La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2017 | MONACO | N°TS/2017-05

Monaco | Tribunal Suprême, 24 novembre 2017, Monsieur m. PE. c/ État de Monaco, TS/2017-05


Motifs

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPREME

TS 2017-05

Affaire :

Monsieur m. PE.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION :

Audience du 17 novembre 2017

Lecture du 24 novembre 2017

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision de refoulement prise le 14 avril 2016 par le Ministre d'État à l'encontre de M. m. PE., ensemble celle de rejet implicite de son recours gracieux, formé le 13 juin 2016.

En la cause de :

Monsieur m. PE., né le 1er avril 1973 à Tbilissi (Géorgie), de nationalité

allemande, demeurant en Suisse, X1.

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Mo...

Motifs

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPREME

TS 2017-05

Affaire :

Monsieur m. PE.

Contre :

État de Monaco

DÉCISION :

Audience du 17 novembre 2017

Lecture du 24 novembre 2017

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision de refoulement prise le 14 avril 2016 par le Ministre d'État à l'encontre de M. m. PE., ensemble celle de rejet implicite de son recours gracieux, formé le 13 juin 2016.

En la cause de :

Monsieur m. PE., né le 1er avril 1973 à Tbilissi (Géorgie), de nationalité allemande, demeurant en Suisse, X1.

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Louis-Marie de ROUX, avocat au barreau de Paris ;

Contre :

L'État de Monaco représenté par son Excellence Monsieur le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINI, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par Monsieur m. PE., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 9 décembre 2016 sous le numéro TS 2017-05, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refoulement prise à son encontre le 14 avril 2016 par le Ministre d'État, ensemble celle de rejet implicite du recours gracieux qu'il a formé le 13 juin 2016, ainsi qu'à la condamnation de l'État de Monaco aux entiers dépens.

CE FAIRE :

Attendu que M. PE. expose que, le 20 mai 2016, lui a été notifié une décision du 14 avril 2016 de refoulement du territoire de la Principauté prise par le Ministre d'État, motifs pris de sa condamnation, le 21 mai 2015, par le tribunal correctionnel de Bonneville pour violences, de son comportement extravagant et de son attitude provocatrice et agressive lors de trois séries de faits survenus à Monaco entre janvier et décembre 2015 et de la clôture de son compte bancaire à Monaco, laquelle aurait entraîné la neutralisation de sa carte de résident ; que son recours gracieux a été implicitement rejeté par le Ministre d'État le 13 octobre 2016 ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête, M. PE., qui sollicite une mesure d'instruction, fait, d'abord, grief à ces décisions d'être entachées d'erreur de droit et de vice de procédure car, étant titulaire d'une carte de résident, délivrée le 25 novembre 2015 et valable jusqu'au 30 octobre 2016, il ne pouvait faire l'objet que d'une mesure d'expulsion par voie d'arrêté ministériel avec consultation préalable du Conseil de Gouvernement, et non d'un refoulement ;

Qu'il reproche à la mesure de refoulement d'être illégale comme entachée d'erreurs de fait, la réalité des trois incidents en Principauté qui lui sont reprochés, en l'occurrence un différend le 24 janvier 2015 avec un barman à l'hôtel de Paris, des troubles le 13 novembre 2015 au bar des Thermes Marins, un comportement arrogant, désinvolte et menaçant à l'encontre de fonctionnaires de police lors d'un contrôle d'identité le 7 décembre 2015 pour infraction routière, n'étant pas établie ;

Qu'il soutient ensuite que cette mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de trouble à l'ordre public, car le tribunal correctionnel de Bonneville l'a dispensé de peine et lui a octroyé un euro de dommages et intérêts, et qu'il y a une disproportion manifeste entre la mesure de refoulement et les incidents reprochés ;

Qu'il fait enfin grief aux décisions attaquées d'être entachées d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation, en violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour s'être aussi fondées sur la clôture de son compte bancaire à Monaco en juillet 2015, laquelle ne saurait justifier, au regard de l'article 7 de l'ordonnance n° 3.153 du 19 mars 1964, la neutralisation d'une carte de résident, ni même constituer un motif de refoulement dès lors que sa carte de résident a été renouvelée quatre mois après la clôture de son compte bancaire ;

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe général de la Principauté le 10 février 2017 par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministre d'État soutient que M PE. relevait bien de la procédure de refoulement, et non de l'expulsion, n'étant plus résident monégasque depuis le 5 février 2016, date à laquelle il a indiqué ne plus résider à Monaco et à compter de laquelle une attestation de départ du territoire monégasque lui a été délivrée ;

Que le Ministre d'État précise ensuite que les faits de violence avec arme, constatés par le juge pénal, qui a refusé à M PE. le bénéfice de la légitime défense, justifient la mesure de refoulement ; que, de plus, les critiques de M PE. concernant les trois incidents ayant nécessité l'intervention des forces de police sont dénuées de fondement ; qu'enfin la critique relative à la clôture par la banque du compte bancaire monégasque de M. PE. est sans pertinence pour relever d'une analyse erronée du motif critiqué, lequel n'a pas pour objet de justifier la mesure d'éloignement du territoire monégasque mais de préciser la raison pour laquelle cette mesure prend la forme d'un refoulement ;

