Abstract
Urbanisme et construction
Permis de construire - Aménagements intérieurs ayant pour objet de scinder un appartement - Refus de l'Administration fondé sur des considérations de l'intérêt général - Détournement de pouvoir non établi
Motifs
Le Tribunal Suprême
Vu la requête présentée par le sieur B., le vingt-cinq janvier mil neuf cent soixante et onze, tendant à annuler pour violation de l'Ordonnance 3647 du 9 septembre 1966 et excès de pouvoir, la décision de Monsieur le Ministre d'État en date du 25 novembre 1970, refusant au requérant l'autorisation de procéder aux travaux relatifs à la division en deux appartements de celui dont il est propriétaire, à accorder au requérant une somme de dix mille francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi de ce chef, ainsi qu'à condamner Monsieur le Ministre d'État aux dépens ;
Vu la contre-requête, en date du 19 mars 1971, tendant à rejeter le recours formé contre la décision susvisée, ensemble les conclusions du sieur B., tendant à l'allocation de dix mille francs à titre de dommages-intérêts, en raison, premièrement du droit pour le Ministre d'État de refuser une autorisation de construire, en raison de considérations tirées de l'intérêt général ; deuxièmement de la légitimité et de la réalité en l'espèce, de la volonté du Gouvernement Princier de maintenir dans le circuit locatif protégé des appartements de grande surface destinés aux prioritaires enregistrés, conformément à la loi ; et concluant en outre, à la publication de l'arrêt à intervenir au « Journal de Monaco », ainsi qu'à la condamnation du requérant aux dépens ;
Vu la réplique en date du 15 avril 1971, concluant qu'il plaise au Tribunal Suprême, lui accorder le bénéfice de la requête susvisée, premièrement en vertu des dispositions pertinentes de l'Ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966, aux termes desquelles, quand il s'agit d'aménagements intérieurs, le Ministre d'État ne peut refuser l'autorisation que pour des motifs tenant au respect des lois et règlements et non à l'intérêt général, comme le Ministre d'État l'a lui-même reconnu au cours d'une procédure antérieure devant le Tribunal Suprême ; deuxièmement parce qu'il apparaîtrait que l'Administration monéqasque n'applique pas toujours strictement les textes concernant tant l'inscription sur les listes de prioritaires, que le maintien des grands appartements dans le secteur locatif protégé, d'où il résulterait que l'intérêt général n'exige point le refus d'une autorisation qui permettrait d'attribuer deux appartements plus petits qui sont l'objet d'une demande beaucoup plus intense, à des prioritaires ; troisièmement, que le refus d'autoriser les travaux est inspiré par le désir de favoriser un tiers qui s'était vu refuser par les tribunaux monégasques, le droit de bénéficier d'une cession conventionnelle du droit au bail de l'appartement en cause ;
Vu la duplique en date du 17 mai 1971, par laquelle le Ministre d'État persiste dans ses précédentes conclusions, motif pris que les dispositions des textes applicables, à savoir tant de l'Ordonnance-loi n° 674 du 3 novembre 1959, que de l'Ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966, qui ne constitue qu'une mesure d'application de la précédente, maintiennent au bénéfice de l'administration monégasque le droit de refuser, en toute hypothèse, l'Autorisation de procéder à des travaux immobiliers, en fonction de l'intérêt général, de ce que le maintien dans le circuit locatif protégé de grands appartements est conforme à l'intérêt général et de ce que l'Administration a appliqué à cet effet, les textes pertinents d'une manière régulière ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, notamment ses articles 89 à 92 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 sur l'Organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, modifiée ;
Vu l'Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959, l'Ordonnance-loi n° 674 du 3 novembre 1959, l'Ordonnance Souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966 et la loi n° 887 du 25 juin 1970 ;
Oui M. Paul Reuter, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;
Oui Maître Hélène Marquilly, avocat-défenseur, ainsi que Maître G. H. George, avocat au Conseil d'État français et à la Cour de Cassation,en leurs observations ;
Oui Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;
Statuant en matière administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du Ministre d'État en date du 25 novembre 1970 :
Considérant qu'il résulte des articles 1 et 3 de l'Ordonnance-loi n° 674 du 3 novembre 1959, que sont soumis à autorisation préalable du Gouvernement, tous travaux portant sur un immeuble et que les demandes y relatives doivent être examinées non seulement du point de vue des lois et règlements, mais encore du point de vue de l'intérêt général ;
Considérant qu'en prévoyant pour les travaux d'aménagement interne une procédure simplifiée, qui en cas de silence de l'Administration, renvoie à une décision du Ministre d'État,l'Ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1966, n'a pu modifier l'étendue des pouvoirs dévolus à l'Administration en ce qui concerne la défense de l'intérêt général ;
Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, qu'en fondant sur l'intérêt général au sens de la législation précitée, alors que la loi n° 867 du 25 juin 1970, n'était pas encore applicable à l'appartement dont il s'agit, le maintien de grands appartements dans le secteur locatif protégé et en motivant par l'opportunité de ce maintien la décision attaquée, l'Administration se soit prononcée pour des motifs matériellement ou juridiquement erronés, ni qu'elle ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant d'autre part, qu'il n'est pas démontré que le refus d'autoriser les travaux nécessités par une éventuelle division de l'appartement en cause ait été fondé sur une intention d'attribuer l'appartement à une personne à laquelle les tribunaux monégasques avaient précédemment refusé le bénéfice d'une cession de bail conventionnelle dudit appartement, et, qu'en conséquence, le détournement de pouvoir n'est pas établi ;
Que pour ces motifs la demande en annulation doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de dommages-intérêts ;
Considérant que la demande en annulation ayant été rejetée, il n'y a pas lieu à l'octroi de dommages-intérêts ;
Dispositif
DÉCIDE :
Article 1er
La requête est rejetée comme non fondée ;
Article 2
Les dépens sont mis à la charge du sieur B. ;
Article 3
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
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