La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2019 | MONACO | N°18644

Monaco | Tribunal de première instance, 5 décembre 2019, Société STAHL P.ANSTALT et autres c/ Syndicat des copropriétaires de l'immeuble MONTE CARLO STAR


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

N° 2019/000067 (assignation du 27 août 2018)

JUGEMENT DU 5 DECEMBRE 2019

En la cause de :

La société de droit liechtensteinois STAHL P. ANSTALT, dont le siège social se trouve X1à Vaduz (Liechtenstein), agissant poursuites et diligences de son Administrateur Unique en exercice, Docteur Iur. W a K. demeurant en cette qualité audit siège ;

La société de droit liechtensteinois STAHL K. ANSTALT, dont le siège social se trouve X1à Vaduz (Liechtenstein), agissant poursuites et diligences de son Admi

nistrateur Unique en exercice, Docteur Iur. W a K. demeurant en cette qualité audit siège ;

La sociét...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

N° 2019/000067 (assignation du 27 août 2018)

JUGEMENT DU 5 DECEMBRE 2019

En la cause de :

La société de droit liechtensteinois STAHL P. ANSTALT, dont le siège social se trouve X1à Vaduz (Liechtenstein), agissant poursuites et diligences de son Administrateur Unique en exercice, Docteur Iur. W a K. demeurant en cette qualité audit siège ;

La société de droit liechtensteinois STAHL K. ANSTALT, dont le siège social se trouve X1à Vaduz (Liechtenstein), agissant poursuites et diligences de son Administrateur Unique en exercice, Docteur Iur. W a K. demeurant en cette qualité audit siège ;

La société de droit liechtensteinois L. ANSTALT, dont le siège social se trouve X1à Vaduz (Liechtenstein), agissant poursuites et diligences de son Administrateur Unique en exercice, Docteur Iur. W a K. demeurant en cette qualité audit siège ;

DEMANDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Emmanuel BOUTTIER, avocat au Barreau de Paris, puis par Maître Philippe SAMAK, avocat au Barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble MONTE CARLO STAR, se trouvant 15, boulevard Louis II à Monaco, représenté par son syndic en exercice, la SARL a. V.& Cie, dont le siège social se trouve X2 à Monaco, pris en la personne de son associé gérant, a. V. demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 27 août 2018, enregistré (n° 2019/000067) ;

Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom des sociétés de droit du Liechtenstein STAHL P. ANSTALT, STAHL K. ANSTALT et L. ANSTALT, en date des 9 janvier 2019 et 12 avril 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble MONTE CARLO STAR, en date des 29 mars 2019 et 8 mai 2019 ;

À l'audience publique du 10 octobre 2019, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 12 décembre 2019, anticipé au 5 décembre 2019, les parties en ayant été avisées ;

FAITS ET PROCÉDURE

Les trois sociétés de droit du Liechtenstein STAHL P.ANSTALT, STAHL K.ANSTALT et L.ANSTALT, sont propriétaires de plusieurs lots (appartements et parkings), au sein de l'immeuble en copropriété Monte Carlo Star, sis à Monaco 15 boulevard Louis II, dont le syndic est l'agence V.

Par exploit d'huissier délivré le 27 août 2018, elles ont fait assigner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Monte Carlo Star aux fins d'annulation du procès-verbal de l'assemblé générale du 20 juin 2018, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Elles contestent l'adoption du point n° 13 de l'ordre du jour, ainsi libellé :

« Proposition pour travaux concernant le projet d'ascenseur au 8e étage – présentation devis – mandat à donner au Syndic pour signature de plans et dépôt de permis – décision à prendre – vote ».

Elles estiment en effet que le projet consistant à étendre la desserte par ascenseur jusqu'au 8e étage de l'immeuble, qui correspond à un toit-terrasse, est inutile, coûteux, générateur de nuisances et contraire à leurs intérêts.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans le dernier état de leurs écritures, les sociétés STAHL P.ANSTALT, STAHL K.ANSTALT et L.ANSTALT demandent subsidiairement l'annulation de la résolution numéro 13 du procès-verbal de l'assemblé générale du 20 juin 2018.

