TRIBUNAL SUPRÊME
TS 2022-13
Affaire :
Madame A. T.
Contre :
Centre Hospitalier Princesse Grace
DÉCISION
Audience du 24 février 2023
Lecture du 10 mars 2023
Recours tendant à l'appréciation de la validité de la décision du 18 octobre 2017 du directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de Madame A. T.
En la cause de :
Madame A. T. ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Charles LECUYER, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur, substitué par Maître Christophe BALLERIO, Avocat-Défenseur près la même Cour ;
Contre :
Le Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG), sis 1, avenue Pasteur à Monaco, pris en la personne de son Directeur en exercice ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur ;
Visa
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Section administrative
Vu la requête, présentée par Madame A. T., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 1^er avril 2022 sous le numéro TS 2022-13, tendant à ce que le Tribunal Suprême, d'une part, déclare illégale la décision du 18 octobre 2017 du directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG) prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et, d'autre part, condamne le CHPG aux entiers dépens ;
CE FAIRE :
Attendu que Madame A. T. expose, à l'appui de sa requête, qu'elle a été recrutée en qualité de manipulatrice d'électroradiologie médicale de classe normale contractuelle, à temps plein, au sein du Centre Hospitalier Princesse Grace à partir du 4 février 2013 pour une durée de six mois ; qu'à compter du 1^er août 2013, elle a été mise en stage en qualité de manipulatrice d'électroradiologie de classe normale et a été régulièrement reconduite dans ses fonctions ; qu'elle a finalement obtenu sa titularisation le 6 janvier 2015 avec effet rétroactif au 1^er août 2013 ; qu'en janvier 2015, une nouvelle cadre de santé de proximité, Madame S., a été nommée au sein de son service ; qu'avec l'accord de son prédécesseur et dans les jours qui ont suivi cette nomination, Mme T. a interrompu son activité professionnelle pendant plusieurs mois, en raison d'une opération du genou suivie d'une période de convalescence et d'immobilisation ; que durant sa convalescence, elle a appris qu'un patient avait perdu la vie durant la pratique d'un examen au sein du service de scanner interventionnel dans lequel elle était employée ; qu'en juin 2015, en reprenant ses fonctions, elle a constaté que ses conditions de travail s'étaient dégradées à ses yeux de manière très préoccupante ; que, dans ces conditions, elle a, le 19 octobre 2015, sollicité son transfert dans le service de radiothérapie mais a vu sa candidature rejetée le 3 novembre 2015 ; que, si elle a bénéficié d'un avancement d'échelon par décision du 25 janvier 2016, elle avait cependant le sentiment de ne pas être véritablement prise au sérieux ; que l'inertie, le manque de soutien et l'insouciance de sa cadre de santé de proximité et de son chef de service l'ont progressivement amenée à développer un syndrome anxio-dépressif réactionnel ; que, le 19 juillet 2016, elle a postulé sur un poste vacant de manipulateur en électroradiologie dans le service d'Imagerie par Résonance Magnétique, sous la supervision d'un autre chef de service, mais a vu, le 5 septembre 2016, sa candidature rejetée ; que c'est dans ces conditions difficiles que son entretien annuel s'est déroulé en septembre 2016 avec sa cadre de santé de proximité, Mme S., entretien particulièrement long dont elle est sortie en larmes ; que ces circonstances l'ont conduit à développer un syndrome d'épuisement professionnel et à être placée en arrêt de travail du 23 septembre 2016 au 5 octobre 2016 ; que le 5 octobre 2016, le médecin du travail a émis un avis d'aptitude à la reprise du travail en recommandant toutefois de changer Mme T. de poste, recommandation à laquelle le CHPG n'a pas donné suite ; qu'afin d'éviter un nouvel épisode de burn out, Mme T. s'est adressée à sa cadre de santé supérieure, Madame S., afin de lui exposer les raisons de ses souffrances au travail ; que, le 10 novembre 2016, en présence à la fois de Mme S., de Mme S. et d'un membre du Syndicat indépendant des personnels actifs et retraités, Madame C. A., elle a été autorisée à lire à haute voix un courrier dans lequel elle a renouvelé son souhait d'être affectée dans un autre service ; que, sa lecture terminée, Mme T. a toutefois été priée de reprendre très rapidement ses fonctions, tout en étant cantonnée au service de mammographie et au bloc opératoire ; que Mme T. a alors de nouveau sombré dans un état de burn out justifiant un arrêt de travail du 17 novembre 2016 au 2 mai 2017 ; que, le 4 mai 2017, le médecin du travail a déclaré Mme T. apte à son poste de travail, tout en insistant désormais sur la « nécessité [d'un] changement