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16/01/2025 | MONACO | N°30818

Monaco | Tribunal de première instance, 16 janvier 2025, La société anonyme de droit français E c/ j M et d.O épouse M


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LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu le cahier des charges remis par le Greffier en Chef sur le bureau du Tribunal, en conformité des dispositions de l'article 601 du Code de procédure civile, et antérieurement déposé au Greffe général le 11 octobre 2024 ;

Vu la sommation d'avoir à comparaître par-devant le Tribunal, à l'audience de règlement du 14 novembre 2024, délivrée suivant exploit en date du 16 octobre 2024 (rôle n° 2025/000173), à j M et d.O épouse M, en leur qualité de débiteurs saisis, et remise à l

eur personne ;

Vu le dire déposé par Maître Violaine RAPAIRE, avocat-stagiaire substituant Maîtr...

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LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu le cahier des charges remis par le Greffier en Chef sur le bureau du Tribunal, en conformité des dispositions de l'article 601 du Code de procédure civile, et antérieurement déposé au Greffe général le 11 octobre 2024 ;

Vu la sommation d'avoir à comparaître par-devant le Tribunal, à l'audience de règlement du 14 novembre 2024, délivrée suivant exploit en date du 16 octobre 2024 (rôle n° 2025/000173), à j M et d.O épouse M, en leur qualité de débiteurs saisis, et remise à leur personne ;

Vu le dire déposé par Maître Violaine RAPAIRE, avocat-stagiaire substituant Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de d.O épouse M, le 11 novembre 2024 accompagné de 3 pièces, à annexer au cahier des charges ;

Vu le dire transmis par courriel par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de j M, en date du 8 novembre 2024 ;

Vu les conclusions en réponse aux dires de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SA E, en date du 13 novembre 2024 ;

À l'audience publique du 14 novembre 2024, Maître Violaine RAPAIRE, avocat-stagiaire substituant Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de d.O épouse M a indiqué avoir été déchargée du dossier par sa cliente ;

À l'audience publique du 14 novembre 2024, les conseils des parties et le Ministère public ont été entendus en leurs observations, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 16 janvier 2025, par mise à disposition au Greffe.

Motifs

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique du 4 septembre 2019, passé devant Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire à Monaco, enregistré le 5 septembre de la même année, j M et d.O épouse M, se sont vus consentir par la société E AA un prêt d'un montant de 5 millions d'euros en principal, pour une durée d'un an à compter de la mise à disposition des fonds, renouvelable quatre fois pour une nouvelle durée d'un an, sous réserve de l'accord express de la banque.

Ce prêt était destiné à financer l'acquisition de la résidence principale des emprunteurs sise x4 à Monaco.

En garantie du remboursement du prêt, le bien a été grevé d'une inscription de privilège de prêteur de deniers et subrogation dans le privilège de vendeur en premier rang et sans concours pour une somme de 6 millions d'euros.

Le prêt a été prorogé une première fois, une deuxième fois puis une troisième fois à effet au 2 septembre 2023.

La banque a mis en demeure les emprunteurs le 7 septembre 2023 de rembourser la somme, restant due, mise en demeure restée infructueuse.

La banque a fait délivrer par Maître Claire NOTARI, huissier de justice, un commandement de payer le 19 avril 2024 aux deux emprunteurs solidaires.

j M et d.O épouse M ne s'étant pas exécutés, un commandement aux fins de saisie immobilière d'avoir à payer dans un délai de 30 jours la somme globale de 5.559.452,52 euros leur a été signifié le 4 juillet 2024.

Puis la banque a fait signifier à j M et d.O épouse M, un procès-verbal de saisie immobilière le 24 septembre 2024, transcrit le 1er octobre 2024, sous le volume 2221 numéro 4.

Le cahier des charges a ensuite été déposé au greffe le 11 octobre 2024 aux termes duquel la créancière poursuivante a fixé la mise à prix à la somme de 5.400.000 euros.

Le 8 novembre 2024, j M a formulé un dire au terme duquel il demande à la juridiction de :

* • Le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;

* • Dire et juger que la mise à prix prévue aux termes du cahier des charges est manifestement insuffisante et porte, par son caractère disproportionné, une atteinte au droit de propriété de j M ;

* • Dire et juger que la mise à prix doit être révisée pour la fixer à un montant de 10 millions d'euros.

