TRIBUNAL SUPRÊME
TS 2023-03
Affaire :
S.C.P. P.
Contre :
État de Monaco
DÉCISION
Audience du 10 mai 2023
Lecture du 23 mai 2023
Recours en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 20 septembre 2022 portant permis de construire modificatif ayant pour objet d'autoriser l'intégration dans le bloc A de l'opération immobilière « XXXX » des immeubles situés XXXXX.
En la cause de :
La société civile particulière (S.C.P.) P. ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée par Maître Sarah FILIPPI, Avocat-Défenseur près la même Cour, et plaidant par la S.A.R.L. Cabinet BRIARD, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
En présence de :
LA S.A.M. D., dont le siège social est sis XXXX à Monaco, prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, intervenant au soutien de l'État ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Charles LECUYER, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, Avocat au barreau de Nice ;
Visa
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière
Vu la requête présentée par la société civile particulière (S.C.P.) P., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 18 novembre 2022 sous le numéro TS 2023-03, tendant à ce qu'il soit ordonné au Ministre d'État de produire une copie intégrale de l'arrêté n° XXXX du XXXX portant permis de construire modificatif, ainsi que l'ensemble du dossier de demande et les avis émis en cours d'instruction, à l'annulation de l'arrêté du XXXX, à ce qu'il soit enjoint à la S.AM. XXXXX de démolir les constructions réalisées sur le terrain du XXXXX en exécution de l'arrêté du XXXXX et de remettre en état tant le terrain que l'entière bâtisse préexistante à ses frais ou, subsidiairement, à ce qu'il soit constaté que le maître d'ouvrage est tenu à une telle obligation, ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;
CE FAIRE :
Attendu que la S.C.P. P. expose, à l'appui de sa requête, qu'elle a son siège au XXXX et pour gérants Monsieur J. C. et Madame M. R. épouse C., chacun d'eux détenant 50 % des parts de la société ; qu'elle est depuis novembre 1975 et demeure propriétaire d'un local au rez-de-chaussée d'un immeuble situé XXXX, connu sous le nom de « XXX », composé d'un magasin et de deux pièces au rez-de-chaussée et d'une cave au premier sous-sol, le tout représentant 112 tantièmes sur 1.000 des choses communes de l'immeuble ; que cet immeuble est régi par un cahier des charges dressé le 31 mars 1950 et prévoyant à l'article 1^er de son troisième chapitre que « les parties communes de l'ensemble de l'immeuble comprendront : / La totalité du sol sur lequel est édifié l'immeuble dénommé « XXXX », telle qu'elle est figurée au plan ci-annexé. / Les fondations (…) / Enfin, d'une façon générale, toutes parties de l'immeuble qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif de l'un des copropriétaires ce qui sera dit ci-après, et qui sont communes selon la loi et les usages » ; que l'État, ayant acquis dans le quartier concerné d'autres fonds immobiliers, a entrepris de réaliser un projet de construction d'immeubles collectifs réservés aux nationaux, connu sous le nom de « XXXX » ; que par arrêté du XXXX, le Ministre d'État a délivré à la S.A.M. D., représentant l'Administration des Domaines, une autorisation de démolir les immeubles situés XXXX et de réaliser une opération immobilière dénommée « XXXX » comportant trois blocs d'immeubles (A, B et C), de type XXXX à usage d'habitations, de commerces/bureaux, de crèche et de parkings sise XXXX ; que ce projet, dans sa configuration de l'époque, ne concernait pas directement la S.C.P. P., si ce n'est en sa qualité de propriétaire de lots de copropriété de l'immeuble voisin, situé XXXX ; que, parallèlement, depuis 2020, des pourparlers avaient été engagés par l'État avec les différents copropriétaires de la « XXXX », dont la S.C.P. P., aux fins d'acquérir leurs lots et ce moyennant règlement en numéraire ou par dation en paiement de mètres carrés dans les immeubles futurs ; que l'immeuble à construire sur le terrain, d'environ 200 mètres carrés, de la « XXXX» constitue avec d'autres fonds voisins l'assise du bloc ou bâtiment A du projet « XXXX », celui-ci devant comporter trois blocs principaux (A, B et C) édifiés sur un sous-bassement commun ; que le bâtiment A destiné exclusivement aux bénéficiaires des dations à venir s'élèvera sur dix-sept niveaux à partir de la rue XXXX et quatre niveaux en sous-sol ;
Attendu que la S.C.P. P. indique encore qu'elle a, par acte sous seing privé, convenu, sous différentes conditions suspensives, de vendre à l'État ses locaux moyennant dation en paiement ; que la réalisation des conditions suspensives était prévue comme devant être advenue au plus tard le 30 octobre 2020, sous peine de caducité de plein droit de la convention ; qu'or, lesdites conditions ne furent pas réalisées à cette date ; que la promesse de vente ayant prévu sa réitération par acte authentique à la date du 30 octobre 2022, cette dernière n'intervint pas davantage ; que néanmoins, par arrêté du 20 septembre 2022, le Ministre d'État a délivré à la S.A.M. D., représentant l'Administration des Domaines, un permis de construire modificatif, ayant notamment pour objet d'autoriser l'intégration dans le bloc A de l'opération immobilière « XXXX » des immeubles situés XXXX ; qu'en dépit des pourparlers qui s'étaient poursuivis entre les représentants de l'État ou son mandataire et la S.C.P. P. sur la contrepartie de la cession, la société n'a jamais été officiellement informée du dépôt d'une demande de permis de construire portant sur l'immeuble du XXXX, ni de la délivrance d'un nouveau permis de construire ou d'un permis