Visa
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 20 avril 2023, enregistré (n° 2023/000396) ;
Vu les conclusions du Ministère public en date du 20 décembre 2023 ;
À l'audience publique du 18 janvier 2024, le conseil de la partie demanderesse a déposé son dossier, nul n'ayant comparu pour g. B., défendeur-défaillant et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 21 mars 2024, par mise à disposition au Greffe ;
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte d'huissier en date du 20 avril 2023, la SA de droit suisse A. a assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco g. B., en présence de Monsieur le Procureur Général et demande à la juridiction de :
* Déclarer exécutoire sur le territoire de la Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit l'ordonnance de référé rendue le 9 mai 2017 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris sous le N° RG 17/53497 ;
* Condamner g. B. à payer à A. la somme de 5.000 € au titre de l'article 238-1 du Code de Procédure Civile ;
* Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
* Condamner g. B. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.
Par conclusions du 20 décembre 2023, le Procureur Général adjoint a requis qu'il soit fait droit à la demande visant à voir déclarée exécutoire en Principauté de Monaco l'ordonnance de référé n° 17/53497 rendue par le Tribunal judiciaire de Paris.
g. B. n'a pas constitué avocat, il réside à Paris. Il n'a pas été touché par l'assignation. Le Parquet de France n'a pas retourné les documents.
Le pli recommandé qui lui a été adressé à son adresse à Paris est revenu « destinataire inconnu à l'adresse ».
La Convention de La Haye du 15 novembre 1965, relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, ratifiée tant par la Principauté de Monaco que par la France dispose, en son article 3 que « l'autorité ou l'officier ministériel compétents selon les lois de l'État d'origine adresse à l'Autorité centrale de l'État requis une demande conforme à la formule modèle annexée à la présente Convention, sans qu'il soit besoin de la légalisation des pièces ni d'une autre formalité équivalente. La demande doit être accompagnée de l'acte judiciaire ou de sa copie, le tout en double exemplaire ».
Aux termes de l'article 15 de cette Convention,
« lorsqu'un acte introductif d'instance ou un acte équivalent a dû être transmis à l'étranger aux fins de signification ou de notification, selon les dispositions de la présente Convention, et que le défendeur ne comparaît pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas établi :
* a) ou bien que l'acte a été signifié ou notifié selon les formes prescrites par la législation de l'État requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire,
* b) ou bien que l'acte a été effectivement remis au défendeur ou à sa demeure selon un autre procédé prévu par la présente Convention, et que, dans chacune de ces éventualités, soit la signification ou la notification, soit la remise a eu lieu en temps utile pour que le défendeur ait pu se défendre.
Chaque État contractant a la faculté de déclarer que ses juges, nonobstant les dispositions de l'alinéa premier, peuvent statuer si les conditions suivantes sont réunies, bien qu'aucune attestation constatant soit la signification ou la notification, soit la remise, n'ait été reçue :
* a) l'acte a été transmis selon un des modes prévus par la présente Convention,
* b) un délai que le juge appréciera dans chaque cas particulier et qui sera d'au moins six mois, s'est écoulé depuis la date d'envoi de l'acte,
* c) nonobstant toutes diligences utiles auprès des autorités compétentes de l'Etat requis, aucune attestation n'a pu être obtenue.
Le présent article ne fait pas obstacle à ce qu'en cas d'urgence, le juge ordonne toutes mesures provisoires ou conservatoires ».
La Principauté de Monaco a déclaré que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 15 recevaient son agrément de sorte qu'il convient d'en faire application.
En l'espèce, l'acte a été transmis conformément aux dispositions de l'article 3 précité de la Convention, l'assignation a été expédiée aux autorités françaises par l'autorité centrale monégasque le 20 avril 2023. Un délai de 10 mois s'est ainsi écoulé depuis la dernière transmission aux autorités françaises, sans retour de celles-ci de sorte que les conditions de l'article 15 alinéa 2 apparaissent réunies et que le Tribunal peut valablement statuer sur les demandes dont il est saisi par la société demanderesse.
En l'absence de comparution de g. B. ou de preuve que l'assignation ait été délivrée à sa personne, il y a lieu de statuer par défaut à son encontre, en application de l'article 211 du Code de procédure civile.
Le Parquet Général a, par conclusions en date du 20 décembre 2023, requis que l'ordonnance de référé n° 17/53497 rendue par le Tribunal judiciaire de Paris soit déclarée exécutoire en Principauté.
Les débats ont été clos à l'audience du 18 janvier 2024.
À l'audience du 18 janvier 2024, le conseil de la SA A. a déposé son dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024.