À l'appui de leur action, elles font valoir que :

* le syndic n'a pas respecté le délai légal de deux mois, prévu à l'article 19 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis, pour notifier aux sociétés requérantes le procès-verbal d'assemblée générale critiqué ;

* pris en sa résolution n° 13, relative à des travaux d'extension d'ascenseur, ledit procès-verbal viole les dispositions relatives à l'obligation faite d'une information complète, transparente et objective des copropriétaires sur les conditions des travaux soumis au vote des copropriétaires ;

* la convocation à l'assemblée générale du 20 juin 2018 n'était en effet accompagnée d'aucun document relatif aux travaux faisant l'objet du point n° 13 de l'ordre du jour ;

* lors de la séance, des montants ont été annoncés quant au coût total des travaux envisagés mais aucun devis détaillé n'a été présenté ;

* dans ces conditions, les copropriétaires se sont engagés sans avoir été suffisamment informés, ce qui est préjudiciable compte tenu de la nature et de l'importance des travaux, chiffrés à près d'un million d'euros ;

* le procès-verbal litigieux énonce que la résolution n° 13 a été adoptée à la majorité simple alors que, compte tenu de la nature des travaux envisagés, le règlement de copropriété exige un vote à la majorité qualifiée des 2/3 ;

* lors de l'assemblée générale querellée, un seul scrutateur a été désigné, alors que le règlement de copropriété prévoit, en son article 87, que le bureau de séance est composé d'un président et de deux scrutateurs ;

* or, le règlement de copropriété est un acte juridique de nature contractuelle, qui oblige tous les copropriétaires et qui, dès lors qu'il est non contraire à l'ordre public, s'impose à peine de nullité, sans qu'il y ait lieu de justifier d'un quelconque grief ;

* lors de l'assemblée générale litigieuse, de nombreux copropriétaires ont voté par représentation et le syndic s'abstient de justifier des pouvoirs correspondants et de la feuille de présence ;

* or, il appartient au juge de vérifier la régularité du scrutin et à défaut de pouvoirs réguliers, la nullité est encourue ;

* en contrariété avec les dispositions de l'article 12 de la loi n° n° 1.329 précitée, qui prévoit que le procès-verbal comporte le texte de chaque délibération, la question posée en point 13 ne figure pas au procès-verbal critiqué, de sorte qu'il est impossible de comprendre quel était exactement l'objet du vote.

En défense, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE MONTE CARLO STAR conclut au rejet des prétentions adverses et sollicite reconventionnellement l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il soutient que:

* il est justifié, par la production aux débats du bordereau d'envoi en recommandé et des accusés de réception, que, contrairement à ce qui allégué en demande, le syndic a bien notifié le procès-verbal litigieux aux sociétés STAHL P.ANSTALT, STAHL K.ANSTALT et L.ANSTALT, à l'adresse du mandataire qu'elles ont désigné, et ce, dans le délai légal de deux mois ;

* l'article 12 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 prévoit par ailleurs qu'« au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne un bureau de séance composé d'un président, et au moins, d'un assesseur » ;

* cette législation, d'ordre public, prévaut sur les stipulations du règlement de copropriété ;

* en l'espèce, un assesseur a été désigné lors de l'assemblée générale litigieuse, de sorte que les dispositions légales ont bien été respectées et que la nullité n'est pas encourue de ce chef ;

* l'article 13 de la loi susdite prévoit que « tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire de son choix  » ;

* en l'espèce, le procès-verbal mentionne que la feuille de présence, ainsi que les pouvoirs, ont été mis à la disposition des membres de l'assemblée pendant la séance ;

* c'est donc aux demandeurs à l'annulation d'articuler les moyens au soutien de leur demande sur ce point tandis que les sociétés STAHL P.ANSTALT, STAHL K.ANSTALT et L.ANSTALT n'invoquent aucun grief à l'appui de ce chef de demande ;

* il n'est par ailleurs invoqué aucun fondement légal ou réglementaire à l'appui du moyen selon lequel les copropriétaires n'auraient pas été suffisamment informés des conditions des travaux envisagés ;

* l'article 11 de la loi n° 1.329 n'impose en effet comme seule obligation au syndic que celle de fournir, en même temps que l'ordre du jour, les documents comptables nécessaires à la délibération sur les comptes de la copropriété ;

* aucune disposition de la loi ou du règlement de copropriété ne prévoit l'obligation de fournir aux copropriétaires, en même temps que leur convocation, des informations relatives aux conditions des travaux envisagés ;

* en l'espèce, outre que les travaux litigieux avaient déjà fait l'objet d'une présentation complète lors de la précédente assemblée générale (du 21 juin 2017), les copropriétaires ont été parfaitement informés, le 20 juin 2018, des conditions, des enjeux et du coût des travaux ;

