Abstract
Contrat de travail
Salaire - Heures supplémentaires - Réclamation tendant à leur rémunération non fondée sur un début de justification de dépassements d'horaire.
Résumé
Le chauffeur d'une entreprise rémunéré à forfait sans qu'il soit tenu compte de l'intervalle de temps entre chaque voyage effectué et qui n'apporte pas de précisions suffisantes n'est pas fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires.
Motifs
Le Tribunal,
Attendu que par l'exploit susvisé M. N. a relevé appel d'un jugement rendu le 5 avril 1984 par le Bureau de jugement du Tribunal du travail, rejetant une demande qu'il avait introduite à l'encontre de son ancien employeur, la Société R.C.M. Textiles et qui tendait, aux termes d'un procès-verbal de non conciliation dressé le 7 mars 1983, au paiement de 70 408,44 francs d'heures supplémentaires et à celui de 15 000 francs et de 5 000 francs à titre, respectivement, de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée et de frais qualifiés d'irrépétibles, ledit jugement ayant dit irrecevable la demande en paiement de frais irrépétibles, déclaré non pertinente une demande d'expertise subsidiairement formulée par ce même N. à l'effet de justifier de la réalité et de l'importance des heures supplémentaires invoquées que ce dernier aurait effectuées, jugé mal fondée la demande en paiement desdites heures supplémentaires et débouté enfin ce demandeur tant de sa demande principale que de sa demande en dommages-intérêts ;
Attendu que reprenant pour l'essentiel l'ensemble de ses réclamations antérieurement formulées en première instance, N. demande en conséquence au Tribunal de le recevoir, en son appel, et, par réformation du jugement précité, de déclarer que la société R.C.M. Textiles lui est redevable de la somme de 70 408,44 francs pour heures supplémentaires impayées, de la condamner à lui payer 15 000 francs pour résistance abusive et injustifiée, enfin de désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal avec la mission de calculer les heures supplémentaires dont le paiement pourrait être réclamé ;
Attendu que cet appel est recevable en la forme ;
Attendu que dans ses écritures judiciaires déposées le 7 novembre 1984, la société R.C.M. Textiles a conclu, par référence à ses conclusions antérieures déposées en première instance, à ce que N. soit débouté de l'ensemble de ses demandes et à ce que le jugement entrepris soit confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'à l'appui de son appel M. N. - qui expose qu'il a été employé en qualité de conducteur de poids lourds par la Société R.C.M. Textiles du 22 août 1979 au 13 octobre 1982, date à laquelle il a bénéficié d'un régime de retraite anticipée, et qu'il s'est alors résolu à réclamer à ladite société le règlement d'un nombre important d'heures supplémentaires qu'il aurait effectuées de 1979 à 1982, lesquelles ne lui auraient jamais été réglées malgré de nombreuses réclamations antérieures de sa part - soutient :
* que durant sa période d'activité son salaire a toujours été calculé sur une base de 173 heures de travail mensuelles alors qu'il serait impensable qu'un chauffeur routier puisse, compte tenu de la diversité des transports et des distances parcourues, effectuer tous les mois, précisément, 173 heures de travail exactes ;
* que dès lors les méthodes de calcul prescrites par l'ordonnance souveraine applicable en la matière n'auraient pas été respectées ;
* qu'une liste, par lui produite, des heures supplémentaires qu'il invoque, établie sur la base des indications graphiques automatiquement fournies par les tachymètres des véhicules qu'il conduisait, permettrait d'établir le bien fondé de ses demandes si lesdites indications graphiques étaient versées aux débats par la Société R.C.M. Textiles étant par lui précisé que celles-ci seraient nécessairement probantes de ses dires pour les périodes, d'une durée totale d'un an et quatre mois, durant lesquelles il aurait été le seul chauffeur de l'entreprise ;
* que les relevés qu'il a produits, dressés au regard des indications graphiques des tachymètres, feraient ressortir, comparativement à la durée des jours de travail qui résulterait de la répartition hebdomadaire des 173 heures mensuelles, un excédent de temps d'activité devant être analysé en des heures de travail supplémentaires ;
* que lors de la tentative de conciliation préalable au jugement du Tribunal du travail il se serait vu proposer 10 000 francs par son ancien employeur, lequel aurait ainsi implicitement admis le principe de la demande présentement introduite ;
* enfin, qu'il ressortirait des attestations par lui versées aux débats que son travail a été régulier, qu'il était toujours présent dans le dépôt de la société hormis durant ses déplacements et que lesdites attestations, associées aux relevés tachymétriques par lui transcrits, constitueraient un commencement de preuve valable de nature à justifier l'utilité d'une mesure d'instruction destinée à établir le décompte exact des heures supplémentaires dont le paiement pourrait être réclamé ;
* que dès lors et en conséquence, il serait bien fondé, ainsi qu'il l'évoque dans ses dernières conclusions, à demander au Tribunal la désignation d'un expert chargé « de vérifier les heures effectuées par les différents camions », de prendre connaissance des « tachymètres », d'appliquer les plans de roulements aux horaires et de faire le calcul des heures supplémentaires dues par la Société R.C.M. Textiles ;
Attendu cependant que celle-ci, en particulier fait plaider à juste titre, comme elle l'avait d'ailleurs écrit à l'Administration le 26 novembre 1982, que, dans ses réclamations N., qui était rémunéré de manière forfaitaire ainsi qu'il est constant, comme l'autorisent les dispositions légales applicables, n'avait pas tenu compte de ce qu'il n'était pas appelé à travailler entre chaque voyage effectué à bord des camions qui lui étaient confiés et qu'en conséquence, alors que sa présence n'était pas requise au dépôt de la société en dehors des temps de départ ou d'arrivée desdits camions, il ne pouvait considérer que ses heures de présence en ce lieu devaient, pour sa rémunération, s'ajouter à ses heures de conduite des camions ;
Qu'à cet égard, N. ne s'est pas expliqué à l'effet d'apporter, dans les faits, un début de justification aux dépassements d'horaire qu'il invoque et qui résulteraient en l'espèce, selon les termes de son acte d'appel, de ce que les départs initiaux et arrêts définitifs journaliers des camions qu'il conduisait se seraient en général trouvés séparés par un temps supérieur à la durée légale de la journée de travail qui lui correspondait sur la base de ses 173 heures de travail mensuelles, circonstance insuffisante, en l'absence d'autres précisions fournies, à justifier le bien fondé de ses demandes ;
Attendu qu'il s'ensuit, sans qu'il y ait dès lors lieu de faire droit à la demande d'expertise à nouveau formulée en cause d'appel, et qui se trouverait dépourvue d'utilité, eu égard à ce qui précède, si elle était ordonnée dans les termes sollicités, de confirmer le jugement frappé d'appel, étant relevé que l'offre prêtée à la Société R.C.M. Textiles lors de la tentative de conciliation préalable audit jugement ne saurait en l'espèce nécessairement valoir, même implicitement, pour cette partie, la reconnaissance des obligations qui lui sont actuellement imputées ;
Et attendu que les dépens du présent jugement doivent être supportés par M. N. qui succombe en son action ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires des premiers juges,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement, comme juridiction d'appel du Tribunal du travail ;
Confirme le jugement susvisé en date du 5 avril 1984 ;
Composition
MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sanita, Boeri, av. déf. ; Boitel, Leandri, av.
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