Abstract
Procédure pénale
Action civile - Dommages-intérêts - Exécution provisoire nonobstant appel - Conditions.
Résumé
Lorsque le juge répressif se trouve saisi en même temps de l'action publique et de l'action civile, bien que les règles de procédure pénale soient applicables à l'action civile, il n'empêche que la condamnation à des dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant directement de l'infraction tient compte de l'intégralité de celui-ci et peut être assortie de l'exécution provisoire comme il en serait de même devant la juridiction civile.
Motifs
Le Tribunal,
Jugeant correctionnellement,
Attendu qu'à la requête du Ministère Public P. B. a été régulièrement cité à comparaître devant le tribunal, à l'audience du 19 mars 1985, comme prévenu « d'avoir à Monaco, le 29 octobre 1984, en tout cas depuis temps non prescrit :
1° par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou inobservation des règlements, involontairement causé des blessures au sieur L. A. ;
Délit prévu et puni par l'article 251 du Code pénal ;
2° alors qu'il s'apprêtait à apporter un changement important dans l'allure ou la direction de son véhicule, omis de s'assurer qu'il pouvait le faire sans danger, et d'avertir de son intention les autres usagers ;
Contravention prévue et punie par les articles 6 et 207 de l'Ordonnance Souveraine n° 1691 du 17 décembre 1957 » ;
Attendu qu'à ladite audience, sa représentation par Me Rivière, assisté de Me Sbarrato a été admise ; que, de la sorte, le présent jugement lui sera contradictoire par application de l'article 377, alinéa 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu, par ailleurs, qu'A. L. comparaissant en personne à cette même audience du 19 mars 1985 et ayant bénéficié d'un renvoi de l'affaire afin de formuler ses demandes, a déclaré à l'audience du 23 avril 1985 se constituer partie-civile à l'encontre du prévenu et réclamé à celui-ci, en sollicitant l'exécution provisoire de la condamnation à intervenir de ce chef, une somme de 20 000 francs au titre des douleurs et du préjudice moral par lui éprouvés consécutivement aux faits visés par la poursuite, lesquels ont constitué, ainsi qu'il est constant, un accident couvert par la législation sur les accidents du travail, dès lors que L. venait, au moment desdits faits, de quitter son lieu de travail auprès de son employeur, la société anonyme monégasque dénommée « M. B. S. » ;
Attendu que la Compagnie d'assurances « Le Groupe Concorde », qui assure cette société pour les accidents du travail, a déclaré, au premier appel de la cause, intervenir à l'instance aux côtés de la victime à l'effet d'obtenir du prévenu le remboursement des prestations servies à cette même victime, au titre de la législation précitée, qu'elle a évaluées à la somme totale de 41 685,75 frs dans ses dernières conclusions déposées le 23 avril 1985, dont elle a verbalement maintenu les termes à l'audience du 14 mai 1985 à laquelle l'affaire a été mise en délibéré, après une dernière remise de cause antérieurement sollicitée par Me Rivière ;
Sur quoi,
Quant à l'action publique,
Attendu qu'il résulte de l'enquête et des débats qu'A. L., pilotant un cyclomoteur, circulait le 29 octobre 1984, vers 12 h 15, sur le quai Antoine 1er à Monaco en direction du boulevard Albert 1er, lorsqu'il est entré en collision avec une automobile conduite par le prévenu, laquelle, suivant la même direction et se trouvant alors devant lui, venait d'obliquer sur sa droite afin d'occuper une place de stationnement en bordure de la chaussée ; qu'à la suite de cette collision, A. L. a chuté à terre et a été blessé ;
Attendu que des constatations matérielles opérées par les enquêteurs sur les lieux et le jour même de l'accident, il ressort que l'automobile du prévenu, de marque BMW, a été endommagée lors de la collision sur son côté arrière droit, des éraflures ayant été relevées en cette partie du véhicule et l'enjoliveur de la vitre arrière droite de celui-ci s'étant trouvé tordu ;
Attendu que ces constatations matérielles corroborent sans conteste, en dépit des dénégations du prévenu qui soutient n'avoir pas commis de faute de conduite lors de l'accident, les déclarations de L. ainsi que celles d'un témoin oculaire de l'accident, dont il résulte que l'automobile du prévenu a coupé la route à la victime ;
Attendu qu'il s'ensuit que B. doit être déclaré coupable tant du délit que de la contravention connexe qui lui sont reprochés, dès lors qu'il lui appartenait dans la conduite de son véhicule, avant d'apporter à la trajectoire de celui-ci un infléchissement notable de nature à le placer en oblique sur la chaussée, de s'assurer que les autres véhicules pouvant alors survenir, en particulier sur son arrière, et auxquels il se devait d'être attentif, n'allaient pas être gênés dans leur progression par sa propre manœuvre ;
Attendu, toutefois, qu'en ce qui concerne la sanction il existe en la cause des circonstances atténuantes ;
Quant à l'action civile,
Attendu qu'eu égard à ce qui précède et alors qu'aucune faute ne ressort des éléments du dossier, pouvant être imputée à la victime, celle-ci, qui a subi, lors de l'accident, une fracture de la rotule droite, outre diverses plaies et traumatismes ayant nécessité son hospitalisation, est en droit d'obtenir de P. B. l'entière réparation des préjudices, par elle invoqués présentement (pretium doloris et préjudice moral), que le Tribunal, compte tenu des éléments suffisants d'appréciation dont il dispose estime devoir évaluer dans leur montant à la somme de 8 000 frs ;
Que l'exécution provisoire de ce chef sollicitée apparaît justifiée par le caractère indemnitaire de la condamnation qu'elle vise dont la victime, en considération de sa position, ne saurait souffrir de retard d'exécution sans péril pour ses intérêts ;
Attendu, par ailleurs, que l'action de la Compagnie La Concorde précédemment introduite par voie d'intervention aux côtés de la partie civile, s'avère recevable et fondée, aucune contestation expresse des prestations versées par cette partie qui en demande le remboursement, n'ayant été présentement formulée ;
Qu'il y a dès lors lieu, par application de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, de condamner P. B. à lui payer la somme de 41 684,75 frs correspondant aux indemnités légales que ladite compagnie a prises en charge jusqu'à ce jour et dont elle doit être entièrement exonérée par le prévenu responsable de l'accident ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal,
Statuant contradictoirement,
Déclare P. B. coupable du délit et de la contravention connexe qui lui sont reprochés ;
Faisant application des articles 251 et 392 du Code pénal, 6 et 207 de l'Ordonnance Souveraine n° 1691 du 17 décembre 1957,
* le condamne à la peine de cinq cents francs d'amende pour le délit et à celle de cent francs d'amende pour la contravention ;
Reçoit A. L. en son action civile et la Compagnie d'assurances « Groupe Concorde », en son intervention ;
Déclare P. B. responsable de l'accident par lui occasionné le 29 octobre 1984 à A. L. et tenu de réparer entièrement les conséquences dommageables subies par ce dernier ;
Faisant partiellement droit à la demande de réparation des douleurs et du préjudice moral d'A. L., condamne, de ces deux chefs, P. B. à payer à la victime la somme de 8 000 frs (huit mille francs) à titre de dommages-intérêts ;
Ordonne l'exécution provisoire, nonobstant appel, de ce chef de condamnation ;
Condamne, en outre, P. B. à payer à la Compagnie d'assurances « Le Groupe Concorde », la somme de 41 684,75 frs, montant actuel des débours de celle-ci ;
Composition
MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. proc. gén. ; MMe Sbarrato et Lorenzi, av. déf. ; Rivière, av.
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