d'affectation » ; que voyant que cette préconisation médicale n'était pas suivie d'effet et ne parvenant plus à trouver les ressources psychiques et physiques nécessaires à la reprise de ses fonctions, elle a de nouveau été médicalement arrêtée pour burn out du 11 au 21 mai 2017, arrêt régulièrement prolongé jusqu'au 30 juin 2017 ; que le médecin-conseil des Caisses Sociales de Monaco a toutefois estimé que la prolongation de l'interruption de travail n'était plus médicalement motivée au-delà du 22 mai 2017 ; que le CHPG lui a indiqué par courrier du 20 juillet 2017 qu'une retenue sur salaire à concurrence de 40 jours lui serait appliquée au titre de son interruption de travail du 22 mai 2017 au 30 juin 2017, sans lui indiquer qu'elle devait reprendre ses fonctions ; qu'en effet, à l'occasion de son dernier arrêt de travail, il lui a été indiqué lors d'un échange téléphonique avec la Direction des ressources humaines qu'elle n'était désormais plus la bienvenue à son poste ; que Mme T., sous le coup de l'émotion, avait alors rétorqué qu'elle demeurait dans ce cas disposée à ne plus avoir de lien avec ce service du Centre hospitalier ; que, par courrier du 11 juillet 2017, le CHPG a entendu la contraindre à choisir, sous huitaine, entre une démission acceptée par l'employeur ou un licenciement pour insuffisance professionnelle, avec dans ce cas l'octroi d'allocations de retour à l'emploi ; que Mme T. n'a pu accepter ni l'une, ni l'autre ; qu'elle s'est alors trouvée pendant plus de trois mois dans l'incertitude quant à sa situation administrative et son devenir professionnel, d'autant plus que le CHPG lui demandait le 10 août 2017 d'envisager une nouvelle visite de pré-reprise, dans l'optique d'une proposition de poste ; que, par courrier du 18 octobre 2017, le Directeur du CHPG lui a notifié sa décision de licenciement pour insuffisance professionnelle, invoquant notamment l'absence de reclassement possible dans un autre service ;
Attendu que Mme T. allègue, en premier lieu, qu'elle a été injustement privée du droit de se défendre et de présenter ses explications ; qu'en effet, ni le Directeur des ressources humaines, ni le Directeur du CHPG n'ont pris soin de la convoquer à un entretien préalable à la notification de son licenciement ; que les échanges intervenus plus de deux mois auparavant avec la Direction des ressources humaines ne sauraient s'analyser comme assurant le respect de cette obligation, d'autant plus que Mme T. n'a jamais été informée de la nature exacte des faits que son employeur lui reprochait pour justifier sa supposée insuffisance professionnelle ;
Attendu que Mme T. estime, en deuxième lieu, que la décision de licenciement est non motivée ou du moins insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article 1^er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; que la décision du 18 octobre 2017 devait être motivée puisqu'elle constitue une décision administrative à caractère individuel qui restreint l'exercice d'une liberté publique, notamment la liberté constitutionnelle du travail, et qu'elle retire à Mme T. une précédente décision créatrice de droits, à savoir la décision de titularisation du 6 janvier 2015 ; qu'or, cette décision n'est pas réellement motivée ; qu'en effet, il résulte de la jurisprudence du Tribunal Suprême que l'état d'insuffisance professionnelle non susceptible d'amélioration est constitué par un ensemble de lacunes ou de négligences graves de l'agent dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, l'employeur n'invoque aucun fait susceptible de démontrer un tel ensemble de lacunes ou de négligences, encore moins un état d'insuffisance professionnelle grave, répété et non susceptible d'amélioration ; que la décision de licenciement repose en conséquence sur un faux motif, puisque ce qui est reproché à Mme T. tient en vérité à son burn out, provoqué par les refus non motivés du CHPG de la voir intégrer un autre service, burn out dont l'origine demeure ainsi purement professionnelle et, partant, exclusivement imputable à l'employeur ;
Attendu que Mme T. invoque, en troisième lieu, un détournement de procédure par l'auteur de la décision de licenciement ; qu'en effet, aucune insuffisance professionnelle, au sens de la jurisprudence, n'ayant été relevée, le CHPG a en réalité prononcé une révocation déguisée ; que l'établissement hospitalier n'a pas souhaité s'importuner avec le formalisme imposé au pouvoir de discipline, encore moins s'engager dans une procédure contradictoire avec Mme T. ; que, puisque son Directeur invoque une supposée « situation irrégulière de l'intéressée », le CHPG aurait dû faire usage des pouvoirs disciplinaires de révocation qu'il tient des articles 55 et suivants de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace, ce qui l'aurait contraint à caractériser une faute grave, ce qu'il n'était pas en mesure de faire ;
