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25/06/1985 | MONACO | N°25111

Monaco | Tribunal de première instance, 25 juin 1985, Ministère public c/ A. Z.


Abstract

Vol

Eléments constitutifs - Dépossession de la victime, déficiente mentale, appréhension frauduleuse.

Résumé

La dépossession de la victime, dont les facultés mentales sont altérées, est assimilée eu égard aux circonstances de la cause à une appréhension frauduleuse.

Motifs

Le Tribunal,

Jugeant correctionnellement,

Attendu que A. Z. Veuve M. a comparu en personne devant le Tribunal, à l'audience du 18 juin 1985, comme prévenue, aux termes d'une ordonnance de renvoi de M. le juge d'instruction en date du 22 avril

1985 : « d'avoir, à Monaco, courant 1980, 1981, 1982 et 1983, en tout cas depuis temps non couvert par la prescri...

Abstract

Vol

Eléments constitutifs - Dépossession de la victime, déficiente mentale, appréhension frauduleuse.

Résumé

La dépossession de la victime, dont les facultés mentales sont altérées, est assimilée eu égard aux circonstances de la cause à une appréhension frauduleuse.

Motifs

Le Tribunal,

Jugeant correctionnellement,

Attendu que A. Z. Veuve M. a comparu en personne devant le Tribunal, à l'audience du 18 juin 1985, comme prévenue, aux termes d'une ordonnance de renvoi de M. le juge d'instruction en date du 22 avril 1985 : « d'avoir, à Monaco, courant 1980, 1981, 1982 et 1983, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, frauduleusement soustrait au préjudice de L. P. de P. née R. :

* 9 lingots de 1 kg d'or numérotés 2 583, 494 129, 495 172, 617 610, 617 612, 683 211, 637 612, 440 331 et 271 461 ; - une somme de 20 000 francs en espèces ; - une bague en or blanc montée en solitaire avec un gros brillant ; - une montre en or blanc avec brillants ; - un bracelet en perles blanches ; - une broche en or blanc avec brillants ; - 16 pièces de 20 dollars U.S. en or ; - 3 perruches et 2 perroquets en céramique ; - de la vaisselle en porcelaine de Chine ; - des pièces d'argenterie marquées » Hôtel Majestic «, » Grand Hôtel Victoria « et » CRV « ; - 33 bouteilles de vin et spiritueux ; - divers documents ; Faits qui constituent le délit prévu et puni par les articles 309 et 325 du Code pénal » ;

Attendu qu'à cette même audience du 18 juin 1985, se sont, par ailleurs, constituées parties civiles à l'encontre de la prévenue, ce en leur qualité non contestée d'héritiers de L. P. de P., les nommés : M. P. de P., épouse D., A. P. de P., L. P. de P., A. P. de P., F. P. de P., R. P. de P., J. P. de P., M. P. de P., épouse L. ;

Que ces héritiers ont sollicité du Tribunal, par voie de conclusions, que la prévenue soit condamnée à leur restituer la totalité des objets visés par l'ordonnance de M. le Juge d'Instruction précitée qui ne leur auraient pas été antérieurement restitués, qu'il soit dit et jugé que, dans toute la mesure où ces mêmes objets seraient saisis et déposés au Greffe général, ils leur seront remis au vu du jugement de condamnation à intervenir, devenu définitif, et enfin que la prévenue soit condamnée à leur payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Sur quoi,

Quant à l'action publique ;

Attendu qu'il résulte de l'instruction préparatoire et des débats qu'après que L. P. de P., dont il était chargé d'administrer le patrimoine, eut subi le 10 mai 1982 un début d'hémiplégie, avec troubles de la parole, et eût dû être hospitalisée jusqu'au 15 juin 1982, A. P., qui s'était antérieurement occupé durant 20 ans de la gestion de la fortune d'H. P. de P. jusqu'au décès de celui-ci survenu en 1974, ayant informé le 13 septembre 1982, M. le juge tutélaire de la Principauté de l'importante atteinte des facultés intellectuelles que L. P. de P. présentait alors, a été nommé, le 31 janvier 1983, administrateur judiciaire de cette dernière par application de l'article 410-19° du Code civil ;

