Abstract
Contrat de travail
Effets d'un contrat de travail conclu en France, régi par une convention collective monégasque (convention collective monégasque du travail du personnel des banques).
Résumé
La convention collective monégasque se trouve applicable à un contrat de travail conclu en France mais exécuté à Monaco alors que cette convention est plus protectrice que la convention française, non invoquée pas plus que la législation française et ce en vertu des articles 9 et 10 de la loi n° 416 du 7 juin 1945,
Indépendamment du fait qu'il n'a pas été justifié de ce que cette même convention collective ait, dans les termes de l'article 22 de ladite loi, fait l'objet d'un arrêté d'extension lui conférant à Monaco une valeur normative obligatoire aux plans professionnel et territorial.
Motifs
Le Tribunal,
Considérant les faits suivants,
La société anonyme libanaise dénommée Banque Libano Française, ayant son siège social à Beyrouth (Liban) a détaché, le 1er juillet 1976, auprès de sa filiale à Paris, la société anonyme française dénommée Banque Libano Française (France), S. N. qu'elle employait en qualité de salarié et qui était jusqu'alors domicilié à . (Liban) ;
Selon les termes d'une attestation qu'elle lui a délivrée, datée du 30 septembre 1977, S. N. a été chargé jusqu'au 28 février 1977 d'une mission d'organisation au sein de ladite filiale, et a quitté le 1er mars 1977 la société mère, pour être embauché à cette date par la Banque Libano Française (France) ;
Pour la régularité administrative de cet embauchage un contrat de travail écrit, établi sur un imprimé portant l'en-tête du Ministère Français du Travail, de l'Emploi et de la Population, et visé par l'Office National Français d'Immigration, a été établi sous la date du 12 avril 1977, signé de S. N. et d'un administrateur de la Banque Libano Française (France) ;
Ce contrat comporte pour toute référence à la loi française la mention imprimée de l'article 64 du livre II du Code du travail français, réglementant diverses conditions d'emploi des étrangers en France, ainsi que celle de l'article 64 C du même livre concernant la « redevance forfaitaire d'introduction » devant être versée à l'Office National Français d'Immigration ;
Il est relatif, ainsi qu'il est constant, à un engagement à durée indéterminée ;
Exécutant le contrat de travail ainsi conclu, S. N. a, successivement, occupé au siège social de la Banque Libano Française (France) située à Paris, un emploi de contrôleur, du 1er mars 1977 au mois de juin 1979, ce dans les classes VI et VII, puis celui de chef du service « déposants et transferts » jusqu'à la fin du mois de juillet 1980, toujours dans la classe-VII dans laquelle il a obtenu, à compter du 1er janvier 1980, le grade de fondé de pouvoir ;
Au début de son engagement par la Banque Libano Française (France) il a habité au . à Paris, puis par la suite toujours à Paris, au . ;
Le 29 mai 1980, le comité de direction de la Banque Libano Française (France) examinant diverses questions de personnel a envisagé la perspective de procéder au siège social, au remplacement de S. N. dont il fut décidé, lors d'une réunion ultérieure de ce même comité, tenue le 1er juin 1980, que l'affectation serait désormais la direction de l'Agence de Monaco ;
Le 4 juillet 1980, la Banque Libano Française (France) était, en effet, autorisée à ouvrir une agence au . à Monte-Carlo pour une durée de cinq années ;
Par suite de l'ouverture de cet établissement à Monaco, que la Banque Libano Française (France) a considéré dans ses documents internes et publicitaires comme une succursale, et qui s'ajoutait, localement, à une agence créée à Nice l'année précédente, l'organisation de l'implantation régionale de ladite banque s'est trouvée placée sous l'autorité d'un « directeur régional Midi-Méditerranée », dont le secrétariat était situé à Monaco, ., sous les ordres duquel ont été placés le directeur de la succursale de Monaco et, à Nice, le sous-directeur d'Agence ;
S. N. a été employé à Monaco par la Banque Libano Française (France) en qualité de directeur de succursale à compter du 1er août 1980 ;
Auparavant et à cet effet la Banque Libano Française (France) avait établi sous la date du 21 juillet 1980 une « demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail » visant pour S. N. dans la classe VII un emploi de directeur de succursale à compter du 1er août 1980 en contrepartie d'un salaire mensuel spécifié correspondant à 40 heures de travail hebdomadaire et s'ajoutant à l'allocation d'avantages en nature au titre du logement ;
Cette demande, libellée sur l'imprimé réglementaire, a été signée par S. N., ainsi que par le directeur régional de la Banque Libano Française (France), et s'est trouvée, ensuite, complétée par une nouvelle demande en date du 26 novembre 1980, destinée à faire apparaître le nouveau domicile de S. N. situé désormais au . à Monaco ;
Les conditions de fonctionnement de la succursale à Monaco de la Banque Libano Française (France) n'ont pas fait l'objet de critiques de la part du siège de cette banque, présentement formulées à l'encontre de S. N. ;