Attendu que Mme T. fait valoir, en quatrième lieu, que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ; qu'en effet, il a fait application des règles instituées pour le cas d'un agent en situation avérée d'insuffisance professionnelle, ce qui n'est pas le cas de la requérante ; que, par ailleurs, le CHPG ne démontre pas s'être véritablement enquis d'une quelconque possibilité de reclassement de son agent au sein de ses effectifs, invoquant tantôt l'absence de services d'imagerie médicale, tantôt l'absence de vacance de poste, voire la « urqualification » de sa salariée ; qu'il n'a pas non plus cherché à démontrer les raisons qui ne lui auraient pas permis de respecter les préconisations formulées par la médecine du travail ; qu'il a de même ignoré son obligation de formation et d'enseignement ;
Attendu que Mme T. soutient, en cinquième lieu, que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ; qu'en effet, elle n'a pas fait preuve d'insuffisance professionnelle au sens de la jurisprudence ; qu'elle a rempli correctement ses fonctions et donné entière satisfaction, ce dont atteste sa notation au titre des exercices 2014/2015 et 2015/2016, qui mentionne l'amélioration de ses compétences sans relever une quelconque insuffisance professionnelle ;
Attendu que Mme T. considère, en sixième lieu, que la décision du CHPG est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, tout d'abord, selon la requérante, le CHPG a entendu lui reprocher une insuffisance professionnelle, alors que la dernière évaluation de ses compétences ne révèle aucune forme de lacune ou de négligence grave, répétée et non susceptible d'amélioration et que sa notation globale a progressé de 19,75 à 20,5 ; qu'en outre, le CHPG ne démontre pas avoir cherché à respecter les préconisations de la médecine du travail ; que toute éventuelle irrégularité qui pourrait être reprochée à Mme T. dans sa situation administrative ne peut qu'être le fait de l'employeur et non de l'agent, invité à rester à demeure avec maintien de son plein traitement pour éluder tout possible contentieux ; qu'enfin, si la médecine du travail a entendu la déclarer « apte à son poste avec nécessité de changement d'affectation » dès le 4 mai 2017, c'est que l'organisme avait connaissance de l'existence de diverses unités d'imagerie médicale à même de l'accueillir ; que, lors de l'examen de ses candidatures, le CHPG n'a jamais nié l'existence des services de radiothérapie et d'Imagerie par Résonance Magnétique ; qu'or, son directeur a expressément motivé sa décision de licenciement en raison d'une « impossibilité de reclassement dans un autre service, puisqu'il n'existe qu'un département Imagerie au sein de l'établissement » ; que cette constatation caractérise une flagrante erreur d'appréciation ;
Attendu que Mme T. soutient, en dernier lieu, que la décision litigieuse est illégale pour détournement de pouvoir ; qu'en effet, le Directeur du CHPG a utilisé ses pouvoirs à des fins autres que celles pour lesquelles ils lui ont été confiés ; que la médecine du travail préconisait une affectation de Mme T. dans un nouveau service, préconisation révélant une possibilité sérieuse et réalisable ; que cependant, le CHPG n'a pas daigné la changer de département d'imagerie médicale, ce qui lui permettait de la contraindre à accepter l'une des deux branches de l'alternative offerte pour rompre la relation de travail ; que le CHPG ne souhaitait plus conserver Mme T. parmi ses agents au regard des dérives qu'elle dénonçait dans le but de préserver la sécurité du public et des agents manipulateurs en électroradiologie ; que, d'évidence, sa décision était prise depuis le 11 juillet 2017 ; qu'ainsi, invoquer la supposée insuffisance professionnelle de son agent lui permettait de s'en séparer à moindre frais ; que, par ailleurs, le CHPG n'a pas cherché à expliquer les raisons pour lesquelles il lui était impossible de faire usage de son pouvoir disciplinaire ; qu'une autre possibilité s'offrait à lui, mais plus contraignante et risquée, que celle d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 23 mai 2022, par laquelle le Centre Hospitalier Princesse Grace conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;
Attendu que le Centre Hospitalier Princesse Grace soutient, en premier lieu, que Mme T. n'a pas été injustement privée du droit de se défendre et de présenter ses explications ; qu'en attestent les très nombreux échanges verbaux, téléphoniques et par courrier entre Mme T. et le CHPG, dans lesquels sa situation professionnelle, dont un licenciement pour insuffisance professionnelle, a été évoquée ; qu'antérieurement à la décision contestée, Mme T. avait même sollicité une indemnité minimum de 40.000 euros, cumulée avec des Allocations de Retour à l'Emploi sur une période de 24 mois ; que les droits de la défense de Mme T. ont ainsi été respectés ;
