Motifs
Le Tribunal Suprême,
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,
Vu la requête présentée par la société JC DECAUX MONACO, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 17 mai 2019 sous le numéro TS 2019-12, tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 12 février 2019 rejetant sa proposition pour le renouvellement d'abri-voyageurs et attribuant le projet à la société CLEAR CHANNEL ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, à la condamnation de l'État de Monaco à lui verser la somme de 6.725.000 euros hors taxes, sauf à parfaire, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, enfin, à sa condamnation aux entiers dépens ;
Ce faire :
Attendu que, dans le cadre du programme « Smart City » mis en œuvre par la Délégation interministérielle chargée de la transition numérique, les services de l'État ont consulté en 2018 deux sociétés spécialisées, la société JC DECAUX et la société CLEAR CHANNEL, pour le remplacement des abribus existants par des structures connectées ; qu'à l'issue de pourparlers informels ayant abouti à de premières propositions de la part des deux sociétés, la Direction de l'Aménagement Urbain leur a adressé le 24 octobre 2018 une lettre sollicitant la confirmation de leurs propositions avant le 9 novembre 2018 et rappelant les charges qui devaient être respectées ; que cette lettre indiquait notamment que la proposition devait comprendre la fourniture, l'installation, la gestion, le renouvellement et l'entretien de 51 abribus, hors raccordement aux réseaux ; que 26 de ces abribus devaient être des abribus standard ou sans publicité et 25 devaient être des abribus « Smart » comportant des bornes WIFI / capteurs 4G et 5G, un port USB, un système d'aide à l'exploitation et à l'information de la Compagnie des autobus de Monaco et des capteurs environnementaux ; que les propositions devaient, en outre, prévoir l'installation de 25 bornes interactives tactiles déportées proches ou incluses dans les abribus « Smart » comprenant des bornes WIFI / capteurs 4G et 5G ; que les propositions devaient enfin préciser la durée de l'occupation envisagée, le montant de la redevance annuelle minimale garantie devant être versée au Gouvernement princier et le pourcentage du chiffre d'affaires devant lui être reversé ; que par lettre du 6 novembre 2018, la société JC DECAUX a confirmé sa proposition et fourni les éléments demandés ; que par lettre du 7 novembre 2018, la Direction de l'aménagement urbain a demandé à la société JC DECAUX de lui transmettre avant le 14 décembre 2018, la liste des emplacements des 20 mobiliers digitaux de 2 m2, Full HD et Full LCD sur le domaine public ; que par courriel du 3 décembre 2018, la société a transmis une « proposition finalisée » ; que le 12 février 2019, la Direction de l'aménagement urbain a informé la société JC DECAUX du rejet de sa proposition au motif qu'elle ne correspondait pas aux attentes de la Principauté ; que par un communiqué du 4 mars 2018 relatif à l'inauguration du premier abri- voyageurs test, la société requérante a été informée que le projet avait été attribué à la société CLEAR CHANNEL ; que la société JC DECAUX MONACO a formé, le 12 avril 2019, un recours gracieux contre les décisions rejetant sa proposition et attribuant le projet à la société CLEAR CHANNEL ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur ce recours ;
Attendu que pour obtenir l'annulation des décisions qu'elle attaque, la société JC DECAUX MONACO soutient, en premier lieu, qu'elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ; qu'en effet, c'est, tout d'abord, en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 que ni la décision du 12 février 2019 rejetant sa proposition, ni la lettre du 18 mars 2019 du Délégué interministériel chargé de la transition numérique confirmant ce rejet ne précisent les raisons de droit et de fait pour lesquelles sa proposition n'a pas été retenue ; que dès lors que le projet emporte autorisation d'occupation du domaine public, la décision rejetant l'offre d'un candidat doit être obligatoirement motivée, ainsi que l'a déjà jugé le Tribunal Suprême dans une décision du 19 décembre 2014 ; qu'en ne lui communiquant pas les motifs du rejet de sa proposition et les conditions d'appréciation des offres, l'État ne la met pas en mesure de contester utilement les décisions qu'elle attaque et méconnaît donc également son droit à une protection juridictionnelle effective ;
Attendu, en deuxième lieu, que la société requérante fait grief aux décisions qu'elle attaque d'être entachées d'incompétence en l'absence de délibération du Conseil communal ; qu'en effet, le Conseil communal étant compétent, en vertu de l'article 25 de la loi n° 959 du 24 juillet 1974, d'une part, en matière de création, de mise en concession et d'organisation des services communaux et, d'autre part, en matière d'affichage sur les voies publiques, le projet de renouvellement des abribus dans la commune de Monaco ne pouvait être attribué qu'en vertu d'une délibération du Conseil communal ; que le projet devant donner lieu au versement d'une redevance, il appartenait également au Conseil communal de se prononcer, en vertu de l'article 4 de la loi du 24 juillet 1974, sur le montant de la redevance versée à la commune en tenant compte des différents montants proposés par les candidats ; que faute d'avoir été précédées d'une délibération du Conseil communal, les décisions attaquées portent atteinte à l'organisation budgétaire de la commune ;