Vu la réplique de M. PE., enregistrée au Greffe général le 8 mars 2017 qui tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu que M. PE. ajoute que, dans sa lettre du 5 février 2016 adressée à la direction de la Sûreté Publique, il n'a pas indiqué ne plus résider à Monaco, ni même mentionné qu'il envisageait de quitter la Principauté, mais seulement informé l'administration du retrait de sa demande de renouvellement de sa carte de résident, et qu'on ne peut déduire de ce retrait la volonté de renoncer avant terme au statut de résident ; enfin que l'attestation de départ au 5 février 2016 du chef de la division de Police administrative relatait un fait erroné et qu'au 14 avril 2016 il disposait toujours du statut de résident et ne pouvait faire l'objet d'une mesure de refoulement ;

Qu'il soutient par ailleurs que le Ministre d'État, qui n'a pas précisé en quoi les faits constatés par le tribunal correctionnel étaient de nature à porter un trouble à l'ordre public monégasque et à qui il appartient de prouver les trois incidents allégués fondant sa décision, a commis une erreur de fait ou à tout le moins une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin le grief tenant à l'absence de compte bancaire fait bien partie intégrante des motifs de la décision de refoulement ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe général le 11 avril 2017, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que le Ministre d'État produit des documents relatifs au comportement reproché à M. PE. et ajoute, d'une part, que celui-ci n'avait plus la qualité de résident lors de la décision de refoulement, la clôture de son compte bancaire monégasque ayant eu pour effet de neutraliser sa carte de résident, et, d'autre part, que le directeur de la Sûreté publique a pris acte de sa volonté de quitter la Principauté et, à sa demande, lui a fait parvenir une attestation de départ qu'il n'a pas déférée au Tribunal Suprême ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 90-B ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers modifiée, et notamment son article 22 ;

Vu l'Ordonnance du 12 décembre 2016 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture en date du 18 avril 2017 ;

Vu l'Ordonnance du 20 Septembre 2017 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 17 novembre 2017 ;

Ouï Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ; Ouï le Procureur Général en ses conclusions ;

Ouï Maître Louis-Marie de ROUX, Avocat au barreau de Paris pour M. m. PE. ;

Ouï Maître François MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France pour l'État de Monaco.

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ

Sur la demande de mesure d'instruction

Considérant qu'en l'état des pièces produites et jointes au dossier, il n'y a pas lieu de prescrire la mesure d'instruction sollicitée par M. m. PE. ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation

Considérant que M. PE. demande l'annulation de la décision de refoulement de la Principauté de Monaco prise à son encontre par le Ministre d'État le 14 avril 2016, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

Considérant que, selon l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers, « le Ministre d'État pourra, par mesure de police, ou en prenant un arrêté d'expulsion, enjoindre à tout étranger de quitter immédiatement le territoire monégasque ou lui interdire d'y pénétrer »; que, sur le fondement de cette disposition, le Ministre d'État est compétent, dans l'exercice de son pouvoir de police, pour prendre une mesure de refoulement à l'égard d'un étranger, que celui-ci ait ou non le statut de résident ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et du vice de procédure pour avoir pris une mesure de refoulement à l'égard d'un résident doivent être écartés ;

Considérant que l'objet des mesures de police administrative étant de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, il suffit que les faits retenus révèlent des risques suffisamment caractérisés de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée pour être de nature à justifier de telles mesures ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits invoqués par le Ministre d'État pour justifier la décision attaquée seraient inexistants ou matériellement inexacts ; qu'à supposer, ainsi que l'allègue le requérant, qu'ils n'aient donné lieu ni à plainte ni à poursuite, ces faits caractérisent, par leur récurrence, un comportement pouvant être regardé comme une menace pour la tranquillité ou la sécurité publique ou privée ; qu'ainsi, en se fondant sur ces faits pour ordonner le refoulement contesté, le Ministre d'État n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant enfin, que la décision attaquée n'est pas fondée sur la clôture du compte bancaire monégasque de M. m. PE. pour prononcer la mesure de refoulement contestée ; que l'ensemble des moyens tirés de l'illégalité de ce motif est donc inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. m. PE. ne peuvent qu'être rejetées.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. m. PE. est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de M. m. PE. ;

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d'État et à M. m. PE.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, officier de l'Ordre de Saint-Charles, vice-président, suppléant le Président du Tribunal en application de l'article 1er de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, José SAVOYE, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, membre titulaire, Didier RIBES, membre titulaire, Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, rapporteur et Monsieur Guillaume DRAGO, membres suppléants,

et prononcé le vingt-quatre novembre deux mille dix-sept en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint par Monsieur José SAVOYE, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, membre titulaire, assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en Chef.

Le Greffier en Chef, Le Vice-Président,

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2017-05
Date de la décision : 24/11/2017

Analyses

Droit des étrangers  - Police administrative  - Loi et actes administratifs unilatéraux.

CompétenceContentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel.


Parties
Demandeurs : Monsieur m. PE.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964
article 7 de l'ordonnance n° 3.153 du 19 mars 1964
Ordonnance du 20 Septembre 2017
Vu la Constitution
article 1er de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 12 décembre 2016
article 22 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2017-11-24;ts.2017.05 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award