TS 2021-04
Décision
Audience du 27 juin 2022
Lecture du 12 juillet 2022
Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 avril 2020 du Ministre d'État rejetant la demande d'abrogation de la décision de refoulement de Monsieur L. R. et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision.
En la cause de :
Monsieur L. R. ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur, substitué par Maître Arnaud CHEYNUT, Avocat-Défenseur près la même Cour ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
Visa
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière
Vu la requête, présentée par Monsieur L. R., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 4 décembre 2020 sous le numéro TS 2021-04, tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 avril 2020 par laquelle le Ministre d'État a rejeté sa demande d'abrogation de la décision de refoulement et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision et, d'autre part, à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;
Motifs
CE FAIRE :
Attendu que M. R., de nationalité néerlandaise, était résident monégasque depuis 1995 ; que, par décision ministérielle du 25 mars 2010, il a fait l'objet d'une mesure de refoulement du territoire monégasque en application des dispositions de l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Principauté ; que cette mesure a été prise en considération de renseignements recueillis auprès des services de police étrangers concernant les nombreuses procédures diligentées à son encontre pour des faits de blanchiment, association de malfaiteurs, faux et usage de faux et divers délits fiscaux ainsi qu'en raison de faits d'abus de confiance, exercice d'une activité de gestion de portefeuille sans avoir obtenu l'agrément nécessaire, blanchiment, recel d'abus de confiance, bris de scellés pour lesquels des investigations étaient menées en Principauté ; que, depuis cette date, ces faits ont donné lieu à des investigations dont M. R. est ressorti innocent ; qu'en effet, l'instruction dont il avait fait l'objet a été clôturée en Principauté par un non-lieu ; que, par une ordonnance du 14 septembre 2012, le juge d'instruction a constaté que les faits reprochés ne pouvaient donner lieu à poursuite ; qu'il a justement considéré qu'il ne résultait de l'information aucune charge contre quiconque d'avoir commis des délits d'abus de confiance, de recel d'abus de confiance, d'exercice d'une activité de gestion de portefeuille sans agrément, de blanchiment du produit d'une infraction ou encore de bris de scellés ; que, de même, la procédure pénale initiée à l'encontre du requérant en Belgique pour une prétendue fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et une infraction connexe s'est soldée par un procès-verbal de constatation de l'extinction de l'action publique ; qu'en effet, en l'état des contestations et moyens présentés par M. R., le ministère public d'Anvers, conscient que sa culpabilité ne pourrait être établie, a, de sa propre initiative, proposé une transaction destinée à éviter un procès inutile ; que cette transaction, conclue sans aucune reconnaissance de culpabilité par M. R., a été homologuée par le tribunal correctionnel d'Anvers le 6 août 2018 et a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal valant extinction de l'action publique ; que la procédure pénale belge a ainsi été clôturée sans qu'aucun procès n'ait eu à se tenir et, a fortiori, sans qu'aucune condamnation n'ait été prononcée ; que les faits et préventions reprochés à tort M. R. ont, dès lors, été définitivement et irrévocablement abandonnés ; que les renseignements défavorables qui avaient conduit à son éloignement en 2010 n'étant plus d'actualité, le requérant a, par une demande adressée le 4 février 2019 au Ministre d'État, sollicité la levée de la mesure de refoulement, en exposant qu'à la lumière des éléments précités, aucun motif ne justifiait plus désormais le maintien de ladite mesure ; que, par une décision du 8 mai 2019, le Ministre d'État a seulement suspendu la mesure de refoulement pour une période probatoire d'un an, soit jusqu'au 7 mai 2020 ; que, par cette décision, il a été demandé à M. R. d'adopter une conduite irréprochable afin que sa situation puisse être réévaluée à l'issue de cette période probatoire ; que fort d'une conduite exempte de tout reproche et dans la perspective de l'échéance du 7 mai 2020, M. R. a présenté, le 10 février 2020, une nouvelle demande de levée de la mesure de refoulement ; que, contre toute attente, par une décision du 21 avril 2020, le Ministre d'État a refusé d'y faire droit en ces termes, par lettre adressée à l'avocat du requérant : « En réponse, et après examen par les services gouvernementaux, j'ai l'honneur de porter à votre connaissance que votre requête ne peut pas, pour l'heure, recevoir un accueil favorable. Toutefois la situation de votre client permet qu'il puisse bénéficier d'une deuxième suspension de la mesure de refoulement dont il fait l'objet. Aussi, cette mesure est suspendue pour une nouvelle période probatoire d'un an, soit jusqu'au 7 mai 2021. Je vous rappelle que, durant cette période, il conviendra à ce que Monsieur L.R. adopte une conduite irréprochable sur le sol monégasque. Par ailleurs, il sera loisible à l'intéressé de demander le renouvellement de cette suspension en temps utile » ; que le 9 juin 2020, le requérant a formé un recours gracieux auprès du Ministre d'État contre la décision de refus d'abrogation de la décision de refoulement ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le Ministre d'État sur ce recours ;
