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04/12/2024 | MONACO | N°TS/2024-03

Monaco | Tribunal Suprême, 4 décembre 2024, i.E c/ AA, TS/2024-03


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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par i.E, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 15 novembre 2023 sous le numéro TS2024-03, tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 septembre 2023, de AB du AA (AA) déclarant i.E inapte à son métier d'infirmière ; d'autre part, à la condamnation du AA au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi qu'aux entiers dépens ;

CE FAIRE :


Attendu que i.E expose qu'à la date d'enregistrement de la saisine, elle occupait les fonctions d'inf...

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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par i.E, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 15 novembre 2023 sous le numéro TS2024-03, tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 septembre 2023, de AB du AA (AA) déclarant i.E inapte à son métier d'infirmière ; d'autre part, à la condamnation du AA au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi qu'aux entiers dépens ;

CE FAIRE :

Attendu que i.E expose qu'à la date d'enregistrement de la saisine, elle occupait les fonctions d'infirmière en soins généraux grade 2, 8e échelon ; qu'examinée le 21 décembre 2022 par le d.D, Médecin du Travail pour l'AA, elle était déclarée inapte définitivement à son poste, avec les commentaires suivants : « inapte au poste d'infirmière en soins généraux / son état de santé nécessite de rester sur des missions administratives ou de coordination de soins et contre indique les missions de soins auprès des patients (toilettes, manutention, transferts) » ; que le 22 mars 2023, elle a reçu un courrier daté du 17 mars 2023 lui notifiant, conformément à l'avis d'inaptitude à un métier d'infirmier émis par l'AA, la décision de l'affecter dans un emploi permanent vacant approprié à son état de santé au titre d'un reclassement et de l'accompagner dans le cadre du dispositif prévu à cet effet ; qu'elle a reçu le même jour un courrier du 21 mars qui l'informait de la possibilité de contester la décision du 17 mars, soit par un recours gracieux devant la Commission Médicale Supérieure, soit par un recours contentieux devant le Tribunal Suprême et qui lui précisait que, sans recours de sa part, elle intégrerait un dispositif d'accompagnement d'insertion et de réorientation professionnelle lui permettant de se reconvertir professionnellement et d'être accompagnée durant tout son parcours et qu'à l'issue de cet accompagnement d'une durée limitée à un an, il lui serait proposé un reclassement dans un corps, cadre d'emploi ou emploi de niveau équivalent ou inférieur en adéquation avec ses nouvelles missions, sans que le bénéfice de son indice n'en soit affecté ; que, par courrier du 28 mars 2023, i.E a indiqué qu'elle entendait contester les décisions prises ; que, le 16 mai 2023, elle a introduit un recours gracieux contre les décisions des 17 et 21 mars 2023 ; que, réunie le 21 juillet 2023, la Commission Médicale Supérieure a indiqué qu'elle confirmait l'avis d'inaptitude définitive au poste d'infirmière en soins généraux émis par l'AA en date du 21 décembre 2022, mais qu'elle ne validait pas les commentaires émis sur cette même fiche d'aptitude et que, compte tenu des éléments médicaux figurant dans le dossier, l'aptitude médicale aux postes proposés lors de la démarche de reclassement devrait être évaluée par le médecin du travail ; que, le 12 septembre 2023, s'appuyant sur « l'inaptitude définitive au poste d'Infirmier en soins généraux, actée par le Médecin du travail, en date du 31 janvier 2023 » et sur « l'avis d'inaptitude définitive au métier d'infirmier en soins généraux prononcée par la commission médicale supérieure du 21 juillet 2023 », AB prenait la décision que « i.E, Infirmière en soins généraux grade 2, 8ème échelon, indice nouveau majoré : 575, est déclarée inapte définitif à son métier d'infirmière » ; que i.E a formé un recours contentieux contre cette décision ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête, i.E soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, tout d'abord, l'AA