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13/06/1985 | MONACO | N°25106

Monaco | Tribunal de première instance, 13 juin 1985, Société P. Finanziara S.P.A., Sieur P. c/ Société des Bains de Mer - Cie Assicurazioni Italia


Abstract

Dépôt volontaire

Remise d'un véhicule au préposé d'un établissement de jeu par le joueur - Vol du véhicule - Obligation de restitution - Absence de force majeure mais surveillance insuffisante - Dépositaire tenu à réparation.

Résumé

En remettant au préposé ad hoc d'un établissement de jeu son véhicule avant de pénétrer dans ledit établissement, le joueur a conclu avec la société exploitante un contrat de dépôt volontaire qui résulte de la tradition réelle de la chose, attestée par un ticket d'identification du véhicule remis.
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Abstract

Dépôt volontaire

Remise d'un véhicule au préposé d'un établissement de jeu par le joueur - Vol du véhicule - Obligation de restitution - Absence de force majeure mais surveillance insuffisante - Dépositaire tenu à réparation.

Résumé

En remettant au préposé ad hoc d'un établissement de jeu son véhicule avant de pénétrer dans ledit établissement, le joueur a conclu avec la société exploitante un contrat de dépôt volontaire qui résulte de la tradition réelle de la chose, attestée par un ticket d'identification du véhicule remis.

La société n'ayant pas pu restituer la chose reçue par suite du vol du véhicule - lequel, nullement imprévisible n'a pas présenté le caractère de la force majeure - voit sa responsabilité contractuelle engagée en raison de l'insuffisance de sa surveillance de la chose déposée.

Le dommage résultant du défaut de la restitution du véhicule ne saurait être préparé que dans la limite de ce que les parties ont pu prévoir lors de la conclusion du contrat.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'il résulte des éléments du dossier - et en particulier d'un jugement de ce Tribunal jugeant correctionnellement, en date du 22 novembre 1983, définitif, auquel la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (S.B.M.) fait référence dans ses écrits judiciaires ; que le 15 août 1983 vers 23 heures G.-L. P. s'est rendu dans l'établissement de la S.B.M. dénommé Sporting Club d'Été à bord d'un véhicule de marque Mercédès 500 immatriculé à Rome (Italie) appartenant à la société de droit italien qu'il dirige, dénommée P. Finanziara S.P.A. ; qu'arrivé sur les lieux, P. a remis, selon l'usage, ledit véhicule à un préposé de la S.B.M. qui en a pris possession contre remise d'un ticket de parking et s'est chargé d'en assurer le stationnement ;

Qu'alors qu'il entendait reprendre possession de ce véhicule après avoir quitté l'établissement le Sporting vers 2 heures 15, et présenté le ticket de stationnement au voiturier de service, P. a appris la disparition de la Mercédès, laquelle avait fait l'objet d'un vol commis par le nommé G. P. - appréhendé et identifié le 22 août suivant - pendant le temps de son stationnement dans le parking de la S.B.M. ;

Que la victime de ce vol, qui n'a pas fait valoir ses droits dans l'instance pénale ayant abouti au jugement précité du 22 novembre 1983 ayant condamné G. aux peines de 6 mois d'emprisonnement et de 5 000 francs d'amende pour vol du véhicule Mercédès, a obtenu de son assureur la Compagnie Le Assicurazioni d'Italia S.P.A., le 22 mars 1984, le versement d'une indemnité de 34 500 000 lires italiennes sur sa déclaration que la voiture n'avait pas été retrouvée à cette date ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, la société P. Finanziara S.P.A. et G.-L. P. ont fait assigner la S.B.M., qu'ils prétendent responsable civilement du vol dont s'agit par suite du manquement à l'obligation de garde qu'elle avait contractée, à l'effet d'obtenir réparation de leur préjudice, s'établissant selon eux comme suit :

Société P. Finanziara S.P.A. :

316 524,30 francs, diminués toutefois de la somme de 177 500 francs versée par l'assureur, outre les intérêts de droit à compter du 16 août 1983, représentant le montant du préjudice matériel subi (valeur de remplacement du véhicule et des divers équipements dont il était pourvu) ;

G.-L. P. :