Attendu, en troisième lieu, que la société JC DECAUX MONACO allègue que le projet de renouvellement des abribus a été attribué en méconnaissance des principes de concurrence, d'égalité de traitement et de transparence, que ce soit au stade du lancement de la consultation ou à celui de la sélection de l'attributaire ; qu'il résulte en effet de l'article 4 de l'Ordonnance du 23 octobre 1959 réglementant les marchés de l'État que les procédures de gré à gré sont soumises au principe de mise en concurrence ; que de telles procédures doivent également respecter le principe d'égalité de traitement, garanti par l'article 17 de la Constitution ; que ce principe implique, ainsi que l'ont jugé la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil constitutionnel français, que tous les candidats à l'attribution d'un contrat de commande publique soient traités de la même manière et fait obstacle à ce que la sélection de l'attributaire puisse résulter d'un choix arbitraire de l'acheteur public ; qu'à cette fin, la procédure suivie doit être organisée de manière transparente et permettre à chaque candidat de connaître non seulement la nature et l'étendue des besoins de l'acheteur public mais aussi les modalités d'attribution du marché ; que, conformément à l'arrêté ministériel n° 2011-468 du 29 août 2011 portant application de l'Ordonnance Souveraine n° 3.413 du 29 août 2011 portant diverses mesures relatives à la relation entre l'Administration et l'administré, la sélection de l'attributaire doit être réalisée de manière impartiale ; qu'en l'espèce, d'une part, la société JC DECAUX MONACO n'a pas été informée de l'ouverture d'une procédure de gré à gré mettant en compétition différents opérateurs du secteur ; qu'aucun appel à la concurrence n'a été publié ; que la société ignorait donc le cadre dans lequel elle devait élaborer et présenter sa proposition ; qu'estimant que les échanges avec les services de l'État s'inscrivaient dans le cadre de discussions informelles destinées à déboucher sur une procédure formalisée de mise en concurrence, la société n'a pas présenté de proposition exhaustive, ferme et définitive ; que lorsqu'elle a été informée que sa proposition était rejetée, elle n'avait pu fournir l'ensemble des éléments qu'elle espérait pouvoir présenter ; qu'ainsi, en ne la mettant pas en mesure de préparer utilement sa proposition, l'État a méconnu les principes de concurrence, d'égalité de traitement et de transparence ; que, d'autre part, le principe d'une compétition organisée dans le cadre d'une procédure de gré à gré impose à la personne publique de mener des négociations suffisamment approfondies et de demander aux fournisseurs concernés de modifier leurs propositions lorsqu'elles ne répondent pas à ses attentes ou à l'objet du marché ; qu'en écartant la candidature de la société JC DECAUX MONACO au motif qu'elle ne répondait pas aux attentes de la Principauté, alors qu'il lui avait indiqué que son dossier était complet, l'État a porté atteinte au principe d'une procédure de gré à gré garantissant une mise en compétition des opérateurs ; que les propositions des candidats ont été élaborées aux termes d'échanges informels, en violation des exigences de transparence et d'impartialité ; qu'en souhaitant ainsi tirer profit du caractère souple et informel des procédures de gré à gré tout en opposant au candidat évincé le caractère rigide et formaliste des appels d'offres, l'État a méconnu les dispositions de l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959 ainsi que les principes de concurrence, d'égalité de traitement et de transparence ; qu'en suivant une procédure opaque et imprévisible, dont la nature et les caractéristiques n'avaient pas été portées à la connaissance des candidats, l'administration a également méconnu le principe constitutionnel de sécurité juridique consacré par le Tribunal Suprême dans sa décision du 29 novembre 2018 SAM CAROLI IMMO c/ Ministre d'État ;
Attendu, en dernier lieu, qu'il est soutenu que les décisions attaquées sont entachées d'irrégularité dès lors que le projet de renouvellement du mobilier urbain n'a pas été soumis à l'avis de la commission consultative des marchés, conformément aux articles 5 à 8 de l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959 réglementant les marchés de l'État ;
