriptions de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959, le 11 août 1983 aux locataires et occupants de cet immeuble pour l'exercice éventuel de leur droit de préemption les conditions auxquelles la vente était prévue (soit pour le prix de 3 500 000 francs dont 1 500 000 francs devaient être payés comptant et le solde de 2 000 000 francs converti en une rente viagère et annuelle à son bénéfice de 120 000 francs indexée, L. conservant en outre ainsi que sa belle-sœur la jouissance des appartements qu'ils occupent respectivement dans l'immeuble proposé à la vente) ;
Que le 19 août suivant les locataires de l'immeuble, demandeurs à la présente instance ont signifié à L. et au notaire en l'étude duquel la vente devait être passée, leur intention d'exercer le droit de préemption aux conditions envisagées ;
Que par jugement en date du 2 novembre 1983, B. L. a été, à la requête du Ministère Public, pourvu d'un administrateur judiciaire par application de l'article 410-19° en la personne d'A. M. ;
Attendu que par l'exploit susvisé, les demandeurs unis d'intérêt ont fait assigner B. L. et A. M. es qualités pour que ce dernier soit autorisé à passer, aux lieu et place du majeur protégé, l'acte de vente concernant l'immeuble, suite à l'exercice de leur droit de préemption ;
Attendu que L. et M. ont, en réponse, déposé des conclusions dont le dispositif est ci-après rapporté :
« Donner acte au sieur M., es qualités d'administrateur judiciaire du sieur L., qu'en vertu de ses interrogations sur :
1° la capacité intellectuelle du sieur L. de contracter valablement le 1er août 1983 la cession de ses biens immobiliers,
2° la valeur réelle des biens dont la cession était envisagée,
3° l'applicabilité ou non au cas d'espèce du droit de préemption dont l'exercice est revendiqué par les demandeurs ;
L'opportunité ou non d'une mesure expertale préalablement à toute décision sur les biens dont la cession est exigée ;
Il s'en rapporte à la sagesse du Tribunal civil de première instance sur le bien fondé ou non des demandes formulées par les locataires du sieur L. » ;
Sur quoi,
Attendu que l'interprétation restrictive par le Tribunal, récemment confirmée par la Cour d'appel (arrêt du 31 mai 1983) de l'article 40 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 accordant au locataire ou à l'occupant un droit de préemption sur l'immeuble ou le local loué au cas de cession à titre onéreux conduit à n'admettre l'exercice d'un tel droit que lorsque la location porte sur l'ensemble des biens cédés ;
Or attendu qu'il ressort des éléments du dossier que seuls 8 appartements sur les 11 que compte l'immeuble appartenant à L. sont loués et occupés à ce titre par les demandeurs ; qu'en effet, outre un magasin qui apparaît libre de tout occupant, les locaux occupés par B. L. et sa belle sœur Madame Veuve V. L., auxquels s'ajoute un appartement libre de tout occupant, n'ont pas fait l'objet d'une location au profit des demandeurs ou de l'un d'entre eux ;
Attendu en conséquence, étant observé que la formule par laquelle une partie déclare - comme le font en l'espèce les défendeurs - s'en rapporter à justice équivaut à la contestation de la demande, qu'il ne saurait être reconnu aux demandeurs le droit de préemption qu'ils invoquent et qui ne peut être détourné de sa finalité consistant à ne permettre à un locataire de se porter acquéreur que de l'intégralité du bien qu'il occupe et non point d'acquérir un bien qu'il n'occupe pas en totalité ;
Qu'il s'en suit que l'autorisation sollicitée n'a pas lieu d'être ordonnée et que les demandeurs doivent être déboutés de leurs demandes ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Dit et juge que l'article 40 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 est inapplicable à l'espèce ;
Déclare en conséquence de nul effet la notification « d'exercice du droit de préemption » formée suivant exploit de Maître Escaut-Marquet, huissier, en date du 19 août 1983 ;
Déboute les demandeurs des fins de leur exploit introductif d'instance ;
Composition
MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; J.F. Landwerlin, vice-prés. ; D. Serdet, subst. proc. gén. ; MMe Lorenzi et Marquilly, av. déf.
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