TS 2021-11
Décision
Audience du 28 juin 2022
Lecture du 12 juillet 2022
Recours en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 juin 2020 du Ministre d'État autorisant la démolition de la « Villa Alsacia », sise 11, rue Bellevue à Monaco, et portant approbation de la demande de permis de construire en vue de la réalisation de l'opération immobilière dénommée
« Villa Esmeralda », ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux de la Société immobilière Puna contre cet arrêté.
En la cause de :
La SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE (S.C.I.) PUNA, dont le siège social est 13, rue Bellevue à Monaco, représentée par sa gérante en exercice, domiciliée en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
Visa
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière
Vu la requête présentée par la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIERE (S.C.I.) PUNA, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 25 janvier 2021 sous le numéro TS 2021-11, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 juin 2020 du Ministre d'État autorisant la démolition de la « Villa Alsacia », sise 11, rue Bellevue à Monaco, et portant approbation de la demande de permis de construire en vue de la réalisation de l'opération immobilière dénommée « Villa Esmeralda » et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;
Motifs
CE FAIRE :
Attendu que la S.C.I. PUNA expose que le 18 juin 2020, le Ministre d'État a pris, au bénéfice de la S.C.I. Augustine, représentée par son mandataire, la société anonyme monégasque (S.A.M.) J.B. Pastor & fils, un arrêté autorisant la démolition de la « Villa Alsacia », sise 11, rue Bellevue à Monaco, et portant approbation de la demande de permis de construire en vue de la réalisation de l'opération immobilière consistant en la construction d'un hôtel particulier dénommé « Villa Esmeralda » ; que la S.C.I. PUNA, prise en la personne de sa gérante en exercice, Madame B. R. épouse R., possède la « Villa Chaumont », propriété immédiatement riveraine de la parcelle ayant vocation à accueillir ledit projet immobilier ; que le 18 août 2020, par l'intermédiaire de son conseil, la requérante a été autorisée à consulter le dossier déposé à l'appui de la demande de permis de construire au sein des services de la Direction de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité de la Principauté ; que la requérante a déposé le 21 août 2020 un recours gracieux auprès du Ministre d'État aux fins de solliciter l'annulation de l'arrêté et, par voie de conséquence, celle des actes pris sur son fondement ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le Ministre d'État ;
Attendu qu'à l'appui de sa requête, la S.C.I. PUNA soutient, en premier lieu, que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence d'étude urbanistique préalable ou d'étude d'impact globale portant sur les conséquences environnementales de l'opération immobilière en cause ; qu'en effet, au vu de l'ampleur et de la hauteur de l'opération immobilière projetée, une telle demande de démolir et de construire aurait nécessairement dû s'accompagner de différentes études techniques urbanistiques approfondies, dont, notamment, une étude d'impact globale susceptible d'éclairer les autorités administratives quant aux conséquences réelles du projet considéré sur son environnement urbain immédiat ainsi que sur le patrimoine architectural et culturel de la Principauté ; qu'une telle nécessité résulte de l'exposé des motifs du projet de loi n° 891 présidant à l'adoption de l'Ordonnance Souveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011 ; qu'en outre, de tels objectifs président logiquement à l'adoption de la loi n° 1.456 du 12 décembre 2017 portant code de l'environnement ; que de telles mesures préalables résultent également des principes généraux issus du droit national et international, à l'image du principe de précaution issu du droit de l'environnement, lesquels ont été reconnus et consacrés par la Principauté en application des protocoles européens et internationaux ratifiés ; qu'or, l'arrêté attaqué emporte autorisation de démolir et de construire en vue de l'édification future, à hauteur maximale d'emprise, d'un immeuble de grande hauteur comportant six étages susceptibles de porter atteinte à l'environnement architectural et culturel de la zone considérée ; que la construction de l'immeuble projeté impactera nécessairement l'environnement immédiat de la zone calme et résidentielle ayant vocation à accueillir un tel projet, tant sur le territoire monégasque que sur le territoire limitrophe de la commune de Beausoleil, située à quelques dizaines de mètres ; qu'à ce titre, un tel projet doit être réalisé conformément aux normes d'urbanisme en vigueur dans la Principauté mais également en accord avec la législation française, qui elle-même systématise le recours aux études d'impact pour tout projet d'urbanisme significatif ;