* contrairement à ce qui est soutenu en demande, le point 13 de l'ordre du jour est tout à fait clair et le vote des copropriétaires portait sur l'acceptation des travaux envisagés ainsi que le mandat à donner au syndic pour la signature des plans et le dépôt du permis ;

* c'est par suite d'une simple erreur matérielle, sans incidence sur la validité de la résolution n° 13, que le procès-verbal mentionne à tort qu'elle a été adoptée à la majorité prévue à l'article 14 de la loi, alors qu'il ressort de la computation des votes consignés au procès-verbal qu'en réalité, elle a bien été adoptée à la majorité qualifiée des 2/3, prévue à l'article 16.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale

L'article 12 alinéa 1er de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis prévoit :

« Au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne un bureau de séance composé d'un président et, au moins, d'un assesseur  ».

S'il est exact que cette loi est d'ordre public, ainsi qu'elle le prévoit en son article 28, le règlement de copropriété, acte contractuel qui oblige l'ensemble des copropriétaires, peut y ajouter, sous réserve que ses stipulations ne soient pas contraires aux dispositions légales.

Tel est le cas du règlement de copropriété de l'immeuble Monte Carlo Star, qui est rédigé ainsi :

« Au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne un bureau de séance composé d'un président et de deux scrutateurs  ».

Ces stipulations sont plus exigeantes mais non contraires aux dispositions de la loi précitée.

Or, lorsque le règlement de copropriété prévoit la désignation d'un nombre précis de scrutateurs, cette stipulation doit être appliquée et son non-respect entraîne la nullité de l'assemblée générale, indépendamment de l'existence d'un grief.

En l'espèce, il ressort du point n° 2 du procès-verbal litigieux qu'à l'occasion de l'assemblée générale du 20 juin 2018, un seul scrutateur a été désigné, en la personne d'une dame CORONA, de sorte que la nullité doit être prononcée de ce chef.

La nullité de l'assemblée générale, dans son ensemble, doit donc être prononcée, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de nullité.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts

Dans la mesure où il est fait droit à la demande principale, le Syndicat des copropriétaires ne pourra qu'être débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l'exécution provisoire

Aucune des conditions de l'article 202 du Code de procédure civile n'étant ici remplie, il n'y a pas lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Sur les dépens

La partie défenderesse succombante sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Prononce l'annulation de l'assemblée générale du 20 juin 2018 de la copropriété Monte Carlo Star, sise à Monaco 15 boulevard Louis II ;

Déboute le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Monte Carlo Star de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Monte Carlo Star aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, Madame Léa PARIENTI, Juge, Madame Virginie HOFLACK, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabel DELLERBA, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 5 DECEMBRE 2019, dont la date a été anticipée après la clôture des débats, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, assistée de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence de de Monsieur Olivier ZAMPHRIOFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18644
Date de la décision : 05/12/2019

Analyses

Si la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis est d'ordre public, ainsi qu'elle le prévoit en son article 28, le règlement de copropriété, acte contractuel qui oblige l'ensemble des copropriétaires, peut y ajouter des stipulations, sous réserve que celles-ci ne soient pas contraires aux dispositions légales.Les dispositions du règlement de copropriété de l'immeuble peuvent être plus exigeantes, tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions de ladite loi.Lorsque le règlement de copropriété prévoit la désignation d'un nombre précis de scrutateurs, cette stipulation doit être appliquée et son non-respect entraîne la nullité de l'assemblée générale, indépendamment de l'existence d'un grief. En l'espèce, il ressort du point n° 2 du procès-verbal litigieux qu'à l'occasion de l'assemblée générale du 20 juin 2018, un seul scrutateur a été désigné, en la personne d'une dame CORONA, de sorte que la nullité doit être prononcée de ce chef.

Contrat - Général  - Copropriété.

Copropriété - Assemblée générale - Conformité du règlement de copropriété à la loi (oui) - Nullité de l'assemblée générale (oui).


Parties
Demandeurs : Société STAHL P.ANSTALT et autres
Défendeurs : Syndicat des copropriétaires de l'immeuble MONTE CARLO STAR

Références :

articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 12 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007
loi n° 1.329 du 8 janvier 2007
article 202 du Code de procédure civile
article 19 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2019-12-05;18644 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award