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27/07/1984 | MONACO | N°25993

Monaco | Tribunal de première instance, 27 juillet 1984, Cie Aetna Casualty and Surety c/ Cie Loews Hôtel.


Abstract

Responsabilité contractuelle

Dépôt Hôtelier - Articles 1792 et 1793 du Code civil - Vol de bijoux commis dans une chambre - Manquement à l'obligation générale de surveillance de l'hôtelier (non) - Négligence grave des clients (oui) - Exonération totale de la responsabilité contractuelle de l'hôtelier

Résumé

Les articles 1792 et 1793 du Code civil sont applicables aux clients d'un hôtel à l'occasion de vols commis dans leurs chambres à leur préjudice, le fait que les locaux de l'hôtel proprement dit dépendent d'un complexe comportant en p

articulier des salles de jeux ouverts au public n'étant pas de nature à permettre d'écarter...

Abstract

Responsabilité contractuelle

Dépôt Hôtelier - Articles 1792 et 1793 du Code civil - Vol de bijoux commis dans une chambre - Manquement à l'obligation générale de surveillance de l'hôtelier (non) - Négligence grave des clients (oui) - Exonération totale de la responsabilité contractuelle de l'hôtelier

Résumé

Les articles 1792 et 1793 du Code civil sont applicables aux clients d'un hôtel à l'occasion de vols commis dans leurs chambres à leur préjudice, le fait que les locaux de l'hôtel proprement dit dépendent d'un complexe comportant en particulier des salles de jeux ouverts au public n'étant pas de nature à permettre d'écarter les règles régissant le contrat hôtelier.

L'imprudence et la négligence des clients ayant abandonné dans leurs chambres des bijoux nombreux et de très grande valeur, sans au surplus tenir compte des avis ostensiblement affichés recommandant de les déposer dans le service des coffres de l'hôtel, sont d'une gravité telle qu'elle exonère totalement l'hôtelier de toute responsabilité.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par l'exploit susvisé la Compagnie d'Assurances Aetna Casualty and Surety, ci-après Aetna, dont le siège social est à New-York (U.S.A.), agissant comme subrogée dans les droits des époux B., qu'elle garantit en vertu d'un contrat d'assurance contre le vol et auxquels elle déclare avoir versé une somme de 98 687 U.S. dollars à la suite d'un vol de bijoux et de numéraire commis au préjudice desdits époux le 16 juillet 1978 dans les chambres qu'ils occupaient dans l'Hôtel Loews où ils étaient descendus, a assigné la Société Loews Hotel pour s'entendre condamner à lui payer l'équivalent en francs français au cours du change de la somme susvisée avec intérêts au taux légal à dater de l'assignation ;

Attendu que par jugement du 14 octobre 1982 le Tribunal a arbitré à 5 000 francs le montant de la caution judicatum solvi qui avait été requise par la Société Loews et renvoyé cette société à conclure au fond ; que la Société Aetna a constitué la caution prescrite ;

Attendu que la Société Loews, qui ne conteste pas la qualité pour agir de la Société Aetna mais relève qu'elle est en droit de lui opposer les moyens de défense au fond qu'elle aurait pu invoquer à l'égard des époux B., s'oppose à la demande par conclusions des 16 mars et 4 octobre 1983 ;

Que faisant valoir que la demanderesse n'établit aucune faute à sa charge et n'est en mesure de formuler contre elle qu'un grief de défaut de surveillance, d'ordre général, au demeurant injustifié, puisque un personnel nombreux est affecté à l'exploitation de l'hôtel, qu'elle a même recours aux services d'une société spécialisée dans la surveillance, et qu'il est au surplus impossible d'exercer un contrôle absolu dans un établissement de cette importance, elle relève que les époux B. ont commis une imprudence caractérisée et une faute certaine en abandonnant dans leurs chambres des bijoux d'une valeur aussi élevée alors que la plus élémentaire prudence commandait de les déposer dans le service des coffres de l'hôtel ainsi que le signalent des affichettes rédigées en langue anglaise et apposées dans toutes les chambres ;

Que se fondant sur les dispositions de l'article 1793 du Code civil et une jurisprudence bien établie elle conclut en conséquence que cette négligence grave doit conduire au débouté de la demanderesse en soutenant, à titre subsidiaire, que sa responsabilité devrait, en tout état de cause, être limitée aux sommes prévues par l'article 1792 alinéa 2 du même code ;