Qu'en cette qualité il a rendu compte le 27 juin 1983 au juge tutélaire de ce qu'il avait constaté, après l'inventaire des biens de L. P. de P. auquel il avait procédé, que divers effets de grande valeur dont il connaissait depuis longtemps l'existence avaient disparu aussi bien d'un coffre détenu à l'agence de Monte-Carlo de la Banque Nationale de Paris par L. P. de P. que du logement de celle-ci ; qu'il s'agissait pour l'essentiel de 20 lingots d'un kilo d'or chacun, d'un grand nombre de monnaies en or et de diverses pièces d'argenterie contenues dans le coffre bancaire, ainsi que d'environ 50 000 francs en espèces, détenus en permanence par L. P. de P. dans son appartement, outre de nombreux bijoux et bouteilles de vins ou spiritueux de prix et divers bibelots et documents justificatifs de placements ;

Attendu qu'au cours de l'enquête qui a été sur ce ordonnée ont été découverts, le 27 juillet 1983, en la possession d'A. Z. et à son domicile (excepté un lingot antérieurement déposé en banque par cette prévenue le 4 mai 1982), l'ensemble des effets et valeurs énumérés par l'ordonnance de renvoi précitée, hormis les 20 000 francs qui s'y trouvent visés et qu'A. Z. a déclaré avoir dépensés pour le compte de L. P. de P., sans toutefois en justifier, après s'en être emparée dans l'appartement de celle-ci ; que ces effets et valeurs, incluant notamment 28 photocopies d'opérations de placement faites par A. P., correspondent manifestement par leur consistance à une partie de ceux dont A. P. avait antérieurement signalé la disparition ;

Attendu que la prévenue a reconnu, tant au cours de l'enquête et de l'instruction que lors des débats à l'audience, que les effets ainsi découverts, outre la somme de 20 000 francs, provenaient dans leur ensemble du patrimoine de L. P. de P. qui les lui avait, a-t-elle soutenu, soit donnés en pleine propriété soit remis en dépôt ;

Qu'elle a précisé à cet égard que lors de son hospitalisation L. P. de P. lui avait confié pour être mis en lieu sûr - avec un testament de son mari, des justificatifs de divers placements opérés par A. P., deux chéquiers et diverses pièces relatives à un portefeuille de valeurs boursières de Paris - les quatre bijoux mentionnés par l'ordonnance de renvoi (solitaire, montre, bracelet et broche) - qu'elle a ultérieurement restitués le 8 septembre 1983 à A. P. en sa qualité d'administrateur judiciaire de L. P. de P. ultérieurement décédée le 9 juin 1984, tout comme les 16 monnaies en or par ailleurs visées par la poursuite, ajoutant qu'elle avait déposé entre les mains de Me Marquilly, avocat-défenseur, les papiers et chéquiers qui viennent d'être mentionnés, hormis toutefois les 28 photocopies susvisées, parmi lesquels seuls apparaissent avoir été annexés à la procédure ceux inclus sous les cotes du dossier d'instruction portant les numéros D. 48 à D. 54 et D. 84 à D. 96 ;

Qu'elle a soutenu par ailleurs qu'antérieurement au 10 mai 1982 et alors que depuis le décès de son propre mari survenu le 10 avril 1981 elle s'était rapprochée de L. P. de P. alors âgée de 81 ans en entretenant avec elle d'étroites relations d'amitié, elle avait personnellement reçu des mains de celle-ci :

* d'une part, au cours de l'été 1981 et immédiatement après, les 9 lingots visés par la prévention (se trouvant actuellement placés sous scellés et déposés à l'agence de Monte-Carlo de la Banque Nationale de Paris suivant le procès-verbal coté au dossier D. 80) lesquels lui auraient été donnés de manière spontanée en deux fois (à raison de trois la première fois et de six la seconde, ce qui toutefois apparaît en contradiction avec les déclarations de G. G., sœur de la prévenue),