En revanche, S. N., à l'occasion du différend présentement soumis au Tribunal, a écrit le 21 juillet 1982 au secrétaire général de la direction de cette banque, à Paris : « En juillet 1980, j'ai été chargé par la direction de la Banque Libano Française Paris d'ouvrir, de gérer et de faire prospérer une succursale à Monaco. Pour cela j'ai dû héberger ma famille pendant cinq mois de façon provisoire en attendant de trouver un logement et travailler dans des conditions inacceptables et déplorables avec un personnel réduit (1 personne puis 2) non qualifié que j'ai formé moi-même. Sans parler des travaux d'aménagement et de toutes les difficultés inhérentes au démarrage de la succursale. Durant toute cette période je n'ai reçu ni l'aide de Paris, ni celle de Nice. En effet, toutes mes demandes pour obtenir l'engagement d'employés qualifiés sont restées sans effet, jusqu'à récemment. Cette situation a duré plus d'un an (...) c'est également de ma propre initiative et sans aide extérieure que j'ai créé, ici à Monaco, des solutions indispensables au succès et à la bonne marche des affaires de la Banque Libano Française Monaco. A l'heure actuelle on peut affirmer que tous ces efforts sont la raison pour laquelle la Banque Libano Française Monaco enregistre un développement en constante progression. C'est aussi l'avis des clients qui se rendent compte de la place toujours plus importante que nous occupons ici (...) » ;
Pour les besoins du présent litige la Banque Libano Française (France) a fait établir par son secrétariat général une note explicative de ses relations avec S. N., datée du 18 février 1983 ; il en ressort qu'en vue d'améliorer l'efficacité opérationnelle de la Banque Libano Française (France) et d'atteindre les objectifs de croissance qu'elle s'était fixés, la direction générale de ladite banque a décidé en juin 1982, la réorganisation de certains services et prévu, à cet effet, d'une part, de rapatrier avant la fin de l'année 1982 le directeur régional « coiffant », l'agence de Nice et la succursale de Monaco sans pourvoir à sa substitution et, d'autre part, de remplacer dans le courant du mois de septembre 1982, le directeur de la succursale de Monaco, « détaché du siège de Paris » en nommant dans ses fonctions à Monaco un agent du siège moins ancien ;
Ces perspectives ont motivé le 8 juillet 1982 le déplacement à Nice et à Monaco du directeur général de la Banque Libano Française (France) B. D. qui a rencontré à cette occasion, S. N. ;
A la suite de cette entrevue le service du personnel de la Banque Libano Française (France) a fait parvenir à S. N. une lettre datée du 12 juillet 1982 lui confirmant qu'il était, à compter du 15 septembre suivant, affecté au siège de la banque à Paris pour y prendre de nouvelles fonctions conformément aux orientations qui lui avaient été données par B. D. ; il lui était en conséquence demandé par cette même lettre de prendre toutes dispositions en vue de la mutation ainsi décidée ;
Répondant le 21 juillet 1982 dans les termes ci-dessus rapportés, relatif à son activité à Monaco qui, estimait-il, aurait dû lui valoir des encouragements et non une proposition de mutation, S. N. pour cette raison et « pour d'autres raisons importantes d'ordre familial » a écrit à l'adresse de la Banque Libano Française (France) « qu'il lui était impossible d'accepter le contenu de la lettre précitée du 12 juillet 1982 » ;
Divers échanges de vues ont eu alors lieu par ailleurs, dans le courant des mois de juillet, d'août et de septembre 1982 au cours desquels, face à l'opposition de S. N. d'être muté à Paris, les dirigeants de la Banque Libano Française (France) ont réaffirmé le caractère irrévocable de la décision de mutation intervenue (après lui avoir, toutefois, laissé la possibilité s'il le désirait, de se faire rapatrier à la Banque Libano Française de Beyrouth, ainsi qu'il ressort de la note explicative susvisée) ;
La confirmation de cette décision lui a été une nouvelle fois notifiée par une lettre de la Banque Libano Française (France) en date du 10 septembre 1982, ainsi conçue : « Comme suite à notre courrier du 12 juillet 1982 et à vos récents entretiens avec notre vice-président Monsieur F. R., et notre directeur général, Monsieur B. D., nous vous confirmons notre décision de vous affecter à notre siège à Paris pour y prendre de nouvelles fonctions conformément aux précisions qui vous ont été données par Monsieur D. Afin de vous permettre de prendre toutes dispositions matérielles en prévision de cette mutation, votre nouvelle affectation prendra effet au 1er janvier 1983. Vous voudrez bien vous mettre en rapport avec notre service du personnel pour l'organisation pratique de votre transfert » ;
Par une note en date du 21 septembre 1982 la direction de la Banque lui a notifié, en outre, les dispositions qu'il devait prendre pour régulariser en France sa situation administrative au regard des services de la main d'œuvre étrangère ;
Sur une telle confirmation de sa mutation S. N. a dès lors écrit à la Banque Libano Française (France) le 24 septembre 1982, qu'il n'avait pas été répondu à sa précédente lettre du 21 juillet 1982 et qu'il n'envisageait pas pour le 1er janvier 1983 le transfert à Paris qui lui était proposé ;
Cette réponse a provoqué de la part de la direction de la Banque Libano Française (France) une convocation de S. N. à se rendre au siège à Paris, le 30 septembre 1982, confirmée par télex ;
Ayant eu à cette date un entretien à Paris avec sa direction, S. N. a ultérieurement reçu une lettre datée du 1er octobre 1982 par laquelle il lui était notamment signifié que, dans l'hypothèse où il envisageait de ne pas se conformer à la décision irrévocablement prise de le transférer à Paris, la Banque Libano Française (France) serait amenée à en tirer toutes les conséquences ;
Quelques jours plus tard, S. N. a répondu par une lettre de son conseil, datée du 11 octobre 1982 que l'insistance à lui imposer une mutation contre son gré lui apparaissait de nature à être interprétée comme une sanction injustifiée à son égard et qu'elle constituait en tout état de cause une violation des dispositions de la convention collective monégasque des employés de banque ;