Attendu que le CHPG considère, en deuxième lieu, que l'acte attaqué respecte l'impératif de motivation prévu par l'article 2 de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ; qu'en l'espèce, l'acte attaqué est composé de quatre pages, comme en atteste la numérotation des pages ; que les deux premières constituent la motivation de la décision et les deux dernières le dispositif ; que la décision énonce clairement les considérations de droit fondant le licenciement, en particulier l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 ; qu'il énonce également les considérations de fait justifiant le licenciement, à savoir l'avis du médecin du travail du 4 mai 2017 mentionnant l'aptitude de Mme T. avec nécessité de changement d'affectation ainsi que l'absence de reclassement possible dans un autre service en raison de l'existence d'un seul département Imagerie au sein de l'établissement hospitalier ; que, par ailleurs, les visas de la décision attaquée se réfèrent, entre autres, à l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine du 28 juillet 1982, à la demande de disponibilité pour convenances personnelles de l'intéressée, à l'annulation, sur demande de l'intéressée, de cette disponibilité, à l'impossibilité de reclassement dans un autre service ainsi qu'à la situation irrégulière de l'intéressée depuis le 26 juillet 2017 ;
Attendu que le CHPG soutient, en troisième lieu, à propos du prétendu détournement de procédure, que la requérante déplore, en définitive, avoir bénéficié d'un traitement bienveillant alors qu'elle souhaitait ne plus travailler au CHPG ; qu'en effet, outre le fait qu'un licenciement pour faute grave ou une radiation pour abandon de poste est stigmatisant dans une carrière, Mme T. aura bénéficié, en application de l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine du 28 juillet 1982, d'une indemnisation qu'elle n'aurait pas eue autrement, s'élevant en l'occurrence à 7.739,39 euros ; qu'ainsi, elle n'a subi aucun grief, bien au contraire ; que, quoi qu'il en soit, le CHPG a, à bon droit, procédé à un licenciement pour insuffisance professionnelle, les conditions étant remplies ; qu'au demeurant, la motivation du licenciement ne fait pas mention de faute commise par Madame T. ;
Attendu que le CHPG estime, en quatrième lieu, que la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur de droit ; qu'il a, à bon droit, fait application des dispositions de l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine du 28 juillet 1982, les conditions du licenciement pour insuffisance professionnelle étant remplies en l'espèce ; que le CHPG a clairement énoncé les considérations de droit et de fait justifiant le licenciement ; qu'au surplus, la requérante ne saurait se plaindre d'avoir bénéficié d'un traitement bienveillant, alors qu'elle souhaitait ne plus travailler au CHPG ;
Attendu que le CHPG considère, en cinquième lieu, que la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur de fait ; que la doctrine administrative française a pu relever que l'insuffisance professionnelle recouvre tout autant l'incompétence professionnelle proprement dite que l'inaptitude relationnelle, c'est-à-dire un comportement à l'égard des collègues ou des usagers source de conflit et préjudiciable à la bonne marche du service ; qu'en droit français, caractérisent une insuffisance professionnelle la transgression des horaires, l'assiduité insuffisante au poste de travail, le non-respect des consignes et de l'organisation du poste, l'insubordination voire le comportement agressif vis-à-vis de la hiérarchie, l'incapacité à travailler en équipe et l'absence de rigueur dans l'exécution des tâches confiées (CAA Paris, 2 mai 2006, n° 03PA02880) ou encore des fiches de notation soulignant des déficiences dans les relations de travail et avec le public ainsi que dans l'exécution des tâches confiées (CAA Bordeaux, 27 décembre 2005, n° 02BX01956) ; qu'en l'espèce, l'évaluation de Mme T. réalisée en septembre 2016 soulignait que les objectifs techniques n'étaient pas atteints et faisait état d'importants problèmes d'adaptation ; qu'en outre, divers éléments dans l'attitude de Mme T. montraient son manque d'adaptation à son emploi, notamment sa demande de mise en disponibilité, sa demande, émise le 22 avril 2016, de pratiquer le shiatsu dans le cadre de son emploi alors que ce type de thérapie n'a pas de lien avec l'imagerie médicale, ses plaintes au sujet de ses conditions de travail sans raisons factuelles ou encore son projet professionnel d'évolution en tant que formatrice ; qu'enfin, la situation irrégulière de Mme T. depuis le 26 juillet 2017 entraînait une désorganisation du service ;