a commis une erreur manifeste d'appréciation médicale ; qu'on peut s'étonner de l'appréciation changeante de la AA ; qu'en effet, par une motivation strictement identique, le médecin du travail a, le 12 septembre 2017, considéré que « son état de santé nécessite de rester sur des missions de coordination de soins et contre indique les missions de soins auprès des patients (toilettes, manutention, transferts) », mais déclarait i.E apte avec recommandations d'aménagement du poste et, le 21 décembre 2022, déclarait i.E inapte avec la mention « inapte au poste d'infirmière en soins généraux » et que « son état de santé nécessite de rester sur des missions administratives ou de coordination de soins et contre indique les missions de soins auprès des patients (toilettes, manutention, transferts) » ; que cette mention a été annulée par la Commission Médicale Supérieure ; qu'une même restriction médicale ne peut à la fois entraîner un avis d'aptitude et, ensuite, un avis d'inaptitude ; qu'il s'agit manifestement d'une erreur d'appréciation qui a bien été relevée par la Commission ;

Attendu que, ensuite, selon i.E, le AA a commis une erreur manifeste d'appréciation sur l'étendue de l'inaptitude ; que la Commission Médicale Supérieure a déclaré i.E inapte définitivement à son poste, qui est celui d'infirmière soins généraux grade 2, 8e échelon ; que le AA l'a ensuite déclarée inapte à son métier d'infirmière, l'excluant ainsi de tous les postes d'infirmière disponibles ; que, sans l'introduction d'un recours, i.E aurait dû intégrer un « dispositif d'accompagnement d'insertion et de réorientation professionnelle » pour une reconversion professionnelle ; qu'au terme de ce dispositif d'une durée d'un an, il lui serait proposé un poste d'un niveau équivalent ou inférieur, mais uniquement sous réserve de vacance d'un emploi permanent et correspondant à ses compétences ; qu'en cas de refus de ce poste très hypothétique, ce serait la fin de la carrière de i.E au AA, qui serait alors licenciée ou mise à la retraite ; que l'article 39 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de service du AA dispose qu'« Après la fin du congé pour accident du travail ou maladie professionnelle, l'agent peut bénéficier, lorsque son état le justifie, d'un aménagement ou d'une adaptation de son poste de travail ou, lorsque les nécessités de la continuité ou du fonctionnement du service ne permettent pas d'aménager ou d'adapter ce poste, d'un reclassement selon les modalités prévues par les dispositions des cinq premiers alinéas de l'article 39-1 » ; que l'article 39-1 du même texte dispose, en son deuxième alinéa, que « Le reclassement consiste à affecter l'agent dans un emploi permanent vacant et approprié à son état de santé, au besoin en aménageant ou en adaptant le poste de travail » ; qu'en relevant que i.E serait « inapte à son métier d'infirmière » et en l'orientant vers un dispositif de réorientation professionnelle, le AA la prive abusivement de la possibilité d'être reclassée, en qualité d'infirmière, au sein d'un autre service, conforme à ses restrictions médicales, par exemple en service de consultation ou de prélèvement ; qu'à ce stade, aucun quelconque reclassement n'est envisagé et aucunement au poste d'infirmière ; que, très affectée moralement par cette situation, i.E, est actuellement en poste au service des archives et souffre de cette situation ;

Vu la contre-requête enregistrée au Greffe Général le 15 janvier 2024, par laquelle le AA (AA) conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;

Attendu, en premier lieu, que le AA soutient que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation médicale reprochée à l'AA du fait de son avis du 21 décembre 2022 est inopérant ; que, premièrement, le Tribunal Suprême n'est pas compétent pour se prononcer sur une appréciation de nature médicale ; qu'en cas de saisine à la suite d'une contestation d'un recours gracieux, celui-ci ne peut statuer qu'en fait et en droit, ce qui exclut la possibilité de remettre en cause le bien-fondé d'un avis médical ; que, deuxièmement, l'avis médical rendu par l'AA n'est pas visé par le recours en annulation pour excès de pouvoir introduit par i.E ; que, troisièmement, i.E ne tire aucune conséquence de l'erreur manifeste