Cette convention conclue le 1er juillet 1975 entre le groupement syndical des Banques de Monaco et le syndicat des employés gradés et cadres de banque appartenant à l'Union des syndicats de Monaco, est demeuré, en vigueur depuis sa conclusion ;
Elle dispose en son article 44 : « En aucun cas, il ne pourra être imposé à un agent un déplacement hors de la Principauté sans le consentement de l'intéressé. En cas d'acceptation tous les frais de déplacement, à la condition qu'ils soient engagés avec l'accord de la direction et dûment justifiés, devront être supportés par la banque. Notification écrite de la mutation et des nouvelles conditions de travail devra être remise à l'intéressé. Un congé de deux jours ouvrés lui sera accordé dès que cette mutation est acceptée et qu'elle rend obligatoire un changement de domicile afin qu'il puisse effectuer toutes démarches utiles en vue de sa nouvelle installation » ;
Ces dispositions apparaissent en partie similaires à celles de l'article 57 de la convention collective française du personnel des banques, dont le texte, versé aux débats dispose : « Toute mutation non provoquée par de sérieuses nécessités de service n'est prononcée qu'après l'accord de l'agent intéressé si cette mesure rend obligatoire un changement de domicile. Tous les frais inhérents à un déplacement prononcé pour les besoins de l'exploitation sont à la charge de l'employeur pourvu qu'ils fassent l'objet de justification et qu'ils soient engagés avec l'accord de la direction » ;
La Banque Libano Française a, sur ce, écrit le 22 octobre 1982, S. N. « Compte tenu du différend qui nous oppose, nous regrettons de devoir envisager votre licenciement. Conformément aux articles L. 122-14 et R. 122-2 du Code du travail nous vous demandons de bien vouloir vous présenter le vendredi 19 octobre prochain à 11 heures au siège de notre banque, ., Paris 8e au bureau de notre secrétaire général, M. W., pour un entretien à cet effet. Nous vous précisons qu'il vous est loisible pour cet entretien de vous faire assister par une personne de votre choix, appartenant au personnel de notre société » ;
Les articles ainsi visés tirés du Code du travail français disposent : « Article L. 122-14 : l'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit avant toute décision convoquer l'intéressé par lettre recommandée en lui indiquant l'objet de la convocation. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié » ;
« Article R. 122-2 : la lettre recommandée prévue à l'article L. 122-14 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise, en outre, la date, l'heure et le lieu de cet entretien et rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise » ;
Rappelant sa lettre du 11 octobre 1982 et relevant qu'aucune réponse ne lui avait été donnée, le conseil de S. N. a, le 25 octobre 1982, répondu dans les termes suivants à la lettre recommandée, visant les dispositions légales précitées : « ... j'ai l'honneur de porter à votre connaissance que (Monsieur N.) ne déferrera pas à la convocation que vous lui avez adressée en application de l'article L. 122-14 du Code du travail.
En effet, tout en formulant les plus expresses réserves et protestations quant au motif du licenciement tiré d'un refus légitime d'acceptation d'une mutation mon client conteste en outre l'application des dispositions législatives françaises et par voie de conséquence la compétence des tribunaux (français) » ;
Sans s'arrêter à une telle contestation la Banque Libano Française (France) a, en définitive, adressé à S. N., à son domicile situé à Monaco, une lettre de licenciement en date du 4 novembre 1982 rédigée comme suit : « Vous n'avez pas cru devoir assister à l'entretien préalable fixé au vendredi 29 octobre dernier, au cours duquel nous vous aurions exposé les raisons qui nous amèneraient à envisager votre congédiement. Nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement qui prendra effet à la présentation de notre lettre. Afin de vous faciliter la recherche d'un nouvel emploi, et conformément à l'article L. 122-8 du Code du travail, nous vous dispensons de l'exécution du préavis auquel vous avez droit, qui vous sera bien entendu réglé au fur et à mesure (...). Nous vous prions de bien vouloir, pour le lundi matin 8 novembre à 9 heures au plus tard, libérer votre bureau et remettre les clefs, codes ou consignes dont vous seriez actuellement dépositaire entre les mains de votre supérieur hiérarchique (...) » ;
Le 8 novembre 1982 la Banque Libano Française (France) a, par ailleurs, adressé une note à tous ses correspondants indiquant que S. N. n'appartenait plus à son personnel ;
Le même jour avait lieu à Monaco, en présence d'un huissier requis par S. N., la remise des clefs de la banque, détenues par ce dernier, à ses supérieurs ; par ailleurs, le 16 novembre 1982 l'épouse de S. N. accouchait d'un enfant né à Monaco ;
Ayant, conformément aux dispositions de la convention collective monégasque du personnel des banques provoqué, quant au sens à donner à l'article 44 de celle-ci, une réunion de la commission paritaire prévue par ladite convention, S. N. n'a obtenu de cette commission, qui s'est réunie le 2 décembre 1982, aucune interprétation certaine dudit article 44 en l'état d'un partage par moitié des opinions exprimées ;
Le procès-verbal de la réunion précise en effet : « trois voix estiment que l'intéressé ne peut pas être muté sans son accord. Trois voix considèrent au contraire qu'il ne peut refuser une mutation décidée par son employeur qui l'a embauché en France, en mars 1977, et détaché, en août 1980, en qualité de directeur à Monaco, à l'occasion de la création de son agence » ;