Attendu que la requérante fait valoir, en deuxième lieu, que l'autorisation de construire litigieuse était subordonnée à la réalisation d'une étude technique concernant l'aménagement du sous-sol, étude qui fait défaut en l'espèce ; que le projet comportant un aménagement d'une aire de stationnement et des voies de garages, la demande d'autorisation de construire devait s'accompagner d'une étude précise des incidences de l'extension sur les aménagements de surface, exigée par l'article 17 de l'Annexe n° 1 du Règlement d'urbanisme issu de l'Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013 modifiée ; qu'au cas présent, au vu des éléments consultés et des visas de l'arrêté attaqué, rien n'établit qu'une telle étude ait été versée au dossier préalablement à sa délivrance ; qu'il n'est pas non plus établi qu'une telle étude ait été versée au dossier postérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué ; qu'or, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme réalisée à titre obligatoire ou facultatif, un vice affectant le déroulement de cette consultation est de nature à entacher d'illégalité la décision prise, s'il ressort qu'il a été susceptible d'influencer le sens de la décision prise ou s'il a privé l'intéressé qui s'en prévaut d'une garantie, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence Danthony du Conseil d'État du pays voisin ; qu'à ce titre, l'absence d'une telle étude accompagnant la demande de permis a nécessairement joué un rôle significatif sur la décision qui a été prise par le Ministre d'État, à plus forte raison si son contenu avait été défavorable à la demande d'autorisation de construire et de démolir ; qu'en tout état de cause, le défaut d'une telle étude l'a nécessairement privé de la garantie selon laquelle l'autorité en charge de l'instruction d'une telle demande dispose de l'ensemble des éléments techniques requis par les textes pour en apprécier bien-fondé ; que, dès lors, la légalité externe du permis délivré est directement conditionnée à la production d'une telle étude, certifiant que les travaux n'affaibliraient pas la structure du bâtiment, ni la stabilité et la résistance aux séismes, exigées par le chiffre 15-2 de l'article 3 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie ;
Attendu que la requérante estime, en troisième lieu, que fait également défaut l'avis spécifique et préalable de la Direction de l'Aménagement urbain ; que cet avis est prévu par l'article 6 du Chapitre III du Règlement d'urbanisme issu de l'Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013 modifiée ; qu'or, d'après les visas de l'arrêté attaqué, un tel avis fait défaut dans le dossier de demande de permis de construire, de sorte qu'il est impossible de s'assurer que de les prescriptions applicables aient été effectivement respectées par l'opération immobilière projetée ; que, selon la jurisprudence du Tribunal Suprême, le défaut de telles consultations préalables peut suffire à justifier l'annulation des autorisations d'urbanisme en cause ;
Attendu que la requérante soutient, en quatrième lieu, qu'en raison de l'incomplétude manifeste du dossier de demande de permis de construire, le Comité consultatif, seul organe ayant été effectivement consulté dans le cadre de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué, ne pouvait légalement émettre un avis favorable aux fins d'autoriser une construction d'une telle ampleur ; qu'en effet, il n'a pas été mis en mesure d'apprécier le respect de l'ensemble des exigences énoncées par les dispositions d'urbanisme en vigueur ; que la délivrance de l'arrêté attaqué devait nécessairement être précédée de la demande des pièces complémentaires nécessaires afin que le Comité consultatif puisse être mis en mesure de statuer régulièrement sur la demande de permis ; qu'à cet égard, postérieurement au 20 février 2020, date de la seule et unique session du Comité consultatif, des pièces complémentaires ont été versées sans que ce même Comité n'ait été à nouveau consulté ; que, dès lors, il est légitimement possible de se demander si ces pièces complémentaires ont été réclamées par ledit Comité, auquel cas celui-ci aurait dû à nouveau de prononcer suite à leur communication, à peine de nullité de la procédure ; qu'en tout état de cause, le fait que ces pièces aient été versées au dossier sans jamais être examinées par le Comité consultatif entache d'illégalité externe l'acte attaqué, dès lors qu'il est manifeste que le 20 février 2020, le Comité consultatif a rendu un avis sans avoir communication de toutes les pièces requises ;
Attendu que la S.C.I. PUNA fait valoir, en cinquième lieu, qu'en raison de l'incomplétude matérielle du dossier de demande de permis de construire, l'autorité administrative en charge de l'instruction de cette demande n'a pas été mise en mesure de se prononcer légalement sur l'octroi de l'autorisation litigieuse ; qu'au vu du peu de pièces ayant été versées au dossier, le service instructeur n'a pu se représenter l'insertion du projet dans son environnement urbain et statuer sur les modalités de réalisation des travaux envisagés ; que le contenu du dossier ne pouvait être regardé comme globalement suffisant pour permettre à l'autorité administrative d'apprécier la légalité interne de la demande présentée ; que l'autorité administrative n'a pas été mise en mesure, à la date de délivrance du permis de construire, d'apprécier le respect de l'ensemble des exigences énoncées par les dispositions d'urbanisme en vigueur ;
