Abstract
Copropriété
Action exercée contre le Syndicat des Copropriétaires (non) - Vices de conception affectant les parties communes - Absence de responsabilité du Syndicat des Propriétaires
Résumé
Le propriétaire d'un appartement affecté de désordres ayant pour origine des vices de conception concernant les parties communes de l'immeuble ne saurait rendre responsable la copropriété des conséquences de ces vices alors qu'il n'existe point à Monaco une législation comparable à celle de la France déclarant le syndicat des copropriétaires responsable des dommages causés à l'un d'eux par le vice de construction des parties communes.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Suivant acte de Maître Rey, Notaire, en date du 11 février 1957, M. M. Veuve D. P.-S. a acquis de la Société Civile Mercurius parties de l'immeuble dénommé Villa Y., sis ., élevé de 3 étages sur rez-de-jardin, comprenant un appartement de 5 pièces principales situé au rez-de-jardin et une parcelle de terrain en nature de jardin en façade de l'immeuble ;
L'acquisition dont il s'agit a porté sur l'appartement ouest du rez-de-jardin, lequel avait été transformé en 1954 par la Société Mercurius en deux appartements à usage d'habitation ;
Se plaignant d'importantes infiltrations d'eau « depuis des années » semblant provenir du tréfonds de l'immeuble, M. D. P.-S., venant aux droits de sa mère, a saisi le 9 décembre 1982 le magistrat des référés pour que soit désigné, au contradictoire de la copropriété de l'immeuble, un expert chargé de rechercher l'origine des désordres et les moyens d'y mettre fin ;
L'expert désigné, Gilbert Farina, a déposé son rapport le 20 juillet 1983, ce document fait apparaître :
* que tous les murs porteurs de l'immeuble (façades et refends) ont été construits, en maçonnerie de pierres du pays hourdée à la chaux, vers 1880, date de construction de la Villa Y., laquelle n'était à l'origine pourvue que d'un rez-de-jardin élevé d'un étage ;
* que le sol de l'appartement, propriété de M. D. P.-S. repose directement sur le terre-plein sur lequel la villa a été édifiée, sans comporter de vide-sanitaire ; ledit terre-plein ne dispose d'aucun drainage ni barbacane ;
* que la partie nord-ouest de l'appartement a son assise à 1,50 m environ en contrebas du niveau de la terre de la jardinière bordant l'entrée de l'appartement par la cour sur façade nord (ruelle privée), et que le principal des désordres se localise à cet endroit ;
* que ces désordres se manifestent par des cloquages, décollement d'enduit, effritement, moisissures, efflorescences et autres dépôts de sels solubles, dus à l'humidité qui provient du sol, l'eau contenue dans le sol pouvant pénétrer dans les murs soit par remontée capillaire dans les matériaux poreux, soit encore par ruissellement direct des eaux qui s'accumulent à la surface, suivi d'absorption capillaire ;
* que le mur de façade nord prend son assise sur la roche à un mètre environ en contrebas du niveau de la cour et que cette partie enterrée du mur n'est pas étanche, les fondations n'étant pourvues d'aucune cunette ou drain collecteur des eaux d'infiltration et laissant ainsi ces eaux alimenter le terre-plein situé directement au contact du dallage de l'appartement et les autres murs bordant le terre-plein ;
Pour empêcher au maximum l'eau extérieure de pénétrer dans ce terre-plein - et donc de remonter par capillarité dans les ouvrages de maçonnerie - l'expert Farina propose d'entreprendre des travaux au droit de la façade nord, sur 11,50 m de long, consistant en la démolition du dallage avec terrassement jusqu'au niveau bas des fondations existantes, et, après nettoyage approprié des rochers, des enduits du mur et des joints de pierre, la reprise des joints au mortier de résine, l'exécution d'un enduit étanche sur mur enterré, solidaire d'une cunette étanche exécutée sur le rocher avec sortie sur la ruelle privée, et l'installation d'un drain, outre la mise en place d'un cordon bitumineux à la jonction dallage-façade, et la réfection de la jardinière en vue de la rendre étanche sur toute sa hauteur ;
Par ailleurs, l'expert estime que le terre-plein pourrait être assaini par des percements dans le mur ouest répartis sur la longueur de cette façade et réalisés au-dessus du niveau bas du dallage en béton de l'appartement D. P.-S. ;
Selon ce technicien, ces travaux, d'un coût approximatif de 30 000 F TTC valeur juillet 1983, ne feront pas immédiatement cesser les troubles dus à la capillarité puisque l'eau contenue dans le terre-plein alimentera pendant environ 8 mois au moins ce phénomène ;