d'appréciation médicale qu'elle invoque ; qu'au surplus, le raisonnement au fond opéré à l'appui de ce moyen doit être rejeté car l'argumentaire de la requérante consiste à comparer les motivations de deux avis rendus par la AA avec cinq années d'intervalle et à se fonder sur l'annulation d'une partie des mentions du second avis, par la Commission Médicale Supérieure le 21 juillet 2023, pour en déduire une erreur manifeste d'appréciation médicale, ce qui reviendrait à suggérer que i.E se serait retrouvée dans les mêmes conditions à ces deux dates et que des avis médicaux contradictoires auraient été rendus, ce qui ne correspond pas à la réalité, l'avis rendu le 12 septembre 2017 s'inscrivant dans un contexte bien différent de celui rendu le 21 décembre 2022 ; qu'en effet, i.E a été absente pour raison de maladie du 7 mars 2016 au 25 avril 2016 et que sa reprise du travail a été autorisée selon un avis de la AA du 25 avril 2016 indiquant : « apte avec recommandations d'aménagement de poste » et, comme commentaire, « apte à son poste sous réserve de ne pas avoir à monter d'escaliers et travail en binôme pour les patients dépendants » ; que, depuis le 11 janvier 2016, elle avait été affectée, en accord avec ses restrictions médicales, sur un poste aménagé en sureffectif pour l'accomplissement de missions d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile ; que, le 12 septembre 2017, lors d'une visite médicale à l'initiative de l'employeur, la AA a rendu un avis ayant pour résultat « apte avec recommandations d'aménagement de poste » et, comme commentaire, « son état de santé nécessite de rester sur des missions de coordination de soins et contre-indique les missions de soins auprès des patients (toilettes, manutentions, transferts) / à revoir dans deux mois » ; qu'à l'issue de cette période d'environ deux mois, le 6 novembre 2017, le AA décidait de suivre les recommandations de la AA en plaçant i.E au secrétariat du service des Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), tout en maintenant son grade d'infirmière en soins généraux ; que, les avis subséquents de la AA renouvelant la contre-indication des missions de soins auprès des patients, i.E a continué d'accomplir des missions de secrétariat, au sein du service des SSR, jusqu'au 23 novembre 2017, puis, du 24 novembre 2017 au 18 février 2018, au sein du service de Médecine Interne Générale et Infectiologie et, du 22 février 2018 au 3 mai 2022, i.E a occupé les fonctions de soutien administratif, avant de rejoindre, le 4 mai 2022, le service des Archives Médicales ; que cela ne signifie pas pour autant que i.E a perdu la qualité d'infirmière en soins généraux et, dans une lettre déposée auprès du secrétariat du AA le 28 mars 2023, i.E s'identifie en utilisant les termes : « i.E, x2, 06230 VILLEFRANCHE/MER / Infirmière Classe Sup. Service des Archives » ; que, par conséquent, contrairement à ce qui est soutenu dans la requête, ce n'est pas « à son retour de maladie » que le AA aurait refusé de permettre à i.E de réintégrer le poste d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile pour l'affecter de « poste en poste, pour l'intégrer en dernier lieu aux archives », dès lors qu'elle n'occupe plus les fonctions d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile depuis le 6 novembre 2017 ; qu'ensuite, la décision du 12 septembre 2023 n'a pas pour effet de priver i.E de sa qualité d'infirmière, dès lors que, nonobstant son travail de secrétariat, puis son intégration au service des archives, elle a continué de bénéficier de cette désignation ; qu'enfin, la décision de la Commission Médicale Supérieure du 21 juillet 2023 ne saurait permettre d'affirmer que l'avis de l'AA du 21 décembre 2022 est entaché d'irrégularité en considérant, de manière purement hypothétique, que le motif retenu par la Commission serait qu'une « même restriction médicale ne peut à la fois entrainer un avis d'aptitude, et ensuite un avis d'inaptitude » ; qu'en effet, la Commission Médicale Supérieure a confirmé l'avis d'inaptitude définitive de i.E au poste d'infirmière en soins généraux et n'a annulé que le commentaire « son état de santé nécessite de rester sur des missions administratives ou de coordination de soins et contre-indique les missions