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28/11/1985 | MONACO | N°25158

Monaco | Tribunal de première instance, 28 novembre 1985, Société Klockner Ferromatic c/ O. ès-qualités de Syndic, Société Microtechnic.


Abstract

Cessation des paiements

Vente avec clause de réserve de propriété - Action en revendication : irrecevable

Résumé

Les procédures de cessation des paiements sont, suivant la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, soumises à la loi du lieu de leur ouverture, le livre III du Code de commerce étant d'application territoriale en vertu de l'article 3 du Code civil.

Après qu'une entreprise ayant son siège à Monaco ait été déclarée en cessation des paiements, un créancier ayant vendu à celle-ci du matériel suivant un contrat con

tenant une clause de réserve de propriété, à la différence de la législation française, n'est pa...

Abstract

Cessation des paiements

Vente avec clause de réserve de propriété - Action en revendication : irrecevable

Résumé

Les procédures de cessation des paiements sont, suivant la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, soumises à la loi du lieu de leur ouverture, le livre III du Code de commerce étant d'application territoriale en vertu de l'article 3 du Code civil.

Après qu'une entreprise ayant son siège à Monaco ait été déclarée en cessation des paiements, un créancier ayant vendu à celle-ci du matériel suivant un contrat contenant une clause de réserve de propriété, à la différence de la législation française, n'est pas fondé à exercer une action en revendication judiciaire.

Les droits de ce créancier sont régis par les articles 484 et 485 du Code de commerce lesquels ne traitent pas de la revendication des meubles vendus au débiteur, sous le bénéfice pour le vendeur d'une clause de réserve de propriété.

Admettre une telle action postérieurement à la constatation de la cessation des paiements heurterait le principe d'ordre public de l'égalité des créanciers soumis à la loi du concours prescrite par l'article 462 du Code de commerce.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Considérant les faits suivants :

La Société Klockner Ferromatic (France) a vendu à la société Microtechnic une « presse à injecter de type F 250 n° 160138 » qu'elle lui avait antérieurement donnée à bail ;

La cession ainsi réalisée, consécutive à un bon de commande signé par le représentant de la société Microtechnic a fait l'objet d'une facture n° 14558 datée du 30 mars 1984 ;

Celle-ci a été établie pour le prix total, toutes taxes comprises, de 660 300 F 76 payable pour partie au moyen de 11 mensualités de 8 273 francs chacune, de fin mars 1984 à fin janvier 1985, outre la taxe à la valeur ajoutée devant être acquittée « à 60 jours de la facturation », le solde, soit 465 743 F à régler fin février 1985 et 6 727 F mensuels d'agios prévus de mars 1984 à janvier 1985 inclus ;

Cette même facture, dont seule une photocopie du verso a été produite aux débats, qui ne fait pas apparaître les conditions générales de vente, contient sous l'indication des modalités de règlement qui viennent d'être rappelées, la mention dactylographique : « transfert de propriété après paiement intégral » ;

Se prévalant d'une telle clause après que la cessation des paiements de la société Microtechnic eut été constatée par un jugement du Tribunal rendu le 13 décembre 1984, la société Klockner Ferromatic (France) a fait adresser à un directeur de la société Microtechnic un télex daté du 21 décembre 1984 par lequel elle demandait à cette société de tenir à sa disposition la presse F 250 n° 160138 dont elle entendait reprendre possession ;

Sans avoir obtenu satisfaction à cet égard, la société Klockner Ferromatic (France) a produit au passif de la société Microtechnic, suivant une lettre en date du 9 janvier 1985, pour la somme de 482 289 F correspondant au solde précité de 465 743 F qui lui demeurait dû sur le prix de la presse à la date du jugement de cessation de paiement, outre deux échéances mensuelles de 8 273 F chacune, non honorées à cette même date, ainsi que pour une somme de 45 918,07 F totalisant diverses factures antérieures par elle adressées à la société Microtechnic, relatives notamment à des pièces détachées non payées par celle-ci, et s'échelonnant du 30 octobre au 30 décembre 1984 ;

Dans sa lettre de production, la société Klockner Ferromatic (France) rappelait en outre la clause de réserve de propriété susvisée ;

Estimant qu'une telle clause était inopposable à la masse des créanciers de la société Microtechnic, R. O., syndic de la cessation des paiements de celle-ci, l'a fait connaître à la société Klockner Ferromatic (France) par une lettre en date du 14 janvier 1985 ;

Cette dernière société a, sur ce, fait assigner par l'exploit susvisé, le syndic O. et la société Microtechnic en restitution de la presse dont s'agit ;

Pour l'essentiel, elle fait valoir dans l'assignation, ainsi que dans ses conclusions ultérieures, que la condition, à l'évidence non survenue, par laquelle avait été suspendu le transfert de propriété de la presse jusqu'au paiement intégral du prix convenu devait, par son caractère contractuel imposant son application en l'espèce, être déclaré opposable à la masse des créanciers représentée par le syndic O., dès lors que ceux-ci ne pourraient avoir plus de droits que la société débitrice et qu'en outre, une telle condition avait été, en fait, déterminante non seulement de la vente mais aussi des modalités de paiement avantageuses pour la société Microtechnic qui avaient été consenties au bénéfice de celle-ci ;

