Abstract
Procédure pénale
Action civile - Irrecevabilité de l'action civile dirigée contre l'assureur de la responsabilité civile du prévenu.
Résumé
Une compagnie d'assurance est irrecevable à intervenir devant une juridiction pénale dans l'action civile en responsabilité exercée contre son assuré, auteur des blessures involontaires.
Motifs
Le Tribunal,
jugeant correctionnellement,
Attendu que, le 29 août 1983, vers 16 h, P. N. a heurté, avec le vélomoteur qu'il conduisait alors, assuré par la Compagnie GAN, le piéton A. D. qui a subi des blessures ;
Attendu qu'aux termes d'un jugement du Tribunal en date du 20 décembre 1983, devenu définitif, P. N. a été déclaré responsable de l'accident ainsi occasionné à A. D. et tenu d'en réparer l'entier préjudice en étant résulté pour cette victime ;
Attendu que pour la détermination d'un tel préjudice, ce même jugement a prescrit une expertise, confiée au Docteur Pastorello, et condamné P. N., avec exécution provisoire, à verser à A. D. une indemnité provisionnelle de 5 000 F ;
Attendu que l'expert Pastorello s'est, sur ce, régulièrement acquitté de sa mission et a déposé, sous la date du 27 septembre 1984, un rapport de ses opérations dont il ressort qu'A. D., né le 9 septembre 1931, peintre en bâtiment lors de l'accident, et ultérieurement en chômage, a souffert le 29 août 1983 d'un polytraumatisme (résultant d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance, d'un traumatisme thoracique, d'un traumatisme du genou et de diverses plaies au cuir chevelu et à la main droite) et conserve par suite de ses blessures le syndrome subjectif post commotionnel commun aux traumatisés du crâne, ainsi qu'une discrète raideur de son genou droit ;
Attendu qu'en l'état de ces deux séquelles qu'il a respectivement affectées des taux d'incapacité de 6 et 4 pour cent, l'expert Pastorello a conclu qu'A. D. demeurait atteint d'une incapacité permanente partielle totale de 10 % ;
Attendu qu'il a par ailleurs qualifié de modérée l'importance des souffrances supportées par la victime et évalué respectivement à 45 et 90 jours la durée des incapacités temporaires, totale et partielle au taux de 50 %, que cette même victime a endurées à dater de son accident ;
Attendu qu'au vu de ces conclusions qui n'ont pas suscité sa critique, A. D. a, par acte en date du 13 février 1985, fait citer devant le Tribunal, pour l'audience du 26 mars 1985, P. N. et la Compagnie GAN, assureur de celui-ci, auxquels il réclame 18 000 francs au titre de ses incapacités temporaires, 25 000 francs au titre de son incapacité permanente et 5 000 francs pour prix de ses souffrances, - le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement de condamnation à intervenir, ainsi qu'il l'a verbalement conclu par l'intermédiaire de son avocat-défenseur, à l'audience du 16 avril 1985 à laquelle le Tribunal avait antérieurement renvoyé l'examen de la cause à la demande du conseil de N. ;
Attendu qu'en des écritures datées du 16 avril, celui-ci a conclu à l'homologation du rapport de l'expert Pastorello et offert à A. D. les sommes de 20 000 francs et de 5 000 francs au titre respectivement de l'incapacité permanente partielle de 10 % et du pretium doloris invoqués par ce dernier ;
Attendu qu'il a par ailleurs demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'il est disposé à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes les frais médicaux et d'hospitalisation, par elle payés pour D., s'élevant à la somme de : 14 407,92 francs et au Centre hospitalier Princesse Grace, la somme de 1 722 francs, représentant 20 % des frais d'hospitalisation de ce même D. ;
Attendu, enfin, que N. fait valoir, quant aux incapacités temporaires invoquées par D., que celui-ci se serait trouvé en chômage lors de son accident, que, par voie de conséquence, les sommes qu'il réclame ne sauraient lui être allouées pour lesdites incapacités, en l'absence de justification du préjudice invoqué et qu'en définitive seule pourrait revenir à D., à ce titre, une indemnité totale de 10 000 francs, sur laquelle la Caisse primaire d'assurance maladie devrait exercer son recours en remboursement des prestations journalières de 112,84 francs versées à D., lequel recours absorberait entièrement, selon N., une telle indemnité, en sorte que la victime ne devrait présentement rien recevoir au titre de ses incapacités temporaires ;
