Abstract
Bail – Demande en paiement – Indemnité d'occupation – Trouble de jouissance – Restitution du dépôt de garantie – Régularité et validité de la saisie-arrêt
Résumé
L'article 1568 du Code civil dispose que le preneur est tenu, à titre d'obligation principale, de payer le prix du bail aux termes convenus. En cas de litige, seule une décision judiciaire peut dispenser temporairement le locataire de verser les loyers au bailleur ou l'autoriser à les consigner. En l'absence d'une telle autorisation, un trouble de jouissance ne peut, en principe, ouvrir droit qu'à des dommages intérêts réparant le préjudice subi et ce n'est qu'en cas d'insalubrité du logement obligeant le locataire à vivre ailleurs, que celui-ci peut stopper le paiement du loyer. En l'espèce, il est constant que c. B. a cessé de verser le loyer et les avances sur charges à la bailleresse à compter du 1er janvier 2023 pour les consigner à la Caisse des dépôts et consignations. Or, force est de constater d'une part, que c'est vainement que c. B. invoque l'insalubrité des locaux dès lors qu'il n'a quitté les locaux que le 22 juin 2023 et qu'il les a donc continuellement et effectivement occupés durant toute la période pour laquelle il est réclamé le paiement des loyers, provisions sur charges et indemnité d'occupation et, d'autre part, qu'il n'invoque et a fortiori ne justifie d'aucune autorisation judiciaire de cesser de payer les loyers ou de les consigner à la Caisse des dépôts et consignations. Toutefois, s'il apparaît que la somme mise en compte au titre de l'indemnité d'occupation est raisonnable et justifiée puisqu'elle est égale au montant du loyer au jour où la résiliation de plein droit du bail est intervenue, les frais d'huissier et les frais de justice mis en compte n'ont pas vocation à être facturés au titre de la dette locative mais seulement à être réclamés dans le cadre d'une demande de condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure. Dans ces conditions, la condamnation de c. B. sera limitée aux seuls loyers, provisions sur charges et indemnités d'occupation, soit, déduction faite des charges appelées, à la somme de 37.494,89 euros.
L'article 1559 du Code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière … 3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ». Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au bailleur d'entretenir les locaux loués afin d'en assurer une jouissance paisible au locataire et, en cas de désordres ou de dysfonctionnements, de prendre les mesures pour y mettre un terme. Par ailleurs, il sera rappelé que l'indemnisation d'un trouble de jouissance suppose caractérisée, outre l'existence de désordres, celle du trouble qui en est résulté pour le locataire. L'apparition durant de longs mois d'odeurs nauséabondes lors de la mise en marche de l'unité de climatisation en mode chauffage ou en mode rafraîchissement constitue un trouble de jouissance pour le locataire et, pour le bailleur, qui n'a pas mis en oeuvre des mesures utiles pour en chercher l'origine et le faire cesser, un manquement à son obligation d'assurer la jouissance paisible de son locataire, dont il doit réparer le préjudice en résultant. Il n'est toutefois pas démontré par c.B que ce trouble de jouissance serait à l'origine de son hospitalisation, le dossier médical qu'il produit mentionnant dès la première page « motif d'hospitalisation : pneumopathie au SARS CoV II », affection liée à la pandémie qui a frappé le pays par vagues successives, notamment en novembre 2022. En revanche, l'apparition d'odeurs nauséabondes lors de la mise en marche de l'unité de climatisation n'a pas permis l'utilisation normale de cette installation ce qui a nécessairement causé un préjudice direct et certain au locataire, condamné à supporter des odeurs nauséabondes ou à se priver du confort d'une climatisation réversible. Compte tenu de la nature de ce trouble affectant un élément essentiel d'équipement de l'appartement eu égard notamment au climat local et de sa durée (près d'une année), le préjudice subi par c. B. sera réparé par la somme de 5.000 euros allouée à titre de dommages et intérêts.
c. B. sollicite la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 19.287 euros, versé lors de l'entrée dans les lieux. Le bail étant résilié de plein droit depuis le 1er février 2023, et la bailleresse ne justifiant d'aucune réparation locative imputable à son locataire, le Tribunal ne peut que faire droit à la restitution de cette somme.