* d'autre part, les pièces d'argenterie, les figures en céramique, la vaisselle en porcelaine de Chine et les bouteilles mentionnées pareillement par la poursuite, lesquelles lui auraient été offertes de même spontanément par L. P. de P. à l'occasion de ses fréquentes rencontres avec elle et ce, même avant l'été 1981, ces objets ayant été au cours de la procédure, laissés en la possession d'A. Z. - à charge pour elle de les restituer au besoin, ainsi qu'il résulte des procès-verbaux cotés D. 12 et D. 20 au dossier d'instruction - et se trouvant énumérés de manière détaillée par le procès-verbal de visite domiciliaire dressé le 27 juillet 1983 (coté D. 20 au dossier d'instruction) auquel il y a lieu de se référer pour leur description ;

Qu'il s'agit, d'une part, des pièces d'argenterie marquées « Hôtel Majestic », « Grand Hôtel Victoria » et « C.R.V. », découvertes dans le couloir de l'appartement et dans la cave de la prévenue, d'autre part, des figures en céramique visées par l'ordonnance de renvoi et correspondant à « trois perruches » (l'une de couleur bleue, jaune, verte, les deux autres de couleur jaune et verte) et à « deux perroquets » (l'un blanc à crête multicolore, l'autre bleu sur support blanc), d'autre part encore de « la vaisselle en porcelaine de Chine » apparaissant correspondre exclusivement à cinq assiettes mentionnées à la page 1 du procès-verbal susvisé et, enfin, des trente-trois bouteilles détaillées à la page 4 de ce même procès-verbal ;

Attendu toutefois que la distinction opérée dans sa déclaration par la prévenue quant aux objets qui lui auraient été donnés et à ceux qu'elle n'aurait reçus qu'en garde, n'est pas corroborée par les éléments du dossier qui révèlent au contraire :

* d'une part, qu'A. Z. n'a pas signalé à A. P., qu'elle connaissait antérieurement au 10 mai 1982 comme étant chargé des intérêts patrimoniaux de L. P. de P., l'existence des bijoux découverts à son domicile ni les dépenses effectuées à concurrence des 20 000 francs dont elle a disposé,

* d'autre part, qu'elle n'a pas non plus indiqué qu'elle détenait ces mêmes bijoux, à M.-J. P. de P., nièce de L. P. de P., au cours de l'entrevue qu'elle a eue avec elle en juin 1983, durant laquelle elle lui a pourtant parlé en détail de l'ensemble des circonstances de l'hospitalisation de L. P. de P.,

* enfin, qu'alors qu'il a fallu qu'une enquête soit effectuée, sur les indications d'A. P., pour que celui-ci, agissant au nom de son administrée puisse retrouver au domicile de la prévenue les bijoux dont s'agit, cette même prévenue en était venue, antérieurement, à porter la bague visée par la poursuite à l'insu de L. P. de P., alors que cette dernière en avait constaté en juin 1983 la disparition, sans pouvoir alors expliquer à sa nièce comment ladite bague avait pu quitter son doigt ;

Que ces éléments établissent ainsi à la conviction du Tribunal que la prévenue a entendu se comporter en véritable maître des bijoux et papiers découverts chez elle ainsi que de l'argent dont elle a disposé ;

Attendu, par ailleurs, qu'alors que les circonstances de fait précises dans lesquelles la prévenue est entrée en possession de l'ensemble des effets énumérés par l'ordonnance de renvoi, n'ont pas été élucidées par les pièces de l'information, il ressort toutefois desdites pièces, en tenant pour vraies les propres déclarations d'A. Z. selon lesquelles celle-ci aurait obtenu la remise volontaire de ces mêmes effets par L. P. de P., qu'une telle remise s'identifie en l'espèce pour la plupart d'entre eux à une appréhension frauduleuse, dès lors qu'à partir de 1980 L. P. de P. souffrait d'une déficience mentale rendant impossible l'expression d'une volonté lucide de don ;