Attendu que la S.C.I. PUNA soutient, en sixième lieu, qu'en raison de l'indétermination de la nature et de l'affectation réelle de l'opération projetée, l'autorité administrative en charge de l'instruction de la demande n'a pas été mise en mesure de se prononcer légalement sur l'octroi de l'autorisation sollicitée ; qu'il ressort, en effet, des pièces autorisées à la consultation que la nature réelle du projet de construction et son affectation sont largement indéfinies et à tout le moins équivoques, puisqu'il est impossible de déterminer si ledit « hôtel particulier » aura vocation à être ouvert au public ou sera réservé à une occupation exclusivement privative ; qu'il est permis de s'interroger sur le fait qu'un projet d'une si grande envergure puisse être légalement considéré comme affecté à une « occupation privative » ; que l'identification de la finalité lucrative de l'opération et l'éventualité de son ouverture au public constituent des facteurs essentiels à prendre en compte afin de permettre à l'autorité instructrice de s'assurer du respect des dispositions d'ordre public relatives à la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ; que ces éléments sont aussi utiles pour évaluer la nature des troubles susceptibles d'être portés à la jouissance et à l'occupation des propriétés riveraines ; qu'en tout état de cause, au vu de l'envergure de la construction, la nature précise du projet considéré et son affectation réelle constituent des éléments de fait et de droit essentiels pour apprécier la légalité des motifs fondant la délivrance du permis litigieux ;
Attendu que la S.C.I. PUNA fait valoir, en septième lieu, que l'arrêté attaqué méconnaît, à plusieurs titres, les dispositions générales du Règlement d'urbanisme applicables à la zone concernée ;
Attendu que le non-respect des prescriptions générales d'urbanisme concerne, premièrement, la hauteur du bâtiment ; que l'article 17.2.2 relatif au « Statut des bâtiments existants » de l'Annexe n° 1 du Règlement d'urbanisme du secteur des quartiers ordonnancés, issu de l'Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013 modifiée, prévoit notamment, dans le cadre d'une démolition-reconstruction, qu'il doit être tenu compte de l'indice de construction du bâtiment existant et que seule une extension limitée de la volumétrie existante est autorisée pour adapter le nouveau bâti aux contraintes contemporaines ou lui donner de la cohérence, sous réserve de ne pas compromettre le caractère des voies ou emprises publiques ; qu'or, d'une part, la hauteur de la construction projetée est largement supérieure au bâtiment existant antérieurement ; que, d'autre part, son aspect général semble manifestement très éloigné de celui de l'ensemble des habitations et bâtiments alentours, aux façades traditionnelles ; que, pourtant, l'impératif de cohérence architecturale fait partie des priorités urbanistiques de la Principauté ; qu'en outre, l'article 20 du Règlement d'urbanisme, relatif au « Statut des bâtiments frontière », dispose que « l'augmentation de la hauteur de la partie du bâtiment frontière située en Principauté ne doit pas excéder la hauteur moyenne du bâtiment présent sur le reste du terrain » ; que l'opération projetée ne respecte pas la limite de la hauteur de l'ensemble des autres habitations riveraines et détonne forcément dans l'environnement considéré, puisque la future « Villa Esmeralda » dépasse de plus de quatre étages l'ensemble des constructions des rues Bellevue et Bel Respiro ;
Attendu que le non-respect des prescriptions générales d'urbanisme concerne, deuxièmement, l'aménagement du sous-sol ; que l'article 17 de l'Annexe n° 1 du Règlement d'urbanisme dispose que « les niveaux de sous-sol associés au bâtiment existant peuvent faire l'objet d'une reconstruction, d'une restructuration, ou encore d'une extension. Dans ce dernier cas, ils peuvent être implantés jusqu'en limite d'emprise maximale des infrastructures » et que « dans tous les cas, une extension des sous-sol existant ou la création de sous-sol ne doit pas conduire à un appauvrissement des aménagements de surface […] ni à la disparition de jardins ; à cet effet, une étude précise des incidences de l'extension sur les aménagements de surface doit être jointe à la demande d'autorisation de construire, avec mention des éventuelles mesures réductrices ou compensatrices nécessaires » ; que le projet comporte un aménagement d'une aire de stationnement et de voies de garage ; qu'or, rien n'établit qu'une telle emprise n'est pas excessive, ni qu'une telle étude ait été versée au dossier, ni enfin que des mesures réductrices ou compensatrices aient été prévues ; qu'aucune pièce consultée ne garantit, en outre, que les prescriptions de l'article 6 du Chapitre III dudit Règlement d'urbanisme soient effectivement respectées ;
Attendu que le non-respect des prescriptions générales d'urbanisme concerne, troisièmement, les jardins ; que l'article 26 du Règlement d'urbanisme précise que « dans les jardins à créer, (…) 70 % de la surface doivent être constitués de plantations composées de pelouses, parterres, arbustes et arbres » ; que la construction envisagée ne respecte pas cette règle au vu des larges surfaces en deck prévues pour les parties extérieures ;
Attendu que le non-respect des prescriptions générales d'urbanisme concerne, quatrièmement, l'aspect extérieur des bâtiments ; que l'article 31 du Règlement d'urbanisme impose que « les couvertures à pentes traditionnelles doivent être en tuiles rouge brique », que « l'emploi de tout autre matériau est interdit », que « les garde-corps des terrasses accessibles doivent être conçus avec la plus grande transparence possible afin de ne pas faire obstacle aux vues lointaines » et que « les couvertures d'un bâtiment de facture contemporaine non assimilables aux précédentes doivent faire l'objet d'un descriptif précis » ; qu'en l'espèce, le respect de certaines de ces prescriptions ne ressort pas suffisamment des pièces consultées ;