L'article 491 du Code de procédure civile, dispose que « à défaut de titre, la saisie-arrêt peut avoir lieu en vertu de la permission du juge et pour la somme qu'il fixe ». Dans ce cas, le créancier qui entend solliciter, par requête non contradictoire, le bénéfice de cette autorisation judiciaire doit justifier d'un principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence, quand bien même la démonstration d'une créance liquide et exigible n'est pas exigée. Il s'ensuit que s'il n'a pas à justifier à ce stade d'une créance certaine, celle-ci doit cependant exister en germe. En l'espèce, c. B. était tenu, en vertu du bail, de régler le loyer convenu et il n'est pas discuté qu'il a cessé tout versement à la bailleresse à partir de l'échéance trimestrielle du 1er janvier 2023. En l'absence de décision judiciaire le dispensant du versement du loyer ou l'autorisant à le consigner, la créance invoquée par a. A. pour solliciter l'autorisation de pratiquer une saisie-arrêt à concurrence de 22.417 euros présentait non seulement un caractère suffisant pour faire droit à la requête et autoriser la saisie-arrêt, mais était certaine, liquide et exigible. Par ailleurs, le présent jugement a précédemment écarté le moyen tiré de l'insalubrité des locaux invoqué par c. B. pour justifier la cessation des paiements et a prononcé notamment une condamnation à payer les loyers et provision sur charges du premier trimestre 2023, qui sont les causes de la saisie-arrêt pratiquée, confirmant ainsi le caractère certain, liquide et exigible de la créance au titre de laquelle la saisie-arrêt a été formée. Par suite, la saisie-arrêt formée le 19 mai 2023 entre les mains du D. doit être déclarée régulière et valable et la demande de mainlevée ne peut qu'être rejetée. Toutefois, il résulte de ce qui précède que par le jeu de la compensation entre les sommes restant dues par le locataire et celles au paiement desquelles la bailleresse est condamnée, que la dette de c. B. ne s'élève plus qu'à la somme de 13.207,89 euros. Il s'ensuit que le D., tiers saisi, pourra valablement se libérer entre les mains d'a. A. ou de l'huissier mandaté par elle, des sommes qu'il détient pour le compte de c. B., à hauteur au maximum, de cette somme de 13.207,89 euros.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2023/000426 (assignation du 19 mai 2023)
JUGEMENT DU 28 MARS 2024
En la cause de :
* a. A., née le jma à Bad Hombourg (Allemagne), de nationalité française, demeurant x1 à Strasbourg (67000) ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
* c. B., né le jma à Chiari (Italie), de nationalité italienne, Associé gérant de société, demeurant x2, x2 à Monaco,
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit de saisie-arrêt et d'assignation et injonction au tiers-saisi du ministère de Maître Claire NOTARI, Huissier, en date du 19 mai 2023, enregistré (n° 2023/000426) ;
Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé D. tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;
Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire dénommé D. par courrier en date du 22 mai 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom d'a. A., en date du 11 septembre 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Yann LAJOUX avocat-défenseur, au nom de c. B., en date du 7 novembre 2023 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 janvier 2024 ;
À l'audience publique du 25 janvier 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 28 mars 2024, par mise à disposition au Greffe ;
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon bail à loyer daté du 1er juillet 2016 et enregistré le 15 juillet 2016, a. A. a donné en location à c. B., un appartement outre une cave et une place de parking situés x2 à Monaco dans l'immeuble dénommé « x2 ». La location a été conclue pour une durée d'un an renouvelable annuellement par tacite reconduction moyennant un loyer annuel de 72.000 euros, payable par trimestres anticipés, les 1er avril, juillet, octobre et janvier et une provision trimestrielle sur charges de 1.400 euros.