L'expert mentionne que même après cette période, une humidité permanente bien que nettement moindre, continuera à se manifester dans l'appartement en raison de l'absence d'un vide-sanitaire ventilé, qu'il qualifie de « maladie d'origine et de conception » ; en fonction de l'humidité résiduelle observée, un traitement par un procédé approprié d'électro-osmose inversant le sens du flux pourrait, selon lui, assécher la partie traitée, sans que le prix de ce traitement, fonction de l'humidité résiduelle, puisse être actuellement déterminé ;
Pour remédier à l'humidité de la cave en façade sud, qui devrait disparaître pour l'essentiel, d'après l'expert, grâce aux travaux à effectuer en façades nord et ouest, des travaux spécifiques d'un montant de 28 447 F valeur juin 1983, pourraient être éventuellement entrepris ;
L'expert Farina a enfin mentionné comme évident que l'humidité constatée, qui concerne surtout l'habitabilité de l'appartement D. P.-S., provoque d'autre part une altération progressive de la maçonnerie des murs porteurs et une chute de leur résistance mécanique ;
Saisi par M. D. P.-S. d'une demande dirigée contre la copropriété de l'immeuble Villa Y. tendant, préalable homologation du rapport Farina, à ce qu'il soit jugé que l'origine et la cause des infiltrations dans son appartement proviennent d'ouvrages communs présentant des vices ou défauts de conception dont la copropriété doit être déclarée responsable, et donc tenue à faire effectuer à ses frais, sous astreinte, les travaux immédiats préconisés par l'expert, le Tribunal de première instance, par jugement, confirmé en cause d'appel, du 7 juin 1984, a rejeté l'exception d'incompétence tirée d'une clause compromissoire du règlement de copropriété dont la défenderesse sollicitait le bénéfice, et renvoie la cause et les parties pour qu'il soit conclu et statué au fond ;
M. D. P.-S., qui réitère les demandes contenues dans son acte introductif d'instance, plus amplement analysé dans le jugement précité du 7 juin 1984 auquel il y a lieu de se reporter à cet égard, insiste sur la résistance injustement opposée par la copropriété pour se soustraire à ses légitimes prétentions et estime que l'exécution provisoire du présent jugement se justifie d'autant plus ;
Elle affirme que la copropriété ne saurait désormais se plaindre des travaux exécutés en 1954 par la Société Mercurius, lesquels n'ont pas porté atteinte aux ouvrages communs ou au gros-œuvre et n'ont pas, en particulier, modifié le niveau de structure ou la conception du sol de l'appartement, même si celui-ci a fait l'objet d'une réfection ; elle rappelle à cet égard que la copropriété, pour les travaux effectués sans son autorisation par la Société Mercurius, a été remplie de ses droits par un jugement de ce Tribunal en date du 30 avril 1969 et totalement dédommagée par l'allocation d'une somme de 50 000 F payée par le gérant de la Société précitée ;
Elle soutient que les infiltrations, qui proviennent de remontées d'humidité au travers du gros-œuvre (dalles et murs périphériques), engagent la responsabilité de la copropriété quelles que soient les pièces où se produisent ces infiltrations ;
Elle formule quelques réserves sur l'avis exprimé, à la demande de la copropriété, par un autre technicien que l'expert (B.) qui, tout en ayant fait siennes les observations de l'expert Farina, a estimé devoir dégager des règles de responsabilités qu'il ne lui appartenait pas d'édicter ;
Elle constate qu'il est constant que les désordres trouvent leur cause dans une erreur de conception de l'immeuble (fondations non pourvues de la coupure traditionnelle et absence de vide-sanitaire) dont l'architecture ne permet pas d'éviter les remontées d'humidité, et estime, alors que cette humidité provient d'ouvrages communs, que la copropriété doit à ce titre être tenue pour responsable et réparer les dégâts causés aux parties privatives, en observant en outre qu'il va de l'intérêt de la copropriété de faire en sorte que les parties communes elles-mêmes ne souffrent pas de ces remontées d'eau ;
La copropriété de la Villa Y., pour sa part, rappelle que la Société Mercurius a transformé le rez-de-jardin de la villa, à l'origine aménagé en dépendances (garage, buanderie, vestibule, cave...), en locaux d'habitation, ce, dans des conditions très critiquables dont la justice a connu en son temps, et prétend que les parties privatives appartenant à la demanderesse, venant aux droits de la Société Mercurius, ont été édifiées en fraude des droits des copropriétaires, sans pour autant expliciter le parti qu'elle entend tirer de ces considérations ;
