Abstract
Exequatur
Ordonnance d'injonction de payer rendue en France - Impossibilité pour le défendeur de demander un délai de grâce
Résumé
A une demande d'exequatur concernant une ordonnance d'injonction de payer rendue par une juridiction française, satisfaisant aux conditions énoncées par l'article 18 de la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, le défendeur ne saurait opposer reconventionnellement une demande de délai de grâce sur le fondement d'une disposition de loi interne sauf à modifier sur ce point et à ajouter à la décision rendue par la juridiction étrangère.
De telles modifications ou adjonctions, en ce qu'elles constitueraient une révision au fond de l'ordonnance française d'injonction de payer, ne peuvent être ordonnées par la juridiction monégasque qui, saisie d'une simple demande en exequatur d'une décision française doit se borner à faire application du traité bilatéral susvisé ayant précisément pour objet d'instituer entre les deux Pays une procédure d'exécution simplifiée, sans exercer le pouvoir de révision prévue, à défaut de réciprocité, par le droit commun des articles 472 et suivants du Code de procédure civile, inapplicables en l'espèce.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu que, par l'exploit susvisé, la Société de droit français dénommée Sofinco La Hénin, qui expose que J.-C. B. a été condamné à lui payer la somme en principal de 28 828,99 francs, outre frais de procédure et accessoires, par ordonnance du président du Tribunal d'instance de Nice (A.M.) en date du 5 juillet 1982, signifié le 30 septembre suivant, a fait assigner son débiteur sur le lieu de son travail à Monaco à l'effet d'obtenir l'exequatur en Principauté de la décision française précitée ;
Attendu qu'après avoir proposé, par conclusions du 5 décembre 1984, un règlement fractionné de sa dette (dont il admet être tenu), eu égard à sa situation financière « particulièrement difficile » - délais de paiement auxquels la demanderesse s'oppose formellement eu égard, en particulier à l'ancienneté de sa créance -, J.-C. B. a insisté dans le dernier état de ses écrits judiciaires du 29 mai 1985 sur le caractère « catastrophique et dramatique » de sa situation pour solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 1099 du Code civil et le sursis à l'exécution des poursuites jusqu'à ce qu'il retrouve un emploi à plein temps et puisse ainsi faire face à ses engagements ;
Sur quoi,
Attendu que la Société Sofinco La Hénin verse aux débats une copie de l'ordonnance portant injonction de payer la somme de 30 058,67 francs, datée du 5 juillet 1982, rendue avec l'assistance du greffier par le Président du Tribunal d'instance de Nice (A.M.) ; que ce document contient mention de ce que l'ordonnance a été signifiée le 8 juillet 1982 et visa, par le greffier, de cette signification « sans opposition » à la date du 6 septembre 1982 : qu'enfin, ce document revêtu au verso de la formule exécutoire qui y a été apposée par le Président à la date du 10 septembre 1982, dûment signée par ce magistrat sous le sceau du Tribunal, a fait, sous cette forme, l'objet d'une nouvelle signification le 30 septembre 1982 ; que selon certificat délivré par le Tribunal d'instance de Nice le 7 juin 1983, aucune opposition n'avait été formée à cette date à l'encontre de l'ordonnance rendue exécutoire ;
Attendu qu'il apparaît de cette production que, selon la loi française, la décision dont l'exequatur est poursuivi, réunit les conditions nécessaires à son authenticité, émane d'une juridiction compétente qui a statué après que les parties aient été dûment appelées, et est passée en force de chose jugée ;
Que par ailleurs, les dispositions consacrant la créance de la demanderesse par suite du crédit non remboursé qu'elle a consenti à J.-C. B. ne sont nullement contraires à l'ordre public ou aux principes de droit public de la Principauté de Monaco ;
Qu'il s'ensuit que la décision précitée du 5 juillet 1982, exécutoire en France, doit être revêtue de l'exequatur à Monaco comme satisfaisant aux conditions énoncées par l'article 18 de la Convention relative à l'Aide Mutuelle Judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco signée le 21 septembre 1949, ce que, au demeurant, B. s'abstient expressément de contester ;
Attendu, quant à la demande de délais de paiement formée par ce défendeur sur le fondement d'une disposition de loi interne, qu'il ne saurait y être fait droit sauf à modifier sur ce point et à ajouter à la décision rendue par la juridiction étrangère ;
Que de telles modifications ou adjonctions, en ce qu'elles constitueraient une révision au fond de l'ordonnance d'injonction de payer du Président du Tribunal d'instance de Nice, ne peuvent être ordonnées par le Tribunal de céans qui, saisi d'une simple demande en exequatur d'une décision française, doit se borner à faire application du traité bilatéral susvisé ayant précisément pour objet d'instituer entre les deux pays une procédure d'exécution simplifiée, sans exercer le pouvoir de révision prévu, à défaut de réciprocité, par le droit commun des articles 472 et suivants du Code de procédure civile, inapplicables en l'espèce ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, l'ordonnance n° 1008 X82 rendue par le Président du Tribunal d'instance de Nice (A.M.) à la requête de la Société Sofinco La Hénin sous la date du 5 juillet 1982, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Enjoignons à M. B. J.-C. de payer au demandeur, en deniers ou quittances valables la somme de 30 058,67 francs en principal avec intérêts légaux ;
Disons que la présente ordonnance sera signifiée à l'initiative du demandeur au plus tard dans les six mois de sa date » ;
Déboute J.-C. B. des fins de ses conclusions ;
Composition
MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Lorenzi, Marquilly, av. déf.
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