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18/06/2024 | MONACO | N°TS/2023-23

Monaco | Tribunal Suprême, 18 juin 2024, g. B. c/ L'État de Monaco, TS/2023-23


Abstract

Expert-comptable - Autorisation d'exercice - Conditions - Candidatures excédant le nombre d'autorisations - Départage des candidatures - Rejet d'une candidature - Erreur manifeste d'appréciation (non)

Résumé

Selon l'article 1er de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 relative aux professions d'expert-comptable et comptable agréé, l'exercice de ces professions est subordonné à une autorisation administrative, délivrée par arrêté ministériel. Selon l'article 4 de la même loi le nombre maximal des experts-comptables autorisés à exercer à Monaco est f

ixé par Ordonnance Souveraine prise après avis du Conseil de l'Ordre des experts-com...

Abstract

Expert-comptable - Autorisation d'exercice - Conditions - Candidatures excédant le nombre d'autorisations - Départage des candidatures - Rejet d'une candidature - Erreur manifeste d'appréciation (non)

Résumé

Selon l'article 1er de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 relative aux professions d'expert-comptable et comptable agréé, l'exercice de ces professions est subordonné à une autorisation administrative, délivrée par arrêté ministériel. Selon l'article 4 de la même loi le nombre maximal des experts-comptables autorisés à exercer à Monaco est fixé par Ordonnance Souveraine prise après avis du Conseil de l'Ordre des experts-comptables agréés. Aux termes de l'article 5 de la même loi : « Peuvent seules être autorisées à exercer la profession d'expert-comptable les personnes réunissant les conditions suivantes : 1° être de nationalité monégasque ou justifier d'attaches sérieuses avec la Principauté et y avoir son domicile ; 2° jouir de ses droits civils ; 3° offrir toutes garanties de moralité professionnelle ; 4° être titulaire d'un diplôme d'expert-comptable. L'autorisation n'est accordée qu'après avis motivé du Conseil de l'Ordre, lequel se prononce notamment sur la valeur du diplôme dont Je demandeur est titulaire. »;

Il appartient au Ministre d'État de s'appuyer sur les lignes directrices énumérées dans la lettre du 19 mai 2005 du Conseiller de gouvernement-ministre de l'Économie et des Finances afin de départager les candidatures, s'il apparaît, dans l'instruction des demandes, que les candidatures remplissant les conditions légales définies par l'article 5 précité excèdent le nombre d'autorisations. Lorsque l'autorité compétente entend appliquer ces lignes directrices, elle ne peut légalement le faire qu'en respectant le principe d'impartialité dans l'appréciation particulière de chaque situation.

En l'espèce, plusieurs candidats remplissaient les conditions définies par l'article 5 précité. Dès lors le Ministre d'État s'est appuyé dans l'instruction des demandes sur les lignes directrices de différenciation susmentionnées. Il résulte des pièces du dossier que M. I. a sollicité sa radiation afin que Mme a. A. lui succède et qu'elle reprenne tout ou partie de sa clientèle. Ainsi, Mme a. A. bénéficie du parrainage d'un expert-comptable au sens des lignes directrices qui prévoient « la reprise ou intégration dans un cabinet existant » et « l'association avec projet de reprise et parrainage du titulaire ». Dans ces conditions, en estimant qu'elle remplissait, contrairement à M. B., les conditions fixées par les lignes directrices, le Ministre d'État n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en autorisant Mme A. à exercer la profession d'expert-comptable.

TRIBUNAL SUPRÊME

TS 2023-23

Affaire :

* g.B

Contre :

* État de Monaco

DÉCISION

Audience du 7 juin 2024

Lecture du 18 juin 2024

Recours en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 janvier 2023 autorisant a.A à exercer la profession d'expert-comptable à Monaco, ensemble du refus implicite qui a été opposé par cette même décision à g.B, ensemble à nouveau du rejet du recours exercé par g.B contre la décision du 3 mars 2023.

En la cause de :

* g.B, né le jma à Naples, de nationalité italienne, demeurant X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître André BONNET, avocat au Barreau de la Drôme (France) ;

Contre :

* L'ÉTAT DE MONACO représenté par le Ministre d'État, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître François MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

Visa

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par g.B enregistrée au Greffe Général le 10 août 2023, sous le numéro TS 2023-23, tendant, d'une part, à annuler pour excès de pouvoir l'arrêté ministériel du 3 janvier 2023 autorisant a.A à exercer la profession d'expert-comptable à Monaco, ensemble le refus implicite qui a été opposé par cette même décision à g.B, ensemble à nouveau le rejet du recours exercé par g.B contre la décision du 3 mars 2023 ; d'autre part, à condamner l'État de Monaco, solidairement avec l'Ordre des experts-comptables, au paiement d'une somme de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral, ainsi qu'aux entiers dépens ;

CE FAIRE :