Attendu qu'outre ce qui précède, les risques suscités par la réalisation du projet quant à la solidité de la structure nécessitent la consultation du Comité consultatif ; qu'enfin, il est tout aussi difficile de déterminer si le projet respecte les prescriptions relatives à la sécurité incendie prévues par le Règlement d'urbanisme de la Principauté ; qu'au demeurant, il est impossible de s'assurer de la conformité du projet avec les prescriptions applicables du plan local d'urbanisme de la Commune de Beausoleil ;
Attendu que la S.C.I. PUNA soutient, en huitième lieu, que le projet ne semble pas non plus respecter les prescriptions spéciales d'urbanisme en vigueur lors des travaux de démolition et de reconstruction ; qu'en effet, le permis de construire attaqué porte atteinte aux dispositions réglementant spécialement la zone considérée, prévues par le Chapitre II de l'Annexe n° 9 du Règlement d'urbanisme relative au quartier de Monte-Carlo, notamment par son article 3 relatif aux socles existants et murs de soutènement ; qu'en l'espèce, la démolition du mur de soutènement au droit de la rue Bellevue est prévue, en violation des dispositions citées ; qu'il est impossible de déterminer si ces règles ont été respectées par le projet en cause ;
Attendu que la S.C.I. PUNA allègue, en neuvième lieu, l'incohérence de la notice descriptive de l'opération projetée avec les plans versés à l'appui de la demande de permis de construire ; qu'il en va ainsi en ce qui concerne le système de climatisation ;
Attendu que la S.C.I. PUNA fait valoir, en dernier lieu, que le projet est disproportionné ; qu'il est de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des propriétaires de la « Villa Chaumont » ; que l'escalier à usage commun séparant les propriétés respectives constitue une dépendance de la propriété de la S.C.I. PUNA, dont la S.C.I. Augustine s'attribue indument la propriété ; que ledit escalier est directement affecté à l'opération immobilière projetée puisqu'il a vocation à constituer l'un des trois accès quotidiens à l'hôtel en voie d'être construit ; qu'or, au vu de l'envergure de la construction, l'opération immobilière en cause empiètera « au mieux » à hauteur de la moitié de l'escalier en cause et occasionnera un trouble caractérisé dans les conditions d'occupation et de jouissance de son bien par la S.C.I. PUNA, en cas d'accès au public fréquent ; que le préjudice porté aux conditions d'occupation de son bien ainsi que la dévaluation économique qu'elle supporte du fait de cette opération immobilière est des plus significatives et cause un déséquilibre manifeste entre les droits des tiers riverains au projet et les droits du pétitionnaire ; que la décision d'octroi d'un permis de démolir et de construire n'est pas été sans incidence sur des intérêts privés protégés qui s'en trouveraient manifestement et durablement atteints en cas de maintien de la mesure illégale ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 26 mars 2021, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;
Attendu, en premier lieu, que le Ministre d'État soutient que le moyen pris de l'absence d'étude d'impact préalable n'est pas fondé ; que, tout d'abord, il ne ressort d'aucun texte, ni même de l'exposé des motifs d'aucun texte, que le projet litigieux aurait dû être soumis à une étude d'impact ou une étude d'incidences ; que, de surcroît, contrairement à ce que prétend la requérante, la législation française ne systématise pas le recours aux études d'impact pour tout projet d'urbanisme significatif ;
Attendu, en deuxième lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen pris du défaut d'étude technique visant l'aménagement du sous-sol est également infondé ; que, tout d'abord, l'article 17 de l'Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013, relatif au « Statut des bâtiments existants », n'est pas applicable à la « Villa Alsacia », qui n'a pas le statut de bâtiment existant ; qu'ensuite, et conformément au Règlement d'urbanisme, un avis de faisabilité structurelle du projet ainsi qu'une note technique structure et un plan structure figuraient dans le dossier de demande d'autorisation de construire ;
Attendu, en troisième lieu, que le Ministre d'État soutient que le moyen fondé sur le défaut d'avis de la Direction de l'Aménagement urbain concernant la hauteur du niveau de sous-sol est inopérant ; qu'en effet, l'article 6 du Règlement d'urbanisme n'est pas applicable au projet, dans la mesure où aucune partie des niveaux de sous-sol n'est implantée au-dessous d'une voie ou d'une emprise publique existante ou à créer ;
Attendu, en quatrième lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen pris de l'irrégularité de la délibération du Comité consultatif du 20 février 2020 est mal fondé ; que, tout d'abord, ainsi qu'il a été établi ci-dessus, le dossier de demande de permis ne nécessitait ni étude d'impact ni étude technique complémentaire préalable, contrairement aux allégations de la requérante ; qu'ensuite, s'il est exact que la régularité de la procédure d'instruction d'une autorisation de construire requiert la production, par le pétitionnaire, de l'ensemble des documents exigés par le Règlement d'urbanisme, le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents, ou même l'absence de l'un d'entre eux, ne constitue pas une irrégularité de nature à entacher la légalité de cette autorisation lorsque l'autorité compétente est en mesure, à partir des autres pièces produites, d'apprécier le respect des règles sanctionnées par l'autorisation ; qu'en l'occurrence, si le dossier de demande d'autorisation a été complété à plusieurs reprises, il n'est nullement établi que les pièces complémentaires qui ont été produites après que le Comité consultatif ait statué auraient pu exercer une quelconque influence sur le sens de son avis et que l'absence de telles pièces aurait été de nature à fausser son appréciation ; que les pièces complémentaires ayant été déposées le 13 mai 2020 concernaient la garantie à première demande, qui ne relève pas de l'appréciation du Comité consultatif ; que le Comité consultatif disposait en réalité de toutes les pièces nécessaires lorsqu'il s'est prononcé sur la demande ; que, pour ces raisons, il n'est en rien démontré que le Ministre d'État n'aurait pas pris la même décision dans l'hypothèse où le Comité consultatif aurait été de nouveau consulté ;