108 705,84 francs, avec intérêts de droit à compter du 16 août 1983, au titre du préjudice matériel subi se décomposant comme suit :

a) 9 400 francs correspondant à deux porte clefs en or qui se trouvaient dans le véhicule,

b) 5 973,75 francs, 7 941,40 francs, 7 558,62 francs et 1 224,17 francs correspondant aux frais de remplacement des serrures dont les clefs étaient suspendues aux porte clefs précités, rendus nécessaires dans le dessin de protéger les biens renfermés par les appartements ou villas concernés,

c) 76 608 francs correspondant aux frais de location pendant 42 jours - délai nécessaire à l'acquisition d'un autre véhicule - d'une automobile de marque comparable ;

Société P. Finanziara S.P.A. et G.-L. P. :

100 000 francs au titre du préjudice moral éprouvé ;

Attendu que par conclusions du 4 avril 1985 la compagnie Le Assicurazioni d'Italia S.P.A. est intervenue volontairement aux débats pour solliciter le paiement, par la S.B.M., de la somme versée à son assurée à la suite de la disparition du véhicule Mercédès, sur le fondement de l'inobservation de ses obligations de gardien dudit véhicule, soit la contre valeur en francs français de la somme de 34 500 000 lires outre 5 000 francs à titre de dommages intérêts complémentaires ;

Attendu que la S.B.M. s'oppose au principal à l'ensemble de ces demandes dont elle sollicite le rejet en faisant valoir que la garde juridique du véhicule ne lui a pas été transférée dans la mesure où le parking du Sporting d'Été est librement ouvert à la clientèle qui y a accès sans contrôle ; qu'elle prétend que la remise volontaire de la clef de la Mercédès par P. à son préposé « voiturier occasionnel » n'a pas eu pour effet de l'investir de la garde du véhicule ni d'entraîner de sa part un engagement contractuel quelconque et soutient que sa responsabilité n'est pas engagée ;

Qu'à titre très subsidiaire, elle observe que la somme réclamée par la société P. Finanziara S.P.A. est sans commune mesure avec l'indemnité versée par l'assureur et conteste le préjudice moral allégué ;

Qu'en ce qui concerne les réclamations de G.-L. P., elle remarque que le changement des serrures ne constitue pas un préjudice rattachable à la faute qu'elle a pu commettre, dénie toute qualité de ce demandeur - s'agissant d'une voiture de fonction - pour réclamer le remboursement des frais de location d'un véhicule de remplacement et estime que les indemnités versées par l'assurance ont réparé l'ensemble de son préjudice ;

Sur quoi,

Sur la responsabilité,

Attendu que les circonstances de la cause révèlent que P. a entendu confier la garde de la voiture Mercédès à la S.B.M. qui, par le biais de son préposé, a accepté de la recevoir, à charge de la restituer ;

Qu'ainsi ces parties ont conclu entre elles un contrat de dépôt volontaire, tel que régi par les articles 1754 et suivants du Code civil, dont l'existence et la validité, qui résultent en particulier de la tradition réelle de la chose, ne peuvent être sérieusement contestées au regard des éléments du dossier, étant observé qu'en l'espèce P., nanti d'un ticket d'identification du véhicule remis, s'est trouvé dans l'impossibilité morale d'exiger de la S.B.M. une preuve écrite du dépôt ;

Attendu que pour se soustraire à l'obligation de restituer la chose reçue, la S.B.M. ne pourrait invoquer en l'espèce qu'un cas de force majeure ou l'absence de faute de sa part ; qu'il s'agit dès lors d'examiner si le vol du véhicule placé temporairement sous sa garde et sa surveillance par l'effet du dépôt a pu revêtir le caractère de force majeure, ou si elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat ;

Attendu à cet égard que la S.B.M. ne démontre pas - ni n'offre de prouver - avoir pris toutes précautions utiles pour prévenir le vol dont s'agit, lequel n'était nullement imprévisible ; qu'il résulte en effet des circonstances de fait relatées dans le jugement correctionnel précité que l'un des voituriers de la S.B.M. a vu l'auteur du vol quitter le parking au volant du véhicule Mercédès dont il a fourni le signalement correspondant à celui d'un personnage à l'allure suspecte croisé dans le parking, la même nuit, par un autre voiturier ; qu'il doit être déduit de ces éléments que la S.B.M. qui s'abstient au demeurant d'alléguer qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission, n'a pas exercé une surveillance suffisante de la chose déposée ;