S. N. a fait dès lors citer devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail de la Principauté, puis, en dernier lieu, devant le bureau de jugement dudit tribunal, la Banque Libano Française (France), à laquelle il a réclamé alors, aux termes de deux procès-verbaux de non conciliation en date des 14 février et 6 juin 1983, outre 1 400 000 francs de dommages-intérêts pour licenciement abusif :
d'une part :
* une indemnité de préavis de 168 591,24 francs,
* une indemnité de congédiement de 5 619,70 francs,
* une indemnité de licenciement de 50 577,38 francs (après déduction d'une indemnité de congédiement non cumulable de 5 679,70 francs),
* une prime monégasque de 5 %, correspondant à 39 652,95 francs, pour la période d'août 1980 à novembre 1982,
* un rappel de salaire pour le mois de décembre 1982 s'élevant à 8 077,50 francs, motivé par une indemnité de repas non versée de 577,70 francs et par le remboursement réclamé d'une indemnité de voiture de 7 500 francs ;
d'autre part et pour mémoire :
* un rappel déduit des points de salaire auxquels il estimait pouvoir prétendre sur le salaire de décembre 1980,
* une prime de fin d'année,
* une indemnité de logement,
* une indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 1982/1983 (correspondant à ses congés normaux majorés de la bonification conventionnelle pour la naissance d'un enfant),
* et une prime d'intéressement calculée d'août 1982 jusqu'au 6 mai 1983 date d'expiration de la durée du préavis de licenciement qu'il prétend lui être applicable, due aux cadres supérieurs ;
Statuant contradictoirement sur cet ensemble de demandes le bureau de jugement du Tribunal du travail a rendu le 9 février 1984 une décision aux termes de laquelle il a :
* dit qu'un contrat de travail monégasque a lié les parties et que la convention collective monégasque du personnel des banques est applicable en l'espèce ; - dit que l'employeur a pris l'initiative de licencier le demandeur sans motif valable ; - déclaré ce licenciement abusif ; - condamné en conséquence la Banque Libano Française à payer à S. N. la somme de 36 680,80 francs, à titre d'indemnité exceptionnelle de 5 % du 1er août 1980 au 30 novembre 1982 et 100 000 francs de dommages-intérêts pour rupture abusive ; - donné acte au demandeur de ce qu'il renonçait à sa demande en paiement de congés payés et de ce qu'il s'en remettait aux engagements pris par la défenderesse quant au paiement de la prime d'intéressement ; - débouté S. N. de ses autres chefs de demande, jugés mal fondés ; - enfin, condamné la Banque Libano Française aux dépens de l'instance y compris les coûts et accessoires du jugement ainsi rendu ;
Pour statuer comme ils l'ont fait les premiers juges ont d'abord considéré que, du fait de l'autorisation d'exercer accordée le 4 juillet 1980 par le ministre d'État, la Banque Libano Française (France) était devenue un établissement bancaire monégasque soumis à la législation monégasque, que ses rapports sociaux étaient dès lors réglés à Monaco par le droit du travail et par les accords et conventions collectifs signés par les syndicats intéressés, que le demandeur s'était trouvé lié à ladite banque par un contrat de travail monégasque s'étant provisoirement substitué au contrat français antérieur et ayant repris, sauf dispositions nouvelles, les clauses de ce premier contrat, conclu pour une durée indéterminée, non incompatibles avec la loi monégasque, que l'adhésion de la succursale monégasque de la Banque Libano Française à la convention collective monégasque du travail du personnel des banques n'était pas contestée et qu'en conséquence l'article 44 de ladite convention était applicable au contrat de travail intervenu entre l'établissement bancaire employeur et le demandeur ;
Le Tribunal du travail en a, dès lors, déduit qu'en refusant de consentir à son déplacement hors de Monaco, S. N. n'avait fait qu'exercer un droit reconnu par la convention collective précitée dont l'exercice ne pouvait être considéré comme une faute grave et comme un motif valable de licenciement exonérant l'employeur du paiement des indemnités de rupture légales et conventionnelles ;
Les premiers juges ont ensuite considéré :
* que l'indemnité compensatrice de préavis devait être fondée sur une période limitée à trois mois, faute pour le demandeur d'avoir justifié d'une loi, convention collective ou clause de son contrat permettant de calculer en l'espèce l'indemnité réclamée sur la base de six mois de salaire ;
* que S. N. avait perçu la somme de 84 591,54 francs correspondant à une indemnité conventionnelle de licenciement figurant sur son bulletin de paye de février 1983 et qu'en conséquence sa demande de 56 197,08 francs formulée au titre de ses indemnités de congédiement et de licenciement était injustifiée ;
* que l'indemnité de 5 % sollicitée par ce demandeur devait être allouée à celui-ci sur la base du montant total des salaires, primes et indemnités de toute nature perçus du 1er août 1980 au 30 novembre 1982 déduction faite de l'évaluation des avantages en nature portée sur les bulletins de paye et s'élevant à 22 069,61 francs et de la rémunération du mois de décembre 1982 (soit 37 373,34 francs) sur laquelle ladite prime de 5 % avait déjà été calculée et versée, en sorte que le demandeur était fondé à recevoir de ce chef 36 680 francs calculés sur un total de 733 616,16 francs ;