Attendu qu'à l'appui de sa requête, M. R. soutient, en premier lieu, que les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation ; que le refus d'abrogation d'une décision de refoulement figure au nombre des mesures de police qui doivent être motivées par application de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; qu'en effet, en vertu de l'article 1^er de cette loi, les décisions administratives à caractère individuel qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police doivent être motivées à peine de nullité ; que cette motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement ; que le Tribunal Suprême a rappelé à plusieurs reprises qu'une mesure de refoulement et un refus d'abrogation d'une telle décision figurent au nombre des mesures de police qui doivent être motivées ; qu'en l'espèce, le refus d'abroger la décision de refoulement dont M. R. a fait l'objet ne comporte aucune motivation ; que, dans la décision attaquée, le Ministre d'État s'est contenté d'énoncer que sa « requête ne peut pas, pour l'heure, recevoir un accueil favorable » y ajoutant que, toutefois, sa situation « permet qu'il puisse bénéficier d'une deuxième suspension de la mesure de refoulement dont il a fait l'objet » ; qu'un tel refus ne comporte manifestement aucun motif de fait et de droit qui pourrait servir de fondement au maintien de la mesure de refoulement, dont seule la suspension est accordée de manière temporaire ; que cette suspension, accordée à la lumière de sa situation, confirme qu'il n'existe plus aucun motif d'éloignement du requérant ; que, de surcroît, si l'exigence de motivation connaît une exception en vertu de l'article 5 de la loi du 29 juin 2006, lorsque des raisons de sécurité intérieure ou extérieure de l'État s'y opposent ou encore lorsque la motivation serait de nature à porter atteinte à des investigations en cours en matière douanière, fiscale ou de lutte anti-blanchiment, tel ne saurait être le cas en l'espèce ; que le requérant ne constitue manifestement aucune menace pour la sécurité de l'État et ne fait l'objet d'aucune investigation de quelque nature qu'elle soit ; que, par voie de conséquence, l'absence totale de motivation de la décision de refus de levée de la mesure de refoulement justifie son annulation ; que le Tribunal Suprême, à qui il appartient de contrôler l'exactitude et la légalité des motifs donnés par le Ministre d'État, même dans les cas où il n'existe aucune obligation légale de motivation, n'est pas en mesure d'exercer son contrôle et devra donc annuler la décision de refus d'abrogation avec toutes conséquences de droit ; que la décision attaquée est donc entachée d'un défaut de motivation justifiant son annulation ;
Attendu que M. R. fait valoir, en deuxième lieu, que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'objet du maintien d'une mesure de police administrative est de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public ; qu'aucune considération de fait ou de droit ne saurait, en l'espèce, justifier le maintien de la mesure de refoulement et le maintien du requérant sous le coup d'une période probatoire ; que le refus d'abroger la mesure de refoulement ne peut, dès lors, relever que d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, il est constant qu'aucun élément ne permet de révéler un comportement inadapté ou préjudiciable de M. R. de nature à justifier le maintien de la mesure d'éloignement à la date de la décision contestée ; que si le requérant a pu, par le passé, faire l'objet d'investigations, il a justifié que les faits et soupçons qui avaient pesé sur lui ont tous été abandonnés et qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite ou condamnation ; que le requérant est ressorti de ces investigations totalement innocent ainsi qu'en atteste les extraits de son casier judiciaire vierge ; que M. R. ne saurait subir, plusieurs années après le non-lieu dont il a bénéficié à Monaco et l'extinction en Belgique de toute action publique son encontre, les conséquences d'investigations qui ont finalement écarté toute culpabilité au regard des faits qui pouvaient initialement lui être reprochés ; que si le Ministre d'État n'est pas lié par la décision du juge pénal, il n'en demeure pas moins que l'abandon de toute poursuite à l'encontre de M. R. est de nature à dissiper toute crainte des autorités et justifie l'abrogation de la mesure de refoulement ; que c'est d'ailleurs ce qu'a retenu le Ministre d'État, dans sa décision du 8 mai 2019, en accueillant favorablement la demande de révision de la mesure de refoulement de M. R. ; que le Ministre d'État a ainsi fait droit à la demande de révision de la mesure de refoulement et a assorti sa décision d'une période probatoire d'un an, soit jusqu'au 7 mai 2020, pendant laquelle M. R. se devait d'adopter une conduite irréprochable afin que sa situation puisse être réévaluée à l'issue de cette période probatoire ; que tel a été le cas ; que, saisi, le 10 février 2020, d'une nouvelle demande de révision de la mesure, le Ministre d'État a cependant refusé d'abroger la mesure de refoulement, renouvelant la période probatoire pour une année supplémentaire ; que, rien dans la conduite de M. R., à la date de la décision du 21 avril 2020, ne justifie une telle décision ; que M. R., âgé de 74 ans, ne présente aucun risque de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée ; que sa conduite irréprochable est largement établie par l'absence de tous renseignements défavorables pouvant le concerner sur les années