de soin auprès des patients toilettes manutentions, transferts », ne fournissant aucune motivation particulière à cette annulation et ne faisant aucune comparaison avec l'avis de la AA du 12 septembre 2017 ; qu'il n'est pas envisageable d'opérer une telle comparaison qui consisterait à placer sur un même plan deux situations différentes et espacées de cinq années, à savoir, d'une part, l'avis d'aptitude du 12 septembre 2017 qui recommande un aménagement de poste et contre-indique les missions de soins auprès des patients, que i.E a exercés jusqu'au 6 novembre 2017, date de son entrée au secrétariat et, d'autre part, l'avis d'inaptitude du 21 décembre 2022, qui contient les mêmes recommandations alors que i.E travaille déjà au sein du Service des Archives et n'exerce plus de missions de soins auprès des patients ; qu'au-delà de cette différence de contexte, l'annulation par la Commission Médicale Supérieure des recommandations émises, par la AA, dans l'avis du 21 décembre 2022 ne signifie pas que l'état de santé de i.E ne requiert plus qu'elle travaille à un poste administratif ou de coordination des soins et que cette annulation tend même à imposer un régime plus contraignant, en exigeant, « compte tenu des éléments médicaux figurant dans le dossier », que « l'aptitude médicale aux postes proposés lors de la démarche de reclassement » soit « évaluée par le médecin du travail », signifiant que ce dernier devra se prononcer au cas par cas sur l'aptitude de i.E à chaque poste de reclassement proposé ; que le moyen doit être rejeté tant sur la forme que sur le fond ;

Attendu, en second lieu, que le AA soutient que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'étendue de l'inaptitude invoqué à l'encontre de sa décision du 12 septembre 2023 n'est pas fondé ; que, déclarant i.E « inapte définitif à son métier d'infirmière », terme qui serait plus large que celui d'inaptitude à son « poste », lequel recouvre uniquement la fonction d'infirmière en soins généraux, la requérante soutient que le AA aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'étendue de son inaptitude, ce qui la priverait « abusivement » d'une possibilité de reclassement en tant qu'infirmière non affectée au soin des patients et serait à l'origine d'un placement aux archives médicales lui causant un préjudice moral ; que, cependant, en premier lieu, il a été démontré que i.E était en poste aux archives médicales depuis le 4 mai 2022, soit avant la décision du 12 septembre 2023, tout en conservant sa qualité d'infirmière en soins généraux ; que, en second lieu, l'emploi du terme « métier » dans la décision du 12 septembre 2023 ne prive nullement i.E d'un reclassement en tant qu'infirmière non affectée au soin des patients ; que l'erreur manifeste d'appréciation est caractérisée lorsque des faits à l'origine d'une décision administrative ont été qualifiés de façon gravement erronée ne pouvant permettre de la justifier et qu'une telle erreur ne peut être invoquée que lorsque l'autorité en cause dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire ; que l'emploi de l'expression « métier d'infirmière » dans la décision du 12 septembre 2023 au lieu de celle de « infirmière en soins généraux » n'est pas dû à une discordance entre les motifs de fait et de droit mais, qu'au contraire, ce choix est en parfaite cohérence avec la pratique habituelle du AA et n'emporte nullement la privation pour i.E d'une possibilité de reclassement en qualité d'infirmière affectée à des missions correspondant à son état de santé ; que, d'une part, à la suite de l'avis de la AA du 21 décembre 2022, déclarant i.E « inapte définitif au poste d'infirmière en soins généraux », puis de celui du 31 janvier 2023 ne résultant pas en la délivrance d'un avis d'aptitude au poste « d'infirmière » sans la mention « en soins généraux », le AA a pris une première décision d'inaptitude le 17 mars 2023, dans laquelle le terme « métier » apparaît déjà, car il constitue la formule d'usage du AA dans de pareils cas et que la portée de ce choix sémantique se limite à déclarer i.E inapte à son poste d'infirmière en soins généraux, ce qui est mis en évidence par le courrier du AB accompagnant la notification de la décision d'inaptitude du 12 septembre 2023 ; que l'intention