Abstract
Exequatur
Jugement français de divorce par consentement mutuel, applicable en Principauté par suite de l'effet atténué de l'Ordre Public.
Résumé
L'article 18 de la Convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté rendue applicable à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, permet à la juridiction saisie d'une demande d'exequatur d'un jugement français, de déclarer ledit jugement exécutoire en Principauté, après vérification d'abord eu égard à la loi française, de l'authenticité de ce jugement, de la compétence de la juridiction dont il émane, de la régularité des citations délivrées aux parties ainsi que de la réalité de sa force de chose jugée, ensuite, au regard du droit monégasque, de l'absence de contrariété de l'ordre public des dispositions qu'il comporte.
La conception monégasque de l'Ordre public international ne s'oppose pas, en considération de l'effet atténué de celui-ci à ce qu'un jugement de divorce par consentement mutuel, bien que ne pouvant pas être prononcé à Monaco, y produise effet.
Motifs
Le Tribunal,
Attendu que par l'exploit susvisé J. T. a fait assigner A. L. dont elle est divorcée en vertu d'un jugement rendu le 19 décembre 1980 sous le numéro 2482/79 par le juge aux affaires matrimoniales du Tribunal de grande instance de Saint-Étienne (France), à l'effet d'obtenir à Monaco l'exequatur dudit jugement qui a homologué une convention définitive en date du 13 octobre 1980 par laquelle les époux susnommés ont entendu régler les conséquences de leur divorce en exécution des articles 230 et suivants du Code civil français relatifs au divorce par consentement mutuel sur demande conjointe des époux ;
Attendu qu'A. L., qui demeure à Saint-Étienne, a personnellement reçu copie de l'exploit d'assignation sur le lieu de son travail situé dans l'immeuble « P. P. » [adresse] ;
Qu'ainsi régulièrement assigné conformément aux articles 148 (1er alinéa) et 159 du Code de procédure civile - et alors que le Tribunal se trouve présentement compétent par application de l'article 3, 10° dudit Code ce défendeur n'a pas, cependant, comparu à l'audience fixée par l'assignation ;
Attendu qu'il sera en conséquence statué à son égard par défaut faute de comparaître en vertu de l'article 210 de ce même Code ;
Sur quoi,
Attendu qu'il ressort des termes de l'assignation dont le Tribunal se trouve présentement saisi, que la demanderesse entend faire exécuter à Monaco le jugement de divorce précité, en ce que, du fait de l'homologation de la convention définitive précitée, il a condamné A. L. au paiement d'une pension alimentaire mensuelle de 1 200 francs pour les deux enfants dont elle a la garde et à celui de 23 mensualités de 1 000 francs représentant avec ses intérêts, le montant de la part qu'elle détenait d'un fonds artisanal dont elle a convenu de laisser l'exploitation à son mari ; que ces circonstances établissent de la part de J. T. un intérêt suffisant pour agir ;
Et sur ce,
Attendu, au fond, que l'article 18 de la Convention relative à l'Aide Mutuelle Judiciaire entre la France et la Principauté rendue applicable à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, permet au tribunal, saisi d'une demande d'exequatur d'un jugement français, de déclarer ledit jugement exécutoire dans la Principauté après avoir seulement vérifié, d'abord au regard de la loi française, l'authenticité de ce jugement, la compétence de la juridiction dont il émane, la régularité des citations délivrées aux parties ainsi que la réalité de sa force de chose jugée, ensuite, au regard du droit monégasque, l'absence de contrariété à l'ordre public des dispositions qu'il comporte ;
Attendu qu'en l'espèce, une copie du jugement soumis à exequatur, revêtue de la formule exécutoire française et dûment enregistrée à Monaco conformément à l'article 21 de la loi n° 233 du 27 juillet 1936, a été versée aux débats ; qu'elle présente tous caractères propres à justifier de son authenticité ; que ledit jugement a été rendu par une juridiction compétente selon les dispositions de l'article 247 du Code civil français tel que modifié par la loi française n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce ; que, par ailleurs, la procédure mise en œuvre pour permettre la comparution des époux à l'instance apparaît avoir été régulièrement conduite au regard des articles 20 et suivants du décret français n° 75-1124 du 5 décembre 1975 dont les dispositions se trouvent présentement insérées dans les articles 1088 et suivants du nouveau Code français de procédure civile, en vertu du décret français n° 81-509 du 12 mai 1981 ; qu'en outre le jugement dont s'agit est passé en force de chose jugée puisqu'il ne pouvait être frappé d'appel en vertu de l'article 34 du décret précité n° 75-1124, et qu'il n'apparaît pas avoir fait l'objet d'un pourvoi en cassation ainsi que cela résulte d'un certificat de non pourvoi délivré le 29 octobre 1984 par le greffe de la Cour de cassation française ;
Attendu qu'en conséquence, ledit jugement satisfait, pour être déclaré exécutoire dans la Principauté, aux conditions prescrites par la convention franco-monégasque, ci-dessus mentionnée, devant être appréciées selon la loi française ;
Attendu toutefois qu'il a été rendu, en vertu des articles 230 et suivants du Code civil français, tels qu'ils résultent de la loi susvisée n° 75-617, consécutivement à une demande conjointe des époux A. L. et J. T. dont il a prononcé le divorce sur la base de leur consentement mutuel qu'un tel cas de divorce n'est pas prévu par les lois de la Principauté ;
Mais attendu que la conception monégasque de l'ordre public international ne s'oppose pas, en considération de l'effet atténué de celui-ci, en l'espèce, à ce que ce jugement produise effet à Monaco - sans qu'il y ait lieu, à cet égard, de s'attacher à la circonstance de droit que le divorce qu'il prononce n'aurait pas pu intervenir dans la Principauté sur le fondement qu'il a retenu - dès lors que ledit jugement, ainsi qu'il a été dit, apparaît avoir été régulièrement rendu à l'étranger et que l'exercice à Monaco par les anciens époux susnommés des droits qui en résultent ne heurte nullement l'ordre public monégasque ;
Qu'en définitive le jugement précité du juge aux affaires matrimoniales du Tribunal de grande instance de Saint-Étienne ayant prononcé le divorce des époux A. L. - J. T. doit être déclaré exécutoire à Monaco ;
Attendu, enfin, que les dépens de la présente instance doivent être laissés à la charge d'A. L. défendeur défaillant qui succombe ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant par défaut faute de comparaître à l'égard d'A. L. ;
Reçoit J. T. en sa demande d'exequatur du jugement, portant le numéro 2482/79, rendu le 19 décembre 1980 par le Juge aux affaires matrimoniales du Tribunal de grande instance de Saint-Étienne (France) qui a prononcé le divorce des époux A. L. et J. T. et homologué leur convention définitive en date du 13 octobre 1980 ;
L'y disant fondée, déclare ledit jugement exécutoire dans la Principauté en sa forme et teneur ;
Composition
MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; Me Sbarrato, av. déf.
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