Attendu, d'autre part, que la Compagnie GAN a conclu à l'irrecevabilité des demandes dirigées à son encontre par A. D. ;
Sur quoi,
Attendu que l'irrecevabilité ainsi soulevée doit être présentement prononcée dès lors que la Compagnie GAN ne saurait, en sa seule qualité d'assureur de la responsabilité civile de N., être partie à l'instance correctionnelle actuellement poursuivie, quant à l'action civile, à l'encontre de ce dernier ;
Et sur ce, quant au fond,
Attendu que les conclusions de l'expert Pastorello qui procèdent d'un examen d'A. D., pratiqué de manière complète et qui ne souffrent pas actuellement de discussion, doivent être entérinées par le Tribunal comme constituant la base d'évaluation du préjudice de cette victime ;
Attendu qu'au regard desdites conclusions, le Tribunal dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 25 000 francs et à 5 000 francs, respectivement, l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle et des souffrances invoquées par la victime ;
Attendu que, par ailleurs, il doit être admis sur la même base que, consécutivement à son accident, D. s'est trouvé pendant quatre mois et demi dans l'incapacité d'exercer utilement son activité professionnelle antérieure de peintre en bâtiment en accomplissant celle-ci à temps complet ;
Attendu que si, durant ladite période, il a perçu de la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes - ainsi qu'il en a été justifié par N. - des indemnités journalières aboutissant à une somme approximative mensuelle de 3 500 francs, il demeure qu'une telle somme est inférieure au niveau de ses revenus mensuels antérieurs à l'accident, qu'il a évalués dans ses conclusions - sans susciter expressément sur ce point précis de contradiction adverse - à la somme de 6 000 francs ;
Attendu qu'il y a lieu, dès lors, d'allouer à D., au titre de ses incapacités temporaires totale et partielle, la différence entre ces deux sommes, soit celle de 11 250 francs pour les quatre mois et demi correspondant à la durée totale desdites incapacités ;
Attendu qu'en définitive, N. doit être déclaré tenu de verser à D., déduction faite de la provision de 5 000 francs antérieurement fixée, la somme totale de 36 250 francs (= 25 000 + 5 000 + 11 250 - 5 000) ;
Attendu que, de ce chef, l'exécution provisoire réclamée du présent jugement apparaît justifiée par l'urgence tenant à la nature corporelle du préjudice subi ; qu'elle doit être dès lors ordonnée ;
Attendu par ailleurs qu'il y a lieu de donner acte à N. de ses offres, ci-dessus spécifiées, relatives aux frais médicaux ;
Que toutefois, dès lors qu'il ne peut être actuellement préjugé des recours pouvant être le cas échéant exercés par la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, et non présentement introduits, il n'y a pas lieu de dire, comme N. le sollicite, que lesdits recours s'exerceront, quant aux indemnités journalières assurées par ladite caisse, sur la somme allouée à D. du chef de ses incapacités temporaires ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant contradictoirement,
Déclare irrecevable l'action d'A. D. dirigée contre la compagnie GAN ;
Condamne P. N. à payer à A. D. la somme de 36 250 francs, montant des causes sus-énoncées ;
Ordonne, de ce chef, l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel ;
Donne acte à P. N. de ses offres susvisées relatives au paiement des frais médicaux ;
Déboute les parties du surplus des fins de leurs conclusions ;
Composition
MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. proc. gén. ; MMe Blot et Sanita, av. déf. ; Montel, av.
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