Suivant acte délivré le 23 janvier 2023 par Maître Claire NOTARI, Huissier, a. A. a fait commandement à c. B. de lui régler, dans le délai de huit jours, la somme de 22.267 euros représentant les loyers et provisions sur charges échus au 1er janvier 2023 pour le premier trimestre 2023, en rappelant le contenu de la clause résolutoire stipulée à l'article 8 du bail.
Soutenant que les causes de ce commandement n'avaient pas été réglées par c. B. dans le délai imparti et donc que la clause résolutoire avait produit ses effets, a. A. a, selon exploit en date du 7 mars 2023, saisi le Juge des référés du Tribunal de première instance de Monaco pour faire constater la résiliation de plein droit du bail, voir ordonner l' expulsion de c. B. et prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 22.267 euros au titre de sa dette locative.
Ce dernier a finalement quitté les lieux le 22 juin 2023 et un état des lieux de sortie a été dressé contradictoirement.
Par ordonnance du 4 octobre 2023 le Juge des référés a constaté la résiliation de plein droit du bail à effet au 1er février 2023, dit n'y avoir lieu d'ordonner l'expulsion du locataire et a débouté a. A. de sa demande en paiement de provisions, estimant qu'il existait une contestation sérieuse sur la créance locative et l'indemnité d'occupation sollicitée par a. A.
Parallèlement, par assignation délivrée le 24 janvier 2023, c. B. a saisi le Juge des référés du Tribunal de première instance de Monaco pour faire constater que le bail litigieux a été résilié le 16 novembre 2022, voir ordonner une expertise en invoquant l'existence de nuisances olfactives et être autorisé à procéder au séquestre de tous les loyers dus à compter du 1er janvier 2023 auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
Dans cette seconde procédure, le Juge des référés, par une deuxième ordonnance du 4 octobre 2023, a dit n'y avoir lieu à référé sur la fixation de la date de résiliation du bail en considérant qu'il existait à cet égard une contestation sérieuse et débouté c. B. de sa demande d'expertise, l'estimant totalement inutile au motif que les conclusions de l'expert seraient sujettes à caution en raison du délai écoulé entre la date du départ des lieux et celle des opérations d'expertise. Il a par ailleurs considéré que la demande de séquestre des loyers était sans objet, c. B. ayant quitté les locaux et n'étant plus redevable de loyers mensuels mais seulement, éventuellement, d'arriérés locatifs impayés.
Auparavant, par ordonnance du 15 mai 2023, la Présidente du Tribunal de première instance de Monaco avait autorisé a. A. à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la D. (ci-après le D.) sur toutes les sommes détenues au nom de c. B., pour avoir sûreté et garantie de la somme de 22.417 euros.
C'est dans ces conditions que selon exploit délivré le 19 mai 2023, a. A. a formé saisie-arrêt à concurrence de 22.417 euros entre les mains du D. qui a d'abord déclaré détenir un compte au nom de c. B. présentant une somme suffisante au paiement de la saisie-arrêt puis, par déclaration complémentaire du 19 mai 2023, indiqué détenir sur les comptes de son client, un solde disponible de 216.373,62 euros.
Par le même exploit, a. A. a assigné c. B. devant le Tribunal de première instance de Monaco, pour, dans le dernier état de ses écritures :
* entendre déclarer bonne régulière et valable la saisie-arrêt autorisée le 15 mai 2023 ;
* entendre dire que le D., tiers saisi, pourra valablement se libérer entre les mains de la requérante ou de l'huissier mandaté par elle, des sommes qu'il détient pour le compte de c. B., et ce jusqu'à concurrence du montant de sa créance ;
* entendre prononcer condamnation à l'encontre de c. B. au paiement de la somme de 41.144,89 euros, montant auquel est évaluée provisoirement la créance d'a. A. en principal, frais et accessoires sauf à parfaire ou à diminuer ;
* débouter c. B. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
* entendre en outre prononcer la condamnation de c. B. au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre la somme de 3.500 euros au titre des frais de justice non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions, c. B. demande pour sa part au Tribunal de :
* rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes, fins et conclusions d'a. A. comme étant infondées et inopérantes ;
* ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie-arrêt pratiquée le 19 mai 2023 par Maître Claire NOTARI, Huissier, à la requête d'a. A. sur son compte bancaire à hauteur de 22.417 euros ;
* condamner a. A. à lui payer la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi suite à l'impossibilité de jouir paisiblement des lieux pendant plus de 6 mois ;
* condamner a. A. à lui restituer le dépôt de garantie versé lors de l'entrée dans les lieux soit la somme de 19.287 euros ;
* condamner a. A. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais de justice non compris dans les dépens, en vertu des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
* condamner a. A. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Yvan LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
À l'audience du 25 janvier 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et l'affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2024, par mise à disposition au greffe.