Attendu que le CHPG soutient, en sixième lieu, que la décision litigieuse n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, comme cela a été indiqué, l'évaluation de Mme T. réalisée en septembre 2016 soulignait que les objectifs techniques n'étaient pas atteints et faisait état d'importants problèmes d'adaptation ; que, par ailleurs, il est faux de prétendre que le CHPG n'aurait pas cherché à reclasser Mme T. ; que le reclassement dans un autre service était impossible puisqu'il n'existe qu'un département d'imagerie au sein de l'établissement hospitalier ; que les services de radiologie, de radiologie interventionnelle, de scanner, d'IRM et d'échographie sont composés de la même équipe ; que, s'agissant de la radiothérapie, sa hiérarchie aurait été la même, le cadre supérieur de santé étant également Mme S. ; qu'en outre, il ne s'agit pas d'un département d'imagerie médicale mais d'une méthode de traitement locorégional des cancers, exigeant de plus grandes compétences, alors même que Mme T. faisait preuve d'insuffisances sur le plan technique ; qu'enfin, les effectifs étaient suffisants et aucun poste n'était vacant ; que Mme T. ne peut soutenir que l'irrégularité de sa situation à la suite du courrier du 11 juillet 2017 ne peut qu'être le fait de l'employeur et non de l'agent, invité à rester à demeure, alors que le CHPG l'avait dispensée de travailler seulement pour une période de huit jours ; que ce dernier a bien pris en compte cette dispense en estimant finalement que sa situation était irrégulière à compter du 26 juillet 2017 ;
Attendu que le CHPG allègue, en dernier lieu, que la décision contestée n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir ; que lorsque la médecine du travail préconise une autre affectation, cela ne signifie pas pour autant qu'un reclassement soit possible ; qu'en l'espèce, comme cela a été indiqué, il n'existe qu'un seul département d'imagerie médicale au sein du CHPG et il n'existait pas de possibilité de reclassement de Mme T. ; que les allégations selon lesquelles le CHPG ne souhaitait déjà plus conserver Mme T. parmi ses agents au regard des dérives qu'elle dénonçait dans le but de préserver la sécurité du public et des agents sont mensongères et ne sont d'ailleurs étayées par aucune pièce ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 22 juin 2022, par laquelle Madame T. tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;
Attendu qu'en premier lieu, Mme T. observe, à propos du vice de procédure, que le CHPG ne démontre toujours pas avoir mis son agent en mesure de se défendre équitablement sur les motifs du licenciement retenu ; que, contrairement à ce qui est prétendu par le CHPG, ce dernier n'évoque expressément l'hypothèse d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ni dans son courrier du 11 juillet 2017, ni dans les nombreux échanges ayant précédé la notification du licenciement ; que ces entretiens n'avaient d'ailleurs pour seule finalité que de contraindre Mme T. à la démission, en lui indiquant qu'elle n'était désormais plus attendue au sein de son service ; que les explications du CHPG sur la portée juridique des dispositions de l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine du 28 juillet 1982 ne lui ont pas permis d'y voir plus clair ; que, bien au contraire, à la lecture du courrier du 11 juillet 2017, Mme T. pouvait croire qu'elle allait être affectée à un nouveau poste ;
Attendu qu'en deuxième lieu, la requérante maintient, à propos de la motivation de la décision litigieuse, que les deux premières pages constituent le courrier de notification tandis que les deux dernières constituent la décision querellée, motivation incluse ; qu'or, la notification d'une décision ne peut constituer sa motivation, motivation qui doit nécessairement être incorporée à l'acte ; que, par ailleurs, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision de licenciement ne mentionne aucune lacune ou négligence grave et répétée de Mme T. dans l'exercice de ses fonctions ; qu'au surplus, parmi les considérations de fait figurent expressément la mise en disponibilité avortée du 6 décembre 2016 et la situation irrégulière de l'intéressée à compter du 26 juillet 2017, causes qui ne sauraient justifier une quelconque insuffisance professionnelle de l'agent ; que cette contradiction de motifs aboutit à une absence de motivation ;
Attendu la requérante précise, en troisième lieu, à propos du détournement de procédure, que le CHPG reconnaît dans ses écritures avoir appliqué à Mme T. « un traitement bienveillant alors qu'elle souhaitait ne plus travailler au CHPG », autrement dit, une procédure distincte de celle qu'il aurait dû en principe mettre en œuvre ; que, de la même manière, contrairement aux affirmations du CHPG, la motivation du licenciement fait mention de fautes commises par la requérante, à savoir l'annulation de la disponibilité pour convenances personnelles ainsi que son abandon de poste ; que le CHPG n'a pas entendu faire usage de la procédure disciplinaire alors qu'elle était pourtant applicable aux faits invoqués ; que le silence du CHPG quant à la démonstration de la recherche sérieuse de reclassement qui lui incombait montre qu'il n'a pas procédé à cette recherche, ce qui constitue une irrégularité de procédure ;