Attendu que la demanderesse estime pour sa part que l'ensemble du Loews Hotel ne peut être considéré comme un établissement hôtelier ordinaire auquel les articles 1792 et 1793 du Code civil seraient applicables ; qu'il s'agit en effet d'un ensemble d'activités de toutes natures contenant outre 636 chambres, 4 restaurants, plusieurs bars et night clubs, 1 salle de jeux importante, 1 galerie marchande... très largement ouvert au public et offrant une grande facilité d'accès aux chambres d'hôtel par diverses voies, dont la défenderesse reconnaît elle-même qu'elle ne peut assurer de façon constante le contrôle ;

Que considérant que le défaut de surveillance et de sécurité est établi par les circonstances du vol qui a été commis par effraction de la porte d'une chambre comportant des moyens de fermeture et de sécurité solides, ce qui implique un certain temps et une manifestation de bruit et de présence insolites, sans que le personnel soit intervenu, elle soutient que la responsabilité de la Société Loews est illimitée et sollicite l'adjudication de sa demande ;

Sur ce :

Attendu qu'il est constant que C. B., Président-Directeur-Général de la Société Gulf Western Indust., domicilié à New-York, et son épouse, sont descendus à l'Hôtel Loews où les chambres 1024 et 1026 leur ont été attribuées le 15 juillet 1978 ;

Attendu que les articles 1792 et 1793 du Code civil leur sont dès lors applicables, et par voie de conséquence à la Société Aetna subrogée dans leurs droits et actions, le fait que les locaux de l'Hôtel Loews proprement dit dépendent d'un complexe comportant en particulier des salles de jeux ouverts au public n'étant pas de nature à permettre d'écarter les règles régissant le contrat hôtelier qui s'est constitué en l'espèce ;

Attendu qu'il résulte de deux attestations des services de la Sûreté Publique de Monaco en date du 16 juillet 1978 - seuls documents produits en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés - que les époux B. ont quitté leurs chambres le 16 juillet 1978 vers 8 heures 30 et que vers 22 heures 30, de retour à l'hôtel, C. B. « a constaté que la porte 1026 (serrure) avait été forcée et que les chambres avaient été fouillées par un ou des malfaiteurs » et signalé notamment la disparition de passeports, de cartes de crédit, de nombreux bijoux dont une partie était décrite, ainsi que de 1 000 dollars U.S. en travellers chèques, 300 livres sterling et 500 francs suisses ;

Attendu que le fait que la serrure de la porte 1026 ait été forcée, sans autre précision sur le modus operandi, est insuffisant pour démontrer que la Société Loews a commis un manquement à ses obligations contractuelles générales de surveillance et établir à sa charge une faute particulière, en relation directe avec le dommage, qui serait de nature à engager sa responsabilité au-delà des limites prévues par l'article 1792 alinéa 2 du Code civil et dans les termes du droit commun ;

Attendu par contre que le comportement des époux B., qui ont abandonné dans leurs chambres des bijoux nombreux et de très grande valeur ainsi que le révélait l'inventaire qu'ils en ont fourni, ainsi que des espèces, lesquels nécessitaient, à l'évidence, des mesures particulières de protection et une grande vigilance, et ce pratiquement durant toute la journée du 16 juillet 1978 sans au surplus tenir compte des avis ostensiblement affichés, ont commis une négligence et une imprudence d'une gravité telle que leur faute doit en l'espèce exonérer totalement l'hôtelier de toute responsabilité dans les termes de l'article 1793 du Code civil ;

Que la Société Aetna doit en conséquence être déboutée de l'action introduite en vue d'obtenir le remboursement des sommes correspondant à la valeur desdits bijoux et espèces, dont elle a indemnisé ses assurés ; que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Déboute la Société Aetna Casualty and Surety de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition

MM. J.-Ph. Huertas, prés. ; G. Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Clerissi, Boisson et Sagot, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25993
Date de la décision : 27/07/1984

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle ; Hôtel, café, restaurant


Parties
Demandeurs : Cie Aetna Casualty and Surety
Défendeurs : Cie Loews Hôtel.

Références :

article 1792 alinéa 2 du Code civil
article 1793 du Code civil
Articles 1792 et 1793 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1984-07-27;25993 ?

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