Abstract
Liquidation de biens
Créance chirographaire - Frais non conservatoires - Option de l'article 448 du Code de commerce
Résumé
Les prestations d'entretien ou de maintenance qu'une société a pu effectuer sur du matériel qui n'a pas profité à la masse des créanciers et n'a pas été retrouvé dans le patrimoine de l'entreprise déclarée en liquidation de biens ne peuvent caractériser, faute de constituer des frais de conservation, une créance à titre privilégiée.
Le syndic représentant de la masse en usant de l'option ouverte par l'article 448 du Code de commerce est autorisé à ne pas exécuter un contrat d'entretien en cours et n'est nullement tenu d'en respecter les clauses imposant un préavis de dénonciation.
Motifs
LE TRIBUNAL STATUANT EN MATIÈRE COMMERCIALE,
Attendu qu'il est constant que par ordonnance du juge-commissaire de la cessation des paiements - devenue liquidation de biens - de la S.A.M. Société Générale de Distribution (S.G.D.) en date du 13 juillet 1984, la Société CII Honeywell Bull (ci-après Société Bull) qui, bien qu'ayant produit au passif de la S.G.D. pour 873 122,67 francs (dont 61 868,17 francs à titre chirographaire et 711 254,50 francs à titre privilégié) n'a été admise à l'état des créances qu'à titre chirographaire pour la somme de 812 594,18 francs, a été déboutée de sa réclamation tendant à être provisionnellement admise, d'une part, à titre privilégié pour le montant précité de 711 254,50 francs au motif que le privilège du conservateur dont elle entendait se prévaloir ne pouvait être reconnu à son bénéfice, cette créance ne présentant dès lors qu'un caractère chirographaire, et d'autre part à titre chirographaire pour l'intégralité du solde réclamé, au motif que les factures émises par cette société, en vertu d'un contrat dénoncé par le syndic, postérieurement au jugement déclaratif pour un montant de 60 528,49 francs ne pouvaient être prises en considération, même à titre de dommages-intérêts, en l'absence de preuve d'un préjudice ;
Attendu que conformément aux dispositions du Code de commerce (art. 472), l'affaire a été renvoyée devant le Tribunal de première instance pour qu'il soit statué définitivement au fond ;
Attendu que la Société Bull qui conclut devant le Tribunal à l'admission « à titre provisionnel » (sic) de sa production privilégiée et chirographaire, fait valoir pour l'essentiel :
* qu'en sa qualité de prestataire de services d'entretien du matériel informatique utilisé par S.G.D., elle a exposé des frais ayant eu pour résultat de profiter aux créanciers de la procédure collective et doit en conséquence de voir reconnaître le privilège mobilier que la loi consacre au profit du conservateur de la chose ;
* qu'il n'y a pas lieu de répondre au moyen, soulevé par le syndic devant le juge-commissaire et tiré de ce que le matériel informatique n'est pas la propriété de la S.G.D., sinon pour affirmer qu'elle ignorait cette circonstance et qu'en tout état de cause ledit matériel a servi à l'exploitation commerciale de la S.G.D. ;
* qu'il convient au contraire de limiter le débat - qui serait lié sur ce point - au seul moyen « invoqué par le syndic dans sa décision de rejet de la production à titre privilégié » (sic) selon lequel le privilège ne pouvait être accordé pour les dépenses antérieures au jugement déclaratif en raison de son caractère occulte, ledit moyen ne pouvant être retenu en l'état de la base contractuelle «officiellement connue » servant de fondement à sa créance ;
* qu'en ce qui concerne le rejet partiel de sa production à titre chirographaire, le syndic ne peut se prévaloir de sa décision de ne pas exécuter le contrat de maintenance et d'entretien (notifiée par L.R.A.R. du 29 décembre 1983) pour se soustraire au paiement des factures émises jusqu'à la résiliation de la convention qui n'a pris effet, en vertu du contrat, que trois mois après la dénonciation précitée, soit le 18 mars 1984 ;
Attendu que pour sa part le syndic de la S.G.D. conclut au rejet des demandes de la Société Bull et à la confirmation pure et simple de l'ordonnance rendue le 13 juillet 1984 par le juge-commissaire ;
Sur quoi,