Attendu que la société JC DECAUX MONACO allègue, au soutien de ses conclusions indemnitaires, que les décisions attaquées lui ont causé un préjudice financier ; qu'en effet, elle a supporté en pure perte d'importantes dépenses de montage de sa proposition de renouvellement urbain ; que les frais résultant des services et prestations assurés pour elle par la société JC DECAUX FRANCE s'élèvent à 50.000 euros ; qu'elle a, par ailleurs, perdu une chance sérieuse de se voir attribuer le projet de renouvellement des abribus et de percevoir les revenus de cette opération ; que le bénéfice attendu de cette opération est certain, compte tenu, d'une part, de la faisabilité du projet, conforme aux prescriptions applicables, et, d'autre part, de l'expérience et de la solidité financière du groupe JC DECAUX, dont la société JC DECAUX MONACO est une filiale ; que la perte de chiffre d'affaires peut être fixée à 445.000 euros hors taxes par an ; que la société évalue ainsi, compte tenu de la durée d'exécution du marché de quinze ans, à 6.725.000 euros le préjudice qu'elle estime avoir subi ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 19 juillet 2019, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;
Attendu que le Ministre d'État soulève, à titre principal, une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête ; qu'en effet, la proposition, formulée le 21 septembre 2018 et confirmée le 6 décembre suivant, a été présentée par la société JC DECAUX FRANCE, personne morale distincte de la société JC DECAUX MONACO ; que, dès lors, la société requérante n'avait pas intérêt à former un recours gracieux puis un recours devant le Tribunal Suprême contre la décision rejetant la proposition ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, à titre subsidiaire, que les conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ;
Attendu, en premier lieu, que, selon le Ministre d'État, la décision rejetant la proposition de la société requérante n'avait pas à être motivée en vertu de la loi du 29 juin 2006 dès lors que la décision n'a pas pour objet de refuser une demande d'autorisation d'occupation du domaine public qui aurait été présentée en tant que telle par la société ; que l'objet de la décision était, en effet, de rejeter, comme ne satisfaisant pas aux conditions de la consultation, la proposition de renouvellement du mobilier urbain ; que la société JC DECAUX MONACO n'a pas présenté de demande d'autorisation d'occupation du domaine public ; que l'occupation du domaine public résulte, en l'espèce, d'une convention d'occupation et non d'une autorisation administrative unilatérale ; que par ailleurs et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de la loi du 29 juin 2006 manque en fait ; que la décision du 12 février 2019 précise que la proposition « ne correspond pas aux attentes de l'État », renvoyant ainsi à la lettre de la Direction de l'Aménagement Urbain en date du 24 octobre 2018 précisant les charges devant être respectées par les deux candidats sollicités ; que la lettre du 18 mars 2019 du Délégué interministériel chargé de la transition numérique se réfère aux attentes du Gouvernement, en matière notamment de capteurs environnementaux, de bornes WIFI et de connexions 4G/5G, au regard desquelles le choix s'est porté sur un autre prestataire ; qu'enfin, une insuffisance de motivation ne constitue pas une atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective dès lors qu'elle n'empêche pas de saisir le juge, ce dernier pouvant, dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction, inviter l'autorité administrative à préciser les motifs de sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, que le Ministre d'État soutient que la décision attaquée n'est pas entachée d'incompétence ; qu'en effet, si les compétences respectives de la Direction de l'Aménagement Urbain, en matière de mobilier urbain, et de la Commune de Monaco, en matière d'affichage sur les voies publiques, étaient requises pour la réalisation du projet de renouvellement des abribus, il a donné lieu à la conclusion de deux contrats distincts ; que le premier contrat, conclu entre l'État et la société attributaire, est relatif à l'installation, la maintenance et l'entretien des abribus connectés alors que le second, entre la Commune et la société attributaire, autorisé par délibération du Conseil communal, porte mise en concession de la régie publicitaire des panneaux d'affichage des abribus de la Principauté ; que la mise en concurrence réalisée par l'État portait sur le déploiement d'un nouveau mobilier urbain sur le domaine public ; que la Commune a, dans l'exercice de sa compétence, conclu avec la société attributaire une convention de gestion de l'affichage ; que le contrat conclu par l'État pour le renouvellement du mobilier urbain n'avait pas à être conclu en vertu d'une délibération du Conseil communal ;