écoulées, et plus particulièrement depuis la décision favorable de révision de la mesure de refoulement prise en mai 2019 ; qu'elle est également confirmée par les visites, à plusieurs reprises, qu'il a pu effectuer, malgré la contrainte de la distance et son âge, à son fils et ses petits-enfants dans la résidence familiale dont ils sont propriétaires en Principauté ; qu'il a, dans la mesure du possible, essayé de recréer une vie sociale à Monaco où il a été également suivi médicalement ; qu'aucun élément ne peut être de nature à justifier au 21 avril 2020 le refus d'abrogation de ladite mesure ; que, par conséquent, la décision du 21 avril 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Attendu que M. R. allègue, en dernier lieu, que les décisions attaquées portent atteinte à son droit à une vie familiale normale ; que, résidant actuellement à Hong Kong, il aspire à pouvoir s'établir à nouveau en Principauté où résident ses enfants et petits-enfants ; que si l'Asie a pu présenter, pour une période de sa vie, un cadre agréable quoique imposé, la Principauté de Monaco a toujours constitué le centre de ses intérêts personnels et familiaux ; que sa volonté de se rapprocher de sa famille, de son fils et de ses petits-enfants répond à un besoin vital, compte tenu de son âge ; que ce besoin est de surcroît un droit garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la Cour européenne des droits de l'homme a pu rappeler que la vie familiale au sens de l'article 8 englobe les rapports entre proches parents, lesquels peuvent jouer un rôle considérable dans la vie d'un être humain ; que le respect de la vie familiale ainsi entendue implique, pour l'État, l'obligation d'agir de manière à permettre le développement normal de ces rapports ; que le droit au respect de la vie familiale des parents et grands-parents avec leurs enfants et petits-enfants est donc un droit que l'État doit garantir ; qu'en l'espèce, il est avéré que le maintien de la mesure de refoulement, sous couvert d'une suspension pour une période probatoire d'un an, prive le requérant de la possibilité de s'établir de manière durable à Monaco afin d'entretenir et de conserver des rapports normaux avec ses enfants et petits-enfants ; qu'en outre, le refus d'abrogation n'est aucunement nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est en effet constant que le requérant a fait preuve d'une conduite irréprochable depuis la décision du 8 mai 2019 et qu'aucun fait ne justifie dès lors que la mesure de refoulement soit maintenue ; que par conséquent, en refusant d'abroger la décision de refoulement prise à l'encontre de M. R., le Ministre d'État a porté une atteinte disproportionnée à son droit à la vie familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 29 janvier 2021, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;
Attendu que le Ministre d'État rappelle, à titre liminaire, que M. R., homme d'affaires de nationalité néerlandaise, était résident monégasque depuis 1995 ; qu'une information a été ouverte contre lui par le Procureur Général de Monaco, par réquisitoire introductif du 3 avril 2009, pour des faits d'abus de confiance et d'exercice d'une activité de gestion de portefeuilles sans agrément, délit commis à Monaco entre 2007 et 2009, au préjudice d'établissements bancaires nommément désignés ; que deux commissions rogatoires ont été délivrées les 14 et 15 avril 2009, ordonnant différentes mesures de perquisition, saisies et blocage de comptes bancaires à l'encontre du requérant et de deux sociétés lui appartenant ; que, parallèlement, M. R. a fait l'objet d'une commission rogatoire internationale délivrée le 1^er décembre 2009 par un juge d'instruction près le tribunal de première instance d'Anvers, dans le cadre d'une information ouverte en Belgique pour des faits de fraude fiscale, faux en écriture, usage de faux, blanchiment de fonds et participation à une organisation criminelle ; que le 8 décembre 2009, un mandat d'arrêt européen a été émis pour les mêmes faits à l'encontre de M. R. ; que c'est dans ces conditions que le Ministre d'État a prononcé le refoulement de M. R. du territoire monégasque par décision du 25 mars 2010 ; que, par un recours gracieux du 20 mai 2010, M. R. a sollicité l'abrogation, en réalité le retrait, de cette mesure de refoulement en invoquant, notamment, l'arrêt rendu par la Chambre du conseil de la Cour d'appel de Monaco le 26 mars 2010 prononçant la nullité du réquisitoire supplétif du 15 avril 2009, celle de la commission rogatoire du même jour et des saisies pratiquées en exécution de cette dernière, ainsi que la mainlevée des saisies pratiquées en exécution de la commission rogatoire du 14 avril 2009 ; que le Ministre d'État a rejeté ce recours gracieux par une décision du 21 septembre 2010 ; que M. R. a formé devant le Tribunal Suprême un recours tendant à l'annulation des décisions des 25 mars et 21 septembre 2010 ; que sa requête a été rejetée par une décision du 17 juin 2011 ; que, le 4 février 2019, affirmant que les renseignements défavorables qui avaient conduit à son refoulement du territoire monégasque en 2010 « ne seraient plus d'actualité », M. R. a sollicité la « levée » de la mesure de refoulement ; que, par une décision du 8 mai 2019, le Ministre d'État n'a pas abrogé la décision de refoulement, mais l'a suspendue pour une période probatoire d'un an, soit jusqu'au 7 mai 2020, « période au cours de laquelle il conviendra que Monsieur L. R. adopte une conduite irréprochable » ; que, le 10 février 2020, le requérant a réitéré sa demande