SUR CE,
Sur la demande principale en paiement des loyers, charges et indemnité d'occupation
Exposant que c. B. a cessé tout règlement à partir du 1er janvier 2023, a. A. sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 41.144,89 euros, selon décompte arrêté au 31 mars 2023, se décomposant comme suit :
* loyer et provision sur charges du 01/01 au 31/03/2023 : 22.267,00 euros
* frais d'huissier : 150,00 euros
* indemnité d'occupation du 01/04/2023 au 30/04/2023 : 6.955,67 euros
* provision sur charges du 01/04/2023 au 30/04/2023 : 467,00 euros
* frais de justice : 3.500,00 euros
* charges locatives du 01/10/2021 au 30/09/2022 : 5.982,55 euros
* indemnité d'occupation du 01/05/2023 au 31/05/2023 : 6.955,67 euros
* provision sur charges du 01/05/2023 au 31/05/2023 : 467,00 euros
À déduire provisions appelées du 01/10/2021 au 30/09/2022 : 5.600,00 euros
c. B. s'oppose à cette demande en soutenant que l'inexécution de son obligation de payer le loyer n'est pas fautive dès lors qu'en raison de l'insalubrité des locaux, la bailleresse ne lui a pas assuré une jouissance paisible des lieux et n'a donc pas respecté le contrat les liant, motif pour lequel il a consigné le montant du loyer et de l'avance sur charges du premier trimestre 2023 à la Caisse des dépôts et consignations.
L'article 1568 du Code civil dispose que le preneur est tenu, à titre d'obligation principale, de payer le prix du bail aux termes convenus.
En cas de litige, seule une décision judiciaire peut dispenser temporairement le locataire de verser les loyers au bailleur ou l'autoriser à les consigner. En l'absence d'une telle autorisation, un trouble de jouissance ne peut, en principe, ouvrir droit qu'à des dommages intérêts réparant le préjudice subi et ce n'est qu'en cas d'insalubrité du logement obligeant le locataire à vivre ailleurs, que celui-ci peut stopper le paiement du loyer.
En l'espèce, il est constant que c. B. a cessé de verser le loyer et les avances sur charges à la bailleresse à compter du 1er janvier 2023 pour les consigner à la Caisse des dépôts et consignations. Or, force est de constater d'une part, que c'est vainement que c. B. invoque l'insalubrité des locaux dès lors qu'il n'a quitté les locaux que le 22 juin 2023 et qu'il les a donc continuellement et effectivement occupés durant toute la période pour laquelle il est réclamé le paiement des loyers, provisions sur charges et indemnité d'occupation et, d'autre part, qu'il n'invoque et a fortiori ne justifie d'aucune autorisation judiciaire de cesser de payer les loyers ou de les consigner à la Caisse des dépôts et consignations.
Toutefois, s'il apparaît que la somme mise en compte au titre de l'indemnité d'occupation est raisonnable et justifiée puisqu'elle est égale au montant du loyer au jour où la résiliation de plein droit du bail est intervenue, les frais d'huissier et les frais de justice mis en compte n'ont pas vocation à être facturés au titre de la dette locative mais seulement à être réclamés dans le cadre d'une demande de condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.
Dans ces conditions, la condamnation de c. B. sera limitée aux seuls loyers, provisions sur charges et indemnités d'occupation, soit, déduction faite des charges appelées, à la somme de 37.494,89 euros.
Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive
a. A. soutient qu'en ne réglant pas spontanément tout ou partie de sa dette, c. B. a fait preuve de résistance abusive et doit être condamné à lui payer une indemnité de 2.000 euros en réparation du préjudice en résultant.
c. B. s'oppose à cette demande en faisant valoir que sa résistance au paiement des loyers n'était pas fautive, mais justifiée par le trouble de jouissance dont il était victime.
Bien que la résistance de c. B. apparaisse injustifiée compte tenu de la condamnation qui précède, elle ne peut être qualifiée de fautive dès lors qu'ayant constaté que l'agent immobilier mandaté par la bailleresse pour assurer la gestion de l'appartement loué ne donnait aucune suite à ses demandes d'intervention faisant suite à des dysfonctionnements, c. B. a pu légitimement et sans mauvaise foi, se méprendre sur l'étendue de ses droits et se croire autorisé à consigner les loyers et provisions sur charges à la Caisse des dépôts et consignations pour contraindre a. A. et son mandataire à intervenir, étant au surplus observé que la carence de ce dernier a finalement conduit la bailleresse à charger un autre agent immobilier de la gestion de son bien. En tout état de cause, a. A. n'explicite pas le préjudice dont elle demande réparation et a fortiori, n'en justifie pas.
Sa demande de dommages et intérêts sera en conséquence, rejetée.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour trouble de jouissance
c. B. sollicite la condamnation d'a. A. à lui payer une indemnité de 50.000 euros pour n'avoir pu jouir paisiblement des locaux pendant plus de 6 mois, en exposant que les différents procès-verbaux d'huissier qu'il produits aux débats ont tous mis en évidence une odeur nauséabonde au sein de l'appartement rendant l'air irrespirable. Il précise n'avoir jamais refusé l'accès à son appartement pour faire les travaux nécessaires et soutient que la bailleresse n'ayant pris aucune mesure pour remédier au problème, elle conteste aujourd'hui la réalité des mauvaises odeurs pour échapper à ses responsabilités alors que sa carence est à l'origine de la dégradation de son état de santé et l'a contraint à quitter définitivement les lieux en juin 2023.
a. A. s'oppose à cette demande en soutenant que les nuisances olfactives sont insuffisamment établies, qu'aucun manquement ne saurait lui être reproché alors qu'elle a tout mis en oeuvre pour répondre aux réclamations de son locataire, qu'une société de maintenance est intervenue à la demande de l'agence immobilière chargée de la gestion de l'appartement et n'a constaté aucune nuisance olfactive ou dysfonctionnement des appareillages et que, concernant le dégât des eaux, les techniciens n'ont pu intervenir pour procéder aux réparations du fait du locataire qui refusait l'accès à son logement.
L'article 1559 du Code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière … 3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ».
Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au bailleur d'entretenir les locaux loués afin d'en assurer une jouissance paisible au locataire et, en cas de désordres ou de dysfonctionnements, de prendre les mesures pour y mettre un terme. Par ailleurs, il sera rappelé que l'indemnisation d'un trouble de jouissance suppose caractérisée, outre l'existence de désordres, celle du trouble qui en est résulté pour le locataire.
En l'espèce, il sera à titre liminaire relevé que si c. B., répondant à un message d'a. A. lui demandant de préciser l'ensemble de ses « revendications », a listé dans un message électronique du 9 mai 2022 de nombreux désordres, il résulte de ses écritures que le trouble de jouissance pour lequel il réclame une indemnisation résulte exclusivement des odeurs nauséabondes qu'il soutient avoir supportées pendant plusieurs mois et auxquelles il impute la pneumopathie pour laquelle il a dû être hospitalisé en novembre 2022.