Attendu, en troisième lieu, que le Ministre d'État soutient, tout d'abord, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959 sont inopérants dès lors que le contrat de renouvellement du mobilier urbain conclu par l'État n'entre pas dans le champ d'application de ce texte ; qu'en effet, pour être qualifié de marché public de l'État, un contrat doit, d'une part, répondre par son objet, à un besoin de l'État et, d'autre part, être conclu à titre onéreux ; que le projet de renouvellement du mobilier urbain ne remplissait aucune de ces conditions ; que, d'une part, l'installation et l'entretien d'abribus connectés, pour répondre à des considérations d'intérêt général, ne concernent pas directement les activités menées par les services de l'État ou exercées pour son compte ; que, d'autre part, le projet ne prévoyait aucune renonciation à percevoir les redevances domaniales, ni aucune limitation de leur montant ; que, par ailleurs, l'article 5 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.264 du 20 décembre 2018 portant réglementation des marchés publics de l'État, qui a remplacé l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959, précise désormais expressément que cette réglementation n'est pas applicable aux contrats d'occupation du domaine public ou du domaine privé de l'État ; que le Ministre d'État fait, en outre, valoir que les conventions d'occupation du domaine public ne relevant pas de la commande publique, la société ne peut utilement faire grief à l'État d'avoir méconnu le principe d'égal accès à la commande publique ; qu'en tout état de cause, l'État a mis en œuvre une procédure préalable de mise en concurrence entre deux entreprises spécialisées en matière de mobilier urbain et d'abribus ; que, par sa lettre du 24 octobre 2018, la Direction de l'Aménagement Urbain a rappelé les conditions techniques et financières devant être respectées et a sollicité de chacune des deux sociétés la confirmation de sa proposition ; que la société requérante ne peut sérieusement prétendre n'avoir pas compris que cette lettre, dépourvue d'ambiguïté, mettait fin aux pourparlers informels ; que l'absence de demande d'informations complémentaires n'impliquait pas que l'État portait une appréciation favorable sur la proposition de la société JC DECAUX MONACO ; qu'enfin, à supposer que le principe de sécurité juridique puisse s'appliquer à une relation contractuelle, aucune atteinte n'a été portée, en l'espèce, à ce principe ;
Attendu, en quatrième lieu, que, selon le Ministre d'État, le projet en cause n'entrant pas dans le champ de l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959, l'État n'était pas tenu de consulter la commission consultative des marchés ;
Attendu, en dernier lieu, que les conclusions indemnitaires devront être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions d'annulation ; qu'en tout état de cause, le préjudice financier allégué par la société requérante n'est établi ni dans son existence ni dans son quantum ; qu'en outre, à supposer même que sa proposition ait été rejetée dans des conditions irrégulières, elle n'établit pas qu'elle avait une chance que cette proposition soit retenue ; qu'enfin, le montant de 50.10 euros au titre de frais engagés pour l'élaboration de la proposition de la société requérante est sans proportion avec la faible consistance de cette proposition et n'est étayée par aucun document ou facture ; que le manque à gagner réclamé, qui correspond à l'intégralité du chiffres d'affaires escompté et non à un bénéfice résultant de l'application d'un taux de marge nette, est, quant à lui, totalement fantaisiste ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 22 août 2019, par laquelle la société JC DECAUX MONACO tend aux mêmes fins que la requête et par les moyens ;
Attendu qu'elle ajoute, concernant la motivation des décisions attaquées, d'une part, que le projet de renouvellement du mobilier urbain comporte nécessairement et de manière essentielle une occupation domaniale ; qu'à cet égard, il ressort des termes du contrat conclu entre l'État et la société CLEAR CHANNEL qu'il vaut autorisation d'occupation du domaine public ; que le Ministre d'État ne peut soutenir qu'elle n'aurait pas présenté de demande d'autorisation d'occupation du domaine public dès lors que sa proposition incluait nécessairement une telle demande ; que, d'autre part, en se bornant à rappeler les critères d'évaluation sans préciser en quoi sa proposition était insuffisante au regard de ces critères, l'État n'a pas motivé son appréciation ; qu'enfin, la société requérante prend acte de ce que l'État ne s'oppose pas à ce que le Tribunal Suprême l'invite à préciser les motifs de sa décision ;
Attendu que la société JC DECAUX MONACO fait valoir, sur la compétence, que si les parties ont conclu plusieurs contrats, ils participent à une opération indivisible formalisée par une convention tripartite de partenariat ; qu'en effet, le financement de l'installation des abribus par l'attributaire, objet du contrat conclu avec l'État, est assuré par les revenus qu'il est censé tirer de la concession de régie publicitaire, objet du contrat conclu avec la Commune ; qu'il ressort des termes du courrier du 24 octobre 2018 que la concession de régie publicitaire faisait partie intégrante de la mise en concurrence réalisée par l'État ; qu'ainsi, la désignation de l'attributaire par l'État emportait également désignation du concessionnaire en lieu et place de la Commune ; qu'il en découle un empiètement de l'État sur la compétence du Conseil communal et que celui-ci a été dessaisi du choix du concessionnaire, en méconnaissance de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1974 ; que la délibération du Conseil communal du 26 mars 2019 confirme que le concessionnaire a été choisi par l'État ; qu'en vertu de la convention de concession, la Commune ne peut, à la différence de l'État, prononcer la résiliation de la convention pour motif d'intérêt général ;