Attendu que g.B expose être domicilié et établi en Principauté de Monaco depuis plus de quinze ans avec sa famille et titulaire de la carte de résident privilégié ; que ses enfants y poursuivent leur scolarité et que sa dernière fille est née à Monaco ; qu'il est inscrit à l'Ordre des experts-comptables de Naples depuis le 18 octobre 2000 et qu'il travaille depuis 2007 en Principauté de Monaco ; qu'il a occupé, depuis 2010, des fonctions de directeur de cabinet au sein du cabinet d'expertise H. et associés et a été autorisé, le 5 juin 2014, à exercer à Monaco la profession de conseil en entreprise ; que ces activités connaissent une dimension internationale puisqu'il est membre officiel des experts-comptables de l'ICAEW au Royaume-Uni et inscrit en Australie, au Zimbabwe et en Afrique du Sud au sein des ordres d'experts-comptables de ces pays ; qu'en outre, g.B est fortement impliqué dans la vie économique et sociale de la Principauté de Monaco, membre de plusieurs associations et autorisé à exercer en tant que Consul honoraire par Ordonnance n° 7.460 du 14 mai 2019 ; que, depuis le 25 novembre 2010, il a sollicité l'autorisation d'exercer son activité d'expert-comptable à Monaco en demandant à être inscrit au tableau de cet Ordre ; que cette demande est régulièrement réitérée ; qu'il a pris connaissance, le 6 janvier 2023, de la publication au Journal de Monaco de trois nominations à la date du 3 janvier 2023 ; que, s'il ne conteste pas les nominations de Mesdames F et E, dont le bien-fondé est indiscutable en raison de leur qualité de monégasque, celle de a. A, à l'encontre de qui g.B ne nourrit aucune animosité, a été décidée à la suite d'une procédure entachée d'irrégularité ; qu'il conteste l'arrêté ministériel n° 2022-733 du 3 janvier 2023 autorisant a. A à exercer la profession d'expert-comptable ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête, g.B soutient, en premier lieu, que l'arrêté ministériel attaqué a été adopté selon une procédure irrégulière en raison de l'absence d'un avis motivé du Conseil de l'Ordre au dossier de la délibération du Conseil du Gouvernement du 14 décembre 2022 ; qu'il résulte, tant du deuxième alinéa de l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 relative aux professions d'expert-comptable et de comptable agréé que de la décision du Tribunal Suprême n° 2019-08 du 13 octobre 2020, que l'autorisation ministérielle d'exercer la profession d'expert-comptable doit être rendue après un avis motivé du Conseil de l'Ordre sur l'ensemble des candidatures enregistrées et que cet avis doit être transmis au candidat évincé en cas de contentieux ou, à tout le moins, au Tribunal Suprême ; qu'en l'état des pièces connues, le requérant conteste l'existence de cet avis et qu'il en sollicite la production ;

Attendu que g.B fait valoir, en second lieu, qu'à supposer que le Conseil de l'Ordre ait rendu régulièrement son avis, le président actuel de ce Conseil, qui dirige le cabinet H. dans lequel travaille a.A, ne pouvait pas siéger tant il était intéressé à la décision en cause ; que le Tribunal Suprême a, par sa décision n° 2017-13 et n° 2018-01 du 19 juin 2018, considéré que la participation du président du Conseil de l'Ordre aux délibérations ayant conduit à la nomination d'un candidat entachait d'irrégularité la procédure pour défaut d'impartialité lorsque ce même président était intéressé à la décision en cause ; qu'il est constant que a.A est salariée de longue date du cabinet H. dirigé par M. G. et qu'il est de l'intérêt pratique et financier de ce cabinet de disposer d'un expert-comptable supplémentaire inscrit en Principauté ;

Attendu que g.B soutient, en troisième lieu, que l'officialisation de trois départs en retraite, dont deux membres de l'Ordre qui en avaient émis l'intention dès 2021-2022, et l'inscription, le même jour, de trois nouvelles demandes suscitent la perplexité ; qu'il est probable que les départs en retraite de ces deux des membres de l'Ordre aient été repoussés afin de permettre à a.A de remplir la condition de résidence en Principauté de Monaco ;

Attendu que g.B prétend, en quatrième lieu, et à titre subsidiaire, que le dossier sur la base duquel a été prise la décision attaquée était irrégulièrement composé, a.A ne pouvant se prévaloir d'une « reprise de cabinet » ou d'une « association avec reprise de cabinet » par référence aux « lignes directrices » du 19 mai 2015 relatives aux critères complémentaires possibles de classement des candidatures ; qu'en réalité, a.A n'envisageait que de reprendre trois mandats de commissariat au compte, lesquels étaient, de notoriété, déjà cédés antérieurement au cabinet H. par leur titulaire, M. I. ;

Attendu qu'au titre de la légalité interne, g.B soutient, en premier lieu, que a.A ne remplit pas la condition fixée par le 1° de l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 qui dispose que « Peuvent seules être autorisées à exercer la profession d'expert-comptable les personnes réunissant les conditions suivantes : 1° - être de nationalité monégasque ou justifier d'attaches sérieuses avec la Principauté et y avoir son domicile ; (…) » ; que la notion d' « attaches sérieuses » implique une participation personnelle à la vie de la Principauté de Monaco et qu'elle ne se limite pas à une simple domiciliation ; que a.A, qui n'est domiciliée que depuis quelques mois à Monaco, ne justifie d'aucune participation, en dehors de son emploi, à la vie de la cité de la Principauté de Monaco ; qu'il semble avéré que le différé dans le temps pour l'accueil des départs en retraite a eu pour objet, au moins pour partie, de laisser à a.A de justifier de quelques mois de domiciliation effective en Principauté de Monaco pour prétendre remplir cette condition légale ; qu'il en résulte un détournement de procédure de nature à entraîner, à lui-seul, la décision attaquée ;