du AA n'a jamais été d'ôter à i.E la faculté d'exercer toute mission en tant qu'infirmière, l'expression « inapte définitif à son métier » n'étant qu'une formule de style usuellement adoptée par le AA lors du prononcé d'une inaptitude ; que, d'autre part, l'emploi du terme « métier » n'a pas pour incidence d'empêcher i.E d'être régulièrement reclassée à un poste adapté à son état de santé, tout en conservant la qualité d'infirmière ; qu'au AA, une distinction est opérée entre la qualité et le grade de l'agent sur le plan administratif et les missions qu'il exerce sur le plan médical et, qu'en ce sens, chaque agent est administrativement affecté à un corps et à un grade correspondant à sa fiche de poste et peut exercer des missions médicales qui s'éloignent très largement du sens couramment attaché à leur qualification administrative, ce qui explique que, dans son courrier du 28 mars 2023, i.E s'identifie comme « Infirmière Classe Sup, Service des Archives », car elle est administrativement rattachée au corps des infirmières tout en travaillant au service des archives ; qu'en réalité, i.E, bien que conservant la qualification d'infirmière en soins généraux, n'a pas exercé de missions de soins depuis le 6 novembre 2017, date à laquelle elle a commencé à travailler au secrétariat du service des Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) ; que l'article 39, alinéa 5 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de Service du AA dispose que, « après la fin du congé pour accident du travail ou maladie professionnelle, l'agent peut bénéficier, lorsque son état le justifie, d'un aménagement ou d'une adaptation de son poste de travail ou, lorsque les nécessités de la continuité ou du fonctionnement du service ne permettent pas d'aménager ou d'adapter ce poste, d'un reclassement selon les modalités prévues par les dispositions des cinq premiers alinéas de l'article 39-1 » et qu'il s'ensuit que la décision d'inaptitude au « métier d'infirmière » du 12 septembre 2023 vise à permettre d'initier le processus de reclassement médical et administratif de i.E, afin de tenir compte de son état de santé incompatible avec le poste d'infirmière en soins généraux ; que l'article 39-1 du même texte prévoit que « tout agent soumis au présent statut peut bénéficier lorsque son état de santé le justifie ou après la fin du congé auquel il a eu droit en application des dispositions de l'article 35, 37 ou 38, d'un aménagement ou d'une adaptation de son poste de travail ou, lorsque les nécessités de la continuité ou du fonctionnement du service ne permettent pas d'aménager ou d'adapter ce poste, d'un reclassement. La décision est prise par le directeur du AA après avis du praticien de la médecine préventive du travail ou de la commission médicale mentionnée à l'article 35. / Le reclassement consiste à affecter l'agent dans un emploi permanent vacant et approprié à son état de santé, au besoin en aménageant ou en adaptant le poste de travail. / L'agent bénéficiant de ce reclassement est nommé et titularisé conformément aux dispositions de l'article 18. / L'agent reclassé conserve le bénéfice de son indice jusqu'à ce qu'il puisse, le cas échéant, bénéficier, dans son nouveau grade, d'un indice au moins égal. / En l'absence d'emploi permanent vacant permettant le reclassement, l'agent est placé en surnombre temporaire jusqu'à ce qu'un emploi permanent permettant ce reclassement soit vacant et pendant une durée ne pouvant excéder un an. / À la fin de cette durée d'un an ou lorsque le nouvel emploi est refusé par l'agent, la décision de placement en disponibilité, d'admission d'office à la retraite ou de licenciement prévue, selon le cas, à l'article 35, 37 ou 38 peut être prise » ; que cette disposition impose au AA de tenter de procéder au reclassement d'un agent dont l'état de santé, constaté par la AA, combiné avec la nécessité d'assurer la continuité et le fonctionnement du service empêchent d'aménager ou d'adapter le poste ; que le AA avait, conformément aux obligations qui lui incombent, régulièrement informé i.E de ce modus operandi dans le courrier accompagnant la décision contestée du 12 septembre 2023 et, qu'à l'heure actuelle, ce processus de reclassement a été freiné par la requête déposée par i.E devant