SUR CE
* Sur la demande aux fins d'exequatur
Par ordonnance du 9 mai 2017, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a condamné g. B. à payer à la SA A. une provision de 360.078,81 euros au titre des frais et intérêts dus sur le compte n° xxx pour la période du 13 novembre 2012 au 9 janvier 2017, outre les dépens et une somme de 1.500 euros de frais de procédure.
S'agissant d'une demande d'exequatur d'une décision française rendue par le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris, celle-ci est soumise à la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, qui prévoit une procédure d'exequatur simplifiée, sans examen au fond, pour les décisions judiciaires rendues en France.
L'article 18 de cette Convention dispose :
« Les jugements et sentences arbitrales exécutoires dans l'un des deux pays seront déclarées exécutoires dans l'autre par le Tribunal de première instance du lieu où l'exécution doit être poursuivie.
Le Tribunal vérifiera seulement :
* 1° Si, d'après la loi du pays où a été rendue la décision dont l'exécution doit être poursuivie, l'expédition qui en est produite réunit les conditions nécessaires à son authenticité ;
* 2° Si, d'après la même loi, cette décision émane d'une juridiction compétente ;
* 3° Si d'après cette loi, les parties ont été régulièrement citées ;
* 4° Si, d'après la même loi, le jugement est passé en force de chose jugée ;
* 5° Si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public ou aux principes de droit du droit public du pays où l'exequatur est requis. ».
En l'espèce, il est produit par la requérante les documents suivants :
* l'expédition authentique de l'ordonnance de référé du 9 mai 2017 revêtue de la formule exécutoire ;
* l'acte original de signification, en date du 17 mai 2017 déposé à l'étude, en l'absence du destinataire alors que l'huissier atteste que le nom « B. » est inscrit sur le tableau des résidents et le gardien a confirmé le domicile. Ce document a été adressé par pli recommandé avec accusé réception à l'intéressé ;
* le certificat original de non appel délivré par le Directeur des Services de Greffe Judiciaires du Tribunal judiciaire de Paris en date du 28 novembre 2018.
Ces pièces présentent toutes les caractéristiques requises aux fins de vérification de leur authenticité, de sorte que la condition fixée au chiffre 1er de l'article 18 de la Convention franco-monégasque est remplie.
Il est constant que l'ordonnance de référé, dont l'exequatur est sollicité, a été rendue par l'autorité compétente au regard des dispositions de la loi française, en l'espèce, une vice-présidente du Tribunal de grande instance de Paris, déléguée à la fonction de juge des référés par le Président dudit Tribunal et sur le fondement légal de l'article 809 alinéa 2 qui porte compétence du juge des référés.
Il est par ailleurs établi que g. B. a été régulièrement cité, l'ordonnance précisant que g. B. a eu connaissance de l'assignation mais n'a pas comparu. Il a donc été à même de se défendre avec l'assistance d'un avocat, ce qu'il n'a pas fait, ses droits de la défense ont été respectés, conformément aux conditions prévues par 3° de la Convention franco-monégasque.
Cette décision a été régulièrement signifiée à g. B., qui n'a pas exercé, à ce jour, le recours prévu par la loi française contre une ordonnance réputée contradictoire ainsi qu'en témoigne le certificat de non appel établi le 28 novembre 2018 par le Directeur des Services de Greffe Judiciaires du Tribunal judiciaire de Paris.
Cette ordonnance est donc passée en force de chose jugée et ne contient aucune disposition contraire à l'ordre public monégasque, s'agissant d'une condamnation en paiement. De plus, aucun litige de même nature n'est pendant en Principauté entre les mêmes parties.
L'intégralité des conditions requises étant ainsi remplie, il y a lieu de faire droit à la demande de la SA A. et de déclarer exécutoire sur le territoire de la Principauté de Monaco l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris le 9 mai 2017.
* Sur la demande au titre des frais de procédure
L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :
« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :
* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;
Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.
L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».
g. B. succombant sera condamné à payer à la SA A. la somme de 1.000 euros au titre des frais de procédure exposés par celle-ci et non compris dans les dépens.
g. B. est condamné aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
* Sur la demande d'exécution provisoire du présent jugement
En application de l'article 218 du Code de procédure civile, « l'exécution provisoire ne peut être ordonnée, avec ou sans caution, qu'en cas d'urgence et par le jugement même qui adjuge le profit du défaut ».
Il n'y a pas lieu de considérer que la condition d'urgence est remplie en l'espèce, le Tribunal rejette la demande d'exécution provisoire.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement par défaut, et en premier ressort,
Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris le 9 mai 2017 sous le numéro de rôle 17/53497 ;
Condamne g. B. à payer à la SA A. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne g. B. aux dépens du présent jugement avec distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 21 MARS 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Anne-Sophie HOUBART, Juge, Monsieur Patrice FEY, Juge, assistés, de Madame Clémence COTTA, Greffier stagiaire, en présence du Ministère public.
^