de levée complète de la mesure de refoulement ; que, par une décision du 21 avril 2020, le Ministre d'État a décidé « après examen par les services gouvernementaux », que cette demande ne pouvait « pour l'heure » recevoir un accueil favorable, mais que la situation de M. R. lui permettait de bénéficier d'une deuxième suspension de la mesure de refoulement dont il fait l'objet ; que M. R. a présenté, le 10 février 2020, un recours gracieux contre cette décision, en tant qu'elle refusait d'abroger intégralement la mesure de refoulement prise à son encontre ; que ce recours gracieux a été implicitement rejeté ; que la mesure de refoulement se trouve désormais suspendue pour une nouvelle période probatoire d'un an, soit jusqu'au 7 mai 2021 ; qu'il a été à nouveau rappelé à M. R. qu'il convenait qu'il adopte, durant cette période une conduite irréprochable sur le sol monégasque ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée n'est pas fondé ; qu'en effet, il convient, tout d'abord, de rappeler que la décision attaquée n'est pas la première décision qui refuse d'abroger la mesure de refoulement prise à l'encontre de M. R. le 25 mars 2010 ; que, dans sa décision du 17 juin 2011, le Tribunal Suprême a notamment écarté le moyen, déjà articulé par le requérant, d'insuffisance de motivation au motif notamment que « tant la décision du 25 mars prononçant le refoulement du territoire monégasque de M. R. que la décision de rejet du recours gracieux en date du 21 septembre 2010 visent un ensemble de faits précis et concordants, révélés par diverses procédures, tels que faux en écriture, usage de faux, blanchiment de fonds, participation à une organisation criminelle en Belgique, exercice à Monaco d'une activité de gestion de portefeuille sans autorisation et recel d'abus de confiance » ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la motivation de la décision attaquée, qui est en lien avec les précédentes décisions du 21 septembre 2010 et 8 mai 2019, est suffisamment explicite ; qu'elle indique à M. R. qu'il n'a pas fait la preuve, qui lui a été imposée, qu'il avait désormais adopté une conduite irréprochable ; qu'il appartenait à M. R. d'établir qu'il avait modifié son comportement et qu'il ne constituait plus, définitivement, une menace pour l'ordre et la tranquillité publique et privée à Monaco ; que M. R. n'a nullement fait cette démonstration ; que sa demande d'abrogation du 10 février 2020 se borne à rappeler les termes de sa précédente demande du 4 février 2019 ayant le même objet, se contentant d'ajouter qu'aucune procédure le visant n'existerait, de sorte que sa moralité ne ferait aucun doute ; que M. R. ne fournit aucune information concrète sur ses conditions d'existence actuelles, notamment ses activités, ses sources de revenus et leur origine ; qu'en l'absence de précisions concrètes données par le requérant sur les conditions de sa nouvelle existence, le Ministre d'État a suffisamment motivé la décision par laquelle il a rejeté la demande d'abrogation, ou plus précisément par laquelle il a soumis M. R. a une nouvelle période probatoire, en se référant à l'examen de cette demande par les services gouvernementaux, que l'intéressé avait lui-même suggéré en se bornant à affirmer qu'il ne pourrait que faire l'objet de renseignements favorables et en s'abstenant de fournir des documents permettant d'établir son changement d'attitude ; que le moyen d'insuffisance de motivation invoqué par le requérant sera donc écarté ;
Attendu que le Ministre d'État, soutient, en deuxième lieu, que les éléments apportés par M. R. ne sont pas de nature à démontrer que les décisions attaquées sont constitutives d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'argumentation du requérant est sans fondement ; qu'il convient de rappeler qu'en l'état d'une décision portant refus d'abrogation d'une mesure de refoulement, c'est au demandeur et non à l'autorité administrative d'apporter des éléments nouveaux susceptibles de justifier une appréciation différente de la situation ayant motivé le refoulement ; que la circonstance que le demandeur ait bénéficié de la part du juge pénal d'une décision de relaxe ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'autorité administrative prenne en compte des faits constatés par cette décision pour refuser de prononcer la levée d'une mesure de refoulement ; que, comme le rappelait le Ministre d'État dans sa décision du 21 septembre 2010 rejetant le recours gracieux de M. R. contre la décision de refoulement du 25 mars 2010, la mesure de refoulement des étrangers constitue une mesure de police administrative individuelle distincte de la procédure judiciaire en cours ; que M. R. soutient donc de manière inopérante, d'une part, qu'il ne serait pas établi qu'il aurait conservé un comportement inapproprié constitutif d'une menace pour l'ordre et la tranquillité publique et privée à Monaco, puisque c'était à lui de montrer que son comportement a évolué et, d'autre part, que les procédures pénales introduites à son encontre n'auraient pas donné lieu à des condamnations, puisque cette circonstance est sans effet sur le maintien d'une mesure de refoulement ; que, sur le premier point, il sera rappelé que, dans la demande de levée de la mesure de refoulement qu'il a présentée le 10 février 2020, M. R. s'est gardé d'exposer sa situation actuelle et de préciser ses conditions de vie actuelles ; qu'aucune information n'a en effet été fournie sur ses activités et sur ses sources de revenus ; que, sur le second point, la procédure pénale introduite