Il ressort des pièces produites que dès juin 2022, c. B. a informé le cabinet C., administrateur de biens chargé de la gestion de l'appartement loué, de l'existence d'odeurs nauséabondes dans l'appartement et que l'entreprise E., mandatée par cette dernière a procédé début juillet 2022 à un contrôle de l'unité de chauffage et rafraîchissement et du siphon sans ne signaler aucun problème particulier. Puis, en raison de la persistance alléguée des mauvaises odeurs, la même entreprise a procédé à de nouveaux contrôles les 19 et 22 juillet 2022 et conclu de la même façon. Elle a cependant planifié le remplacement du ventilo-convecteur qui devait intervenir en août 2022, opération qui a été, selon elle, annulée par le locataire car le phénomène s'était estompé. À la suite de nouvelles plaintes de c. B., l'entreprise E. a procédé le 8 septembre 2022 à un nouveau contrôle de l'appareil en cause et a conclu, là encore, à l'absence de dysfonctionnement.
Le 16 novembre 2022 Maître Frédéric LEFEVRE, Huissier, a toutefois dressé un procès-verbal aux termes duquel il a constaté que quelques minutes après que c. B. ait mis en action l'unité de climatisation en mode chauffage, une forte odeur est sortie de la grille de ventilation située sur le mur, au-dessus de la baie libre du séjour, ainsi que de la trappe du faux plafond située dans l'entrée de l'appartement, « odeur épicée, pesante et tenace », selon les termes du constat puis que l'ambiance est devenue « lourde » et que « l'air mal oxygéné » est devenu « irrespirable ».
Le conseil de c. B. a, par courrier du 17 novembre 2022, informé la bailleresse, d'une part de l'inefficacité des interventions de l'entreprise E. et de la persistance des mauvaises odeurs, obligeant son client à dormir les fenêtres entrouvertes et causant nausées et maux de tête l'empêchant de se concentrer dans son travail de gérant de société et, d'autre part, de sa volonté de mettre fin au contrat à sa prochaine échéance, le 30 juin 2023.
Par courrier du 23 novembre 2023, le cabinet C., informé de cette correspondance, a contesté la véracité de ces doléances en indiquant que la société de maintenance avait procédé à une vérification du système de VMC et n'avait constaté aucun dysfonctionnement.
S'il est ensuite justifié d'une intervention postérieure de l'entreprise E., en mars 2023, elle ne concernait pas l'appartement de c. B., mais un autre, situé au même étage d'où provenait une mauvaise odeur constatée dans les parties communes.
Par courrier recommandé du18 avril 2023, répondant à une demande de l'administrateur de biens en date du 7 avril 2023, le locataire s'est déclaré prêt à recevoir une entreprise spécialisée pour une visite technique relative aux mauvaises odeurs et, à l'occasion de la restitution des clefs, le 22 juin 2023 réalisée en présence de Maître Frédéric LEFEVRE, celui-ci a dressé un second constat faisant à nouveau état d'une odeur nauséabonde, forte et persistante.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en novembre 2022, c. B. a signalé directement à la bailleresse la présence dans l'appartement d'odeurs nauséabondes. Nonobstant les dénégations de celle-ci et l'absence d'expertise, la réalité de ce désordre et sa persistance jusqu'à l'évacuation des locaux par c. B. le 22 juin 2023 sont suffisamment établies par les constats dressés par l'huissier de justice, que ne viennent pas utilement contredire les interventions de l'entreprise E., réalisées avant novembre 2022.
a. A. ne peut pertinemment soutenir qu'elle n'a pu intervenir en raison du refus de son locataire de laisser effectuer les travaux nécessaires alors que, d'une part le refus portait sur l'exécution de travaux de réfection de désordres affectant la colonne d'eau traversant l'appartement sans lien établi avec les nuisances olfactives et d'autre part, dans sa lettre recommandée du 18 avril 2023, c. B. avait expressément accepté le principe de la visite technique d'une entreprise spécialisée pour rechercher l'origine du problème et y remédier et qu'il n'est cependant pas justifié par la bailleresse de la commande d'une telle intervention et donc pas davantage, d'un refus d'accès à son domicile qu'aurait opposé le locataire à une telle entreprise.
L'apparition durant de longs mois d'odeurs nauséabondes lors de la mise en marche de l'unité de climatisation en mode chauffage ou en mode rafraîchissement constitue un trouble de jouissance pour le locataire et, pour le bailleur, qui n'a pas mis en oeuvre des mesures utiles pour en chercher l'origine et le faire cesser, un manquement à son obligation d'assurer la jouissance paisible de son locataire, dont il doit réparer le préjudice en résultant.