Attendu qu'il est, en outre, soutenu par la société JC DECAUX MONACO que le montage contractuel litigieux entre bien dans le champ d'application de l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959 ; qu'en effet, ce texte vise sans restriction l'ensemble des marchés de travaux, fournitures ou services et ne fixe aucun critère matériel ou financier ; que l'installation et l'entretien d'abribus sur le domaine public et la gestion du réseau d'affichage sur les voies publiques entrent dans cette catégorie ; qu'en prévoyant désormais que les marchés publics soumis à ses dispositions sont des contrats conclus à titre onéreux pour répondre aux besoins de l'État en matière de travaux, de fournitures ou de services, l'Ordonnance Souveraine du 20 décembre 2018 a modifié la notion de marché public et restreint son champ en excluant les contrats d'occupation du domaine public et les concessions de service public ; qu'en tout état de cause, le montage contractuel litigieux répond à ces conditions ; qu'en effet, d'une part, aux termes de l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.556 du 11 janvier 2010 portant création d'une Direction de l'Aménagement Urbain, celle-ci est chargée « de l'exécution des travaux d'entretien de la voirie, des chaussées et des trottoirs » ainsi que de « l'implantation et de l'entretien des équipements urbains », notamment du « mobilier urbain » ; que l'installation et l'entretien des abribus relèvent donc des missions incombant à la Direction de l'Aménagement Urbain ; que, d'autre part, l'ensemble contractuel en cause a bien été conclu à titre onéreux dès lors qu'un abandon de recettes, assimilé à un prix, a été consenti par la Commune ; que la société attributaire est, en effet, rémunérée par l'exploitation publicitaire du mobilier urbain ; que le Tribunal Suprême pourra, par ailleurs, se fonder sur les dispositions garantissant l'égalité des citoyens devant la loi et l'impartialité de l'administration pour consacrer un principe d'égal accès à la commande publique et de transparence des procédures ; qu'en outre, le Ministre d'État ne saurait réduire le montage contractuel en cause à une convention d'occupation du domaine public alors qu'il constitue également, sinon un marché public d'installation et d'entretien de mobilier urbain, du moins une concession de régie publicitaire et qu'il a lui-même refusé de qualifier la proposition de mobilier urbain de demande d'autorisation d'occupation du domaine public ; qu'enfin, la mise en concurrence a été insuffisante en raison du caractère laconique de la lettre du 24 octobre 2018 n'indiquant nullement la fin des discussions informelles ; qu'ayant reçu une proposition de la société CLEAR CHANNEL formalisée par un dossier de 200 pages, la Direction de l'Aménagement Urbain ne pouvait que prendre conscience du malentendu avec la société JC DECAUX MONACO et aurait dû, conformément à son obligation de mise en compétition des candidats, l'inviter à présenter un dossier complet ;
Attendu que la société JC DECAUX MONACO entend préciser, au soutien de ses conclusions indemnitaires, que l'investissement qu'elle aurait dû réaliser en cas d'attribution du projet est estimé à 1.525.000 euros ; que le chiffre d'affaires résultant de la commercialisation des espaces est évalué, pour 2020, à 349.000 euros, avec une montée en puissance de la performance commerciale réalisée par écran entre 2020 et 2023 ; que les charges sont modélisées selon des standards d'exploitation par type de mobilier et reprises dans un compte d'exploitation provisionnel produit par la société ; que le manque à gagner et les frais de montage représentent une somme totale de 2.101.902 euros, sauf pour le Tribunal Suprême à ordonner une mesure d'expertise aux fins de chiffrage exact de la créance ;
Vu le mémoire en intervention volontaire, enregistré au Greffe Général le 22 août 2019, par lequel la société JC DECAUX FRANCE demande à ce qu'il soit fait droit à la requête de la société JC DECAUX MONACO ;
Attendu que la société JC DECAUX FRANCE soutient que la requête de la société JC DECAUX MONACO est recevable pour les mêmes motifs que ceux exposés par cette dernière et se réfère aux moyens soulevés dans la requête ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 25 septembre 2019, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu qu'il ajoute, sur la recevabilité de la requête, que la configuration du groupe JC DECAUX comme les habitudes de travail en son sein sont sans incidence sur l'identification de l'entité juridique ayant qualité pour agir au regard de l'objet du litige ; que n'est pas rapportée la preuve du mandat qui aurait été donné par les représentants de la société JC DECAUX MONACO ; qu'ainsi, la proposition ayant été présentée par la société JC DECAUX FRANCE, les recours n'auraient pu être régulièrement présentés qu'au nom de cette société ; qu'il en résulte, en particulier, que la société requérante ne saurait demander l'indemnisation d'un préjudice, à supposer qu'il existe, se rapportant à un marché pour lequel elle n' a pas candidaté ;