* que la demande de S. N. relative pour la période de préavis, à un rappel de points sur le salaire des mois de décembre 1982, janvier et février 1983 n'était pas justifiée puisque la somme de 1 507,16 francs réclamée de ce chef correspondait à une diminution de 58 points personnels pour ladite période motivée par l'octroi, en compensation de l'indemnité légale de 5 % mentionnée par les bulletins de paye et que l'employeur était maître d'apprécier la qualité professionnelle de son préposé pour décider, ainsi qu'il l'avait fait légitimement, d'une diminution des points personnels de l'intéressé ;
* que l'indemnité de logement réclamée par N. d'un montant de 21 333 francs, représentant pour 6 333,33 francs le solde de la période du 1er décembre 1982 au 5 février 1983, soit 65 jours, en tenant compte d'un versement de 4 500 francs et pour 15 000 francs les trois mois de préavis supplémentaires n'était justifiée compte tenu du rejet de la demande relative à ces trois mois, que sur une période limitée au 6 février 1983 et que la banque s'en était acquittée ;
* que le rappel de salaires sollicité par N. - au titre d'une indemnité mensuelle de repas qui ne lui avait pas été versée en décembre 1982 (577,50 francs) et d'une somme de 7 500 francs qui avait été déduite de son bulletin de paye de décembre 1982 en raison de ce qu'il avait disposé d'un avantage en nature, constitué par l'utilisation d'une voiture de fonction et estimé à ladite somme pour l'année 1982 - n'était pas fondé puisqu'un salarié ne pouvait bénéficier d'une indemnité de repas pendant une période de préavis non effectuée et que la déduction de l'avantage en nature opérée était régulière, eu égard à ce que la Banque Libano Française avait déduit du bulletin de paye la valeur de l'avantage en nature considéré, comme cela avait été fait les années précédentes ;
* que le demandeur ne pouvait prétendre à une prime de fin d'année pour l'exercice 1982 car il n'avait pas établi que le bénéfice antérieur d'une telle prime eut présenté les éléments de constante fixité et généralité qui l'auraient distinguée d'une libéralité non obligatoire pour l'employeur ;
* que, relativement à la demande de paiement de « congés payés » S. N. lui-même, avait, compte tenu d'un versement effectué, renoncé en dernier lieu à ce chef de demande ;
* que ce demandeur avait par ailleurs admis que la prime d'intéressement pour 1982 et pour les 36 premiers jours de 1983 lui soit ultérieurement versée par son employeur dès que les organismes habilités à cet effet l'auraient déterminée sur la base de la quote part de participation aux bénéfices devant lui revenir ;
* enfin, sur le licenciement abusif et la réparation du préjudice, que la Banque Libano Française en ne tenant pas compte des observations de N. et du refus justifié de celui-ci de consentir à sa mutation hors de Monaco, nonobstant l'article 44 de la convention collective monégasque du personnel des banques, applicable en l'espèce, avait commis une faute dans l'exercice de son droit de licenciement relevant de la légèreté blâmable et rendant abusive la rupture du contrat de travail qui le liait au demandeur, en sorte que pour la réparation du préjudice qu'elle avait ainsi occasionné à celui-ci, elle devait verser à ce même demandeur une somme de 100 000 francs tenant compte de ce que N. s'était brutalement retrouvé sans travail à compter du 5 février 1983, mais aussi et en contrepartie de ce qu'il n'avait pas justifié avoir effectué de nombreuses recherches d'emploi à Monaco ou en France, de ce qu'il ne pouvait ignorer qu'il allait être licencié en raison de son attitude, et de ce qu'il avait après son congédiement, sollicité un emploi à Paris contrairement à ses desiderata manifestés courant 1982, en sorte qu'il avait ainsi, contribué par sa légèreté à la réalisation du dommage dont il réclamait réparation lequel devait, dans son évaluation, être, dès lors, ramené à de plus justes proportions ;
Par un acte de Maître Escaut-Marquet, huissier, en date du 2 mai 1984, introductif de l'instance n° 476/84, S. N. a interjeté appel parte in qua du jugement ainsi rendu, en formulant divers griefs quant aux dispositions de celui-ci relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, au rappel des points de salaire des mois de décembre 1982, janvier et février 1983, à l'indemnité de repas et à l'avantage en nature résultant de sa voiture de fonction, à la prime de fin d'année, aux congés payés et à la réparation du préjudice consécutif à son licenciement abusif ;
Pour sa part, et par un deuxième exploit de l'huissier susnommé en date du 11 mai 1984, enrôlé au greffe général sous le n° 495/84 la Banque Libano Française (France) a formé appel du même jugement ;
Elle entend voir réformer celui-ci pour qu'il soit présentement dit et jugé :
* que S. N. n'a pas été embauché au sens contractuel, à Monaco, mais à Paris en 1977 et que c'est en vertu du contrat ainsi conclu qu'il est venu occuper à Monaco le poste de directeur de la succursale qu'elle venait d'être autorisée à ouvrir ;
* que l'autorisation administrative d'embaucher S. N. en réponse à une demande de permis de travail ne peut être considérée comme un contrat de travail, ni en l'espèce comme un élément de preuve d'un contrat de travail dont l'existence serait contestée ;
* qu'en conséquence le seul contrat de travail dont S. N. ait jamais été titulaire, en vertu duquel il a, à Paris, convenu de venir occuper le poste de directeur de la succursale de Monaco de la Banque Libano Française (France) n'a jamais comporté - ni pu comporter - une affectation à ce poste, aux seules convenances de son titulaire jusqu'à l'âge de la retraite, soit en l'espèce, pendant près de 25 ans ;