de construire modificatif, dont elle n'a découvert l'existence qu'à l'occasion de son affichage, sous forme d'extrait, portant uniquement sur les première et dernière pages ; que cet affichage sur le terrain est intervenu dans des conditions irrégulières, en méconnaissance des dispositions de l'article 10 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie, ainsi qu'il ressort du constat d'huissier établi le 26 octobre 2022 ; qu'à l'occasion d'une visite sur place, les représentants de la S.C.P. P. ont constaté que l'immeuble était détruit à l'exception de leur local, lequel était éventré en sa dalle supérieure et alors que l'entier contenu avait disparu sans que sa destination n'ait jamais été connue ; que le 27 octobre 2022, la société a demandé au Ministre d'État communication de la copie intégrale de l'arrêté ministériel du XXXX ; que cette demande est restée sans réponse ;
Attendu que la S.C.P. P. fait valoir, à titre liminaire, qu'elle est recevable à demander l'annulation de l'arrêté du XXXX dès lors qu'elle est toujours propriétaire de lots dans l'immeuble en copropriété du XXXX, voué à la démolition et sur lequel porte le permis de construire litigieux ; que si elle n'a pu produire une copie intégrale de la décision attaquée, cette circonstance résulte du seul comportement de l'Administration et du bénéficiaire du permis de construire ; qu'à défaut pour les défendeurs de produire spontanément cet acte, le Tribunal Suprême devra ordonner qu'il soit produit aux débats, conformément aux exigences inhérentes au droit à un procès équitable issues de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, les défendeurs devront produire l'ensemble du dossier de demande sur la base duquel a été délivré le permis de construire modificatif litigieux ;
Attendu que la S.C.P. P. soutient, en premier lieu, que le permis de construire litigieux est irrégulier dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le comité consultatif pour la construction ait été régulièrement consulté, contrairement aux exigences de l'article 7 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie ; qu'en particulier, il ne ressort pas de l'arrêté litigieux, tel qu'il a été rendu public sous une forme plus qu'abrégée, que ledit comité ait été effectivement consulté et, dans cette hypothèse, qu'il l'ait été postérieurement à la dernière modification ou complément apporté au dossier de demande, ces modifications et compléments étant intervenus les 2 et 6 août 2021, 10 et 14 septembre 2021 et 28 mars 2022 ; qu'en outre, il n'est pas établi que si le comité a été effectivement consulté, il l'a été dans une composition régulière, conformément aux dispositions de l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.387 du 25 septembre 1965 ; que dès lors que l'absence ou l'irrégularité de la consultation du comité consultatif pour la construction a été susceptible d'avoir une incidence sur le sens de la décision prise par le Ministre d'État, l'arrêté attaqué est entaché d'une illégalité externe ;
Attendu que la S.C.P. P. allègue, en deuxième lieu, que le permis de construire modificatif du 20 septembre 2022 constitue en réalité un permis de construire portant sur un nouveau projet de construction, et non un modificatif d'un permis existant, compte tenu de l'importance des modifications apportées au permis initial, qui en bouleversent l'économie générale (CE, 28 juillet 1999, n° 182167, au Recueil) ; que le permis modificatif conduisant à la réalisation de trois nouveaux blocs d'immeuble de grande hauteur, il ne s'agit pas d'une simple modification apportée au projet initial mais d'une adjonction apportée à ce projet, portant sur des terrains distincts, même s'ils sont limitrophes ; que, par suite, ce nouveau projet ne pouvait légalement être autorisé par un simple modificatif du permis initial ; que le permis attaqué est, pour ce motif, illégal ;
Attendu que la S.C.P. P. soutient, en troisième lieu, qu'à supposer subsidiairement que l'acte attaqué ait le caractère d'un permis de construire modificatif, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'aient été respectées les dispositions du dernier alinéa de l'article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 qui prévoient que « les demandes d'autorisation de construire portant sur des modifications à apporter à une construction existante ou à un projet déjà autorisé doivent mentionner, de façon précise au moyen des couleurs conventionnelles, lesdites modifications, sur deux plans en regard l'un de l'autre. L'un sur lequel sont figurées les parties supprimées en jaune, et l'autre sur lequel sont figurées les parties nouvellement projetées en rouge » ; que faute pour les défendeurs de justifier concrètement du contenu de la demande de permis de construire modificatif, l'arrêté attaqué doit être annulé ;