Attendu qu'il n'est pas sérieux de prétendre que, devant ce Tribunal, les débats seraient liés à la motivation, au demeurant superflue et non prévue par les textes, du greffier en chef - et non du syndic comme il est indiqué à tort - contenue dans son avertissement notifié à la Société Bull le 5 juin 1984 en application de l'article 469 du Code de commerce, alors surtout que devant le juge-commissaire statuant sur la réclamation formulée par cette société, les parties se sont régulièrement et contradictoirement expliquées sur les moyens qu'elles entendaient mettre en œuvre, étant à cet égard observé que le syndic de la S.G.D. avait alors déjà soutenu que le matériel informatique n'était pas la propriété de la S.G.D. pour en déduire que le contrat d'entretien dudit matériel ne pouvait donner naissance, au profit de la Société Bull à une créance privilégiée ;
Attendu qu'il est constant, au vu des pièces produites, que le matériel informatique sur lequel la Société Bull a effectué des services d'entretien ou de maintenance était loué à la S.G.D. par une société de crédit-bail aux droits de laquelle s'est substituée la « société financière de banque » demeurée propriétaire de ce matériel informatique qu'elle a d'ailleurs récupéré, ès-qualités, avec l'accord des organes de la procédure collective ;
Qu'ainsi, les frais de conservation que la Société Bull a pu exposer sur ledit matériel n'ont en aucune manière profité à la masse des créanciers qui n'a pas trouvé ce bien dans le patrimoine du débiteur S.G.D ; qu'il s'ensuit que le privilège du conservateur de la chose ne saurait être invoqué par la Société Bull dont la créance, relativement aux prestations qu'elle a pu fournir, ne revêt dès lors qu'un caractère chirographaire ;
Attendu sur le montant de la créance, que la Société Bull conteste le rejet de ses factures émises en janvier, février et mars 1984 au titre de « ses diligences de maintenance » en soutenant que le syndic ne pouvait résilier le contrat de maintenance conclu les 13 et 18 mars 1980 qu'en respectant les clauses de cette convention imposant un délai de préavis de 3 mois préalable à la date d'effet de la dénonciation ;
Mais attendu qu'en ayant, le 29 décembre 1983, régulièrement exercé l'option ouverte par l'article 448 du Code de commerce l'autorisant à ne pas exécuter le contrat en cours, le syndic - représentant de la masse - n'était nullement tenu d'en respecter les clauses qu'il a légalement décidé de dénoncer ;
Qu'il ne peut donc être soutenu que la convention conclue les 13 et 18 mars 1980 « s'est poursuivie par tacite reconduction jusqu'au 18 mars 1984 », l'option du syndic ayant eu précisément pour objet d'en faire cesser les effets dès la notification du 29 décembre 1983 ; qu'il s'ensuit que la Société Bull ne peut exiger paiement des factures litigieuses émises postérieurement à cette notification pour des prestations de maintenance au titre du 1er trimestre 1984, étant pour le surplus observé que la « société financière de Banque » avait récupéré son matériel informatique avant cette époque ;
Attendu toutefois que l'inexécution du syndic peut ouvrir droit à des dommages-intérêts au profit du cocontractant, indemnités que la Société Bull a pris soin de préciser à la barre qu'elle n'entendait pas réclamer, se bornant à demander l'exécution du contrat ;
Qu'en tout état de cause, cette société ne pourrait prétendre au paiement de dommages-intérêts à défaut d'administrer la preuve d'un préjudice, dès lors qu'il n'est pas établi que les factures litigieuses aient eu pour contrepartie des prestations effectivement fournies par la Société Bull sur le matériel informatique dont il a été dit qu'il n'était plus en possession de la S.G.D. ;
Attendu en définitive que la réclamation de cette société doit être rejetée ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Dit que la Société CII Honeywell Bull doit être admise à titre définitif au passif de la liquidation de la Société Générale de Distribution pour la somme globale de 812 594,18 francs à titre chirographaire ;
Composition
MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Boisson, Clerissi, av. déf.
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