* que cette prétention ne pouvait permettre à la Banque Libano Française (France) de poursuivre l'exécution du contrat de travail et que la perte de confiance qui est résultée de l'attitude du directeur de sa succursale de Monaco, a constitué la cause réelle et sérieuse du licenciement ;
* qu'ayant reçu toutes les sommes et indemnités prévues par la convention des parties, S. N. ne peut prétendre qu'il y ait en l'espèce, abus de droit ;
* enfin, que le rappel de 5 % monégasque ne pouvait être alloué à S. N. ;
Les deux parties s'accordent à demander que leurs appels respectifs fassent l'objet d'une jonction procédurale d'instances ;
Dans la limite de son appel S. N. fait grief aux premiers juges pour l'essentiel :
* de ne pas avoir tenu compte de l'usage selon lequel les cadres supérieurs bénéficient d'un délai congé de 6 mois, double de celui consenti aux simples cadres, alors qu'il avait occupé les fonctions de directeur de banque et que de ce fait sa demande d'indemnité compensatrice de préavis était justifiée ;
* de s'être contredits en considérant que les points personnels devaient tenir compte de la qualité professionnelle de l'employé, tout en admettant que l'employeur avait pu justifier une diminution de points par l'octroi en compensation, de l'indemnité légale de 5 %, en sorte que ladite diminution ne pourrait qu'être présentement déclarée irrégulière ;
* de s'être également contredits en lui refusant l'indemnité de repas réclamée au motif que la période de préavis n'avait pas été accomplie, alors qu'ils lui ont pour cette même période alloué l'indemnité de logement ;
* d'avoir, pour la déduction de la valeur de l'avantage en nature constitué par l'utilisation d'une voiture de fonction, justifié une telle déduction par des précédents non établis en fait ;
* de ne pas avoir retenu que depuis 1977 il avait toujours perçu des primes de fin d'année dont le montant quoique variable avait toujours suivi une progression arithmétique régulière et dont la généralité se trouve confirmée pour la catégorie professionnelle des directeurs, ce qui permettrait de conclure que se trouvent réunies les conditions d'octroi de la prime de fin d'année réclamée ;
* de ne pas lui avoir alloué la majoration de congés payés accordée par la convention collective monégasque eu égard à ses deux enfants à charge, et d'avoir indiqué à tort qu'il avait renoncé à sa demande de congés payés ;
* enfin, d'avoir considéré, pour limiter à 100 000 francs les dommages-intérêts auxquels il pouvait prétendre, qu'il avait participé à la réalisation de son propre dommage ;
Formulant ses demandes dans les limites de son appel, S. N. a estimé en conséquence devoir se borner à solliciter, après réformation du jugement précité, exclusivement : 84 295,62 francs d'indemnité de préavis, 577,50 francs d'indemnité de repas, 7 500 francs au titre de la restitution de la valeur de « l'avantage voiture », 40 000 francs de prime de fin d'année pour 1982, la majoration (pour mémoire) de congés payés pour enfants à charge, et 1 400 000 francs de dommages-intérêts ;
A l'appui de son appel, la Banque Libano Française (France), qui reprend par ailleurs l'essentiel de son argumentation en défense sur l'appel introduit par S. N., considère d'abord que les premiers, juges ont dénaturé les faits de la cause en admettant qu'elle-même aurait eu la volonté, en contractant à Paris avec N., de voir celui-ci se maintenir à Monaco à sa seule convenance sur la base de l'article 44, par lui invoqué, de la convention collective des banques monégasques, qu'elle ignorait alors, tout comme lui ;
Elle observe à ce propos qu'en dépit du fait qu'elle a obtenu les autorisations administratives d'exercer son activité à Monaco et d'y employer N., celui-ci ne serait lié à elle que par le contrat de travail originaire conclu à Paris lequel ne pouvait qu'être unique puisqu'on ne pourrait concevoir qu'un même employeur ait, avec l'un de ses salariés deux contrats de travail distincts dont l'un se substituerait provisoirement à l'autre ;
La Banque Libano Française (France) estime en deuxième lieu, et par voie de conséquence, que, loin d'avoir licencié N. pour faute grave elle s'est en réalité trouvée dans une situation qui avait rendu impossible la poursuite du contrat de travail la liant à N. et avait constitué une cause « réelle et sérieuse » du licenciement intervenu lequel aurait, en définitive, été motivé, selon elle, par le fait qu'elle ne pouvait nullement prendre en considération, dans le cadre de sa politique générale de mutations et eu égard aux nécessités de ses services, les souhaits particuliers de S. N. et de sa famille, et que l'opposition de ce dernier à son retour à Paris, pour des raisons purement subjectives et injustifiées en droit, avait apporté, dans les relations contractuelles qu'elle entretenait avec lui, une perte de confiance définitive ;
Elle expose, pour justifier ces circonstances dont elle déduit en l'espèce l'absence de tout caractère abusif du licenciement :
* d'une part, que l'article 44 de la convention collective susvisée ne serait ni une disposition législative ni, encore moins, une disposition d'ordre public, car les parties pourraient, selon elle, y déroger, et que, si un tel article constitue au plan syndical, une garantie du maintien de l'emploi à Monaco, c'est à condition que la permanence ainsi conférée, quant au lieu d'exécution du contrat ait été un élément essentiel de la volonté des parties contractantes, ce qui serait exclu en l'espèce ;