Attendu que la SC.P. P. fait, en quatrième lieu, grief au permis attaqué d'être illégal pour avoir été délivré à un demandeur qui ne justifiait pas d'un titre de propriété ou d'une autorisation du propriétaire portant sur l'ensemble du terrain d'assiette du projet ; qu'en vertu de l'article 2 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966, la demande doit être établie conformément à un modèle annexé à cette Ordonnance ; que cette annexe comporte un formulaire listant les pièces obligatoires pour toutes les demandes et imposant notamment la production d'un justificatif de propriété, quelle que soit la nature des travaux en cause et en particulier pour les travaux portant sur les nouvelles constructions avec ou sans démolition ; que si le III de l'article 9 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 dispose que « l'autorisation de construire et/ou de démolir est toujours accordée sous réserve des droits des tiers et aux risques et périls de tous les intéressés », cette disposition a pour seul effet de dispenser l'autorité statuant sur la demande de permis de trancher une difficulté de droit privé et de rendre inopérantes les critiques dirigées contre un permis qui méconnaîtrait une servitude de droit privé (TS, 15 juin 2009, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « L. R. » c/ Ministre d'État) ; qu'elle ne dispense pas pour autant le service instructeur de s'assurer que le pétitionnaire justifie bien, à l'appui de sa demande, d'un titre qui l'habilite à construire ; que compte tenu de l'exigence de production d'un justificatif de propriété, prévue par l'Ordonnance du 9 septembre 1966, la délivrance du permis de construire au propriétaire du terrain ou de l'immeuble sur lequel il porte ou, à défaut, la justification par le pétitionnaire d'une autorisation délivrée par le propriétaire au demandeur, constitue une condition de légalité du permis de construire ; que de telles exigences ont été méconnues en l'espèce ; qu'en effet, le pétitionnaire, à savoir l'Administration des Domaines représentée par la S.A.M. D., ne justifiait pas d'un titre de propriété sur la totalité du terrain d'assiette du permis de construire modificatif ; que la S.C.P. P. avait certes convenu, par acte sous seing privé du 27 mai 2020, sous différentes conditions suspensives, de vendre à l'État les locaux dont elle est propriétaire XXXX, moyennant dation en paiement ; que la réalisation des conditions suspensives était prévue comme devant être advenue au 30 octobre 2020 au plus tard, sous peine de caducité de plein droit de la convention ; qu'or, tel n'a pas été le cas ; qu'en particulier, n'a pas été réalisée à la date du 30 octobre 2020 la condition suspensive consistant en la délivrance d'une autorisation de démolir définitive portant sur les immeubles sis XXXX et d'une autorisation de construire définitive sur l'ensemble immobilier dans lequel devaient être situés les biens faisant l'objet d'une dation en paiement ; que cette promesse n'a fait l'objet d'aucun avenant ou décision de prorogation ; qu'elle n'a donné lieu à aucun acte de vente, de sorte qu'elle était caduque à la date du 31 octobre 2020 ; qu'en conséquence, l'Administration des Domaines, représentée par la S.A.M. D., ne disposait pas d'un titre de propriété ou d'un titre l'habilitant à construire sur la totalité du terrain d'assiette de l'immeuble situé XXXX, ni a fortiori à démolir l'immeuble s'y trouvant, faute d'accord de l'un au moins des copropriétaires de l'immeuble, situation que le Ministre d'État ne pouvait ignorer ; que le permis attaqué doit être annulé pour ce motif ; qu'à supposer même que les conditions suspensives aient été réalisées et que la promesse soit devenue effective, seul l'acte notarié est translatif de propriété ; qu'à l'acte authentique, on doit assimiler l'acte authentique administratif passé par devant l'Administrateur des Domaines et revêtu des signatures du Conseiller de Gouvernement – Ministre des Finances et de l'Économie et du Ministre d'État ;
Attendu que la S.C.P. P. soutient, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis modificatif attaqué respecte l'indice de construction qui lui est applicable, compte tenu de la grande hauteur et de la densité des constructions autorisées, sans que puisse être utilement invoquée la dérogation instituée en faveur des constructions réalisées pour le compte de l'État, en vertu de l'article 15.1 du règlement d'urbanisme ; qu'en effet, cette dérogation est entachée d'une illégalité manifeste, parce qu'instituée en méconnaissance du principe d'égalité ; qu'en effet, la seule qualité de personne publique du propriétaire d'un bien immobilier ne saurait caractériser un motif d'intérêt général suffisant pour déroger sans aucune contrepartie aux règles de densité contraignantes applicables aux constructions nouvelles ; que l'arrêté attaqué est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;
Attendu que la S.C.P. P. fait valoir, en dernier lieu, que l'annulation contentieuse d'un permis de construire modificatif, partiellement ou totalement mis en œuvre par son bénéficiaire, place celui-ci dans la situation d'un constructeur qui s'est vu opposer un refus d'autorisation et qui est donc tenu de procéder à la démolition des travaux réalisés en infraction et à la remise en état des lieux ; que le Tribunal Suprême devrait donc enjoindre au maître d'ouvrage ou à son délégataire d'effectuer ces travaux de démolition et de remise en état, en particulier la reconstruction à l'identique du XXXX en son sous-sol, alors même qu'il ne semble pas se reconnaître un tel pouvoir d'injonction, à tout le moins à l'égard de l'Administration ; que subsidiairement, le dispositif de son jugement d'annulation pourrait faire état d'une telle obligation pesant sur la S.A.M. D. ;
Vu les observations, enregistrées au Greffe Général le 20 janvier 2023, par lesquelles la S.A.M. D. conclut au rejet des conclusions à fin d'injonction présentées par la S.C.P. P. et s'en remet à la sagesse du Tribunal Suprême s'agissant des conclusions de la même société tendant à l'annulation de l'arrêté du XXXX ;