Attendu que g.B soutient, en deuxième lieu, qu'en s'appuyant sur les « lignes directrices » de 2015 pour départager sa candidature et celle de a.A, le Gouvernement a commis une illégalité dans la mesure où le recours aux « lignes directrices » ne peut-être que subsidiaire, ainsi que l'a jugé le Tribunal Suprême dans sa décision du 19 juin 2018 ; que dans le cas présent, seul g.B remplit les conditions posées par la loi, ce qui n'est pas le cas de a.A, qui ne justifie pas d' « attaches sérieuses » avec la Principauté de Monaco ; que, dans ces conditions, l'administration était tenue, pour départager les deux candidats, de constater que seul g.B remplissait les deux conditions énoncées par le 1° de l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 ; que le recours à ces « lignes directrices » équivaut, pour le ministre signataire, à se substituer au législateur et à poser une condition nouvelle par rapport à la loi ; que cette invocation manifeste une erreur de droit ; qu'en tout état de cause, a.A ne remplit pas trois des critères retenus par les « lignes directrices », à savoir « justifier d'attaches sérieuses avec la Principauté », se trouver « en association avec le projet de reprise et parrainage du titulaire » et assurer « la reprise ou intégration dans un cabinet existant » ; que, lors d'entretiens, organisés les 24 et 27 février 2023, entre g.B, M. G., président du conseil de l'Ordre, et Mme D, Commissaire du Gouvernement, aucune objection sérieuse n'est venue infirmer ces allégations ;

Attendu que g.B soutient, en troisième lieu, à titre infiniment subsidiaire, que la circonstance qu'une ancienne employée du président du Conseil de l'Ordre obtienne, de façon impromptue, une autorisation d'exercer la profession d'expert-comptable en Principauté de Monaco fait naître un doute légitime sur la légalité la décision ;

Attendu que g.B présente, en dernier lieu, une demande indemnitaire qui se compose d'un préjudice financier, fondé sur une estimation de perte de chance d'un montant net de 10.000 euros mensuel et liée à l'absence d'inscription au tableau, d'un préjudice moral et de notoriété, estimé à 50.000 euros ; qu'il est ainsi demandé au Tribunal Suprême de prendre en considération le nombre d'années d'attente du requérant et qu'il soit fait droit à sa demande à hauteur d'une somme qu'il estime à 130.000 euros, fixée au 31 août 2023, et à parfaire à la date à laquelle la décision du Tribunal Suprême sera rendue, le tout avec intérêts à compter de la date d'introduction du présent recours et capitalisation ensuite de ces intérêts année par année ;

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 10 octobre 2023, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, que le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure adoptée pour prendre l'arrêté ministériel attaqué doit être écarté ; que cet arrêté ministériel a été adopté au vu de la délibération du Conseil de Gouvernement du 14 décembre 2022, laquelle est intervenue après que le Conseil de l'Ordre des experts-comptables a émis un avis conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 ; qu'un extrait du compte-rendu de la réunion du Conseil de l'Ordre du 4 novembre 2022, au cours de laquelle cet avis a été émis, est versé aux débats ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la présence du président du conseil de l'Ordre, qui dirige le cabinet dans lequel a.A est employée, lors de la réunion visant à départager les candidats manque en fait ; qu'il ressort du compte-rendu de la réunion du 4 novembre 2022 que le président de l'Ordre s'est abstenu de participer aux débats, au motif qu'il était « en relation professionnelle avec deux candidates » et que la séance a été présidée par le vice-président de l'Ordre ;

Attendu que le Ministre d'État estime, en troisième lieu, que les allégations du requérant selon lesquelles les départs en retraite auraient été repoussés afin de permettre à a.A de remplir la condition de résidente monégasque ne sont pas corroborées en fait ; que les experts-comptables qui ont cessé leur activité ont eux-mêmes demandé que leur radiation interviennent respectivement les 1er juillet, 31 octobre et 31 décembre 2022 ; qu'ils n'ont informé l'Ordre des experts-comptables de leur volonté de prendre leur retraite qu'à la fin de l'année 2021 ; que les décisions prises sur ces demandes n'ont donc pas été différées dans le temps ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en quatrième lieu, que a.A n'a pas fondé sa candidature sur la reprise d'un cabinet ou sur une association avec projet de reprise de cabinet, mais sur un projet de reprise de clientèle au sein du cabinet dans lequel elle exerce son activité depuis plus de quinze ans ; que la double circonstance, à la supposer établie, que le projet de reprise n'aurait concerné que trois mandats de commissariat aux comptes et que ces mandats auraient été transmis antérieurement au cabinet H. est inopérante, le nombre de mandats repris ne préjugeant pas de leur importance et l'attribution de ces mandats au cabinet H. ne faisant pas obstacle à ce qu'ils fussent repris par a.A ;