Il n'est toutefois pas démontré par c. B. que ce trouble de jouissance serait à l'origine de son hospitalisation, le dossier médical qu'il produit mentionnant dès la première page « motif d'hospitalisation : pneumopathie au SARS CoV II », affection liée à la pandémie qui a frappé le pays par vagues successives, notamment en novembre 2022.
En revanche, l'apparition d'odeurs nauséabondes lors de la mise en marche de l'unité de climatisation n'a pas permis l'utilisation normale de cette installation ce qui a nécessairement causé un préjudice direct et certain au locataire, condamné à supporter des odeurs nauséabondes ou à se priver du confort d'une climatisation réversible.
Compte tenu de la nature de ce trouble affectant un élément essentiel d'équipement de l'appartement eu égard notamment au climat local et de sa durée (près d'une année), le préjudice subi par c. B. sera réparé par la somme de 5.000 euros allouée à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande reconventionnelle en dommages-et-intérêts pour préjudice moral
c. B. sollicite la condamnation d'a. A. à lui payer une indemnité de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Celle-ci n'oppose à cette prétention aucun argument et se borne, dans le dispositif de ses écritures, à conclure au débouté de l'ensemble des prétentions de son adversaire.
Si c. B. conclut dans le dispositif de ses écritures à la condamnation de sa bailleresse à lui verser une indemnité en réparation du préjudice moral subi, force est de constater qu'il ne fournit pas la moindre explication sur la nature précise et l'origine de ce prétendu préjudice moral et donc qu'il ne justifie d'aucune manière d'un préjudice distinct de celui résultant du trouble de jouissance, réparé par ailleurs.
Par suite, cette prétention ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande reconventionnelle en restitution du dépôt de garantie
c. B. sollicite la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 19.287 euros, versé lors de l'entrée dans les lieux.
a. A. ne fournit aucune explication sur cette prétention dans ses écritures, se bornant dans le dispositif à conclure au débouté de l'ensemble des prétentions de son adversaire.
Il ressort de l'article 3 du bail que c. B. a versé lors de l'entrée dans les lieux la somme de 19.287 euros à titre de cautionnement, non productif d'intérêt, somme ayant vocation à être restituée au preneur à la fin du bail.
Si dans un message électronique transmis au conseil de c. B. le 2 novembre 2023, le mandataire d'a. A. a indiqué que le montant du dépôt de garantie serait à déduire du montant des loyers et charges dont celui-ci resterait redevable, force est de constater que cette somme qui n'a pas à ce jour été restituée à c. B., n'a pas été déduite des sommes dont elle se dit créancière.
Le bail étant résilié de plein droit depuis le 1er février 2023, et la bailleresse ne justifiant d'aucune réparation locative imputable à son locataire, le Tribunal ne peut que faire droit à la restitution de cette somme.
Sur la demande reconventionnelle en mainlevée de la saisie-arrêt
Pour solliciter la mainlevée de la saisie-arrêt formée entre les mains du D. le 19 mai 2023, c. B. expose qu'il est de jurisprudence constante qu'une saisie-arrêt ne peut être obtenue et validée que si celui qui l'a formée dispose d'une créance certaine, liquide et exigible ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas, la créance invoquée étant contestée dans son principe en raison de l'insalubrité des lieux, caractérisée par des odeurs nauséabondes, ce dont il justifie par les constats d'huissier qu'il a fait dresser.
a. A. réplique que la saisie-arrêt qu'elle a fait pratiquer est parfaitement régulière dès lors qu'elle détenait une créance certaine, liquide et exigible, que c. B., locataire, ne rapporte pas la preuve d'une impossibilité absolue d'occuper les lieux loués, qui seule aurait pu le dispenser de payer les loyers, qu'il ne pouvait pas davantage décider unilatéralement de les déposer à la Caisse des dépôts et consignations et enfin qu'il n'apporte pas la preuve suffisante des nuisances olfactives qu'il invoque étant précisé que de son côté elle considère avoir tout mis en oeuvre pour répondre à ses doléances mais que son locataire lui a refusé l'accès aux lieux.