le Tribunal Suprême le 15 novembre 2023 et par les difficultés générées par ses aspirations relatives à sa carrière professionnelle ; que, pour respecter l'article 39-1 précité, le AA doit s'assurer que le reclassement administratif de l'agent corresponde à l'aptitude ou l'inaptitude médicale constatée ; que, toutefois, i.E, qui envisage un départ à la retraite entre 60 et 65 ans, souhaite être maintenue dans le corps administratif des infirmiers diplômés d'État et exige la garantie d'une évolution de carrière, alors qu'elle a déjà atteint le plus haut niveau indiciaire en tant qu'infirmière diplômée d'État et que ce niveau indiciaire n'a pas d'équivalent dans le corps et au grade correspondants aux postes que sa santé lui permet d'occuper ; qu'ainsi, l'article 39-1 alinéa 4 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 précité permet à l'agent reclassé de conserver le bénéfice de son indice jusqu'à ce qu'il puisse, le cas échéant, bénéficier, dans son nouveau grade, d'un indice au moins égal et, au terme d'une période de douze mois suivant le reclassement de l'agent, son appellation administrative doit évoluer pour correspondre à son reclassement médical, mais, quel que soit le grade sur lequel l'agent est reclassé, il conserve le bénéfice de son indice, même si cet indice n'existe pas dans la grille du poste sur lequel il a été affecté ; qu'il était donc nécessaire pour le AA, afin de respecter le régime mis en place par les nouvelles dispositions statutaires précitées, de procéder au reclassement administratif de i.E ; que la décision du AA ne saurait être annulée pour erreur manifeste d'appréciation alors qu'elle n'entraîne aucune disproportion entre les faits sur lesquels elle se fonde et les conséquences de droit qu'elle emporte et qu'elle respecte strictement les obligations légales qui lui incombent ; que, par conséquent, la requête en annulation doit être rejetée, de même que la demande en condamnation du AA au paiement de la somme de 10.000 euros (dix-mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral car celle-ci se rattache à sa demande en annulation infondée et n'est, de surcroit, pas motivée en fait et en droit ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 15 février 2024, par laquelle i.E tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu que la requérante ajoute, en ce qui concerne l'erreur d'appréciation médicale, qu'il n'est pas demandé au Tribunal Suprême de se prononcer sur une appréciation de nature médicale et qu'il est parfaitement compétent pour apprécier les documents médicaux, qui peuvent être produits ; qu'il est demandé de constater que, sur la base d'une motivation identique de la AA, i.E était apte en 2017, mais inapte en 2022, or une même restriction ne peut entrainer une analyse sur l'aptitude radicalement contradictoire ; que, tentant de justifier ce revirement d'analyse par « le contexte bien différent » entre 2017 et 2022, le AA remonte à l'année 2016, époque à laquelle i.E a été déclarée apte avec recommandation d'aménagement de poste, « sous réserve de ne pas avoir à monter d'escaliers et travail en binôme pour les patients dépendants », indiquant qu'elle aurait été affectée sur un poste « en sureffectif » pour la mission d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile, alors qu'il n'est aucunement justifié qu'il s'agirait d'un poste « en sureffectif », mais que cette affirmation constitue la démonstration du fait que i.E avait bien été affectée sur un poste adapté à ses restrictions médicales dès janvier 2016 ; que, si en 2016, elle avait bien été affectée sur un poste d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile, qui respectait les contre-indications émises par l'AA, elle fut affectée, à compter de 2017 et sans motivation, sur des tâches de secrétariat, puis aux archives, l'éloignant de sa fonction d'infirmière, mais lui conservant son statut ; que, selon le AA, les recommandations de l'AA excluant les soins aux patients, ce n'est qu'en 2017 et « son entrée au secrétariat » que i.E aurait occupé un poste compatible, alors qu'il s'agit de la démonstration de l'erreur d'appréciation qu'il a commise car, le 12 septembre 2017, l'AA préconise que « son état de santé nécessite de rester sur des missions de coordination