Attendu que le Ministre d'État considère, au titre de la légalité interne, que a.A remplit l'ensemble des conditions prévues pour candidater en vue d'une inscription sur le tableau de l'Ordre des experts-comptables ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000, ces conditions sont les suivantes « 1° être de nationalité monégasque ou justifier d'attaches sérieuses avec la Principauté et y avoir son domicile ; 2° jouir de ses droits civils ; 3° offrir toutes garanties de moralité professionnelle ; 4° être titulaire d'un diplôme d'expert-comptable » ; que, par ailleurs, des lignes directrices ont été définies le 19 mai 2015 afin de différencier les demandes remplissant les conditions légales ; que ces lignes directrices correspondent à « - des attaches monégasques sérieuses ; - travail en cabinet (Monaco) récent sur une période de trois à cinq ans précédant la demande ; - reprise ou réintégration dans un cabinet existant ; - association avec projet de reprise et parrainage du titulaire » ; qu'au cas présent, la candidature de a.A satisfait à l'ensemble de ces conditions ; qu'en particulier, elle justifiait d'« attaches sérieuses » avec la Principauté de Monaco ; qu'elle est résidente monégasque, y exerce une activité professionnelle depuis plus de quinze ans au sein d'un important cabinet, qu'elle mène un projet de reprise de clientèle au sein de ce cabinet et qu'elle possède, par ailleurs, une expérience précieuse pour la Principauté de Monaco dans le domaine de l'audit des comptes de banques et de sociétés de gestion ; que l'appréciation portée sur sa candidature n'est donc entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Attendu que le Ministre d'État ajoute, au titre de la légalité interne, qu'aucune erreur de droit n'entache l'Arrêté-Ministériel attaqué ; que contrairement aux prétentions du requérant, qui estimait que lui seul remplissait les conditions prévues par l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000, a.A remplissait elle-aussi ces conditions, de sorte que l'exposant devait avoir recours aux lignes directrices pour départager les candidats ;

Attendu, par ailleurs, que le Ministre d'État rappelle que le recours aux lignes directrices n'est pas illégal puisque, comme l'a jugé le Tribunal Suprême dans sa décision n°2017-13 et 2018-01 du 19 juin 2018, en présence de deux ou plusieurs candidats qui remplissent les conditions légales posées par l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000, l'Administration est tenue de recourir aux lignes directrices pour départager les candidatures lorsque leur nombre excède celui des autorisations disponibles ;

Attendu que le Ministre d'État fait également valoir que g.B, contrairement à a.A, ne peut se prévaloir d'aucun projet de reprise, d'intégration ou d'association dans un cabinet existant ; que s'il dispose d'attaches monégasques sérieuses et exerce, en tant qu'exploitant individuel depuis plus de dix ans en Principauté de Monaco, il ne remplit pas, contrairement à a.A, tous les critères fixés par les lignes directrices ;

Attendu, enfin, que le Ministre d'État rappelle que la circonstance qu'un expert-comptable exerce son activité dans le cabinet dirigé par le président de l'Ordre ne saurait faire obstacle à la délivrance d'une autorisation d'exercice à son profit, sous peine de méconnaître le principe d'égalité ;

Attendu que le Ministre d'État conclut au rejet de l'ensemble des demandes indemnitaires du requérant qui ne pourront qu'être rejetées, par voie de conséquence du rejet de sa demande d'annulation ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 9 novembre 2023, par laquelle g.B tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu que le requérant ajoute que l'examen du procès-verbal du Conseil de l'Ordre versé aux débats en contre-requête confirme les irrégularités de la procédure suivie ; que ce document révèle notamment que dès 2021, soit avant la libération des places intervenues au 1er juillet 2022, le Conseil de l'Ordre avait écarté sa candidature au motif, calomnieux, tiré de son incapacité prétendue à « se conformer aux obligations et codes de la profession » ; qu'en dépit de ses demandes de rencontre avec le président de l'Ordre afin d'exposer sa volonté de candidater, g.B n'a jamais été entendu ; qu'il n'a pas été ainsi en mesure de démontrer le caractère inexact et diffamatoire des imputations tenues à son encontre ; qu'en omettant ou écartant les pièces relatives aux compétences certaines de g.B, les membres du Conseil de l'Ordre ont procédé à un « sabotage » de sa candidature ; qu'à l'inverse, les candidats finalement retenus ont pu bénéficier d'un entretien officiel ; qu'ainsi ni la loi du 12 juillet 2000 ni le principe général d'égalité entre des candidats à une profession règlementée ni le droit au contradictoire en cas d'accusations graves contre l'un des candidats n'ont été respectés ;