Attendu, en effet, qu'il résulte formellement d'un rapport d'expertise judiciaire déposé par le Dr Zemori, et fondé notamment sur des examens antérieurement pratiqués en 1981 par le Dr S., (qui avait alors constaté de la part de L. P. de P. des troubles du comportement et des fonctions cérébrales supérieures en rapport avec une maladie vasculaire ayant évolué sur plusieurs années) qu'en 1980-1981 L. P. de P. était hors d'état de manifester sa volonté ; que cette circonstance a été confirmée au cours de l'instruction par divers membres de sa famille ayant en particulier déclaré qu'en janvier 1980 elle présentait une atteinte de ses facultés cérébrales se traduisant par une grande confusion tant des faits passés, dont elle perdait la mémoire, que des gens qu'elle n'identifiait pas ;

Attendu qu'il s'ensuit, dès lors, qu'A. Z. doit être déclarée coupable du délit de vol qui lui est reproché, relativement à l'ensemble des effets et valeurs énumérés par l'ordonnance de renvoi et ci-dessus spécifiés, à l'exception toutefois de la vaisselle en porcelaine et des perruches et perroquets en céramique dont les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que la prévenue en ait pris possession postérieurement à 1980 ;

Attendu qu'il y a lieu, dès lors, de faire à A. Z. application de la loi pénale, en tenant compte cependant de ce que n'ayant pas été antérieurement condamnée, cette prévenue est à même de bénéficier du sursis ce, en vertu de l'article 393 du Code pénal qui apparaît devoir être appliqué en l'espèce au regard de la personnalité d'A. Z. qui n'était pas défavorablement connue des services de police jusqu'aux faits présentement sanctionnés et qui n'a pas été détenue ;

Quant à l'action civile :

Attendu que les héritiers susnommés de L. P. de P. recevables à agir, doivent être déclarés fondés en leur demande de restitution des biens frauduleusement appréhendés par la prévenue qu'ils n'ont pas recouvrés jusqu'ici, soit : les papiers personnels de L. P. de P. trouvés au domicile d'A. Z. et décrits par le procès-verbal coté D. 20 au dossier, l'ensemble des bouteilles et des pièces d'argenterie marquées « Hôtel Majestic », « Grand Hôtel Victoria » et « CRV » pareillement décrits par ledit procès-verbal et enfin les 9 lingots d'or placés sous scellés comme il a été ci-dessus rapporté ;

Attendu par ailleurs que ces mêmes héritiers, qui n'ont pas jusqu'ici obtenu restitution de la somme de 20 000 francs utilisée sans justification par la prévenue, doivent être en outre déclarés fondés en leur demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi par suite des faits reprochés à cette même prévenue, à concurrence d'une somme que le Tribunal estime devoir fixer à 30 000 francs sur la base des éléments suffisants d'appréciation dont il dispose à cet égard ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement ;

Déclare A. M. née Z. coupable du délit de vol qui lui est reproché portant sur les objets visés par la poursuite, exception faite des cinq figures en céramique et de la porcelaine de Chine ci-dessus spécifiées ;

Faisant application des articles 309, 325 et 393 du Code pénal, la condamne à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis et à celle de dix mille francs d'amende ;

Reçoit les nommés M., A., L., A., F., R., J. et M. P. de P. en leur action civile ;

Condamne A. M. née Z. à leur restituer les documents, bouteilles et pièces d'argenterie trouvés à son domicile et décrits par le procès-verbal portant la cote D. 20 du dossier d'instruction ;

Ordonne par ailleurs la restitution à leur profit des 9 lingots d'or ci-dessus spécifiés placés sous scellés et déposés à l'agence de Monte-Carlo de la Banque Nationale de Paris ;

Condamne en outre, A. M. née Z. à leur payer la somme de 30 000 francs, à titre de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Landwarlin, prés. ; Serdet, subst, proc. gén. ; MMe Sbarrato et Boeri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25111
Date de la décision : 25/06/1985

Analyses

Infractions contre les biens ; Infractions contre les personnes


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : A. Z.

Références :

articles 309 et 325 du Code pénal
article 410-19° du Code civil
article 393 du Code pénal
articles 309, 325 et 393 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-06-25;25111 ?

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