de soins et contre indique les missions de soins auprès des patients (toilettes, manutention, transferts) » et l'emploi du terme « rester » signifie qu'à l'époque, le poste de i.E, d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile, est compatible avec les restrictions médicales, ce poste, contrairement à ce que sous-entend le AA, ne comportant pas de mission de soins, puisqu'il « veille à l'organisation, à la réalisation et à la qualité des soins d'hygiène et de confort réalisés auprès des patients par une équipe de professionnels d'aides-soignants » ; que sur la base de la même recommandation médicale, en 2022, soit cinq ans plus tard, i.E, après avoir été éloignée de ses fonctions d'infirmière et alors qu'elle était apte à un poste d'infirmière coordinatrice, jusqu'à se retrouver au service des archives, se trouvait déclarée « inapte à son métier d'infirmière » car « son état de santé nécessite de rester sur des missions administratives ou de coordination de soins » ; qu'il s'agit bien d'une erreur d'appréciation d'un point de vue médical, entraînant de lourdes conséquences ;

Attendu que, concernant l'erreur manifeste d'appréciation de l'étendue de l'inaptitude, la requérante ajoute également qu'elle n'est pas inapte à son poste d'infirmière, alors que c'est ce qu'a déclaré le AA au terme de l'avis d'inaptitude définitif « au métier d'infirmière » ; qu'une infirmière peut être affectée dans des services sans soins directs au patient, justement à la coordination des soins, ou encore infirmier préleveur ; que le 22 février 2018, elle était toujours apte et « son état de santé nécessite de rester sur des missions administratives ou de coordination de soins », que le 4 janvier 2019, elle était « apte avec recommandation de rester au poste actuel », qu'en 2020 et 2021, elle était apte à « mi-temps thérapeutique » et qu'en mars 2022, elle était déclarée « apte à l'essai » au poste actuel ; que le AA ne saurait se retrancher derrière un « contexte différent » pour considérer que i.E serait inapte à son poste d'infirmière en soins généraux et ce n'est pas parce qu'elle a été affectée aux archives, par l'établissement lui-même, qu'elle ne pouvait occuper un poste d'infirmière dans un service adapté ; que, selon le AA, la référence à une inaptitude « à son métier d'infirmière » serait une « formule de style usuellement adoptée », alors que, depuis 2017, le AA n'a affecté i.E que sur des postes administratifs, de secrétariat, tout en lui conservant son statut d'infirmière ; que la rectification sémantique invoquée par le AA aurait pu intervenir ensuite du recours gracieux qu'il a réceptionné et auquel il n'a pas répondu ; que i.E, dans sa démarche, tend à voir maintenir son statut d'infirmière, auquel elle tient particulièrement, tandis que la formulation de l'inaptitude définitive à son métier d'infirmière tend à vouloir lui retirer cette qualification, pour ne lui conserver qu'une attribution administrative, ce qui ressort clairement de la décision attaquée ; que, sans l'exercice du présent recours, un refus de reclassement à un poste d'infirmière pourtant adapté à sa condition médicale aurait pu lui être opposé, dès lors qu'aux termes du courrier du 21 mars 2023, le AA indique que, sans recours introduit, i.E intègrerait un « dispositif d'accompagnement d'insertion et de réorientation professionnelle » pour lui permettre de se « reconvertir professionnellement » pour une durée d'an et, qu'au terme de ce « dispositif », il lui serait proposé un poste d'un niveau équivalent ou inférieur, mais uniquement sous réserve de vacance d'un emploi permanent et correspondant à ses compétences et il était précisé qu'au terme de cette durée, il lui sera proposé un « reclassement dans un corps, cadre d'emploi ou emploi de niveau équivalent ou inférieur en adéquation » avec ses « nouvelles missions sans affecter le bénéfice de son indice » ; qu'en cas de refus de ce très hypothétique poste, ce serait la fin de la carrière de i.E au AA, qui serait alors licenciée ; que c'est le AA qui, sans motiver sa décision, a refusé de réintégrer Madame I à ce poste d'infirmière coordinatrice de soins, ensuite de son retour de maladie, l'affectant de service en service, pour l'intégrer en dernier lieu aux Archives ; que la