Attendu que la S.A.M. D. fait valoir, tout d'abord, que, dans le cadre du Plan national pour le logement des Monégasques mis en œuvre par le Gouvernement Princier, l'État a lancé le 31 janvier 2019 une consultation avec mise en concurrence auprès d'opérateurs spécialisés en vue de l'édification d'un ensemble immobilier dénommé « XXXX » ; que la S.A.M. D. a été classée première de cette consultation et l'État lui a confié l'édification de l'ensemble immobilier ; que l'opération immobilière comprend trois phases : une phase 1 portant, d'une part, sur des propriétés faisant partie du Domaine privé de l'État sises XXXX et, d'autre part, sur des immeubles dont l'État a fait l'acquisition, sises XXXX ; une phase 2 concernant la possibilité de surélévation de l'immeuble domanial « XXXX » ; une phase 3 ayant trait à la possibilité de réalisation d'une opération sur l'emprise foncière des immeubles sis XXXX ; que l'opération de la phase 3 a été ultérieurement intégrée dans l'opération immobilière « XXXX » avec les terrains concernés par la phase 1 ; que l'ensemble immobilier « XXXX » en cours d'édification porte désormais sur la construction de trois bâtiments d'habitation situés sur un socle à usage commercial et tertiaire avec une infrastructure en parking ; qu'il doit comporter XXX logements, dont XXX logements domaniaux ; que l'ensemble des copropriétaires des immeubles XXXX, dont la S.C.P. P., ont consenti à l'État des promesses unilatérales de vente que ce dernier a acceptées ; qu'à la demande de l'État et pour son compte, la S.A.M. D., agissant en qualité de mandataire de l'Administration des Domaines, a sollicité et obtenu plusieurs autorisations de démolir et de construire ;
Attendu que la S.A.M. D. soutient, ensuite, que la demande de remise en état de l'immeuble sis XXXX, présentée par la S.C.P. P., est irrecevable et infondée ; que la démolition de l'immeuble et l'aménagement du terrain ainsi libéré ont été autorisés par un arrêté ministériel du XXXX ; que les cinq pages de cet arrêté ont été affichées sur les lieux au moins à compter du 28 septembre 2020, ainsi qu'en témoigne la photographie annexée au procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 28 septembre 2020 ; que la S.C.P. P. n'a formé aucun recours tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel du XXXX dans le délai qui lui était imparti ; que les travaux de démolition ont été réalisés sur le fondement de cet arrêté ; que, dès lors, la S.C.P. P. est irrecevable et, en tout état de cause, infondée à demander qu'il soit enjoint à la S.A.M. D. de reconstruire à l'identique l'immeuble situé XXXX; que l'annulation de l'arrêté attaqué n'aurait aucune incidence sur l'application de l'autorisation de démolir du XXXX ;
Attendu que la S.A.M. D. estime, plus largement, que l'ensemble des demandes présentées par la S.C.P. P. sont manifestement irrecevables et, en tout état de cause, infondées ; que la S.A.M. D. est intervenue en qualité de mandataire de l'Administration des Domaines ; que le bénéficiaire de l'autorisation attaquée est l'État, maître d'ouvrage du projet immobilier « XXXX » qui constitue une opération domaniale en vue d'édifier des immeubles devant appartenir entièrement à l'État comprenant notamment XXX logements domaniaux et XXX logements privés dans lesquels doivent être logés les copropriétaires des immeubles démolis ; que c'est l'État, en sa qualité de maître d'ouvrage, qui a décidé de l'assiette foncière définitive du programme immobilier domanial « XXXX » en y incluant les immeubles sis XXXX, de l'ampleur dudit programme immobilier et de la date à laquelle devaient être réalisés tant les travaux de démolition que les travaux d'édification de l'ensemble immobilier « XXXX » ; que la S.A.M. D. agit exclusivement suivant les instructions émanant de l'État, maître d'ouvrage ; que, dès lors, à supposer que le Tribunal Suprême se reconnaisse un quelconque pouvoir d'injonction, toute éventuelle injonction ne pourra être délivrée qu'à l'État, maître d'ouvrage du projet immobilier domanial ; que, par ailleurs, l'État est le cocontractant de la S.C.P. P. ainsi qu'il résulte de la promesse unilatérale de vente signée par l'Administrateur des Domaines et la S.C.P. P. le 27 mai 2020 ;
Attendu que la S.A.M. D. ajoute que la demande d'injonction est, en outre, irrecevable et infondée dès lors que ni l'article 90 de la Constitution, ni l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963, ni aucun autre texte ne confère une telle prérogative au Tribunal Suprême ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 20 janvier 2023, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la S.C.P. P. aux entiers dépens ;
Attendu que le Ministre d'État expose que, par arrêté du XXXX, il a autorisé la S.A.M. D. à démolir les immeubles situés XXXX et à réaliser une opération immobilière dénommée « XXXX », comportant trois blocs d'immeuble A, B et C, de type XXXX, à usage principal d'habitations, de commerces et bureaux, de crèche et de parkings ; que le 26 juillet 2021, la société a présenté une demande, complétée et modifiée les 2 et 6 août 2021, 10 et 14 septembre 2021 et 28 mars 2022, tendant à être autorisée à modifier les dispositions intérieures et extérieures autorisées par l'arrêté ministériel du XXXX, en particulier par l'intégration dans le bloc A des immeubles situés XXXX ;
Attendu que le Ministre d'État estime, en premier lieu, que la mesure d'instruction demandée par la S.C.P. P. devra être rejetée ; qu'en effet, il verse aux débats l'arrêté attaqué ainsi que le procès-verbal de la séance du XXXX du comité consultatif qui expose les caractéristiques du projet autorisé ; qu'ainsi, le Tribunal Suprême est en mesure de statuer sur la requête ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en deuxième lieu, que le moyen tiré du défaut de consultation du comité consultatif doit être écarté ; que le procès-verbal de la réunion du comité consultatif, qui comprend la liste des membres présents lors de la séance, démontre également qu'il était régulièrement composé ;