La société Microtechnic a conclu, pour sa part, au rejet de la demande, motif pris de ce que l'article 487 du Code de commerce énoncerait limitativement les cas de revendication qu'il prévoit, n'incluant pas celui de l'espèce, et de ce qu'il ne permettrait pas, dès lors, qu'une clause de réserve de propriété insérée dans un contrat de vente conclu avec un acheteur, ultérieurement déclaré en état de cessation des paiements puisse être opposée à la masse des créanciers dudit acheteur, comme l'autorise, en revanche, l'article 65 de la loi française du 13 juillet 1967, depuis sa modification opérée à cet effet par la loi française du 12 mai 1980 qui n'a pas d'homologue à Monaco ;

Le syndic O. a soutenu la même thèse en invoquant, en outre, la Convention franco-monégasque relative à la faillite du 13 septembre 1950 rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953 qui imposerait en l'espèce de recourir à la seule loi monégasque pour apprécier l'admissibilité de l'action en revendication présentement exercée, et partant, d'aboutir à ce que celle-ci soit rejetée en tant que non prévue par l'article 487 du Code de commerce ;

Il a, par ailleurs, fait valoir à l'appui de sa thèse qu'un jugement antérieurement rendu par le Tribunal, le 29 mars 1984, dans un cas similaire à celui de l'espèce, avait déclaré inopposable à la masse des créanciers d'une société débitrice, en cessation de paiements, la clause de réserve de propriété qu'avait alors, à l'encontre du syndic, invoquée le vendeur impayé d'une machine au soutien d'une revendication de celle-ci ;

Sur quoi,

Attendu que le livre III du Code de commerce, qui est d'application territoriale en vertu de l'article 3 du Code civil, régit les procédures qu'il vise, ouvertes à Monaco ;

Qu'il n'y a pas lieu à cet égard de recourir, pour le choix en l'espèce de la loi monégasque de fond applicable à la cessation des paiements dont s'agit, à la Convention signée à Paris le 13 septembre 1950 entre la Principauté de Monaco et la République française, qui ne concerne, aux termes de son article 1er, que la faillite et la liquidation judiciaire des commerçants et sociétés commerciales ayant des biens dans les deux pays, circonstance non invoquée en l'espèce, et qui, au surplus, n'est pas dérogatoire dans ses articles 2 et 5 à la règle, ainsi rappelée, commandant la soumission des procédures de cessation des paiements à la loi du lieu de leur ouverture ;

Attendu que l'action en revendication présentement poursuivie sur une constatation de cessation des paiements opérée à Monaco se trouve, dès lors, gouvernée par les dispositions du livre III précité du Code de commerce ;

Attendu que dans ses relations avec la masse des créanciers instituée par l'article 451 dudit code, qui est un tiers pour lui-même et son cocontractant, le vendeur de meubles voit ses droits régis en l'occurrence par les articles 484 et 485 du même code, lesquels ne traitent pas de la revendication des meubles vendus au débiteur sous le bénéfice, pour le vendeur, d'une clause de réserve de propriété ;

Attendu qu'admettre la revendication judiciaire de tels meubles, postérieurement à la constatation de la cessation des paiements de l'acquéreur, ainsi que la demanderesse le sollicite en l'espèce, heurterait le principe de l'égalité des créanciers soumis à la loi du concours prescrite par l'article 462 du Code de commerce, alors qu'un tel principe procède d'une législation d'ordre public édictant des procédures particulières d'apurement du passif des débiteurs commerçants ainsi que de liquidation collective de leurs biens et qu'il s'impose en conséquence à tous dès le jugement constatant la cessation des paiements de ces mêmes débiteurs ;

Attendu qu'à la différence de la loi française n° 80-335 du 12 mai 1980 ayant dans son article 1er complété l'article 65 de la loi n° 67-563 du 17 juillet 1967 par l'admission, désormais, des revendications de marchandises vendues avec réserve de propriété, le législateur monégasque n'a pas entendu conférer aux vendeurs de tels effets qui introduiraient leur revendication postérieurement à la constatation de la cessation des paiements de leur débiteur, la faveur procurée par l'article 485 du Code de commerce au vendeur bénéficiaire d'une résolution acquise avant le jugement de la vente des biens objet de sa revendication ;

Que les articles 484 et suivants du Code de commerce énumèrent en effet de manière limitative les cas possibles de revendication ;

Qu'à défaut de pouvoir ainsi prétendre à une situation bénéfique comparable à celle de l'article 485 précité dont la sanction du manquement aux conditions qu'il impose est l'inopposabilité, à la masse des créanciers, de la résolution qu'il évoque, la société Klockner Ferromatic (France) doit être déboutée de sa demande en tant que la clause de réserve de propriété sur laquelle celle-ci est fondée ne peut être opposée au syndic, représentant la masse des créanciers de la société Microtechnic, sans que la présence aux débats de cette débitrice à laquelle le contrat de vente dont s'agit, valable inter partes, demeure applicable, puisse être, de ce chef, de quelque effet quant au bien fondé de la revendication dont s'agit au regard de l'article 441 du Code de commerce ;

Et attendu que la demanderesse qui succombe doit supporter les dépens de la présente instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute la société Klockner Ferromatic (France) de l'ensemble de ses demandes ;

Composition

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Karczag-Mencarelli, Sbarrato, av. déf. ; Gollé, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25158
Date de la décision : 28/11/1985

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : Société Klockner Ferromatic
Défendeurs : O. ès-qualités de Syndic, Société Microtechnic.

Références :

article 65 de la loi n° 67-563 du 17 juillet 1967
article 3 du Code civil
article 441 du Code de commerce
articles 484 et 485 du Code de commerce
article 485 du Code de commerce
ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953
article 487 du Code de commerce
article 462 du Code de commerce
Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1985-11-28;25158 ?

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