Attendu que, le requérant souligne, en deuxième lieu, que la lecture du même procès-verbal révèle une grave erreur de droit ; qu'il apparaît, en page 2 du procès-verbal de la réunion du Conseil de l'Ordre du 4 novembre 2022, que deux des candidats retenus d'emblée l'ont été parce qu'ils remplissaient « les conditions légales pour bénéficier d'une autorisation » alors même que d'autres candidats respectaient tout autant ces « conditions légales », notamment a.A et g.B ; que l'erreur de droit tient au fait qu'alors que l'article 5 de la loi place à égalité les candidats « de nationalité monégasque » et ceux « qui justifient d'attaches sérieuses avec la Principauté et y avoir [leur] domicile », le Conseil de l'Ordre s'arrête explicitement à la seule nationalité pour en déduire un droit immédiat à la nomination, et le Conseil de Gouvernement de même à sa suite ; que la découverte, à la lecture du procès-verbal versé au débat, de cette erreur de droit remet nécessairement en cause l'ensemble de la procédure, y compris en ce qui concerne le requérant ; qu'il résulte de cette erreur de droit que la comparaison des mérites s'est faite non pas pour chacun des trois postes vacants mais pour un seul d'entre eux ; qu'en outre, l'État n'a disposé, au titre du procès-verbal motivé requis par la loi, d'aucune indication quant aux mérites des deux premières candidates nommées, en dehors de la mention de leur nationalité monégasque ; que, dès lors que plusieurs candidats remplissaient les conditions légales, que ce soit au titre de la nationalité ou des attaches sérieuses, le Conseil de l'Ordre devait examiner et vérifier, pour les deux candidates finalement nommées, le respect des lignes directrices, et écarter par suite ces dernières, ce qui aurait libéré deux postes pour les deux autres candidats, en dehors de a.A ;

Attendu que le requérant soutient, en troisième lieu, qu'en réponse à la saisine de Mme le Haut-Commissaire à la protection des droits, un courrier officiel du Ministre du 23 juin 2023, informe que la raison du refus d'autorisation résultait de ce que g.B ne justifiait pas « la reprise ou l'intégration d'un cabinet existant », et pas davantage « l'association avec projet de reprise et parrainage du titulaire », ce qui correspond aux deux derniers critères des lignes directrices ; que ces éléments, indiqués par le ministre en réponse à Mme le Haut-Commissaire, sont sans aucun rapport avec le contenu du procès-verbal du 4 novembre 2022 ; que l'État était censé disposer de ce procès-verbal pour prendre la décision du 14 décembre 2022 dans la mesure où la décision de l'État ne peut intervenir que sur proposition motivée du Conseil de l'Ordre ; qu'il y a, dans ces conditions, des raisons de penser que l'État n'a eu communication du procès-verbal du 4 novembre 2022 que dans le cadre de l'instruction de la présente affaire, rien n'expliquant l'absence complète de correspondance entre les raisons avancées en juin 2023 et celles opposées dans le procès-verbal contre la candidature de g.B ;

Attendu que le requérant persiste, en quatrième lieu, dans son moyen visant à contester le fait que a.A remplisse le critère sur la « reprise de clientèle » ; qu'il convient, à l'État ou à l'Ordre, de prouver la réalité de cette « reprise de clientèle » ayant permis à l'Ordre de constater que a.A remplissait les conditions posées par les lignes directrices ; qu'en outre, la qualité de résidente monégasque de a.A est récente et qu'il est nécessaire, pour appréhender la chronologie entre la prise de domicile et la reprise de clientèle projetée, de connaître avec précision sa date d'installation en Principauté de Monaco ;

Attendu que g.B conteste, ensuite, le défaut de motivation de l'avis rendu par le Conseil de l'Ordre au motif qu'il ne précise rien sur le respect des lignes directrices par les deux candidates « immédiatement nommées », alors que d'autres candidats remplissaient, selon cet avis, les conditions posées par la loi et que cette « égalité » rendait nécessaire le recours aux « lignes directrices » ; que l'avis est, également, muet sur la qualité de résidente de a.A et sur la consistance de la reprise de clientèle fondant sa candidature ; que l'avis évoque un motif diffamatoire et sans rapport avec les conditions posées par la loi et par les lignes directrices pour écarter la candidature de g.B ; qu'ainsi, le pouvoir de proposition du conseil de l'Ordre est entaché de graves irrégularités ;

Attendu que le requérant émet, par ailleurs, des doutes sur le déport du président du Conseil de l'Ordre, M. G. ayant signé la totalité du procès-verbal du 4 novembre 2022 ;

Attendu que le requérant maintient ses conclusions et moyens en ce qui concerne les vices d'illégalité interne ; qu'il ajoute, au titre des nouveaux moyens, que la compétence de a.A en matière bancaire n'est visée à aucun moment par la loi ou par les lignes directrices ; que la « reprise de clientèle » ne figure pas non plus au nombre des critères prévus par les textes ; que, dans ces conditions, a.A ne remplissait pas les critères exigés ;

Attendu que le requérant soutient, enfin, qu'à la lecture du procès-verbal et des écritures en contre-requête, il apparaît que les mandats de reprise de clientèle étaient détenus par M. I., et non par H., qui a « initié une démarche de présentation de clientèle » avec a.A, « avec laquelle il entretenait déjà des relations professionnelles de longue date » ; que ce même procès-verbal expose que c'est suite à la demande de M. I. en vue de sa radiation que le conseil de l'Ordre a procédé à la nomination de a.A car, comme l'indique le procès-verbal, « Monsieur I. conditionne sa radiation, à compter du 31 décembre 2022, au fait de voir nommer à sa place Mme a.A » ; qu'il en résulte un cas de détournement de pouvoir dans la mesure où le Conseil de l'Ordre s'est plié à une exigence extérieure en n'accomplissant pas sa prérogative de puissance publique consistant à faire un choix entre différentes candidatures à la profession d'experts-comptables à Monaco ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 11 décembre 2023, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que le Ministre d'État rappelle, en premier lieu, qu'aucun texte n'impose une audition devant le Conseil de l'Ordre pour candidater à la profession d'expert-comptable en Principauté de Monaco ; qu'au demeurant, les membres du Conseil de l'Ordre connaissaient parfaitement la candidature de g.B puisque celle-ci, déposée pour la première fois en 2010, a depuis été régulièrement réitérée ;