L'article 491 du Code de procédure civile, dispose que « à défaut de titre, la saisie-arrêt peut avoir lieu en vertu de la permission du juge et pour la somme qu'il fixe ».
Dans ce cas, le créancier qui entend solliciter, par requête non contradictoire, le bénéfice de cette autorisation judiciaire doit justifier d'un principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence, quand bien même la démonstration d'une créance liquide et exigible n'est pas exigée. Il s'ensuit que s'il n'a pas à justifier à ce stade d'une créance certaine, celle-ci doit cependant exister en germe.
En l'espèce, c. B. était tenu, en vertu du bail, de régler le loyer convenu et il n'est pas discuté qu'il a cessé tout versement à la bailleresse à partir de l'échéance trimestrielle du 1er janvier 2023. En l'absence de décision judiciaire le dispensant du versement du loyer ou l'autorisant à le consigner, la créance invoquée par a. A. pour solliciter l'autorisation de pratiquer une saisie-arrêt à concurrence de 22.417 euros présentait non seulement un caractère suffisant pour faire droit à la requête et autoriser la saisie-arrêt, mais était certaine, liquide et exigible.
Par ailleurs, le présent jugement a précédemment écarté le moyen tiré de l'insalubrité des locaux invoqué par c. B. pour justifier la cessation des paiements et a prononcé notamment une condamnation à payer les loyers et provision sur charges du premier trimestre 2023, qui sont les causes de la saisie-arrêt pratiquée, confirmant ainsi le caractère certain, liquide et exigible de la créance au titre de laquelle la saisie-arrêt a été formée.
Par suite, la saisie-arrêt formée le 19 mai 2023 entre les mains du D. doit être déclarée régulière et valable et la demande de mainlevée ne peut qu'être rejetée. Toutefois, il résulte de ce qui précède que par le jeu de la compensation entre les sommes restant dues par le locataire et celles au paiement desquelles la bailleresse est condamnée, que la dette de c. B. ne s'élève plus qu'à la somme de 13.207,89 euros. Il s'ensuit que le D., tiers saisi, pourra valablement se libérer entre les mains d'a. A. ou de l'huissier mandaté par elle, des sommes qu'il détient pour le compte de c. B., à hauteur au maximum, de cette somme de 13.207,89 euros.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Chacune des parties succombant partiellement, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile et il convient de compenser les dépens, conformément aux dispositions de l'article 232 al.1 du Code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort
Fixe à la somme de 37.494,89 euros la créance d'a. A. à l'encontre de c. B. au titre des loyers et charges locatives impayées et indemnités d'occupation ;
Déboute a. A. de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Déclare régulière et valable la saisie-arrêt formée le 19 mai 2023 entre les mains de la D. ;
Déboute c. B. de ses demandes reconventionnelles en mainlevée de la saisie-arrêt formée le 19 mai 2023 entre les mains de la D. et de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Fixe à la somme de 19.287 euros la créance de c. B. à l'encontre d'a. A. au titre de la restitution du cautionnement versé lors de l'entrée dans les lieux ;
Fixe à la somme de 5.000 euros la créance de c. B. à l'encontre d'a. A. au titre des dommages et intérêts en réparation de son trouble de jouissance ;
Ordonne la compensation à due concurrence des créances des parties ;
Condamne c. B. à payer à a. A. la somme résiduelle de 13.207,89 euros ;
Dit que la D. tiers saisi, pourra valablement se libérer entre les mains d'a. A. ou de l'huissier mandaté par elle, des sommes qu'elle détient pour le compte de c. B., à hauteur de la somme maximale de 13.207,89 euros ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Ordonne la compensation totale des dépens ;
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Composition
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 28 mars 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Thierry DESCHANELS, Juge, assistés, de Madame Christèle SETTINIERI, Greffier, en présence du Ministère public.
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