Attendu que le Ministre d'État précise, concernant la compétence, que la convention de partenariat a été signée par la Commune représentée par son maire autorisé par délibération du Conseil communal du 26 mars 2019 ; que cette convention prévoyait expressément que la Commune signerait avec la société CLEAR CHANNEL une convention de concession de régie publicitaire ; que la Commune ayant accepté cette stipulation, sa compétence ne peut avoir été méconnue ;
Attendu, en outre, que, selon le Ministre d'État, l'Ordonnance Souveraine du 20 décembre 2018 s'est bornée à expliciter les conditions posées par l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959 pour qualifier un contrat de marché de l'État ; que les abribus ne sont pas installés pour le compte de l'État dès lors que ce dernier n'a aucune obligation de fournir des abribus aux usagers des lignes d'autobus ; que le cocontractant n'est pas exonéré du paiement de la redevance pour occupation du domaine public et n'est pas rémunéré par la collectivité publique ; qu'ainsi, le contrat litigieux n'est pas un marché public ;
Attendu, enfin, que, selon le Ministre d'État, la diminution d'environ 70 % du montant de l'indemnité réclamée dans la réplique établit par elle-même le caractère fantaisiste de la demande indemnitaire ;
Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 25 septembre 2019, par lequel le Ministre d'État conclut au rejet de l'intervention volontaire de la société JC DECAUX FRANCE et à sa condamnation aux entiers dépens ;
SUR CE,
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 90-B ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.097 du 23 octobre 1959 modifiée, réglementant les marchés de l'État ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.556 du 11 janvier 2010 portant création d'une Direction de l'Aménagement Urbain ;
Vu la loi n° 959 du 24 juillet 1974 sur l'organisation communale ;
Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu l'Ordonnance du 20 mai 2019 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Didier RIBES, Membre titulaire, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 29 octobre 2019 ;
Vu l'Ordonnance du 16 janvier 2020 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 21 février 2020 ;
Ouï Monsieur Didier RIBES, Vice-président du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître François-Henri BRIARD, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour la société JC DECAUX MONACO et la société JC DECAUX FRANCE ;
Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;
Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
1° Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre du programme « Smart City » mis en œuvre par la Délégation interministérielle chargée de la transition numérique, les services de l'État ont consulté en 2018 deux sociétés spécialisées, la société JC DECAUX et la société CLEAR CHANNEL, pour le remplacement des abribus existants par des structures connectées ; qu'à l'issue de pourparlers informels ayant abouti à de premières propositions de la part des deux sociétés, la Direction de l'Aménagement Urbain leur a adressé le 24 octobre 2018 une lettre sollicitant la confirmation de leurs propositions avant le 9 novembre 2018 et rappelant les charges qui devaient être respectées ; que cette lettre indiquait notamment que la proposition devait comprendre la fourniture, l'installation, la gestion, le renouvellement et l'entretien de 51 abribus, hors raccordement aux réseaux. ; que 26 de ces abribus devaient être des abribus standard ou sans publicité et 25 devaient être des abribus « Smart » comportant des bornes WIFI / capteurs 4G et 5G, un port USB, un système d'aide à l'exploitation et à l'information de la Compagnie des autobus de Monaco et des capteurs environnementaux ; que les propositions devaient, en outre, prévoir l'installation de 25 bornes interactives tactiles déportées proches ou incluses dans les abribus « Smart » comprenant des bornes WIFI / capteurs 4G et 5G ; que les propositions devaient enfin préciser la durée de l'occupation envisagée, le montant de la redevance annuelle minimale garantie devant être versée au Gouvernement princier et le pourcentage du chiffre d'affaires devant lui être reversé ; que par lettre du 6 novembre 2018, la société JC DECAUX a confirmé sa proposition et fourni les éléments demandés ; que par lettre du 7 novembre 2018, la Direction de l'Aménagement Urbain a demandé à la société JC DECAUX de lui transmettre avant le 14 décembre 2018, la liste des emplacements des 