Abstract
Procédure civile - Compétence des juridictions monégasques
Action fondée sur une obligation née en France. - Exception d'incompétence rejetée. - Principe de compétence posé par l'article 2 Code de procédure civile applicable. - Domicile à Monaco des défendeurs.
Résumé
La compétence territoriale des juridictions monégasques est régie par la loi du for et en particulier par l'article 2 du Code de procédure civile en vertu duquel ces juridictions connaissent de toute action intentée contre un défendeur domicilié en Principauté de Monaco, et ce, même en cas de pluralité de défendeurs si l'un d'entre eux demeure à Monaco ; il ne peut en effet être dérogé à cette compétence de principe que dans le cas prévu à l'article 4 du Code de procédure civile relatif à l'état des étrangers, nullement dans l'hypothèse d'une action fondée sur une obligation née à l'étranger.
Motifs
Le Tribunal,
Attendu que par exploit en date du 29 septembre 1983 la dame M. F. veuve P., agissant tant en propre qu'en sa qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs a assigné le sieur C. M. E., la Caisse de compensation des services sociaux, ci-après C.C.S.S., et la Compagnie d'Assurances U.A.P.-Urbaine aux fins de s'entendre dire et juger, en application de l'article 1231 du Code civil, le sieur C. E. entièrement responsable de l'accident mortel de trajet dont a été victime son époux M. P. le 15 novembre 1982 alors qu'il circulait sur le territoire de la commune de Cap d'Ail au volant de son véhicule automobile et qu'un rocher provenant d'un terrain appartenant au sieur E. l'avait violemment percuté et s'entendre en conséquence celui-ci condamner à réparer les conséquences pécuniaires de cet accident mortel ;
Que par conclusions du 1er décembre 1983 sont intervenus à cette instance J.-B. P. et J. H. son épouse, père et mère de M. P. ;
Attendu que la Compagnie U.A.P. agissant en qualité d'assureur-loi de l'employeur de la victime la société anonyme monégasque « Single Buoys Moorings » a, par exploit du 29 décembre 1983 assigné C. M. E. et M. M. aux fins de s'entendre ces derniers déclarés entièrement responsables de l'accident mortel de trajet dont a été victime le sieur P. et condamnés « in solidum » conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 à lui rembourser par priorité la somme de 2 333 458,80 francs représentant le montant des frais médicaux d'hospitalisation et funéraires et les arrérages des rentes viagères que cette compagnie a réglés à la dame veuve P. et aux deux enfants mineurs du défunt ;
Attendu qu'en réponse aux deux assignations précitées, C. M. E. a, par conclusions des 30 novembre 1983 et 11 septembre 1984, soulevé l'incompétence du Tribunal de Monaco en invoquant le fait que M. P. a été mortellement blessé sur le territoire français à la suite du détachement d'un rocher situé sur un terrain en amont de la route nationale et que, dès lors, s'agissant d'une action basée sur la responsabilité du fait des choses, la compétence doit être liée au lieu de l'accident ;
Attendu que par conclusions en réponse en date respectivement des 1er mars 1984 pour la dame veuve P. et 21 septembre 1984 pour la Compagnie U.A.P., les demandeurs entendent s'opposer à cette exception d'incompétence en faisant valoir que le sieur E. étant domicilié en Principauté de Monaco, les juridictions monégasques doivent être déclarées territorialement compétentes pour connaître de l'action intentée à son encontre tant par la dame Veuve P. que par la Compagnie U.A.P. ;
Attendu, en outre que suivant exploit du 9 février 1984, le sieur M. a assigné en garantie sa compagnie d'assurances « Le Continent » et sollicité la jonction de cette instance à celle intentée le 29 décembre 1983 par la compagnie U.A.P. à son encontre ;
Qu'enfin la compagnie U.A.P. a, par conclusions, du 10 janvier 1984, sollicité la jonction de l'instance introduite par elle le 29 décembre 1983 avec celle introduite le 29 septembre 1983 par la dame veuve P. afin qu'il soit statué sur chacune de celles-ci par un seul et même jugement ;
Sur ce,
Attendu que les instances ci-dessus rappelées tendent toutes à voir établir quelles sont les parties qui peuvent être tenues pour responsables de l'accident survenu le 15 novembre 1982 et ont dès lors le même objet ; qu'en conséquence, compte tenu du lieu de connexité certain qui existe entre elles, il y a lieu d'ordonner leur jonction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice afin qu'il soit d'ores et déjà statué par un seul et même jugement sur la compétence du tribunal pour connaître de ces actions ;
Attendu que la compétence du Tribunal de céans a bien été déclinée par le défendeur C. E. conformément aux dispositions de l'article 262 du Code de procédure civile et qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme ladite exception ;
Attendu qu'au fond la compétence territoriale des juridictions monégasques est régie par la loi du for et en particulier par l'article 2 du Code de procédure civile qui prévoit que ces juridictions connaissent de toute action intentée contre un défendeur domicilié dans la Principauté et ce, même en cas de pluralité de défendeurs si l'un d'eux est domicilié à Monaco ;
Attendu qu'il ne saurait être dérogé à cette compétence de principe que dans le cas prévu à l'article 4 du Code de procédure civile à l'état des étrangers ;
Attendu en effet que les dispositions de l'article 3 du Code de procédure civile dont fait état le défendeur ne sauraient justifier l'exception d'incompétence soulevée au seul motif de ce que l'action intentée est fondée sur une obligation née en France ; qu'en fait, l'article 3 précité du Code de procédure civile permet - par dérogation au principe fondamental de compétence territoriale posé par l'article 2 - d'étendre la compétence des juridictions monégasques à d'autres cas limitativement prévus, dont les actions fondées sur des obligations, et ce, quel que soit le domicile du défendeur ;
Attendu toutefois qu'en l'espèce il n'est pas contesté que le défendeur C. M. E., demandeur à l'exception, se trouve bien domicilié en Principauté de Monaco ;
Qu'en conséquence, le lieu de survenance du fait générateur de l'obligation ne doit nullement permettre de déroger au principe de compétence posé par l'article 2 du Code de procédure civile dès lors que l'un des défendeurs demeure en Principauté ;
Qu'il y a donc lieu de dire C. M. E. mal fondé en son exception d'incompétence, de l'en débouter et de se déclarer territorialement compétent pour connaître de ces actions tout en renvoyant le sieur E. à conclure sur le fond de l'affaire à l'audience du 8 novembre 1984 ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Joint les instances nos du rôle : 81/83 (assignation du 29 septembre 1983) 247/84 (assignation du 29 décembre 1983) et 336/84 (assignation du 9 février 1984) ;
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par C. M. E. et renvoie celui-ci à conclure sur le fond même de l'affaire à l'audience du 8 novembre 1984 ;
Composition
MM. Huertas, prés. ; Truchl, prem. subst. proc. gén. ; MMe Karczag-Mencarelli, Boisson, Sanita, Cerissi, av. déf.
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