Attendu que le Ministre d'État estime, en troisième lieu, que c'est au regard de l'importance générale du projet initial qu'il doit être apprécié si les modifications apportées à ce projet doivent faire l'objet d'un nouveau permis de construire ou si elles peuvent être autorisées par un permis modificatif ; que la modification d'un projet se traduisant par une augmentation du nombre de logements de XXX à XXX et un accroissement de la surface hors œuvre nette de XXX mètres carrés à XXX mètres carrés a pu être autorisée par un permis modificatif dès lors qu'elle ne remettait en cause ni la conception générale du projet, ni l'implantation des bâtiments, ni leur hauteur (CE, 28 juillet 1999, Société anonyme d'HLM « Le nouveau logis C. L. », n° 182167, au Recueil) ; qu'en l'espèce, le projet initial prévoyait la création de trois blocs d'immeuble de type XXXX, à usage d'habitation, de commerces et bureaux, de crèche et de parkings ; que le projet modificatif prévoit lui aussi la création de trois blocs d'immeuble affectés aux mêmes usages, la modification autorisée ne portant que sur l'augmentation de la hauteur du bloc A (de XXXX à XXXX) ; que l'augmentation du nombre de logements est limitée (de 159 à 218) ; que la surface de la crèche est augmentée de XXX mètres carrés à XXX mètres carrés ; que, compte tenu de l'importance du projet initial, ces modifications pouvaient l'être au moyen d'une autorisation modificative ; qu'au demeurant, l'instruction des demandes d'autorisation de construire modificative sont instruites selon la même procédure que celle des demandes d'autorisation de construire initiale ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en quatrième lieu, que le Tribunal Suprême a jugé que le non-accomplissement de la formalité prévue par l'article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 n'est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire modificatif que « s'il a pu avoir une influence déterminante sur le sens de cette décision » ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ce texte ne peut être retenu s'il résulte de l'instruction que cette méconnaissance n'a pas été de nature à empêcher l'identification des constructions projetées et qu'elle a, par conséquent, été sans influence sur le sens de la décision du Ministre d'État (TS, 15 avril 2011, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « L. R. ») ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de la séance du comité consultatif que l'Administration a parfaitement identifié les modifications sollicitées par le pétitionnaire, de sorte qu'à supposer même que les documents prévus par le dernier alinéa de l'article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 n'aient pas figuré au dossier de demande d'autorisation modificative, l'arrêté attaqué n'est pas illégal ;
Attendu, en cinquième lieu, que selon le Ministre d'État, doit être écarté le moyen tiré de ce que le pétitionnaire ne justifiait pas d'un titre de propriété ou d'une autorisation du propriétaire portant sur l'ensemble du terrain d'assiette du projet ; que, sur le fondement du III de l'article 9 de l'Ordonnance de 1966, le Tribunal Suprême a jugé que l'autorité administrative ne peut légalement se fonder sur une servitude conventionnelle pour refuser une demande d'autorisation d'urbanisme (TS, 15 juin 2009, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « L. R. ») ; que le Conseil d'État a jugé qu'il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur selon laquelle il remplit les conditions lui permettant de déposer une demande de permis (CE, 12 février 2020, Commune de N. V., n° 424608, aux Tables) ; que l'autorité administrative ne peut donc rejeter une demande d'autorisation administrative en se fondant sur la circonstance que le pétitionnaire n'aurait pas la qualité de propriétaire du terrain d'assiette du projet ; qu'en l'espèce, la société requérante ne saurait donc utilement soutenir que le bénéficiaire de l'autorisation accordée n'aurait pas la qualité de propriétaire d'une partie du terrain d'assiette de la construction ; qu'au surplus, depuis la modification du Règlement d'urbanisme en 2018, le pétitionnaire doit faire une déclaration dans le formulaire de demande d'autorisation sur la qualité l'autorisant à solliciter l'autorisation et sur les accords des éventuels ayants droit concernés par les travaux ; qu'en l'espèce, la déclaration dans le formulaire faisait apparaître que le pétitionnaire était autorisé à présenter cette demande, la S.C.P. P. ayant expressément donné son accord à la cession de son bien en signant la promesse de vente ; qu'elle ne s'est d'ailleurs pas opposée, jusqu'à présent, à la réalisation de l'opération ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en sixième lieu, que la dérogation prévue à l'article 15.1 des dispositions générales du Règlement d'urbanisme ne méconnaît pas le principe d'égalité dans la mesure où les constructions qu'elle concerne sont édifiées pour un motif d'intérêt général, ce qui justifie qu'il soit dérogé aux règles de densité applicables aux constructions nouvelles ;
Attendu que le Ministre d'État estime, en dernier lieu, que la demande de remise en état ne pourra qu'être rejetée dès lors que les constructions en cause répondent à un motif d'intérêt général, ce qui justifie que leur destruction ne soit pas ordonnée ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 23 février 2023, par laquelle la S.C.P. P. tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; qu'elle conclut, en outre, à ce qu'il soit enjoint à la S.A.M. D. de produire le contrat de délégation de maîtrise d'ouvrage conclu avec l'État et dans le cadre duquel elle réalise l'opération « XXXX » ;