Attendu en conséquence que sa responsabilité contractuelle apparaît pleinement engagée, en sorte qu'elle est tenue de réparer le dommage résultant du défaut de restitution du véhicule ;

Sur le préjudice,

Attendu que la S.B.M. ne saurait être tenue de réparer que le dommage prévisible lors de la conclusion du contrat, par application des principes de responsabilité contractuelle ;

Attendu qu'il s'ensuit, en ce qui concerne le préjudice subi par G.-L. P., qu'il n'y a pas lieu d'indemniser ce demandeur des dommages qu'il allègue (tels que ci-dessus rapportés en a) et b)) dès lors que les parties n'ont pu envisager de les inclure dans leur contrat, outre l'imprudence de P. consistant à laisser dans une automobile confiée dans les conditions ci-dessus décrites les clefs de ses différentes résidences, suspendues de surcroît à des portes clefs en or ;

Que s'agissant du préjudice décrit en c), il n'est pas sérieusement contesté que P. était l'utilisateur habituel du véhicule appartenant à la Société P. Finanziara, la S.B.M. admettant même qu'il s'agissait d'une voiture de fonction ; qu'ainsi P., qui a été privé de l'utilisation de ce véhicule jusqu'au jour de son remplacement, apparaît fondé en sa réclamation de ce chef ; qu'au vu des pièces produites, il apparaît équitable de lui allouer à ce titre la somme de 65 000 francs ;

Que les désagréments de tous ordres - inclus dans le préjudice moral invoqué - qu'il a subis du fait du vol commandent de lui allouer en outre la somme de 15 000 francs ;

Attendu, quant au préjudice subi par la Société P. Finanziara S.P.A. que cette société, qui ne justifie pas avoir acquis un véhicule identique par les pièces présentement produites, est toutefois fondée à obtenir remboursement de la valeur de remplacement, à ce jour, d'un véhicule identique à celui volé, pourvu des mêmes équipements, sauf à tenir compte de la vétusté ayant affecté lesdits biens ; qu'au regard des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose, il y a lieu de fixer la réparation de ces chefs à la somme de 300 000 francs dont il convient de déduire l'indemnité versée par l'assureur (évaluée à 117 500 francs sans susciter d'observation), soit en définitive la somme de 122 500 francs ;

Que cette société n'établissant pas avoir subi un préjudice moral, sa demande de ce chef doit être rejetée ;

Attendu que les sommes ainsi allouées en réparation de préjudices liquidés à ce jour ne sauraient porter intérêts à compter de la date du vol ; qu'il y a lieu toutefois de les assortir des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Attendu, sur la demande de la compagnie Le Assicurazioni d'Italia dont l'intervention apparaît régulière, que les pièces produites (quittance subrogative de règlement et photocopie du chèque en remboursement remis le 22 mars 1984) doivent conduire à faire droit à sa réclamation, y compris quant aux dommages-intérêts complémentaires sollicités qui apparaissent équitablement réparer le préjudice né de l'indisponibilité, depuis plus d'un an, de l'indemnité versée à son assurée ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco contractuellement tenue de réparer les préjudices consécutifs au vol, survenu dans la nuit du 15 au 16 août 1983, du véhicule dont elle était dépositaire ;

La condamne en conséquence à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement :

1° à G.-L. P. la somme de 80 000 francs, à titre de dommages-intérêts pour préjudices matériel et moral,

2° à la Société P. Finanziara S.P.A., celle de 122 500 francs à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel.

Accueille la compagnie Le Assicurazioni d'Italia en son intervention et condamne la S.B.M. à lui payer l'équivalent en francs français, au cours du change du 22 mars 1984, de la somme de 34 500 000 lires italiennes, outre la somme de 5 000 francs à titre de dommages intérêts complémentaires ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Lorenzi, Marquet, av. déf.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 25106
Date de la décision : 13/06/1985

Analyses

Contrat de dépôt ; Infractions contre les biens


Parties
Demandeurs : Société P. Finanziara S.P.A., Sieur P.
Défendeurs : Société des Bains de Mer - Cie Assicurazioni Italia

Références :

Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-06-13;25106 ?

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