Attendu qu'en quatrième lieu, la requérante fait valoir, à propos de l'erreur de droit, que le CHPG ne démontre pas que les conditions requises pour l'application des dispositions de l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 étaient remplies ; qu'il n'apporte la preuve ni d'une insuffisance grave, répétée et non susceptible d'amélioration, ni de l'impossibilité de reclasser son agent dans un autre service, ni de l'existence d'un seul et même service de soins et d'actes en imagerie médicale et radiothérapie ; que la lecture des pages relatives aux différents pôles de soins et de services que le CHPG identifie et présente sur son site internet, tout comme les différents avis de vacance d'emploi qu'il a fait publier au Journal de Monaco confirment l'existence de ces différents services ;
Attendu que la requérante remarque, en cinquième lieu, que la référence faite par le CHPG à la doctrine française est inopérante dans la mesure où la notion d'insuffisance professionnelle est déjà connue du Tribunal Suprême ; que le CHPG ne démontre pas la soi-disant « désorganisation du service » entrainée par l'abandon de poste de Mme T. ; que l'erreur de fait entachant la décision litigieuse est caractérisée ;
Attendu que la requérante ajoute, en dernier lieu, qu'aucune des deux évaluations n'a conclu à l'existence d'« importants problèmes d'adaptation » ; que, par ailleurs, le CHPG ne précise ni les objectifs techniques qui n'auraient pas été atteints ni les formations qu'il aurait immédiatement dispensées à son agent pour lui permettre d'y remédier ; qu'en outre, l'existence de différents services de radiologie/radiothérapie est prouvée par l'existence de chefs de service distincts ou par un numéro de standard téléphonique propre à chacun de ces services ; que sa pratique durant dix ans et son diplôme conféraient à Mme T. les compétences requises pour accéder à n'importe quel service d'imagerie ou de techniques de soins par radiations ; qu'enfin, seule la production par le CHPG du registre unique du personnel permettrait de prouver qu'aucun poste n'était vacant lors du licenciement ; qu'ainsi, la décision litigieuse est bien entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 22 juillet 2022, par laquelle le Centre Hospitalier Princesse Grace conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Centre Hospitalier Princesse Grace précise, en premier lieu, en ce qui concerne le vice allégué de procédure, que le courrier du 11 juillet 2017 du CHPG énonce bien l'hypothèse d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que ce licenciement a bien été abordé par les parties au cours de leurs nombreux échanges ayant précédé la notification de la décision ; que le courrier de Mme T. du 1^er août 2017 démontre qu'elle avait compris que son licenciement pour insuffisance professionnelle était envisagé ; qu'elle a été en mesure de présenter ses observations, ce qu'elle a fait, et de se faire assister par un conseil de son choix ; qu'ainsi, les droits de la défense ont été respectés ;
Attendu que le CHPG fait valoir, en deuxième lieu, concernant l'absence ou l'insuffisance alléguées de motivation de l'acte contesté, que la requérante reconnaît elle-même, dans sa réplique, que les considérations de droit et de fait de la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle sont énoncées dans cette décision ;
Attendu que le CHPG soutient, en troisième lieu, en ce qui concerne le détournement de procédure allégué, que l'insuffisance professionnelle pouvant coexister avec l'existence de fautes passibles de sanctions disciplinaires, l'insuffisance professionnelle de Mme T. coexistait avec l'irrégularité de sa situation, survenue seulement à compter du 26 juillet 2017 ;
Attendu que le CHPG maintient, en quatrième lieu, à propos de l'erreur de droit alléguée, que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme T. a été, à juste titre, prononcé sur le fondement de l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982, compte tenu de son insuffisance professionnelle et de l'impossibilité de la reclasser dans un autre service ;