* d'autre part, que les premiers juges auraient eu tort, pour fonder leur décision, d'observer que son adhésion à ladite convention collective n'était pas contestée - circonstance que d'ailleurs elle ne dément pas en cause d'appel alors soutient-elle, qu'il s'agissait en réalité pour eux de savoir si, de façon concrète, elle-même avait, en nommant au poste de directeur à Monaco, un cadre supérieur en l'espèce S. N., et en accord avec lui, garant à celui-ci, au titre d'un élément nouveau du contrat de travail en cours, qu'il pourrait à sa convenance occuper un tel poste jusqu'à sa retraite, ce qui ne serait nullement le cas de l'espèce eu égard à l'unité de contrat de travail et d'employeur ci-dessus évoquée ;
En réponse à cette argumentation, N. prétend en revanche que les premiers juges avaient pu à bon droit considérer qu'il était lié à la Banque Libano Française (France) par un contrat ayant pris naissance à Monaco et qu'en tout état de cause les rapports découlant d'un tel contrat étaient soumis aux lois et règlements monégasques et donc à l'article 44 de la convention collective monégasque des banques dont la Banque Libano Française (France) ne saurait prétendre ne pas avoir eu connaissance puisqu'elle ne conteste pas y avoir adhéré ;
Il en conclut qu'il était fondé à invoquer ledit article 44 pour s'opposer à sa mutation à Paris, ce d'autant plus qu'aucune précision ne lui aurait été donnée quant au poste qu'il y occuperait, et qu'à cette incertitude s'ajoutait un problème familial découlant de l'installation récente de son foyer à Monaco et de la naissance imminente de son enfant à l'époque du licenciement ;
Sur quoi,
Attendu que les appels respectivement formés comme il vient d'être rapporté par S. N. et par son employeur la Banque Libano Française (France) apparaissent recevables en la forme et doivent être joints, de l'accord des parties, afin qu'il soit, sur leur ensemble, statué par un seul jugement ;
Attendu qu'il résulte de leur jonction que, présentement, le Tribunal se trouve exclusivement saisi en cause d'appel, par suite du licenciement, non contesté, de S. N. par la Banque Libano Française (France), notifié par une lettre en date du 4 novembre 1982 :
* en premier lieu de la question de savoir si ledit licenciement caractérise une rupture abusive du contrat de travail ayant lié ces deux parties ce au regard de l'économie dudit contrat, et des circonstances dans lesquelles il est intervenu,
* dans l'affirmative, d'une demande de S. N. tendant à voir majorer les dommages-intérêts qui lui ont été alloués, ce, à concurrence du montant de la demande qu'il avait présentée à ce titre en première instance,
* par ailleurs, des demandes de ce même N., non satisfaites par les premiers juges, relatives aux indemnités et primes qu'il réclame du chef de son préavis, de ses repas, de la prise en compte de sa voiture de fonction, de la prime de fin d'année pour 1982 et de ses congés payés,
* enfin, d'une demande de la Banque Libano Française (France) tendant au rejet de la prime de 5 % allouée par les premiers juges ;
Et sur ce,
Quant au contrat de travail,
Attendu qu'il résulte de l'exposé des faits ci-dessus rapportés que le contrat de travail conclu entre S. N. et la Banque Libano Française (France) bien que né en France, a été à compter du 1er août 1980 exécuté à Monaco par S. N. auquel on ne saurait reconnaître, tant en France qu'à Monaco, qu'un seul employeur du chef d'un tel contrat puisque l'agence de la Banque Libano Française (France) dont l'exploitation a été autorisée à Monaco le 4 juillet 1980 n'est pas pourvue d'une personnalité juridique distincte de celle de ladite banque ;
Attendu que, postérieurement à l'ouverture d'une telle agence dans la Principauté, la Banque Libano Française (France), qui avait jusque-là pu légitimement ignorer, ainsi qu'elle l'affirme, notamment en concluant ledit contrat en France avec S. N., l'existence de la convention collective monégasque du travail du personnel des banques, conclue le 1er juillet 1975 entre le groupement syndical des banques de Monaco et le syndicat des employés gradés et cadres de banque (Union des syndicats de Monaco), s'est trouvée soumise à ladite convention - comme d'ailleurs l'ensemble des membres du groupement syndicat susnommé - à laquelle elle n'a pas nié, ainsi qu'il a été relevé, avoir effectivement adhéré ;
Attendu qu'une telle convention collective - qui apparaît de surcroît plus protectrice des intérêts des salariés que, dans son article 57, la convention collective française homologue, dont nul en l'espèce ne demande l'application non plus d'ailleurs que celle des lois françaises dont aurait pu relever le contrat dont s'agit - a, dès lors, nécessairement régi, en l'espèce, l'exécution dudit contrat en application des articles 9 et 10 de la loi n° 416 du 7 juin 1945, indépendamment du fait qu'il n'a pas été justifié de ce que cette même convention collective ait, dans les termes de l'article 22 de ladite loi, fait l'objet d'un arrêté d'extension lui conférant à Monaco une valeur normative obligatoire aux plans professionnel et territorial ;
Quant au licenciement,
Attendu que dans les rapports nés du contrat de travail précité et eu égard à ce qui précède, S. N. était dès lors fondé à opposer à son employeur les dispositions de l'article 44 de ladite convention collective ;
Attendu qu'en procédant au licenciement de ce même N. au motif que le refus de celui-ci de se voir affecté à Paris serait injustifié, la Banque Libano Française a, en conséquence, abusivement rompu le contrat de travail l'ayant lié à lui, et doit être déclarée tenue, par application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1983, de verser à son salarié licencié les dommages-intérêts visés par ledit article, correspondant au préjudice né pour S. N. du licenciement opéré ;