Attendu, en cinquième lieu, que le Ministre d'État soutient que le moyen pris du caractère incomplet de la demande de permis de construire manque en fait ; que l'autorité administrative disposait des documents nécessaires pour appréhender les conditions d'insertion du projet dans son environnement urbain ou pour examiner ses conditions de réalisation ; qu'au demeurant, la requérante n'indique pas les pièces ou documents du dossier de la demande qui auraient été manquants ou insuffisants ;
Attendu, en sixième lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen pris de l'indétermination de la nature et de l'affectation réelle de l'opération est infondé ; qu'il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire, et notamment de la notice descriptive du projet établie par l'architecte, que « la villa est vouée à devenir un Hôtel Particulier en propriété individuelle » ; que le plan du projet fait apparaître que cet hôtel particulier comporte un seul logement, distribué sur sept niveaux avec l'indication, par niveau, de l'affectation de chaque pièce ; que, par conséquent, l'affectation à l'usage d'habitation de ce bien est définie ;
Attendu, en septième lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen pris de la méconnaissance des prescriptions générales d'urbanisme doit être rejeté ; que, tout d'abord, le grief tiré de l'irrespect des dispositions relatives à la hauteur du bâtiment n'est pas fondé ;
Attendu, premièrement, que les dispositions de l'article 17.2.2 du Règlement d'urbanisme n'ont pas été méconnues ; que, d'une part, les dispositions de l'article 17.2.2 du Règlement d'urbanisme ne sont pas applicables, la « Villa Alsacia » n'ayant pas le statut de bâtiment existant ; que, d'autre part, l'opération de construction autorisée respecte la hauteur réglementaire, contrairement aux allégations de la requérante ; qu'en dernière part, les dispositions de l'article 20.3 du Règlement d'urbanisme non seulement ne sont pas applicables à la « Villa Alsacia », dès lors qu'elle n'a pas le statut de bâtiment frontière, mais encore ont vocation à encadrer la hauteur d'une construction à l'intérieur d'un seul et même terrain, et non à définir une hauteur limite par rapport aux autres bâtiments du voisinage, de sorte que le projet n'y porterait, en tout état de cause, pas atteinte, la « Villa Esmeralda » ne comportant qu'une seule et même hauteur moyenne sur l'ensemble du terrain d'assiette concerné ;
Attendu, deuxièmement, que le projet ne porte pas atteinte à l'environnement voisin ; que les conditions d'insertion du projet dans son environnement ont été examinées le 20 février 2020 par le Comité consultatif, qui a émis un avis favorable ; qu'il ne ressort d'aucun des éléments produits que le projet litigieux se situerait dans un secteur sensible du point de vue de la qualité de l'environnement ou du site ; qu'à supposer même que le lieu d'implantation de la « Villa Esmeralda » présenterait les caractéristiques d'un site remarquable, il n'est pas démontré que le projet litigieux serait de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; qu'ensuite, le grief tiré de l'irrespect des dispositions relatives à l'aménagement du sous-sol manque en fait ; que, par ailleurs, le grief tiré de l'irrespect des dispositions relatives aux jardins est inopérant ; que la circonstance, à la supposer exacte, que le projet comporterait de larges surfaces en terrasses n'établit pas, par elle-même, que ces dispositions auraient été méconnues ; qu'enfin, le grief tiré de l'irrespect des dispositions relatives à l'aspect extérieur des bâtiments n'est pas fondé ; qu'il a été établi qu'un avis de faisabilité structurelle du projet ainsi qu'une note technique structure et un plan structure ont été produits dans le cadre du dossier de demande d'autorisation de construire, conformément au Règlement d'urbanisme ; que les prescriptions techniques en matière de sécurité-incendie ont bien été notifiées au permissionnaire ; qu'à supposer qu'une partie du projet se situerait sur le territoire français, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'autorisation de construire ayant été délivrée par l'autorité monégasque ; qu'il n'est pas davantage établi que le projet autorisé ne respecterait pas les prescriptions d'urbanisme relatives aux pentes de couverture du bâtiment et à la couleur règlementaire des tuiles ;