Attendu que le Ministre d'État conteste, en deuxième lieu, la demande du requérant visant à exclure des débats la partie du procès-verbal de la réunion du Conseil de l'Ordre du 4 novembre 2022 le concernant ; que cette demande ne pourra qu'être écartée dans la mesure où le présent litige porte en partie sur la légalité de la décision implicite de rejet de sa demande tendant à être autorisé à exercer son activité d'expert-comptable en Principauté de Monaco ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en troisième lieu, que le requérant ne saurait invoquer l'illégalité des décisions de nomination des deux candidates de nationalité monégasque, les décisions qu'il attaque n'ayant pas été prises pour l'application de ces décisions et ces dernières n'en constituant pas la base légale ; qu'en outre, g.B n'établit pas que ces décisions d'autorisation n'auraient pas acquis un caractère définitif ; qu'en toute hypothèse, le requérant ne saurait soutenir que les autorisations délivrées à Mme E et à Mme F l'ont été irrégulièrement, alors qu'il reconnaît que ces dernières remplissaient les conditions légales pour que ces autorisations leur fussent accordées ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en quatrième lieu, qu'il n'est nullement établi, comme l'affirme le requérant, que la décision implicite par laquelle sa demande a été écartée serait fondée sur les motifs qu'il invoque ; qu'en toute hypothèse, la circonstance que l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 prévoit que l'autorisation d'exercer la profession d'expert-comptable est accordée après avis motivé du conseil de l'Ordre ne fait pas obstacle à ce que cette décision s'appuie sur des motifs autres que ceux qui ont fondé l'avis du conseil de l'Ordre ; que la demande de production de pièces établissant la date de la transmission du procès-verbal de la réunion du Conseil de l'Ordre au Conseil de Gouvernement ne pourra qu'être écartée car aucun motif ne permet de supposer que ce compte-rendu n'aurait pas été transmis avant le 14 décembre 2022, date de la délibération visée par l'arrêté ministériel attaqué ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en cinquième lieu, que le Conseil de l'Ordre a effectivement mentionné, dans le compte-rendu de la réunion du 4 novembre 2022, que a.A avait un projet de reprise de clientèle au sein du cabinet dans lequel elle exerçait son activité ; qu'il est ainsi établi qu'elle pouvait se prévaloir d'une « reprise de cabinet » ou d'une « association avec reprise de cabinet », au sens des lignes directrices ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en sixième lieu, que a.A étant résidente monégasque, elle n'avait pas, contrairement aux allégations du requérant, à produire sa carte de résident pour constituer son dossier de candidature ;

Attendu que le Ministre d'État rappelle, en septième lieu, que l'avis motivé du Conseil de l'Ordre n'implique pas que ce dernier se prononce sur l'ensemble des conditions légales permettant la délivrance d'une autorisation de la profession d'expert-comptable ; que l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 précise que le Conseil de l'Ordre doit se prononcer « notamment sur la valeur du diplôme dont le demandeur est titulaire » ; qu'en l'espèce, le Conseil de l'Ordre a indiqué les raisons pour lesquelles il était favorable à la nomination de a.A et a expressément relevé qu'elle est titulaire du diplôme d'expertise comptable ; qu'en conséquence, son avis est suffisamment motivé ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en huitième lieu, que n'est pas fondé le moyen selon lequel le président du Conseil de l'Ordre aurait assisté à la délibération portant sur la candidature de a.A pour exercer la profession d'expert-comptable ; que la circonstance que le président de l'Ordre a signé le compte-rendu ne démontre pas sa participation aux délibérations sur cette candidature ; que le compte-rendu de la réunion du 4 novembre 2022 précise qu'après que cette candidature a été examinée, « le Vice-Président [a appelé] s.G à rejoindre la séance » ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en neuvième lieu, que le moyen selon lequel l'autorisation délivrée à Mme E et à Mme F serait prise au seul motif de leur nationalité monégasque ne peut qu'être écarté ; que le requérant n'est pas recevable à invoquer l'illégalité des décisions autorisant Mme E et Mme F à l'appui de son recours ;

Attendu que le Ministre d'État rappelle, en dixième lieu, que, contrairement aux prétentions du requérant, l'arrêté ministériel a été adopté sur le fondement d'éléments de fait qui confirment ceux que le conseil de l'Ordre a examinés ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en onzième lieu, que a.A remplit parfaitement la condition tenant à l'existence d' « attaches sérieuses » avec la Principauté posée par l'article 5 de la loi 1.231 du 12 juillet 2000 ; qu'elle habite en Principauté de Monaco, qu'elle y exerce son activité depuis plus de quinze ans et qu'elle développe un projet de clientèle au sein du cabinet d'expertise comptable dans lequel elle travaille ;