à son encontre en Belgique ne s'est pas soldée par une reconnaissance de son innocence, puisqu'elle n'a pris fin qu'en raison d'une transaction pénale dans le cadre de laquelle certaines sommes ont dû être restituées par M. R. ; que le mécanisme de la transaction pénale a pour effet d'éteindre l'action publique, sans effacer les faits objet des poursuites, dont la matérialité n'est pas contestée ; que M. R. n'a donc aucunement été exonéré des faits qui lui étaient reprochés par la juridiction répressive belge ; qu'il ressort de la décision du 17 juin 2011 du Tribunal Suprême que, quelles que soient les suites judiciaires qu'a pu connaître l'affaire, la décision de refoulement ne reposait pas sur des faits matériellement inexacts, étant rappelé que cette décision n'était pas fondée « sur des qualifications pénales et sur des faits révélés à l'occasion de procédures dont le Ministre d'État a eu connaissance » ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il a pu être estimé sans aucune erreur d'appréciation qu'il n'était pas opportun pour le moment d'abroger définitivement la mesure de refoulement concernant M. R., pour des raisons de protection de l'ordre public, au regard desquelles l'âge du requérant n'entre pas en ligne de compte, à défaut pour ce dernier de démontrer la disparition de toutes les justifications de cette mesure ; que les décisions attaquées ne sont ainsi entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Attendu, en dernier lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées porteraient atteinte au droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ; qu'en effet, le paragraphe 2 de l'article 1^er du septième protocole additionnel à cette convention stipule qu'un étranger peut être expulsé « lorsque cette expulsion est nécessaire dans l'intérêt de l'ordre public », ce qui est bien le motif sur lequel repose la décision refusant de lever la mesure de refoulement dont M. R. fait l'objet ; que le requérant n'est donc pas fondé à affirmer que cette décision méconnaîtrait les droits garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si la mesure de refoulement prise à l'encontre de M. R. est maintenue, elle est néanmoins suspendue pendant un an renouvelable, ce qui permet à l'intéressé de maintenir ses liens familiaux, d'entrer sur le territoire de le Principauté et d'y séjourner ; que le requérant indique d'ailleurs dans sa requête qu'il a pu effectuer à plusieurs reprises des visites sur le territoire monégasque grâce à la suspension de la mesure de refoulement dont il a bénéficié en mai 2019, ce qui lui a permis de voir son fils ainsi que ses petits-enfants et de recréer une vie sociale ; qu'en outre, la décision rappelle qu'il pourra demander le renouvellement de cette suspension en temps utile ; que les décisions attaquées ont donc légalement pu maintenir une mesure de refoulement à l'encontre de M. R., sans qu'il soit porté atteinte à sa vie privée et familiale ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe général le 3 mars 2021, par laquelle M. R. tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;
Attendu, tout d'abord, que M. R. maintient que la décision attaquée est insuffisamment motivée ; que la motivation de la décision attaquée n'a rien à voir avec celle ayant présidé à la décision de 2010 ; qu'en effet, toute décision administrative doit comporter une motivation qui lui est propre dès lors que le contrôle de légalité s'apprécie à la date de l'édiction de la décision attaquée ; que le Ministre d'État reconnaît que cette décision est dépourvue de toute motivation ; qu'au demeurant, le Tribunal Suprême a déjà censuré une décision qui s'était bornée à renvoyer aux circonstances de fait ayant justifié la mesure de refoulement initiale, en jugeant qu'elle se trouvait formulée en des termes trop généraux et imprécis au regard des exigences de l'article 2 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; que le Tribunal Suprême censure les décisions insuffisamment motivées ou assorties d'une motivation stéréotypée ; que la motivation doit être incorporée dans la décision, ce qui interdit, en principe, la motivation par référence, à la différence du droit de l'État voisin, qui ne mentionne pas une telle exigence formelle et qui admet la motivation par référence, sous certaines conditions ; qu'au cas d'espèce, le Ministre d'État n'est donc pas fondé à se prévaloir de la motivation d'une précédente décision de refoulement ; qu'il serait d'autant moins fondé à le faire que le contexte juridique dans lequel s'inscrivait la demande du requérant a profondément changé par rapport à celui ayant précédemment prévalu ; qu'en effet, M. R. a démontré, pièces justificatives à l'appui, que les faits et soupçons ayant pesé sur lui, à l'origine de la mesure de refoulement du 25 mars 2010, n'avaient, depuis lors, donné lieu à aucune poursuite ou condamnation ; que, dès lors, ces faits et soupçons ne peuvent légalement justifier le maintien d'une mesure de refoulement, y compris sous le régime d'une suspension provisoire ; que le requérant n'a donc pas été informé des motifs du refus d'abrogation qui lui a été opposé, motifs que le Ministre d'État n'a jamais explicités, et sur lesquels le Tribunal Suprême ne peut exercer son contrôle de légalité ;