Attendu, en huitième lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen pris de la méconnaissance des prescriptions spéciales d'urbanisme lors des travaux de démolition et de reconstruction doit être rejeté ; que le grief invoqué est inopérant dès lors qu'il met seulement en cause les conditions d'exécution des travaux par la société pétitionnaire, et non la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'en réalité, l'autorisation du 18 juin 2020 respecte les exigences posées par les dispositions de l'Annexe n° 9 du Règlement d'urbanisme puisque le projet autorisé comporte la reconstruction à l'identique des éléments soumis à ces exigences ; que les dispositions de l'article 3.9.2, dont la méconnaissance est invoquée par la requérante, ne sont pas applicables au projet autorisé rue Bellevue, dans la mesure où elles ne concernent que la rue Bel Respiro ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en neuvième lieu, que le moyen tiré de la prétendue incohérence entre la notice descriptive de l'opération projetée et les plans produits à l'appui de la demande de permis de construire à propos du système de climatisation doit être rejeté ; que la requérante n'est pas en mesure de démontrer que ce système de climatisation, tel qu'il a été conçu, méconnaîtrait une quelconque disposition du Règlement d'urbanisme ; que, contrairement aux allégations de la requérante, il n'existe aucune contradiction entre la notice et les plans du dossier de la demande ;
Attendu, en dernier lieu, que, selon le Ministre d'État, le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné du projet doit être rejeté ; qu'en effet, les autorisations de construire sont délivrées sous réserve du droit des tiers, ce qui signifie qu'elles ne portent que sur la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, et non aux autres règles, et notamment celles relevant du droit privé ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 22 avril 2021, par laquelle la S.C.I. PUNA tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;
Attendu que la requérante précise, en premier lieu, à propos du défaut d'étude d'impact, que si aucun texte spécifique n'est venu expressément exiger l'élaboration d'une telle étude d'impact ou d'une étude d'incidences, il n'en ressort pas moins que l'ampleur du projet, de par ses dimensions, pourrait avoir des incidences notables sur l'environnement ; que, dès lors, cette opération de construction paraît parfaitement entrer dans la catégorie des projets qui doivent faire l'objet au préalable d'une étude des incidences sur l'environnement, au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ;
Attendu que la requérante maintient, en deuxième lieu, concernant l'absence d'étude technique, que la « Villa Alsacia » avant sa démolition avait bien le statut de bâtiment existant, c'est-à-dire d'une « construction couverte et close » ; que l'avis de faisabilité structurelle du projet ainsi que la note technique structure et le plan structure invoqués par le Ministre d'État pour passer outre à cette obligation ne figurent pas au dossier ;
Attendu que la requérante observe, en troisième lieu, en ce qui concerne le défaut d'avis de la Direction de l'Aménagement urbain, que le Ministre d'État ne produit aucune pièce pour justifier que l'article 6 du Chapitre III du Règlement d'urbanisme n'est pas applicable au projet ;
Attendu que la requérante remarque, en quatrième lieu, à propos de l'avis rendu par le Comité consultatif du 20 février 2020, que les affirmations du Ministre d'État sur la nature des pièces complémentaires déposées postérieurement à l'avis du Comité et sur l'existence d'un dossier complet lorsque le Comité a rendu son avis sont non vérifiées et donc non vérifiables, dans la mesure où il n'a versé aux débats ni l'avis du Comité ni les pièces complémentaires ;
Attendu que la requérante fait valoir, en cinquième lieu, sur l'incomplétude du dossier de présentation de la demande de permis, que le Ministre d'État reproche à la requérante de ne pas rapporter la preuve de ses allégations, tout en se gardant bien de communiquer le moindre élément, auquel lui seul a accès et qui permettrait de justifier sa propre position ;
Attendu que la requérante maintient, en sixième lieu, que la nature et l'affectation du projet de construction litigieux sont largement indéfinies puisqu'il est impossible de déterminer si ledit « hôtel particulier » aura vocation à être ouvert au public ; que le Ministre d'État procède une nouvelle fois par des affirmations qui ne sont étayées par aucun document ;
Attendu que la requérante maintient, en septième lieu, que les prescriptions générales d'urbanisme n'ont pas été respectées ; que, concernant la hauteur du bâtiment, le Ministre d'État ne produit pas l'avis du Comité consultatif qui se serait prononcé favorablement sur les conditions d'insertion du projet dans son environnement ; que, concernant l'aménagement du sous-sol, la requérante est placée dans l'incapacité d'apporter la preuve de ses allégations, puisqu'elle n'a pas eu accès à l'ensemble du dossier déposé au soutien de l'autorisation de construction et que le Ministre d'État ne produit pas la moindre pièce ; que, concernant les jardins, le Ministre d'État alimente le doute sur la présence ou non de larges terrasses dans le projet ; que, sans plus de précision, rien ne permet d'établir que l'article 26 du Règlement d'urbanisme a été respecté ; que, concernant l'aspect extérieur des bâtiments, le Ministre d'État se prévaut de documents qu'il ne communique pas tout en tentant de renverser la charge de la preuve ; que, dans le respect du principe du contradictoire, il appartient au Ministre d'État de produire les éléments auxquels il a accès ;