20 mobiliers digitaux de 2 m2, Full HD et Full LCD sur le domaine public ; que par courriel du 3 décembre 2018, la société a transmis une proposition finalisée ; que le 12 février 2019, la Direction de l'Aménagement Urbain a informé la société JC DECAUX du rejet de sa proposition ; que par un communiqué du 4 mars 2018 relatif à l'inauguration du premier abri-voyageurs test, la société requérante a été informée que le projet avait été attribué à la société CLEAR CHANNEL ; que la société JC DECAUX MONACO a formé, le 12 avril 2019, un recours gracieux contre les décisions rejetant sa proposition et attribuant le projet à la société CLEAR CHANNEL ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur ce recours ; qu'elle demande au Tribunal Suprême d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions et de condamner l'État à indemniser le préjudice qu'elle estime avoir subi ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le Ministre,
2° Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si des représentants de la société JC DECAUX FRANCE ont participé, avec ceux de la société JC DECAUX MONACO, aux discussions avec les services de l'État, les démarches qu'ils ont réalisées étaient destinées à permettre à la société JC DECAUX MONACO de présenter une proposition pour l'attribution du projet de fourniture d'abri-voyageurs connectés et de services associés ; que, par suite, le Ministre d'État n'est pas fondé à soutenir que la société JC DECAUX MONACO n'aurait pas intérêt à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ;
Sur l'intervention volontaire de la société JC DECAUX France,
3° Considérant que la société JC DECAUX FRANCE justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des décisions attaquées ; que son intervention est, dès lors, recevable ;
Sur le fond,
4° Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de de l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine du 11 janvier 2010 portant création d'une Direction de l'Aménagement Urbain, celle-ci est chargée de l'implantation du mobilier urbain ; que l'article 25 de la loi du 24 juillet 1974 sur l'organisation communale dispose que : « Le Conseil communal règle par ses délibérations les affaires de la commune ; ces délibérations portent notamment sur : / (…) / 5°) la création, la gestion en régie ou la mise en concession et l'organisation de services communaux, leur transition ou leur suppression ; / (…) / 17°) l'affichage sur les voies publiques y compris dans les passages publics souterrains. / (…) » ; qu'en vertu de l'article 4 de la même loi, « les autorisations d'occupation privative sont toujours accordées à titre précaire et révocable ; elles comportent le paiement d'une redevance, à moins qu'elles ne procurent un avantage à la commune ; elles sont délivrées par un arrêté municipal. / (…) / Les conventions d'occupation privative sont des contrats de nature administrative ; elles sont conclues par le Maire après autorisation délivrée par délibération du Conseil communal (…) » ;
5° Considérant que le projet de renouvellement du mobilier urbain comporte une concession par la Commune de la régie publicitaire des panneaux d'affichage des abribus de la Principauté ; que, toutefois, il n'en résulte pas que le choix par l'État de l'attributaire du projet n'était pas conditionné par une délibération préalable du Conseil communal ; que, dès lors, la société JC DECAUX MONACO n'est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'incompétence en l'absence de délibération du Conseil communal ;
6° Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.097 du 23 octobre 1959 réglementant les marchés de l'État alors en vigueur : « Les marchés de travaux, fournitures ou services au compte de l'État sont passés, après mise en concurrence, dans les formes et conditions prévues par la présente Ordonnance » ; que l'article 4 de la même Ordonnance précise que « Les marchés peuvent être passés, soit par adjudication ou appel d'offres, ouverts ou restreints, soit sous forme de marchés de gré à gré. Dans ce dernier cas, l'Administration mettra en compétition, dans la mesure du possible, les entrepreneurs ou fournisseurs capables de réaliser la prestation qui doit faire l'objet du marché » ; que son article 5 prévoit que « sans préjudice des contrôles généraux institués en matière de dépense de l'État, les projets de marchés sont soumis au contrôle d'une commission consultative des marchés » ;
7° Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de fourniture d'abri-voyageurs connectés et de services associés est destiné à répondre aux besoins de l'État ; que l'installation et la maintenance des mobiliers urbains ne donne pas lieu à une rémunération par l'État ; que le droit pour l'attributaire du projet d'exploiter sous forme de régie publicitaire les panneaux d'affichage de l'ensemble des abribus de la Principauté constitue un avantage consenti à titre onéreux en contrepartie des prestations qu'il fournit ; que l'attributaire se voit toutefois transférer le risque lié à l'exploitation de la régie publicitaire ; que, dès lors, le projet litigieux de renouvellement du mobilier urbain n'a pas la qualité d'un marché de l'État au sens de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine du 23 octobre 1959 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que les dispositions de cette Ordonnance souveraine auraient été méconnues sont inopérants ;
8° Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité, garanti par l'article 17 de la Constitution, impose que l'administration qui procède à une mise en concurrence en vue de choisir un cocontractant veille à l'égal accès des candidats qu'elle a sollicités ou qui ont répondu à un appel d'offres ;
9° Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services de l'État ont adressé aux deux sociétés JC DECAUX MONACO et CLEAR CHANNEL les mêmes informations concernant tant les conditions techniques et financières du projet que les modalités de présentation de leurs propositions ; qu'en particulier, ils ont demandé aux deux sociétés de confirmer par écrit avant une date déterminée les propositions qu'elles avaient formulées lors d'échanges informels ; que la société JC DECAUX MONACO a ainsi été mise en mesure de présenter utilement sa proposition avant que l'État choisisse l'attributaire du projet ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure mise en œuvre par l'État aurait méconnu le principe d'égalité ; que les moyens tirés de la méconnaissance du principe constitutionnel de sécurité juridique et du principe d' impartialité qui s'impose à toute autorité administrative ne peuvent également qu'être écartés ;
10° Considérant, en dernier lieu, toutefois, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs : « Doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives à caractère individuel qui : / (…) / 3° - refusent une autorisation ou un agrément ; / (…) » ; que la décision rejetant une proposition présentée en vue de la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public constitue un refus d'autorisation au sens de ces dispositions et doit, par suite, être motivée ;
11° Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la procédure lancée par les services de l'État avait pour objet de désigner une entreprise chargée d'assurer l'installation et l'entretien d'abri- voyageurs connectés et exploitant sous forme de régie publicitaire les panneaux d'affichage de l'ensemble des abri-voyageurs de la Principauté ; que cette désignation était indissociable de l'autorisation d'occupation du domaine public pour les mobiliers urbains ; que la décision rejetant une proposition présentée en vue de cette désignation devait dès lors être motivée ; que dans sa décision du 12 février 2019 rejetant la proposition présentée par la société JC DECAUX MONACO, la Direction de l'Aménagement Urbain s'est bornée à lui indiquer que sa proposition ne correspondait pas aux attentes de la Principauté ; que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, la société JC DECAUX MONACO est fondée à soutenir que les décisions qu'elle attaque sont illégales ;
12° Considérant qu'en application de l'article 90 de la Constitution, il appartient au Tribunal Suprême d'annuler une décision dont il a constaté l'illégalité ; qu'il en résulte, en principe, que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; qu'il revient toutefois au Tribunal Suprême de prendre en considération les effets d'une telle annulation tant pour la sauvegarde de l'intérêt général que pour l'effectivité des droits des justiciables et, le cas échéant, d'en limiter les effets qui apparaîtraient manifestement excessifs ;
13° Considérant qu'en l'espèce, il importe, pour le Tribunal Suprême, d'apprécier les effets que l'annulation des décisions attaquées serait concrètement susceptible de produire sur les intérêts publics et privés en présence ; que doivent plus particulièrement être prises en compte les conséquences sur les conventions conclues postérieurement par l'État, la Commune de Monaco et la société CLEAR CHANNEL ainsi que sur les installations déjà mises en place ; que, dès lors, il y a lieu, pour le Tribunal Suprême, par mesure d'instruction, d'appeler les parties à présenter, avant le 21 mars 2020, leurs observations sur les effets de l'annulation susceptible d'être prononcée par le Tribunal Suprême ;
Dispositif
Décide :
Article 1er
L'intervention de la société JC DECAUX FRANCE est admise.
Article 2
Les décisions du Gouvernement Princier rejetant la proposition présentée par la société JC DECAUX MONACO pour le renouvellement d'abri-voyageurs et attribuant le projet à la société CLEAR CHANNEL ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux sont illégales.
Article 3
Les parties sont invitées à présenter, avant le 21 mars 2020, leurs observations sur les effets de l'annulation susceptible d'être prononcée par le Tribunal Suprême.
Article 4
Les dépens sont réservés.
Article 5
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Note
À rapprocher de la décision du 25 juin 2020. – NDLR.
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