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16/01/2025 | MONACO | N°30815

Monaco | Tribunal de première instance, 16 janvier 2025, t.O c/ d.G et m.A épouse O


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LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 12 octobre 2023, enregistré (n° 2024/000116) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, au nom de m.A épouse O, en date du 20 juin 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de d.G, ès-qualités d'administrateur ad hoc de la mineure a.A.O, en date du 22 juillet 2024 ;

Vu les conclusions du Ministère public en date du 31 juillet 2024 ;
>Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 octobre 2024 ;

À l'audience publique du 7 novembre 2024,...

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LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 12 octobre 2023, enregistré (n° 2024/000116) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, au nom de m.A épouse O, en date du 20 juin 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de d.G, ès-qualités d'administrateur ad hoc de la mineure a.A.O, en date du 22 juillet 2024 ;

Vu les conclusions du Ministère public en date du 31 juillet 2024 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 octobre 2024 ;

À l'audience publique du 7 novembre 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers en présence du Ministère public et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 16 janvier 2025, par mise à disposition au Greffe.

Motifs

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 20 mai 2010, t.O a contracté mariage par-devant l'Officier d'État civil de la Mairie de Monaco avec m.A, née jma à Krasnodarskii ou à Protochnyi (Russie), de nationalités française et russe.

Les époux O-A ont initié une requête conjointe en divorce pour laquelle ils se sont désistés.

Le 18 décembre 2022, m.A épouse O a informé le requérant, par message téléphonique, de ce qu'elle serait « bientôt maman ».

Le 18 janvier 2023, une nouvelle procédure de divorce sur requête conjointe a été déposée par les époux. Le désistement de la procédure de divorce a été constaté par ordonnance du 16 février 2023 par le Juge Conciliateur.

t.O a pris l'initiative le 17 mai 2023, de déposer une requête unilatérale en divorce et a fait citer son épouse pour l'audience de conciliation du 14 juin 2023.

Le 15 juin 2023, t.O a appris, en recevant une convocation du Juge tutélaire pour comparaître à une audience tenue en matière d'assistance éducative du 26 juin 2023 que :

* • L'enfant de m.A épouse O était née le jma à Monaco,

* • L'enfant, prénommée a, portait le nom de « A.O »,

* • Suivant ordonnance du 14 juin 2023, le Juge tutélaire avait ouvert une mesure d'assistance éducative au profit de l'enfant et ordonné son placement au Foyer de l'enfance.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, le Juge tutélaire a désigné d.G en qualité de tuteur ad hoc de l'enfant a.A.O aux fins de représenter la mineure dans l'assignation en contestation de paternité.

Par acte d'huissier du 12 octobre 2024, t.O a assigné d.G et m.A épouse O devant le Tribunal de première instance, en présence du Procureur Général et demande au Tribunal de :

* • L'accueillir en son action comme recevable et fondé ;

* • Dire et juger qu'il n'est pas le père biologique d'a.A.O ;

En conséquence,

* • Annuler la filiation d'a.A.O, tel que retranscrite par l'Officier d'État civil de Monaco ;

* • Ordonner que le nom de famille de l'enfant a.A.O soit celui de sa mère uniquement ;

* • Ordonner la transcription du dispositif de la décision, partout où besoin sera et notamment sur les registres d'état civil de Monaco ainsi qu'en marge de l'acte de naissance d'a.A.O ;

Subsidiairement, avant-dire-droit,

* • Désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal de céans à l'effet de procéder à une expertise biologique, lequel pourra recevoir pour mission de :

* Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,

* Convoquer a.A.O via d.G ès-qualités de tuteur ad hoc d'a.A.O,

* Effectuer en présence des parties, et s'il échet avec l'assistance et dans les locaux de tel laboratoire d'analyse médicale qu'il appartiendra - préalablement avisé – un prélèvement sanguin sur t.O et a.A.O, en s'assurant au préalable de l'identité de ces personnes,

* Procéder aux analyses d'empreintes génétiques nécessaires ;

* • Dire que faute par m.A épouse O ou d.G ès-qualités de tuteur ad hoc d'a.A.O de déférer à la convocation de l'expert ou le fait de refuser de se prêter aux prélèvements qui pourraient être nécessaires pour la bonne réalisation de l'expertise, il pourra être jugé que ce refus s'interprète comme laissant présumer que le résultat de l'expertise leur aurait été défavorable avec toutes les conséquences de droit qui pourront en être déduites ;

* • Commettre tel Juge qu'il plaira aux fins de contrôle de l'expertise auquel il pourra notamment être référé en cas de difficulté ;

* • Dire qu'en cas d'empêchement du Juge ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance, ;

* • Dire que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix ;

En tout état de cause,

* • Débouter tout contestant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* • Ordonner exécution provisoire de la décision à intervenir ;

* • Condamner tout contestant aux entiers frais et dépens en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit.