Attendu que la requérante fait observer, en huitième lieu, à propos des prescriptions spéciales d'urbanisme, que le Ministre d'État ne produit aucune pièce pour justifier du respect de ces prescriptions lors des travaux de démolition et de reconstruction ;
Attendu que la requérante indique, en neuvième lieu, en ce qui concerne l'incohérence entre la notice descriptive de l'opération projetée et les plans versés à l'appui de la demande de permis de construire, qu'il revenait au Ministre d'État d'apporter les éléments auxquels la requérante n'a pas eu accès pour démontrer que ces incohérences n'existent pas ;
Attendu que la requérante précise, en dernier lieu, relativement au caractère disproportionné de la construction projetée par rapport à son environnement immédiat, que, même si cette question relève de la compétence du juge judiciaire, le préjudice porté aux conditions d'occupation de son bien ainsi que la dévaluation économique qu'elle supporte du fait de cette opération immobilière est des plus significatives et cause un déséquilibre manifeste entre les droits des tiers riverains au projet et les droits du pétitionnaire ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 18 mai 2021, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Ministre d'État ajoute, en premier lieu, en ce qui concerne l'absence alléguée d'étude d'impact préalable, que l'article L. 141-1 du code de l'environnement n'impose ni une étude d'impact, ni une étude des incidences sur l'environnement, ni une consultation « a minima » de la Commission technique d'hygiène, de sécurité et de protection de l'environnement ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en deuxième lieu, concernant l'absence alléguée d'études techniques portant sur l'aménagement du sous-sol, que la « Villa Alsacia » n'est pas au nombre des bâtiments existants au sens de l'article 17 de l'Annexe n° 1 du Règlement d'urbanisme, dès lors qu'elle ne figure pas sur le plan de masse consultable en ligne ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la requérante a eu accès à l'intégralité du dossier de demande d'autorisation ; que le Ministre d'État verse aux débats l'avis sur la faisabilité structurelle de la construction, ainsi que la note technique structure et le plan structure la concernant, de façon à établir de façon incontestable que les travaux projetés n'affaibliront ni la structure du bâtiment, ni sa stabilité, ni même enfin sa résistance aux séismes ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en troisième lieu, en ce qui concerne le défaut allégué d'avis de la Direction de l'Aménagement urbain concernant la hauteur du niveau de sous-sol, qu'un tel avis n'est pas requis dès lors qu'aucune partie des niveaux de sous-sol ne s'implante au-dessous d'une voie ou emprise publique existante ou à créer et qu'en l'espèce, la description du projet montre de façon irréfutable qu'aucun niveau de sous-sol ne se situe sous une voie ou emprise publique existante ou à créer ;
Attendu que le Ministre d'État fait observer, en quatrième lieu, à propos de l'irrégularité alléguée de la délibération du Comité consultatif du 20 février 2020, que, tout d'abord, conformément au droit commun, la preuve incombe au demandeur et que c'est à la partie qui invoque un acte ou un fait de nature à justifier ses moyens ou conclusions de l'établir ; qu'au cas présent, la requérante a consulté le dossier de demande d'autorisation de construire dès le 18 août 2020 et a donc eu accès à l'intégralité des pièces de ce dossier, y compris celles ayant été produites les 3 mars et 13 mai 2020 ; qu'ensuite, le Comité consultatif s'est prononcé sur l'esthétique de la « Villa Esmeralda », après que l'architecte du projet a présenté le projet en séance ; qu'il a donc été en mesure de poser toutes les questions utiles et nécessaires pour rendre son avis le 20 février 2020 ; qu'enfin, il n'est pas établi que le Comité consultatif n'aurait pas été en mesure de se faire une idée exacte du projet à partir de l'ensemble des pièces en sa possession, alors qu'il a été mis à même d'interroger l'architecte du projet lorsque ce dernier est venu le présenter ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en cinquième lieu, en ce qui concerne le caractère prétendument incomplet de la demande de permis de construire, que la requérante n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, qui reposent sur de simples affirmations ;
Attendu que le Ministre d'État souligne, en sixième lieu, à propos des allégations relatives au caractère indéterminé de la nature et de l'affectation réelle de l'opération, que le dossier de demande d'autorisation de construire ne comporte aucune mention sur l'éventualité d'une ouverture du projet au public, parce que la « Villa Esmeralda » n'a pas vocation à accueillir du public ; que le Ministre d'État verse aux débats la note descriptive des travaux projetés, laquelle précise très expressément que « la villa est vouée à devenir un Hôtel Particulier en propriété individuelle » ;
Attendu que le Ministre d'État ajoute, en septième lieu, à propos du prétendu non-respect des prescriptions générales d'urbanisme, que, tout d'abord, à l'égard de la hauteur du bâtiment, l'article 20 de l'Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013 ne s'applique qu'aux bâtiments ayant le statut de bâtiment frontière, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence ; que le Comité consultatif s'est prononcé sur l'esthétique de la « Villa Esméralda », sans que la question de la hauteur réglementaire du projet ait donné lieu à discussion ; que l'article 3 de l'arrêté attaqué comporte une prescription concernant la hauteur maximum de la construction, ce qui confirme que le projet respecte en tous points les normes d'urbanisme opposables ; qu'ensuite, concernant l'aménagement du sous-sol, l'avis sur la faisabilité structurelle du projet atteste de la faisabilité des travaux et du fait que le projet respecte en tous points les normes d'urbanisme opposables ;