Attendu que la S.C.P. P. entend préciser, en premier lieu, en réponse à la S.A.M. D., que c'est bien cette dernière qui, en tant que maître d'ouvrage délégué, a présenté la demande de permis de construire modificatif et qui a mis en œuvre le permis de construire qui lui a été ainsi délivré ; que le maître d'ouvrage délégué étant en principe un mandataire, agissant pour le compte de son mandat, ce sont les règles de droit commun du mandat qui trouvent à s'appliquer ; qu'en outre, la société ne saurait utilement se retrancher derrière la circonstance qu'elle aurait agi pour le compte de l'État sans produire le contrat de délégation de maîtrise d'ouvrage qui a nécessairement été conclu ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que la demande d'injonction serait mal dirigée ; qu'en outre, si la jurisprudence actuelle du Tribunal Suprême ne paraît pas avoir consacré la possibilité pour lui de prononcer des injonctions, le rejet des conclusions à fin d'injonction repose toujours sur le rejet des conclusions principales dont elles constituent l'accessoire ; que, par ailleurs, le droit à un procès équitable offrant une voie de recours effective, garanti par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose, en cas d'annulation d'un permis de construire mis en œuvre en tout ou partie avant la décision juridictionnelle, que soit ordonnée la démolition des parties déjà construites ; que c'est le seul moyen d'assurer, dans un délai raisonnable, le respect des dispositions de l'article 1^er de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 ; qu'une telle injonction s'impose d'autant plus que, l'auteur des travaux étant une société agissant pour le compte de l'État, il est peu douteux que les travaux irrégulièrement effectués à compter de l'annulation du permis donnent lieu spontanément à une sommation administrative de démolition et de remise en état ;
Attendu que la S.C.P. P. relève, en deuxième lieu, que le Ministre d'Etat s'est contenté de produire une copie intégrale de l'arrêté attaqué ainsi que le procès-verbal de la séance du XXXX du comité consultatif mais a omis de verser aux débats l'intégralité du dossier de demande de permis de construire modificatif, la privant de la possibilité d'un débat pleinement contradictoire sur la légalité de cet acte ; qu'en tout état de cause, l'irrégularité de la procédure d'instruction du permis de construire modificatif ressort des seules pièces versées aux débats ; qu'en effet, les visas de l'arrêté attaqué mentionnent que la demande a été complétée et modifiée le 28 mars 2022, soit postérieurement à la consultation du comité consultatif intervenue sur le projet le XXXX ; que, par ailleurs, l'Ordonnance n° 1.349 du 30 juin 1956 instituant un comité pour la construction et le logement ne prévoit la participation aux délibérations du comité que des seuls membres effectivement présents, sans instituer la possibilité d'une participation en distanciel ; que, pourtant, le procès-verbal de la séance du XXXX fait état d'une participation de cinq membres du comité en visioconférence, ce qui entache la procédure d'instruction du permis de construire d'irrégularité ;
Attendu que la S.C.P. P. ajoute, en troisième lieu, que le Ministre d'État ne conteste pas sérieusement que l'arrêté attaqué doive s'analyser en un nouveau permis de construire et non en un permis de construire modificatif ; qu'en outre, le terrain d'assiette des projets autorisés par les deux arrêtés ne sont pas identiques ; que l'augmentation du nombre de logements, de plus de 37 %, ne peut être regardée comme limitée ;
Attendu, en quatrième lieu, que, selon la S.C.P. P., le comité consultatif a relevé l'absence d'un certain nombre de plans et précisions dont il n'est pas établi qu'ils aient été ensuite fournis ;
Attendu que la S.C.P. P. soutient, en cinquième lieu, que la jurisprudence du Conseil d'État dont se prévaut le Ministre d'État concernant l'absence de justificatif de titre de propriété n'est pas transposable en droit monégasque ; qu'elle est, en effet, fondée sur des dispositions du droit français qui prévoient une simple attestation du pétitionnaire alors que dans l'état antérieur de ce droit, le pétitionnaire devait justifier d'un titre l'habilitant à construire ; que, dans cet état du droit français, le Conseil d'État a jugé que des pétitionnaires qui n'étaient pas propriétaires du terrain sur lequel ils entendaient construire et avaient seulement souscrit une promesse d'achat ne constituant pas un titre les habilitant à construire, avaient induit en erreur l'Administration en se présentant comme propriétaires (CE, 10 octobre 1990, n° 86379, aux Tables) ; qu'à l'instar de l'état antérieur du droit français, le droit monégasque prévoit que le demandeur doit produire un justificatif de propriété, c'est-à-dire un acte authentique notarié ou administratif par assimilation et non une promesse de vente sous seing privé ; que l'exigence de production d'un justificatif de propriété impose un minimum de contrôle du service instructeur sur la qualité pour présenter une demande de permis de construire ; que la demande ne peut être régulièrement présentée et le permis légalement délivré qu'au bénéfice d'une personne justifiant d'un titre de propriété, conformément aux prescriptions de l'article 2 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966, du point IV de son annexe n° 1 et de son annexe n° 4, ce dernier document mentionnant, comme justificatif de propriété, un acte notarié attestant que le signataire des plans est propriétaire de l'immeuble ou des terrains ; qu'en l'espèce, dès lors que la promesse de vente consentie par la S.C.P. P. n'a pas été réitérée dans un acte authentique de vente avant l'expiration du terme qu'elle comportait, elle était caduque lorsque le permis de construire modificatif a été délivré ; que le comité a relevé que le dossier ne comportait pas l'attestation certifiant que l'Administration des Domaines était bien propriétaire des immeubles et des droits accessoires ; que l'arrêté attaqué est ainsi incontestablement entaché d'illégalité ;