Par conclusions du 20 juin 2024, m.A épouse O demande au Tribunal de :

À titre principal,

* • Lui donner acte de son acquiescement exprès et sans réserve aux prétentions formulées par t.O dans son assignation ;

En conséquence,

* • Dire et juger que t.O n'est pas le père biologique d'a.A.O ;

* • Annuler la filiation paternelle telle que retranscrite par l'Officier d'État civil de Monaco ;

* • Ordonner la substitution du nom de famille de l'enfant a « A.O » par le nom de famille de sa mère « A » ;

* • Ordonner la transcription du dispositif du jugement partout où besoin sera et notamment sur les registres d'état-civil de Monaco ainsi qu'en marge de l'acte de naissance d'a.A.O ;

Subsidiairement, ordonner la réouverture des débats ;

En tout état de cause, statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions du 22 juillet 2024, d.G demande au Tribunal de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice s'agissant de la demande formulée par t.O et voir statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par conclusions du 31 juillet 2024, le Procureur Général demande au Tribunal de constater l'acquiescement de m.A épouse O et d'en tirer toutes conséquences de droit.

Les débats ont été clos par ordonnance du 31 octobre 2024.

À l'audience du 7 novembre 2024, les conseils des parties ont déposé leur dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

SUR CE,

À titre liminaire, le Tribunal relève que les parties ne contestent pas la compétence territoriale de la juridiction qui fera application de la loi française au regard de la nationalité française de l'enfant.

* Sur l'action en contestation de paternité de t.O

L'article 332 du Code civil français dispose que « La maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant.

La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ».

En l'espèce, t.O était marié avec la mère de l'enfant lorsque l'enfant est née, il est donc présumé père de l'enfant née pendant le mariage.

t.O a communiqué à la procédure diverses pièces aux fins d'établir que l'enfant a n'est pas son enfant biologique.

En pièce 6 du demandeur, l'ordonnance du Juge tutélaire du 27 juin 2023 mentionne « Lors du suivi de sa grossesse, Madame O a expliqué que son mari n'était pas le père de l'enfant à naître, ce dernier étant issu d'une fécondation in vitro ».

t.O indique n'avoir jamais été informé des démarches de m.A épouse O s'agissant d'une procréation médicalement assistée. Il rappelle que le droit français, à ce titre, en son article 342-10 du Code civil prévoit le consentement des époux devant notaire, t.O n'a jamais consenti et encore moins dans les formes légales prévues.

D'ailleurs, m.A épouse O n'a jamais prétendu avoir obtenu le consentement de l'époux puisque dans l'enquête pénale précitée, elle a indiqué « j'ai fait une fécondation avec donneur. J'ai fait cette démarche à l'étranger. Je n'ai pas envie de finir ma vie seule. Je savais que t ne voulait pas d'enfant ».

Dans la présente instance, m.A épouse O explique avoir eu recours à une fécondation in vitro en Russie, sans en parler à t.O. Elle précise d'ailleurs avoir indiqué à l'état-civil de Monaco que son époux n'était pas le père de l'enfant mais qu'il lui a été répondu que le jeu de la présomption de paternité faisait de son époux, le père de l'enfant à l'état-civil.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que t.O n'est pas le père biologique de l'enfant a.A.O. Il n'y a pas lieu de recourir à une expertise biologique dès lors qu'il n'y a pas de doute sur l'absence de lien biologique entre t.O et l'enfant a.

Il convient donc de faire droit à l'action en contestation de paternité de t.O.

Le Tribunal annule la filiation paternelle de l'enfant a.A.O, tel que retranscrite par l'Officier d'État civil de Monaco et ordonne que le nom de famille de l'enfant a « A.O » sera désormais celui de sa mère « A ».

* Sur l'exécution provisoire du présent jugement et les dépens

En application de l'article 202 du Code de procédure civile, « hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203 ».

Le texte précise que « l'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ».

Le présent jugement sera assorti de l'exécution provisoire.

S'agissant des dépens de l'instance, la filiation paternelle a été établie par le fait de la loi, sans que m.A épouse O n'ait cherché délibérément à imputer cette paternité à son époux.

La procédure judiciaire était donc inévitable pour effacer l'effet de la présomption, sans qu'il y ait lieu d'en imputer la responsabilité à la défenderesse.

En conséquence, le Tribunal dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

À défaut de succombance de l'une ou l'autre des parties au sens de l'article 231 du Code de procédure civile, aucune condamnation ni distraction au profit de l'avocat-défenseur de la cause ne sera prononcée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mis à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Dit que t.O n'est pas le père biologique de l'enfant a.A.O ;

Annule la filiation paternelle de l'enfant a.A.O tel que retranscrite par l'Officier d'État civil de Monaco ;

Ordonne que le nom de famille de l'enfant a « A.O » sera désormais celui de sa mère « A » ;

Prononce l'exécution provisoire du présent jugement ;

Ordonne la transcription du dispositif de la décision, partout où besoin sera et notamment sur les registres d'état civil de Monaco ainsi qu'en marge de l'acte de naissance d'a.A.O, devenue a.A ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés dans la présente instance ;

Composition

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 16 JANVIER 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Maxime MAILLET, Magistrat Référendaire, assistés, de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30815
Date de la décision : 16/01/2025

Analyses

Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant ; Droit de la famille - Filiation


Parties
Demandeurs : t.O
Défendeurs : d.G et m.A épouse O

Références :

article 342-10 du Code civil
article 202 du Code de procédure civile
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2025-01-16;30815 ?

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