Attendu que le Ministre d'État considère, en douzième lieu, que les lignes directrices ne s'interprètent pas, comme le prétend g.B, comme exigeant la reprise ou l'intégration dans un cabinet existant d'une personne extérieure à ce cabinet ; qu'en exigeant la reprise ou l'intégration dans un cabinet existant et dans l'association avec projet de reprise et parrainage du titulaire, ces conditions visent à vérifier que le candidat sollicite l'autorisation d'exercer sur le territoire de la Principauté de Monaco en se prévalant d'un projet faisant intervenir un cabinet existant à Monaco ; que rien ne fait obstacle à ce que ce projet soit poursuivi par un expert-comptable qui exerce déjà son activité au sein du cabinet concerné ; que tel est, du reste, l'esprit de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 et des lignes directrices qui tendent à favoriser les experts-comptables qui entretiennent des liens avec la Principauté de Monaco ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en treizième lieu, que, contrairement aux prétentions du requérant, a.A n'était pas tenue de fonder sa candidature en apportant la preuve de reprise de mandats de commissariat aux comptes ; que c'est en qualité de salarié que a.A va reprendre les mandats de commissariat aux comptes antérieurement transmis au cabinet H. ; que cette reprise ne se traduit pas par une cession et qu'il ne peut donc être exigé la production d'actes d'achat ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en quatorzième lieu, que l'avis du Conseil de l'Ordre du 4 novembre 2022 a été émis au vu du diplôme, de l'activité et des projets de a.A ; que, dès lors, et contrairement aux allégations du requérant, le Conseil de l'Ordre a exercé sa compétence de sorte que doit être écarté le moyen selon lequel le Conseil de l'Ordre aurait proposé la délivrance de l'autorisation que a.A sollicitait à la demande de M. I., expert-comptable démissionnaire ;

Vu les demandes d'autorisation de produire et de délai, déposées au Greffe Général le 13 décembre 2023 pour g.B, partie requérante ;

Vu l'ordonnance du 15 décembre 2023 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a accordé des ultimes délais à g.B ;

Vu la triplique, déposée au Greffe Général le 18 janvier 2024 qui ajoute qu'à défaut de communiquer les éléments justifiant la décision prise en matière d'autorisation d'exercer la profession d'expert-comptable, l'État ne permet pas au Tribunal Suprême de disposer des moyens d'exercer son contrôle et qu'au final il apparaît que la procédure d'octroi des autorisations en cause est entachée d'irrégularités, qui souligne que lors de la réunion du 4 novembre 2022 le président du conseil de l'Ordre est resté présent pour la délibération relative aux candidatures, à l'exception du cas de a.A, qui maintient que cette dernière ne remplit pas les conditions énoncées par les lignes directrices notamment s'agissant du projet de reprise de clientèle, qui conteste le moyen nouveau tiré du lien étroit entre la décision personnelle de refus implicite opposée à g.B et la décision positive attaquée ainsi que celui tiré du lien étroit entre la décision personnelle de refus implicite opposée à g.B et la décision positive attaquée, qui considère infondé le nouveau moyen tiré de l'application de la théorie de l'exception d'illégalité d'un acte individuel dans le présent contentieux car la décision attaquée ne se décline en aucun cas en décisions préalables distinctes ;

Vu les observations en réponse à la triplique, déposées au Greffe Général le 19 février 2024, par lesquelles le Ministre d'État persiste dans ses précédentes écritures en soulignant que les éléments réclamés par le requérant ne sont pas de nature à préciser les motifs de la décision de rejet de sa demande d'autorisation, que le requérant procède à une lecture tronquée du compte-rendu de la réunion du conseil de l'Ordre du 4 novembre 2022, que l'éventuelle irrégularité de ce compte-rendu n'est pas de nature à influer la légalité des décisions attaquées, que a.A remplit effectivement les conditions pour être autorisée à exercer la profession d'expert-comptable en Principauté de Monaco et que la notion de « reprise ou intégration dans un cabinet existant » énoncée dans les lignes directrices ne suppose pas obligatoirement que le bénéficiaire de cette reprise ou intégration ait la qualité d'associé, que la décision de rejet de la candidature de g.B n'avait pas à être motivée car elle résulte implicitement de la décision d'autorisation accordée à a.A, que l'autorisation d'exercer pouvait être valablement accordée aux deux candidates de nationalité monégasque, sans que l'administration dut « départager » les différentes candidatures, dès lors qu'elles remplissaient les critères posées par l'article 5 de la loi n° 1.231 ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 relative aux professions d'expert-comptable et de comptable agréé ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 6.323 du 27 mars 2017 fixant le nombre maximum d'experts-comptables et de comptables agréés autorisés à exercer la profession ;

Vu l'Ordonnance du 21 août 2023 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Philippe BLACHER, Membre titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 12 mars 2024 ;

Vu l'Ordonnance du 3 mai 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 7 juin 2024 ;

Ouï Monsieur Philippe BLACHER, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître André BONNET, avocat au Barreau de la Drôme, pour g.B ;

Ouï Maître François MOLINIé, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Madame le Premier Substitut du Procureur Général en ses conclusions ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs

Après en avoir délibéré

1. Considérant que, selon l'article 1er de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 relative aux professions d'expert-comptable et comptable agréé, l'exercice de ces professions est subordonné à une autorisation administrative, délivrée par arrêté ministériel ; qu'il résulte des dispositions de l'article 4 de la même loi que le nombre maximal des experts-comptables autorisés à exercer à Monaco est fixé par Ordonnance Souveraine prise après avis du Conseil de l'Ordre des experts-comptables agréés ; qu'aux termes de l'article 5 de la même loi : « Peuvent seules être autorisées à exercer la profession d'expert-comptable les personnes réunissant les conditions suivantes : 1° - être de nationalité monégasque ou justifier d'attaches sérieuses avec la Principauté et y avoir son domicile ; 2° - jouir de ses droits civils ; 3° - offrir toutes garanties de moralité professionnelle ; 4° - être titulaire d'un diplôme d'expert-comptable. L'autorisation n'est accordée qu'après avis motivé du Conseil de l'Ordre, lequel se prononce notamment sur la valeur du diplôme dont le demandeur est titulaire. » ;

2. Considérant que, sur proposition du Conseil de l'Ordre en date du 4 novembre 2022, le Ministre d'État a retenu la candidature de a.A et implicitement rejeté celle de g.B ; que l'arrêté autorisant a.A à exercer la profession d'expert-comptable a été publié au Journal de Monaco le 3 janvier 2023 ; que, par lettre du 27 février 2023, g.B a formé auprès du Ministre d'État un recours gracieux qui a été implicitement rejeté ; que g.B demande l'annulation de l'arrêté ministériel autorisant a.A à exercer la profession d'expert-comptable, du refus implicitement opposé à sa candidature, du rejet implicite de son recours gracieux ainsi que la condamnation de l'État de Monaco à lui payer la somme de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour préjudice moral et financier ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que a.A exerce en Principauté de Monaco, depuis plus de quinze ans, l'activité d'expert-comptable au sein du cabinet H. et réside à Monaco ; qu'elle jouit de ses droits civils ; qu'il n'est pas contesté qu'elle offre toutes les garanties de moralité professionnelle ; qu'elle est titulaire du diplôme d'expert-comptable ; qu'elle remplit ainsi les conditions légales définies par l'article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000 ;

4. Considérant par ailleurs qu'il appartient au Ministre d'État de s'appuyer sur les lignes directrices énumérées dans la lettre du 19 mai 2005 du Conseiller de gouvernement-ministre de l'Economie et des Finances afin de départager les candidatures, s'il apparaît, dans l'instruction des demandes, que les candidatures remplissant les conditions légales définies par l'article 5 de la loi susvisée du 12 juillet 2000 excèdent le nombre d'autorisations disponibles ; que lorsque l'autorité compétente entend appliquer ces lignes directrices, elle ne peut légalement le faire qu'en respectant le principe d'impartialité dans l'appréciation particulière de chaque situation ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Conseil de l'Ordre s'est réuni le 4 novembre 2022 ; qu'au moment où ce dernier a émis un avis sur les candidats la séance était présidée par le vice-président ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'avis émis était suffisamment motivé ; que, dans ces conditions, le Ministre d'État a pu légalement s'appuyer sur cet avis pour adopter la décision contestée ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté ministériel du 3 janvier 2023 aurait été adopté à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

6. Considérant que plusieurs candidats remplissaient les conditions définies par l'article 5 de la loi du 12 juillet 2000 ; que dès lors le Ministre d'État s'est appuyé dans l'instruction des demandes sur les lignes directrices de différenciation susmentionnées ; qu'il résulte des pièces du dossier que M. I. a sollicité sa radiation afin que a.A lui succède et qu'elle reprenne tout ou partie de sa clientèle ; qu'ainsi a.A bénéficie du parrainage d'un expert-comptable au sens des lignes directrices qui prévoient « la reprise ou intégration dans un cabinet existant » et « l'association avec projet de reprise et parrainage du titulaire » ; que dans ces conditions, en estimant qu'elle remplissait, contrairement à g.B, les conditions fixées par les lignes directrices, le Ministre d'État n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en autorisant a.A à exercer la profession d'expert-comptable ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que g.B n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il conteste ni, par voie de conséquence, à demander la condamnation de l'État au paiement d'une somme de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour préjudice moral et financier ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La requête de g.B est rejetée.

Article 2

Les dépens sont à la charge de g.B.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Philippe BLACHER, rapporteur, Didier GUIGNARD, membres titulaires, Jean-Philippe DEROSIER, membre suppléant ;

et prononcé le dix-huit juin deux mille vingt-quatre en présence du Ministère public, par Monsieur José MARTINEZ, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en chef.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2023-23
Date de la décision : 18/06/2024

Analyses

Experts comptables


Parties
Demandeurs : g. B.
Défendeurs : L'État de Monaco

Références :

Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
arrêté ministériel n° 2022-733 du 3 janvier 2023
Ordonnance Souveraine n° 6.323 du 27 mars 2017
Vu la Constitution
article 1er de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000
loi n° 1.231 du 12 juillet 2000
article 5 de la loi n° 1.231 du 12 juillet 2000
Ordonnance n° 7.460 du 14 mai 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2024-06-18;ts.2023.23 ?

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