Attendu que le CHPG maintient, en cinquième lieu, qu'aucune erreur de fait n'a été commise ; qu'en ce qui concerne, tout d'abord, la prétendue défaillance du CHPG dans l'administration de la preuve d'une insuffisance professionnelle, il précise que l'existence d'une décision du Tribunal Suprême sur la notion d'insuffisance professionnelle, au surplus datée de plus de trente ans, n'exclut pas la possible référence à la jurisprudence française en la matière ; qu'au demeurant, il n'est pas à exclure que le Tribunal Suprême fasse sienne la caractérisation de l'insuffisance professionnelle retenue par la jurisprudence sociale monégasque, à savoir l'inaptitude du salarié à exercer sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat et ayant des répercussions en tant qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise ; qu'en l'espèce, les fiches de notation de Mme T. font clairement état de son insuffisance professionnelle ; qu'elles indiquent, en effet, que la manière de communiquer est un objectif partiellement atteint, que Mme T. doit « être attentive à sa manière de parler » et « doit s'efforcer de renforcer son adaptabilité et se positionner en manipulatrice gérant tous types de situations » ; qu'un rapport circonstancié de divers événements intervenus en 2015 et 2016 indique qu'elle ne savait comment réaliser une radiographie de cheville de face, ce qui est pourtant une compétence requise basique, constate son refus de formation pour une montée en compétence en radiologie interventionnelle et relève diverses déficiences dans ses relations de travail, telles que perte de sang-froid, comportement inapproprié et irrespectueux envers le cadre de santé, incapacité à se remettre en question, incapacité à trouver sa place dans le service ou encore comportements perçus comme égoïstes de la part de ses collègues ; qu'en ce qui concerne ensuite la prétendue défaillance du CHPG dans l'administration de la preuve d'une recherche de reclassement, ce dernier ne conteste pas l'existence de plusieurs services en matière d'imagerie médicale, mais ces derniers composent en réalité un seul département d'imagerie, au sein duquel le personnel est mutualisé entre les services de radiologie, de radiologie interventionnelle, de scanner, d'IRM et d'échographie ; que, par conséquent, il était impossible pour le CHPG d'interchanger des agents pour reclasser Mme T. ; que, d'une part, s'agissant des services de médecine nucléaire et de radiothérapie, sa hiérarchie aurait été la même, le cadre supérieur de santé étant également Mme S. ; que, d'autre part, ces services exigent de plus grandes compétences, alors même que Mme T. faisait déjà preuve d'insuffisance sur le plan technique en matière de radiologie interventionnelle ; que le CHPG démontre avoir accompli l'ensemble des diligences requises visant au reclassement de Mme T., ce qu'attestent les conclusions de l'entretien réalisé lorsqu'elle a postulé à la vacance du poste I.R.M. à mi-temps ;
Attendu que le CHPG maintient, en sixième lieu, qu'aucune erreur manifeste d'appréciation, en d'autres termes évidente sinon grossière, ne peut être retenue en l'espèce ;
Attendu que le CHPG ajoute, en dernier lieu, à propos du prétendu détournement de pouvoir, que le Tribunal de première instance a jugé que le rappel, fait dans le courrier de notification du licenciement, des avertissements prononcés ne peut constituer la preuve d'un détournement de procédure, l'insuffisance professionnelle pouvant coexister avec l'existence de fautes passibles de sanctions disciplinaires ;
SUR CE,
Vu la décision dont il est demandé au Tribunal Suprême d'apprécier la validité ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment le 3° du B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 7 464 du 28 juillet 1982 modifiée, portant statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace ;
Vu l'Ordonnance du 4 avril 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Pierre de MONTALIVET, Membre titulaire, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef adjoint en date du 23 août 2022 ;
Vu l'Ordonnance du 13 janvier 2023 modifiée, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 24 février 2023 ;
Ouï Monsieur Pierre de MONTALIVET, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Christophe BALLERIO, Avocat-Défenseur, pour Madame A. T. ;
Ouï Maître Alexis MARQUET, Avocat-Défenseur, pour le Centre Hospitalier Princesse Grace ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait droit au recours de Mme T. ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
Motifs
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