Quant aux dommages-intérêts,
Attendu que pour l'appréciation d'un tel préjudice il doit être tenu compte notamment et en fait, tant de l'importance des salaires en dernier lieu versés à S. N. par son employeur, qui, d'ailleurs le considère dans son acte d'appel comme un cadre supérieur, que des difficultés réelles de trouver du travail auxquelles S. N. s'est trouvé confronté à compter de son licenciement, sans qu'il puisse à cet égard lui être fait grief de ce que, contrairement à ses desiderata de 1982, il aurait été prêt à se faire embaucher par une banque de la région parisienne, dès lors que l'énoncé d'une telle circonstance, apparemment fondé sur la réponse écrite fournie par le siège parisien d'une banque sollicitée par S. N. de procurer à celui-ci un emploi, ne tient pas compte de ce que la demande correspondante avait pour objet un établissement de ladite banque située à Monaco ;
Attendu qu'au regard de ces circonstances de fait le Tribunal estime devoir fixer à la somme de 300 000 francs le montant des dommages-intérêts pour licenciement abusif que la Banque Libano Française devra verser à S. N. ;
Quant à l'indemnité de préavis,
Attendu que S. N., bien que cadre supérieur n'avait en définitive que la direction d'une simple agence bancaire et ne peut prétendre de ce chef, par référence aux usages en vigueur à Monaco, à un préavis supérieur à trois mois, qu'il ne conteste pas avoir perçu ; qu'il doit donc être débouté de son appel à cet égard ;
Quant à l'indemnité de repas,
Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande formulée de ce chef étant observé que l'indemnité sollicitée constitue un avantage en nature nécessairement lié à un temps d'emploi effectif alors que N. a été dispensé de l'exécution de son préavis ;
Quant à la déduction de l'avantage voiture,
Attendu que la valeur de l'avantage en nature consistant en la disposition par N. d'une voiture de fonction n'apparaît pas au vu des bulletins de salaires produits avoir été habituellement déduite des sommes à verser à ce salarié ;
Que ce dernier est dès lors fondé à obtenir la restitution de la somme de 7 500 francs dont il soutient, sans contestation adverse, avoir subi la déduction en dernier lieu, alors cependant qu'aux termes de la note explicative susvisée de la Banque Libano Française en date du 18 février 1983, la jouissance d'une voiture de fonction, traduite comptablement par un montant forfaitaire annuel de 7 500 francs, constituait un avantage en nature revenant contractuellement à S. N., et qui devait dès lors lui être maintenu ;
Quant à la prime de fin d'année,
Attendu que les documents comptables versés par S. N. aux débats et non contredits dans leur contenu par la Banque Libano Française (France) révèlent que S. N. a perçu successivement les sommes de 10 000, 15 000, 25 000, 30 000 et 40 000 francs à titre de primes de fin d'année pour 1977, 1978, 1979, 1980 et 1981, respectivement ;
Attendu que l'usage permanent que de tels versements révèlent permet de considérer les primes dont s'agit comme un élément du salaire et de déclarer en conséquence fondée la demande de S. N. tendant à obtenir pour l'année 1982 une prime qu'à défaut d'autres éléments d'évaluation il a limitée au montant de celle de l'année 1981, soit 40 000 francs ;
Quant aux congés payés,
Attendu qu'il ne saurait être fait droit à l'appel de N. formé de ce chef, dont le montant n'est pas précisé ;
Quant à l'indemnité monégasque de 5 %,
Attendu alors que la banque se borne à soutenir dans son acte d'appel que rien ne justifierait l'allocation d'une prime monégasque de 5 %, que c'est légitimement que les premiers juges, relevant que cette indemnité expressément allouée à compter du 1er décembre 1982 ne figurait pas sur les bulletins de salaire antérieurs, ont fait droit à la demande formulée de ce chef, par des motifs qu'il convient d'adopter ;
Quant aux dépens,
Attendu qu'en raison de sa succombance la Banque Libano Française (France) doit être condamnée aux dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires des premiers juges,
Le Tribunal,
Statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail, et dans la limite des appels interjetés ;
Déclare recevables les appels respectivement formés suivant les exploits susvisés par S. N. et par la Banque Libano Française (France) ;
Joint les instances n° 476/84 et 495/84 du rôle, présentement introduites par lesdits appels ;
Confirme le jugement du Tribunal du travail en date du 9 février 1984, en ce qu'il a déclaré abusif le licenciement de S. N. mais, statuant à nouveau du chef des dommages-intérêts, condamne la Banque Libano Française à payer de ce chef à S. N. la somme de 300 000 francs ;
Confirme également ledit jugement en ce qu'il a condamné la Banque Libano Française (France) à verser à S. N. la somme de 36 680,80 francs au titre de l'indemnité monégasque de 5 % et débouté S. N. de ses demandes en paiement d'une indemnité complémentaire de préavis et d'une indemnité de repas ;
L'infirmant pour le surplus, condamne la Banque Libano Française (France) à payer à S. N. :
* la somme de 7 500 francs au titre de l'indemnité de voiture de fonction,
* la somme de 40 000 francs au titre de la prime de fin d'année pour 1982 ;
Déboute S. N. de sa demande relative aux congés payés ;
Composition
MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sbarrato, Marquet, av. déf.
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