Attendu que la S.C.P. P. fait valoir, en dernier lieu, que l'intérêt général s'attachant à la réalisation de logements domaniaux et spécialement de l'ensemble immobilier « XXXX » n'est pas suffisant pour justifier une dérogation à l'indice de construction, dispensant ainsi du paiement de la contrepartie financière d'un montant très important en application des lignes directrices rendues publiques le 11 février 2014 par le Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l'Économie ; que le Tribunal Suprême a déjà, pour annuler des actes administratifs en matière d'urbanisme, estimé qu'une dérogation méconnaissait le principe d'égalité (TS, 31 janvier 1975, Sieur G. R. W.) ; qu'ainsi, la mise en œuvre de dérogations en matière d'urbanisme doit être effectuée dans le respect du principe d'égalité ; qu'en droit français, la fourniture par une personne publique de logements à un prix modéré ne justifie pas, à elle seule, l'application à de tels logements d'un régime juridique exorbitant du droit commun (CE, 23 février 1979, Vildart) ;
Vu les observations, enregistrées au Greffe Général le 9 mars 2023, par lesquelles la S.A.M. D. conclut au rejet des différentes conclusions à fin d'injonction présentées par la S.C.P. P. dans sa requête et dans son mémoire en réplique, s'en remet à la sagesse du Tribunal Suprême s'agissant des conclusions de la même société tendant à l'annulation de l'arrêté du XXXX et demande la condamnation de la S.C.P. P. à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Attendu que la S.A.M. D. estime, en premier lieu, que les demandes formulées par la S.C.P. P. à son encontre revêtent un caractère délibérément vexatoire ; que la S.C.P. P. est un cocontractant de l'État qui a parfaitement connaissance du fait que la démolition de l'immeuble sis XXXX a été autorisée par un arrêté du XXXX qu'elle n'a pas attaqué ; que, dès lors, le maintien d'une demande de reconstruction à l'identique de l'immeuble du XXXX présente un caractère abusif et vexatoire ; que la circonstance, invoquée par la S.C.P. P., que la S.A.M. D. aurait commis une faute en sa qualité de mandataire de l'État est inopérante dans le cadre d'un recours en annulation pour excès de pouvoir d'un permis de construire modificatif ; qu'en l'espèce, c'est bien l'Administration des Domaines qui est charge d'assurer la maîtrise foncière de l'opération domaniale dénommée « XXXX », la S.A.M. D. ayant agi conformément aux instructions de l'État ; qu'elle n'a jamais été informée par l'Administration des Domaines que l'État n'aurait pas eu, le cas échéant, la totalité de la maîtrise foncière de l'assiette du projet ; qu'en outre, l'article 1^er de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 dont se prévaut la S.C.P. P. précise bien que la remise en état est assurée aux frais du propriétaire ; que toute demande de remise en état, indépendamment de son irrecevabilité, ne pouvait donc qu'être formée à l'encontre de l'État, maître d'ouvrage et propriétaire et non à l'encontre de la S.A.M. D., chargée de la réalisation des travaux ;
Attendu que la S.A.M. D. fait valoir, en second lieu, que la demande de la S.C.P. P. tendant à la communication de la convention signée entre l'État et l'entreprise chargée de la réalisation de l'ensemble immobilier est totalement étrangère au présent litige portant sur la légalité d'un permis de construire modificatif ; que le fait de demander à la S.A.M. D. et non à l'État la production de cette convention traduit l'intention manifeste de lui nuire ; qu'il n'appartient qu'à l'État de communiquer un tel document ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 27 mars 2023, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Ministre d'État ajoute, en premier lieu, d'une part, que l'article 7 de l'Ordonnance n° 3.647 du 9 septembre 1966 n'impose pas que le comité consultatif soit consulté sur toute modification d'une demande d'autorisation de construire sur laquelle il s'est déjà prononcé ; qu'ainsi, l'autorisation modificative pouvait faire l'objet d'une modification le 28 mars 2022 sans que le comité dût se prononcer à nouveau sur des éléments purement techniques ; que, d'autre part, aucun texte ne fait obstacle à ce qu'une partie des membres du comité consultatif participe à une séance du comité en visioconférence ; qu'en toute hypothèse, le non-accomplissement d'une formalité prévue par un texte n'est de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée que s'il a pu avoir une influence déterminante sur le sens de la décision ; que les irrégularités invoquées par la requérante, à les supposer établies, ne sauraient justifier l'annulation de l'arrêté attaqué, à défaut pour elle d'établir qu'elles ont pu avoir une influence déterminante sur le sens de cet arrêté ;