Attendu que le requérant fait valoir, ensuite, que le refus d'abroger la décision de refoulement ne peut que relever d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucune considération de fait et de droit ne peut en l'espèce justifier le maintien de la mesure et le maintien du requérant sous le coup d'une période probatoire ; que la jurisprudence du Tribunal Suprême invoquée par le Ministre d'État concerne le cas d'un requérant qui n'avait communiqué aucun justificatif officiel susceptible d'étayer ses dires ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que M. R. a en effet justifié, documents officiels à l'appui, des éléments nouveaux susceptibles de justifier que soit reconsidérée la mesure de refoulement dont il fait l'objet ; qu'il a notamment justifié d'un casier judiciaire totalement vierge par la production d'extraits postérieurs au dernier refus d'abrogation et même postérieurs à la décision attaquée ; qu'en outre, M. R. ne s'est pas contenté de fonder sa demande sur les suspensions de la mesure dont il a fait l'objet à deux reprises mais a justifié de l'absence de toute condamnation pénale et de l'absence de tout comportement inadapté ; qu'il est âgé de 74 ans et a justifié qu'il ne présentait aucun risque de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée ; qu'il a largement établi avoir eu une conduite irréprochable depuis la décision favorable de révision de la mesure d'éloignement prise en mai 2019 ; qu'il a également pu démontrer aux autorités monégasques sa conduite irréprochable à l'occasion de visites en Principauté, effectuées malgré la contrainte de la distance et à l'occasion desquelles il a pu entretenir, dans la mesure du possible, le lien familial avec son fils et ses petits-enfants, ainsi qu'un lien social, outre un suivi médical requis compte tenu de son âge ; qu'il a ainsi établi que la situation qui avait justifié la mesure de refoulement en 2010 devait être désormais reconsidérée alors qu'aucun élément n'était de nature à justifier le refus d'abrogation ; que les décisions attaquées sont ainsi entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le Tribunal Suprême a jugé, dans un cas similaire, que « le requérant a produit de nombreuses pièces relatives à sa situation professionnelle, patrimoniale et fiscale attestant de sa pleine réinsertion sociale au cours des vingt dernières années ; que le Ministre d'État n'a fait, dans cette espèce, état d'aucune circonstance révélant un comportement préjudiciable à la sécurité publique ; que, dans ces conditions et eu égard à l'ancienneté des faits ayant justifié la mesure de refoulement, ceux-ci ne permettent plus de révéler, à la date de la décision attaquée, un risque suffisamment caractérisé de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée de nature à justifier le maintien de la mesure de refoulement » ; que tel est exactement le cas en l'espèce ; que le Ministre d'État se contente d'indiquer que le demandeur doit prouver que son comportement a évolué pour justifier une conduite irréprochable ; que, sans inverser la charge de la preuve, une telle affirmation revient cependant à exiger du requérant une preuve impossible ou plus exactement la preuve d'un fait négatif ; qu'en vertu du principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout justiciable doit pouvoir assurer non pas une défense théorique ou illusoire, mais concrète et effective, ce qui implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause et notamment ses moyens de preuve dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que tout déséquilibre dans les droits reconnus aux parties constitue une atteinte à ce principe ; qu'il en résulte qu'il ne saurait être mis à la charge d'une partie une preuve impossible à rapporter ; que contrairement à ce qu'affirme le Ministre d'État, le requérant a largement exposé et justifié sa situation personnelle et familiale ; qu'il verse aux débats des éléments complémentaires susceptibles de confirmer une fois encore sa conduite irréprochable et la transparence de ses revenus ; qu'enfin, le Ministre d'État remet en cause le principe même de la présomption d'innocence en affirmant que la transaction pénale dont M. R. aurait bénéficié en Belgique n'aurait pas eu pour effet d'effacer les faits pour lesquels il avait été inquiété, dont la matérialité ne serait ainsi pas contestée ; qu'une telle affirmation est totalement erronée ; que, non seulement, il y a lieu de rappeler que la matérialité des faits n'a été établie par aucune décision de justice, le Procureur belge ayant privilégié une issue transactionnelle qui a conduit à l'extinction de l'action publique et le juge monégasque ayant prononcé un non-lieu ; qu'il est établi que les soupçons de fraude fiscale ayant pesé sur le requérant, qui ont toujours été formellement contestés, n'ont jamais été ni confirmés ni constatés et encore moins reconnus ; que les faits concernés sont, du fait de la transaction, considérés comme n'ayant jamais existé ; qu'en outre, contrairement aux affirmations du Ministre d'État, le règlement transactionnel fait par le requérant l'a été sans aucune reconnaissance de culpabilité mais a été motivé par la volonté, tant personnelle que professionnelle, de mettre fin à tout différend ; qu'au demeurant, l'ancienneté des faits ayant présidé à la mesure administrative, lesquels n'ont jamais été confirmés, ne permet pas de révéler, à la date des décisions attaquées, un quelconque risque, suffisamment caractérisé, de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée de nature à justifier le maintien de la mesure de refoulement ; que, par conséquent, les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Attendu que M. R. fait valoir, enfin, que, contrairement à ce que soutient le Ministre d'État, il est fondé à invoquer