Le 10 novembre 2024, d.O épouse M a alors déposé un dire et demande à la juridiction de :

* • La déclarer recevable et fondée en ses demandes ;

* • Dire et juger que le bien immobilier sis immeuble le x4 à Monaco, lot 49 situé au 3ème étage dudit immeuble n'est pas soumis aux dispositions de la loi n° 887 du 25 juin 1970 ;

* • Dire et juger que la mise à prix prévue aux termes de l'article 23 du chapitre 10 du cahier des charges est manifestement insuffisante et porte, par son caractère disproportionné une atteinte au droit de propriété de d.O épouse M ;

* • Réviser le prix du bien à un minimum de 10 millions d'euros ;

* • Annexer le présent dire au cahier des charges du 11 octobre 2024 ;

* • Condamner la SA E, créancière poursuivante aux entiers dépens distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'assistance judiciaire.

Par conclusions du 13 novembre 2024, la SA E demande au Tribunal de :

* Débouter j M et d.O épouse M de l'ensemble de leurs demandes ;

Subsidiairement, en cas de réhausse de la mise à prix et de carence d'enchères, dire que la banque sera déclarée adjudicataire du bien saisi à hauteur de la mise à prix de 5.400.000 euros ;

* Condamner j M et d.O épouse M aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Le Procureur Général a formulé des observations à l'audience du 14 novembre 2024 et a notamment requis le maintien du prix fixé par le créancier poursuivant dans son cahier des charges.

SUR CE,

Tout d'abord, il convient de déclarer les dires recevables et dire que par conséquent ils seront annexés au cahier des charges de la vente.

* Sur la demande de d.O épouse M de voir modifier le cahier des charges en ce qu'il indique que le bien immobilier serait soumis aux dispositions de la loi n° 887 du 25 juin 1970

Le cahier des charges mentionne au chapitre 8 le contenu exhaustif d'un courrier de la AB du 6 mai 2019 qui indique notamment que le bien x4 à Monaco « ne relève pas des dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, par application de l'article 1er-3ème tiret. Je vous précise toutefois qu'en cas de vente, s'agissant d'un immeuble construit ou achevé avant le 1er septembre 1947, sont applicables les dispositions de l'article 38 de la loi susvisée ».

Dans son cahier des charges, la banque a indiqué que la loi n° 887 du 25 juin 1970 s'appliquait. En effet, la loi précitée du 28 décembre 2000 dispose que « les locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 sont soumis aux dispositions de la présente loi à l'exception :

• de ceux qui relèvent de la loi n° 887 du 25 juin 1970,

• de ceux qui, antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, ont été libérés par le départ du dernier occupant (…) ;

• de ceux nouvellement affectés, depuis le 25 juin 1970, à la location à usage d'habitation ;

• (…) ».

d.O épouse M explique que le bien concerné par le cahier des charges relève du 3ème tiret, comme la AB l'indique dans son courrier et non du 1er tiret.

Elle sollicite la rectification du cahier des charges en ce que le bien sis immeuble le x4 à Monaco, lot 49 situé au 3ème étage n'est pas soumis aux dispositions de la loi n° 887 du 25 juin 1970.

La banque ne conteste pas le fait que le bien n'est pas soumis à la loi n° 887 précitée et indique qu'à ce titre le cahier des charges ne contient pas d'erreur. Il s'agit selon elle d'une mauvaise lecture du cahier des charges et de sa page 14 qui mentionne un intitulé « APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI N°887 DU 25 JUIN 1970 » visant à étudier l'application de cette loi ou non.

Toutefois, le Tribunal relève qu'à la lecture de la page 14 en question du cahier des charges, il n'est pas explicitement porté à la connaissance de l'adjudicataire le fait que le bien à acquérir n'est pas soumis aux dispositions de la loi n° 887 du 25 juin 1970.

Le Tribunal ordonne en conséquence, pour éviter toute ambiguïté dans l'information délivrée à l'adjudicataire qu'en page 14, au paragraphe II « APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI N°887 DU 25 JUIN 1970 » une dernière phrase soit ajoutée avant le chapitre 9 en ces termes « l'adjudicataire est informé de ce que les biens immeubles objets de la saisie immobilière ne sont pas soumis aux dispositions de la loi n° 887 du 25 juin 1970 ».

* Sur la fixation du montant de la mise à prix

Selon les dispositions de l'article 592 du Code de procédure civile, le créancier poursuivant dépose au greffe du Tribunal le cahier des charges contenant notamment la mise à prix.

En l'espèce, la SA E a fixé, en application de cet article, la mise à prix du bien immobilier faisant l'objet de la saisie immobilière à la somme de 5.400.000 euros.

Les deux parties défenderesses contestent ce montant qu'elles jugent dérisoire et demandent au Tribunal de fixer la mise à prix à la somme minimale de 10 millions d'euros.

Sur la question de la révision de la mise à prix, le droit monégasque ne prévoit pas la révision de la mise à prix par le Tribunal en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble saisi et les conditions du marché.