Attendu, en deuxième lieu, que, selon le Ministre d'État, la circonstance que le nombre de logements créés a été augmenté de 37 % ne suffit pas à justifier que la demande aurait dû donner lieu à une autorisation de construire et non à une autorisation de construire modificative ; qu'en outre, le nombre de blocs créés ne change pas et les modifications résultant de l'arrêté attaqué présentent, au regard de l'ensemble du projet, un caractère mineur ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 ne peut être retenu s'il résulte de l'instruction que cette méconnaissance n'a pas été de nature à empêcher l'identification des constructions projetées, de sorte qu'elle s'est avérée sans influence sur le sens de la décision du Ministre d'État ; qu'or, il ressort du procès-verbal de la séance du comité consultatif que l'absence de certains documents au dossier n'a pas fait obstacle à ce que les modifications sollicitées par le pétitionnaire soient identifiées par l'Administration ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'Ordonnance du 9 septembre 1966 n'est donc pas fondé ;
Attendu que le Ministre d'État relève, en quatrième lieu, que dans l'état antérieur du droit français, le Conseil d'État jugeait que le bénéficiaire d'une promesse de vente devait être considéré comme possédant un titre l'habilitant à construire sur le terrain en cause (CE, 23 février 2017, SCI l'E., n° 390131) ; que l'autorité administrative ne peut donc refuser une demande d'autorisation de construire en se fondant sur la circonstance que le pétitionnaire n'aurait pas la qualité de propriétaire du terrain, qu'elle n'a pas qualité pour apprécier, dès lors qu'il déclare être autorisé à solliciter l'autorisation qu'il demande ; que tel est le cas en particulier lorsqu'il se prévaut d'une promesse de vente à son profit, comme en l'espèce ;
Attendu que le Ministre d'État estime, en dernier lieu, que le Conseil d'État s'est borné à juger, dans la décision du 23 février 1979 invoquée par la S.C.P. P., que les logements appartenant à un office public d'habitation à loyer modéré ne relevaient pas, en tant que tels, du domaine public, ce qui ne signifie pas que le principe d'égalité s'opposerait à ce que des dispositions réglementaires prévoient que les constructions réalisées par ou pour le compte de l'État échappent à l'indice de construction de référence, en raison de leur caractère d'intérêt général ; qu'en toute hypothèse, l'édification des constructions qu'elle concerne pour un motif d'intérêt général exclut que cette dérogation puisse méconnaître le principe d'égalité ;
Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 5 mai 2023, par lequel la S.C.P. P. entend, en application des dispositions de l'article 27 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963, se désister de son recours ; qu'elle demande au Tribunal Suprême de lui donner acte de ce désistement et de laisser à la charge de chaque partie les frais et dépens qu'elle a exposés ;
Attendu que la S.C.P. P. précise qu'un accord est intervenu entre elle, l'État et la S.A.M. D. de sorte qu'elle n'entend pas maintenir sa demande ;
Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 5 mai 2023, par lequel le Ministre d'État accepte le désistement de la S.C.P. P. et demande au Tribunal Suprême d'en donner acte ;
Vu le mémoire, enregistré au Greffe Général le 5 mai 2023, par lequel la S.A.M. D. accepte le désistement de la S.C.P. P. ; qu'elle demande au Tribunal Suprême d'en donner acte et de laisser à la charge de chaque partie les frais et dépens qu'elle a exposés ;
SUR CE,
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance du 18 novembre 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Didier RIBES, Vice-président, comme rapporteur ;
Vu l'Ordonnance de soit-communiqué du 22 novembre 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a ordonné la communication de la procédure à la S.A.M. D. ;
Vu la décision du 16 février 2023 par laquelle le Tribunal Suprême a rejeté la demande de la S.A.M. D. tendant à la récusation de Monsieur Didier LINOTTE dans la présente procédure ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 4 avril 2023 ;
Vu l'Ordonnance du 4 avril 2023, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 10 mai 2023 ;
Ouï Monsieur Didier RIBES, Vice-président du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Sarah FILIPPI, Avocat-Défenseur, pour la S.C.P. P. ;
Ouï Maître Jacques MOLINIe, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;
Ouï Maître Charles LECUYER, Avocat-Défenseur, pour la S.A.M. D. ;
Ouï Madame le Premier Substitut en ses conclusions tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement de la S.C.P. P. ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
Motifs
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
1. Considérant que la S.C.P. P. a formé un recours en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 20 septembre 2022 portant permis de construire modificatif ayant pour objet d'autoriser l'intégration dans le bloc A de l'opération immobilière « XXXX » des immeubles situés XXXX ; que par un mémoire enregistré au Greffe Général le 5 mai 2023, elle a déclaré se désister de ce recours ;
2. Considérant que le Ministre d'État et la S.A.M. D. déclarent ne pas s'opposer à ce désistement ; que le désistement est pur et simple ; qu'il y a lieu d'en donner acte ;
Dispositif
DÉCIDE :
Article 1er
Il est donné acte du désistement de la S.C.P. P.
Article 2
Les dépens sont partagés par moitié entre l'État et la S.C.P. P.
Article 3
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Composition
Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Vice-président, rapporteur, Philippe BLACHER, Stéphane BRACONNIER, Membres titulaires, et Guillaume DRAGO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Membre suppléant, et prononcé le vingt-trois mai deux mille vingt-trois en présence du Ministère public, par Monsieur Didier RIBES, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.
Le Greffier en Chef, Le Vice-Président,
par délégation du Président.
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