les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la méconnaissance de cette stipulation par une décision de refoulement présente un caractère opérant, ainsi qu'implicitement mais nécessairement a pu le juger récemment le Tribunal Suprême ; que la Cour européenne des droits de l'homme juge que les États ont le droit de contrôler l'entrée et de séjour des étrangers sur leur territoire, y compris le droit d'expulser des étrangers reconnus coupables d'une infraction pénale ; que, cependant, toute décision d'expulsion doit être justifiée par des raisons très sérieuses ; qu'en effet, exclure une personne d'un pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale, tel que protégé par l'article de cette convention ; que, selon les principes directeurs fixés dans son arrêt Boultif contre Suisse, la Cour européenne des droits de l'homme juge qu'il lui incombe de rechercher si l'État a ménagé un juste équilibre entre les intérêts du requérant, d'une part, et son propre intérêt à assurer la défense de l'ordre et la prévention des infractions, d'autre part ; que, dans le droit de l'État voisin, le Conseil d'État juge de longue date que les étrangers ont le droit de demander à accéder au séjour et au travail et que cette demande doit faire l'objet d'un examen individuel ; que le juge administratif a d'ailleurs progressivement étendu son contrôle en la matière et exerce désormais un contrôle normal, y compris sur le point de savoir si la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, statuant sur les décisions prises sur les demandes de visas, le Conseil d'État français, soucieux de concilier les pouvoirs de l'Administration et les libertés individuelles, accepte d'examiner si une telle décision ne porte pas une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale consacré par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, un étranger peut se prévaloir, à l'encontre d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français, de ces stipulations ; que le Conseil d'État français juge ainsi que, lorsque l'autorité administrative envisage de prendre une mesure de retrait d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, qui prive l'étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée ; qu'au cas présent, il incombera donc au Tribunal Suprême d'apprécier si la décision administrative contestée ménage un juste équilibre entre les nécessités du maintien de l'ordre public et le droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet équilibre est manifestement rompu par les décisions attaquées ; que, d'une part, le requérant a démontré que les faits qui lui étaient reprochés et les soupçons pesant sur lui n'étaient pas fondés, n'ayant fait l'objet d'aucune poursuite ou condamnation ; que le contexte juridique de la situation actuelle de M. R. est donc profondément différent de celui sur lequel le Tribunal Suprême avait précédemment eu l'occasion de se prononcer ; que le risque que ferait peser sur la sécurité publique la présence du requérant sur le territoire de la Principauté est donc inexistant, ou à tout le moins non avéré ; que, d'autre part, le maintien de la mesure de refoulement, même suspendue provisoirement pour une durée d'une année, interdit à l'intéressé de s'installer durablement en Principauté où se trouve le centre de ses intérêts familiaux et professionnels ; qu'en effet, son fils et ses petits-enfants résident en Principauté dans la propriété familiale depuis 2003 ; que l'annulation de la décision administrative attaquée lui permettrait donc de voir régulièrement ses petits-enfants, ce qui n'est pas le cas pour l'instant et s'avère pour lui particulièrement préjudiciable compte tenu en particulier de son âge ; qu'ainsi, le refus d'abrogation pure et simple de l'arrêté du 25 mars 2010 porte une atteinte disproportionnée au droit du requérant de mener une vie familiale normale ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe général le 1^er avril 2021, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Ministre d'État souligne, tout d'abord, que la décision attaquée comporte bien les considérations de fait et de droit qui la fondent ; que si le requérant persiste à soutenir que la décision attaquée ne pouvait être motivée par référence à la décision de refoulement du 25 mars 2010, une décision ne pouvant faire l'objet d'une motivation par référence, le moyen manque en fait ; qu'en effet, la décision du 21 avril 2020 n'est pas motivée par référence aux précédentes décisions intervenues dans cette affaire, même s'il existe un lien entre les motivations de ces différentes décisions ; que c'est au requérant qu'il appartenait d'établir, à l'appui de sa demande de levée de la mesure de refoulement et conformément à la jurisprudence du Tribunal Suprême, l'apparition d'éléments nouveaux, postérieurs au dernier refus et susceptibles de justifier une appréciation différente de la situation ayant motivé le refoulement et de nature à conduire le Ministre d'État à reconsidérer cette mesure ; que la décision du 21 avril 2020 rejetant sa demande est donc suffisamment motivée par l'indication selon laquelle l'examen auquel ont procédé les services gouvernementaux ne permettait pas de considérer, pour l'heure, qu'il avait adopté une conduite irréprochable sur le sol monégasque ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir, ensuite, que, contrairement à ce que soutient le requérant relativement à la preuve de son comportement irréprochable et au fait que la décision attaquée méconnaîtrait la présomption d'innocence, il n'a pas établi avoir adopté une