Attendu que le Ministre d'État ajoute, en huitième lieu, en ce qui concerne les griefs tirés du non-respect des prescriptions spéciales lors de travaux de démolition et de reconstruction, qu'il a été répondu précisément aux interrogations de la requérante, puisque le projet autorisé comporte la reconstruction à l'identique des éléments soumis aux exigences de l'Annexe 9 du Règlement d'urbanisme applicable au secteur des quartiers ordonnancés ;
Attendu que le Ministre d'État rappelle, en dernier lieu, à propos du caractère prétendument disproportionné du projet, que les autorisations de construire sont délivrées sous réserve du droit des tiers, de sorte que le moyen pris de ce que le projet porterait atteinte aux conditions d'utilisation de l'immeuble de la requérante ou qu'il induirait une dévaluation de celui-ci en raison de troubles occasionnés par une perte d'ensoleillement ou de vue est inopérant ;
SUR CE,
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance du 26 janvier 2021 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Pierre de MONTALIVET, Membre titulaire, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 27 mai 2021 ;
Vu l'Ordonnance du 19 mai 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 28 juin 2022 ;
Ouï Monsieur Pierre de MONTALIVET, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Régis BERGONZI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S.C.I. PUNA ;
Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions par lesquelles il s'en remet à la sagesse du Tribunal Suprême ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
1. Considérant que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PUNA demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 juin 2020 du Ministre d'État autorisant la démolition de la « Villa Alsacia », sise 11, rue Bellevue à Monaco, et portant approbation de la demande de permis de construire en vue de la réalisation de l'opération immobilière dénommée « Villa Esmeralda » et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême : « Le Tribunal peut, avant de statuer au fond, ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité » ;
3. Considérant que le Tribunal Suprême se prononce sur les questions en litige au vu des éléments versés au dossier de la procédure par les parties ; qu'il incombe à ces dernières d'apporter, à l'appui de leurs prétentions, tous les éléments nécessaires ; que s'il y a lieu, dès lors, pour le Tribunal Suprême d'écarter des allégations insuffisamment étayées, il ne saurait toutefois exiger de l'auteur du recours qu'il apporte, en toute circonstance, la preuve des faits qu'il avance ; qu'il revient, le cas échéant, au Tribunal Suprême, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits en défense par l'Administration, de prescrire, sur le fondement de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963, les mesures d'instruction propres à lui procurer les éléments de nature à lui permettre d'établir sa conviction, en particulier en exigeant de l'Administration la production de toute pièce en sa possession susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à plusieurs allégations sérieuses relatives au contenu du dossier de demande de permis litigieux et à la procédure de consultation du Comité consultatif, le Ministre d'État s'est borné à soutenir qu'elles n'étaient pas fondées ou que la requérante ne les établissait pas, sans produire les éléments de preuve que seule l'Administration détenait et qu'il n'incombait donc pas à la requérante de fournir ; qu'ainsi, le Ministre d'État n'a pas mis le Tribunal Suprême en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité des décisions attaquées ; qu'il y a lieu, en conséquence, en application de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963, de prescrire une mesure d'instruction aux fins d'inviter le Ministre d'État à produire tous les éléments permettant au Tribunal Suprême d'exercer son contrôle de légalité des décisions attaquées, notamment le dossier de demande de permis de construire, les pièces, dûment identifiées, produites les 3 mars et 13 mai 2020 ainsi que l'avis du Comité consultatif ;
Dispositif
DÉCIDE :
Article 1er
Le Ministre d'État est invité à produire dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision le dossier de demande de permis de construire, les pièces, dûment identifiées, produites les 3 mars et 13 mai 2020, l'avis du Comité consultatif ainsi que tout autre élément permettant au Tribunal Suprême d'exercer son contrôle de légalité des décisions attaquées.
Article 2
Les dépens sont réservés.
Article 3
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Composition
Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Vice-président, Philippe BLACHER, Pierre de MONTALIVET, rapporteur, Membres titulaires, et Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Membre suppléant ; et prononcé le douze juillet deux mille vingt-deux en présence du Ministère public, par Monsieur Didier RIBES, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en Chef.
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