1. Considérant que, par jugement du 16 décembre 2021, le Tribunal de première instance a sursis à statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par Madame A. T., manipulatrice en radiologie médicale, à l'encontre de son ancien employeur, le Centre Hospitalier Princesse Grace, et l'a renvoyée à saisir le Tribunal Suprême d'un recours en appréciation de validité de la décision du 18 octobre 2017 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 85 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 modifiée, portant statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace : « L'agent qui fait preuve d'insuffisance professionnelle et qui ne peut être reclassé dans un autre service peut, soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. / Si l'agent licencié pour insuffisance professionnelle ne satisfait pas aux conditions exigées pour avoir droit à une retraite proportionnelle avec jouissance immédiate, il lui est attribué une indemnité de départ égale aux trois quarts de la rémunération afférente au dernier mois d'activité multipliée par le nombre d'années de service validées pour la retraite. / L'indemnité de licenciement est versée par mensualités qui ne peuvent dépasser le montant de la dernière rémunération perçue par l'intéressé» ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de ses fiches de notation ainsi que du rapport de divers événements intervenus en 2015 et 2016, que Mme T. n'a pas atteint les objectifs de maîtrise des compétences techniques qu'impliquait son poste, notamment pour la réalisation d'une radiographie de cheville de face ; qu'elle a refusé de recevoir une formation pour perfectionner ses compétences en radiologie interventionnelle ; que, par ailleurs, son comportement a été source de difficultés relationnelles répétées tant vis-à-vis de sa hiérarchie que de ses collègues ; que ces insuffisances professionnelles étaient de nature à perturber le bon fonctionnement du service au sein duquel elle était affectée et à préjudicier à la santé des patients ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à l'existence, au sein du Centre Hospitalier Princesse Grace, d'un seul département d'imagerie médicale et aux compétences techniques de Mme T., son reclassement dans un autre service était impossible ;
5. Considérant qu'il s'ensuit que Mme T. n'est pas fondée à soutenir que la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle prononcée à son encontre n'était pas justifiée ;
6. Considérant, toutefois, qu'à défaut de disposition définissant la procédure applicable au licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent hospitalier, l'autorité hiérarchique ne peut, sous le contrôle du juge, prononcer une telle mesure qu'après avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même l'intéressé de prendre connaissance des motifs de la mesure envisagée et des pièces correspondantes de son dossier, de présenter ses observations et, le cas échéant, de se faire assister par un conseil de son choix ; que le droit à la communication des pièces correspondantes de son dossier implique le droit d'en prendre copie ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme T. a eu, dans les mois qui ont précédé son licenciement, différents échanges et entretiens avec la Direction des ressources humaines du Centre Hospitalier Princesse Grace, au cours desquels la question de son avenir professionnel a été abordée ; que, cependant, le courrier du 11 juillet 2017 ne peut, eu égard à ses termes, être regardé comme l'informant de l'engagement à son encontre d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'un entretien préalable ait été organisé à cette fin et que les pièces correspondantes du dossier lui aient été préalablement communiquées ; qu'ainsi, Mme T. n'a pas été mise à même de prendre connaissance des motifs de la mesure envisagée et des pièces correspondantes de son dossier, de présenter utilement ses observations et de se faire assister par un conseil de son choix ; que le principe général des droits de la défense a ainsi été méconnu ; qu'ainsi, la procédure de licenciement de Mme T., conduite en méconnaissance des droits de la défense, a été irrégulière ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la requérante, la décision du 18 octobre 2017 du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace doit être déclarée illégale ;
8. Considérant que si la décision de licenciement de Mme T. est définitive et ne peut plus être remise en cause dans ses effets, il appartiendra au Tribunal de première instance d'apprécier si et dans quelle mesure l'irrégularité constatée est de nature à ouvrir droit à indemnisation ;
Dispositif
DÉCIDE :
Article 1er
La décision du 18 octobre 2017 du directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace est déclarée illégale.
Article 2
Les dépens sont mis à la charge du Centre Hospitalier Princesse Grace.
Article 3
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Composition
Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Vice-président, et Pierre de MONTALIVET, Membre titulaire, rapporteur, et prononcé le dix mars deux mille vingt-trois en présence du Ministère public, par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en Chef.
Le Greffier en Chef, Le Président.
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