La copropriété relève, sur le fond du litige, que les travaux préconisés par l'expert judiciaire auraient pour effet d'améliorer l'appartement litigieux, qui verrait sa valeur vénale augmenter, et qu'elle peut être rendue responsable d'une situation qui trouve son origine dans le mode de construction de la villa dont elle n'a pas lieu de supporter les conséquences ;
Elle reprend à son compte l'avis émis par B., et la consultation de l'architecte C., pour en déduire que les travaux éventuels ne lui incombent pas, la demanderesse subissant les désordres litigieux en raison d'une part, du mode de construction des locaux - à l'origine non destinés à l'habitation - et d'autre part, de l'absence de tous travaux nécessaires à assurer l'étanchéité par son auteur, la Société Mercurius ;
Elle observe au surplus que l'expert a émis des doutes quant à l'efficacité totale des travaux qu'il suggère ;
Elle conclut en conséquence au rejet des demandes de M. D. P.-S. en indiquant qu'il lui appartenait de se retourner contre la Société Mercurius, lors de la découverte des désordres, pour obtenir garantie des vices de constructions ;
Dans le dernier état de ses écrits judiciaires, la copropriété demande au Tribunal de constater que les travaux effectués par la Société Mercurius, auteur de la demanderesse, ont consisté en la transformation de locaux de fonction en pièces d'habitation sans création de vide-sanitaire ou travaux d'étanchéité, et que la demanderesse n'a jamais demandé réparation contre ladite société dont les agissements apparaissent à l'origine des désordres, lesquels ne proviennent pas du gros- œuvre mais des vices inhérents aux travaux effectués par la Société Mercurius ;
Sur quoi,
Attendu qu'aux termes de son acte introductif d'instance, M. D. P.-S. tend à faire déclarer la copropriété responsable des infiltrations d'eau, en ce qu'elles proviendraient d'ouvrages communs présentant des vices ou défauts de conception ;
Attendu à cet égard que le rapport d'expertise démontre, en particulier, que le mur de façade nord de l'immeuble favorise les remontées d'humidité dont se plaint la demanderesse, en raison de l'absence, dans les fondations, d'un dispositif de drainage des eaux de pluie ; que ces eaux alimentent ainsi le terre-plein sur lequel repose directement le dallage de l'appartement, et sont ensuite absorbées, par capillarité, par ledit dallage et les murs bordant le terre-plein, ce que la conception et la réalisation d'un vide-sanitaire ou d'une coupure traditionnelle exécutée au-dessous des fondations auraient permis d'éviter ;
Attendu qu'il résulte à l'évidence de ces considérations d'ordre technique - non critiquées par les parties et dont la demanderesse poursuit l'homologation - que les désordres observés dans l'appartement de D. P.-S. trouvent leur cause dans des vices de conception affectant des parties communes de l'immeuble ;
Attendu cependant que la copropriété défenderesse ne saurait être rendue responsable des conséquences de tels vices, en l'absence à Monaco d'une législation comparable à la loi française déclarant le syndicat des copropriétaires responsable des dommages causés à l'un deux par le vice de construction des parties communes ;
Qu'il n'est pas établi ni même allégué, par ailleurs, que l'humidité résulterait d'un défaut d'entretien des parties communes qui pourrait être imputé à la copropriété ;
Attendu, en conséquence, que le Tribunal ne saurait condamner la copropriété à exécuter à ses frais les travaux préconisés par l'expert pour remédier aux désordres sur le seul fondement invoqué, sans être autrement explicité, que l'humidité atteint des ouvrages communs en même temps que des parties privatives, la circonstance que lesdits travaux pourraient en l'espèce avoir pour conséquence secondaire d'assurer meilleure conservation de certains murs de l'immeuble ne pouvant justifier la condamnation sollicitée ;
Que M. D. P.-S. doit dès lors être déboutée de l'ensemble de ses demandes et tenue aux dépens en raison de sa succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement,
Déboute M. D. P.-S. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Composition
M M. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sbarrato, Lorenzi, av. déf.
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