attitude irréprochable à l'appui de sa demande d'abrogation de la mesure présentée le 10 février 2020 ; qu'il s'est en effet abstenu d'exposer sa situation actuelle et de préciser ses conditions d'existence, tant en ce qui concerne ses activités que ses sources de revenus ; que, par ailleurs, il n'a pas démontré que les faits qui ont motivé des poursuites pénales contre lui en Belgique n'étaient pas constitués, la procédure s'étant soldée par une simple transaction judiciaire, sans reconnaissance de l'absence de matérialité des faits en cause ; que, contrairement à ce qu'il soutient, la présomption d'innocence n'est pas méconnue par les décisions en cause, le principe de la présomption d'innocence ne s'appliquant pas aux mesures de police administrative ; que, par ailleurs, lui demander d'établir que son comportement est à présent irréprochable ne revient pas à exiger qu'il apporte une preuve négative, puisqu'il lui suffit, pour ce faire, d'établir ses conditions d'existence ; que le Tribunal Suprême a pu se fonder sur la circonstance que le requérant « a produit de nombreuses pièces relatives à sa situation professionnelle patrimoniale et fiscale attestant de sa pleine réinsertion sociale au cours des vingt dernières années » pour considérer que les faits ayant justifié la mesure de refoulement ne permettaient plus de caractériser, à la date de la décision attaquée, un risque de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée de nature à justifier le maintien de cette mesure ; que, quant aux documents que le requérant verse tardivement aux débats, qui permettraient, selon lui, d'établir ses conditions d'existence actuelles, ils ne sauraient justifier l'annulation des décisions attaquées, la légalité de ces décisions s'appréciant à la date à laquelle elles ont été prises ; qu'au demeurant, ces documents très généraux ne confirment en rien, contrairement à ce qui est soutenu, « la conduite irréprochable et la transparence des revenus » du requérant ;
Attendu que le Ministre d'État estime, enfin, que les décisions attaquées ne sauraient méconnaître le droit à la vie privée et familiale du requérant dans la mesure où elles ne font pas obstacle à ce qu'il entretienne les relations personnelles et familiales qu'il souhaite avoir sur le territoire monégasque, la mesure de refoulement prise à son encontre le 25 mars 2010 étant suspendue depuis le 8 mai 2019 ;
Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 20 juin 2022, par lequel M. R. entend, en application des dispositions de l'article 27 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963, se désister de son recours et demande au Tribunal Suprême de lui donner acte de ce désistement ;
Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 22 juin 2022, par lequel le Ministre d'État accepte ce désistement et demande au Tribunal Suprême d'en donner acte ;
SUR CE,
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers ;
Vu l'Ordonnance du 7 décembre 2020 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Guillaume DRAGO, Membre suppléant, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 12 avril 2021 ;
Vu l'Ordonnance du 10 janvier 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 17 février 2022 ;
Vu la requête du 18 janvier 2022 de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-défenseur pour L. R., demandant le renvoi de cette affaire à une session ultérieure ;
Vu la requête du 20 janvier 2022 de Maître Christophe SOSSO, Avocat-défenseur pour l'ETAT DE MONACO, par laquelle il s'associe à la demande de renvoi de cette affaire ;
Vu l'Ordonnance du 21 janvier 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême ordonne le renvoi de la présente affaire à une prochaine session du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance du 19 mai 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 27 juin 2022 ;
Ouï Monsieur Guillaume DRAGO, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Arnaud CHEYNUT, Avocat-Défenseur, substituant Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-Défenseur, pour Monsieur R. ;
Ouï Maître François MOLINIE, Président de l'Ordre des Avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'État de Monaco ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement du requérant ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
1. Considérant que Monsieur L. R. a formé devant le Tribunal Suprême un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 avril 2020 du Ministre d'État rejetant sa demande d'abrogation de la décision de refoulement prise à son encontre et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cette décision ; que, par un mémoire enregistré au Greffe Général le 20 juin 2022, il a déclaré se désister de ce recours ;
2. Considérant que le Ministre d'État déclare ne pas s'opposer à ce désistement ; que le désistement est pur et simple ; qu'il y a lieu d'en donner acte ;
Dispositif
DÉCIDE :
Article 1er
Il est donné acte du désistement de Monsieur L. R.
Article 2
Les dépens sont partagés par moitié entre l'État et Monsieur R.
Article 3
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Composition
Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Vice-président, Stéphane BRACONNIER, Membre titulaire, Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et Monsieur Guillaume DRAGO, rapporteur, Membres suppléants, et prononcé le douze juillet deux mille vingt-deux en présence du Ministère public, par Monsieur Didier RIBES, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.
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