De plus, le droit monégasque dispose en vertu des dispositions de l'article 618 du Code de procédure civile que « l'adjudication ne pourra être faite qu'après l'extinction de trois bougies allumées successivement. S'il ne survient pas d'enchères pendant la durée de ces bougies, le poursuivant sera déclaré adjudicataire pour la mise à prix ».

En droit français à défaut d'enchères, le créancier poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour sa mise à prix initiale, même si la mise à prix a été modifiée ultérieurement par la juridiction tandis qu'en droit monégasque, l'adjudication au profit de la banque se fait sur la mise à prix finale.

Modifier la mise à prix comme le sollicite les défendeurs serait contraire au droit monégasque.

De même qu'elle serait de surcroît contraire à l'esprit du texte, la prise d'une hypothèque vient atténuer le risque pris initialement par le créancier, le plus souvent lors de l'octroi d'un concours bancaire. Or ce dernier, après avoir actionné sa garantie, devrait subir le risque d'être déclaré adjudicataire pour un montant qu'il n'a pas fixé et qu'il estime trop important et supérieur à sa créance.

Toutefois, il convient de rappeler que la Cour européenne des droits de l'homme a déjà pris position sur une question similaire en considérant que la protection du droit de propriété doit primer dans l'hypothèse où une atteinte disproportionnée au droit de propriété du débiteur est portée dans le cadre d'une vente aux enchères publiques.

La Principauté de Monaco étant membre du Conseil de l'Europe, son droit interne est soumis aux principes généraux posés par la jurisprudence de la CEDH, qui priment sur le droit du pays membre.

Le droit monégasque doit donc s'articuler avec ce principe de protection du droit de propriété contre une atteinte disproportionnée.

La juridiction doit donc veiller à ce qu'il n'y ait pas dans une telle procédure de vente aux enchères publiques une atteinte disproportionnée au droit de propriété du débiteur, qui se caractériserait par une mise à prix tellement basse que la vente risquerait de se faire à vil prix.

Dans le cas d'espèce, le Tribunal relève que la mise à prix a été fixée à 5.400.000 euros alors même que les différentes évaluations communiquées à la procédure de saisie immobilière fixent des estimations entre 7.600.000 euros et 9.500.000 euros. La mise à prix étant un prix plancher, la fixation à 5.400.000 euros n'est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée aux droits de propriété de j M et d.O épouse M.

Par conséquent, pour toutes ces raisons, il convient de débouter j M et d.O épouse M de leur demande de modification de la mise à prix.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et avant-dire-droit, et en premier ressort,

Constate que toutes les formalités et délais prescrits par la loi ont été remplis ;

Ordonne l'annexion au cahier des charges, des dires de j M du 8 novembre 2024 et de d.O épouse M du 10 novembre 2024 ;

Ordonne qu'en page 14, au paragraphe II « APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI N°887 DU 25 JUIN 1970 » une dernière phrase soit ajoutée avant le chapitre 9 en ces termes « l'adjudicataire est informé de ce que les biens immeubles objets de la saisie immobilière ne sont pas soumis aux dispositions de la loi n° 887 du 25 juin 1970 » ;

Déboute j M et d.O épouse M de leur demande d'augmentation de la mise à prix ;

Fixe au vendredi 28 février 2025 à 9 heures, la vente aux enchères publiques, selon le cahier des charges en un seul lot, des parties situées dans l'immeuble dénommé le Casa Bella sis x4 à Monaco à savoir au 3ème étage, un appartement lot n° 49, de 184,12 m2 et d'un balcon de 4,30 m2 ;

Rappelle que dans l'article 20 du cahier des charges de la vente dont il s'agit, la SA E a fixé la mise à prix à la somme de 5.400.000 euros (CINQ MILLIONS QUATRE CENT MILLE EUROS) outre les charges, clauses et conditions fixées par le cahier des charges et notamment les frais de poursuite, dont le montant préalablement taxé sera porté à la connaissance du public avant l'ouverture des enchères ;

Ordonne en application de l'article 606 du Code de procédure civile, outre la publicité légale dans le Journal de Monaco, la publicité supplémentaire suivante :

* dans la page régionale du quotidien « Nice-Matin » ainsi qu'en page de Monaco de l'édition « Monaco-Matin » ;

Dit que les dépens du présent jugement seront employés en frais privilégiés de vente ;

Composition

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 16 JANVIER 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Alexia BRIANTI, Premier Juge, Madame Catherine OSTENGO, Juge, assistées, de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30818
Date de la décision : 16/01/2025

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : La société anonyme de droit français E
Défendeurs : j M et d.O épouse M

Références :

article 601 du Code de procédure civile
article 618 du Code de procédure civile
article 592 du Code de procédure civile
loi n° 887 du 25 juin 1970
article 606 du Code de procédure civile
loi n° 1.235 du 28 décembre 2000


Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2025-01-16;30818 ?

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