décision devra être annulée ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 12 mars 2024, par laquelle le AA conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que le AA ajoute, d'abord, sur l'erreur manifeste d'appréciation médicale reprochée à l'AA, que, si i.E soutient que, dans sa requête du 15 novembre 2023, elle ne demandait pas au Tribunal Suprême de se prononcer sur une erreur d'appréciation de nature médicale, ces développements s'inscrivent dans une sous-partie intitulée « l'AA : erreur manifestation d'appréciation médicale », dénuée de toute ambiguïté ; que si, selon i.E, soutenir que la décision de l'AA du 21 décembre 2022 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation médicale aurait pour conséquence « l'annulation de la décision de la Direction des Ressources Humaines du AA du 12 septembre 2023 », cet argument ne saurait prospérer car l'avis de l'AA du 21 décembre 2022 n'est pas à l'origine de la décision prise par le Directeur des Ressources Humaine du AA le 12 septembre 2023, cette dernière se fondant, principalement, sur l'avis rendu par la commission médicale supérieure le 21 juillet 2023 ayant confirmé « l'avis d'inaptitude définitive au poste d'infirmière en soins généraux émis par l'AA en date du 21 décembre 2022 », tout en ne « validant pas les commentaires émis sur cette même fiche d'aptitude » ; qu'ainsi, la Commission Médicale Supérieure avait déjà pris en compte les motivations de l'avis de l'AA du 21 décembre 2022, sur lesquelles i.E se base pour arguer d'une erreur manifeste d'appréciation et, tout en ne les validant pas, avait confirmé l'avis d'inaptitude définitive de i.E au poste d'infirmière en soins généraux ; qu'il s'ensuit que seule une erreur entachant l'avis de la Commission Médicale Supérieure du 21 juillet 2023 serait susceptible d'entraîner l'annulation de la décision prise le 12 septembre 2023 par le AB du AA, rendant l'allégation d'une erreur manifeste d'appréciation médicale commise par l'AA le 21 décembre 2022 non seulement infondée, mais aussi sans objet ; que, par ailleurs, i.E reconnaît, en employant le terme « préconisations » ou « recommandations » pour les qualifier, que les avis de l'AA sont sans force contraignante et que, par conséquent, l'usage de la formule « rester sur des missions de coordination des soins » dans l'avis de l'AA du 12 septembre 2017 ne peut pas être interprété comme contraignant le AA à maintenir i.E au poste d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile alors que, d'une part, il s'agissait d'un poste aménagé en sureffectif sur un remplacement sans garantie de pérennisation auquel i.E avait été affectée, à son retour de maladie en 2016, en accord avec ses restrictions médicales et, d'autre part, qu'elle doit être lue concomitamment avec la contre-indication des missions de soins auprès des patients, exprimée dans ce même avis ; qu'ainsi, contraint de trouver une alternative au poste en sureffectif sur lequel avait été placée i.E, le AA a tenu compte de la contre-indication des missions de soins auprès des patients émise par l'AA et, le 6 novembre 2017, a affecté i.E au secrétariat du service des SSR, sans que cette nouvelle affectation ait une incidence sur sa situation car elle conservait son grade d'infirmière en soins généraux ; les avis subséquents de la AA renouvelant la contre-indication des missions de soins auprès des patients, elle a continué d'accomplir des missions de secrétariat, puis de soutien administratif, avant de rejoindre le service des Archives Médicales, sans qu'elle ait perdu la qualité d'infirmière en soins généraux ; que, par suite, l'ensemble des arguments de i.E doivent être rejetés ;

Attendu, ensuite, que le AA ajoute, concernant l'erreur manifeste d'appréciation de l'étendue de l'inaptitude invoquée à l'encontre de la décision du 12 septembre 2023 du AA, que, malgré l'emploi des termes « inapte définitif à son métier d'infirmière », cette décision n'a jamais impliqué la perte de la qualité d'infirmière en soins généraux de i.E et l'intention sans équivoque du AA résulte du courrier du AB accompagnant la notification de la décision d'inaptitude du 12 septembre 2023 contestée ; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait être soutenu que le AA reviendrait sur sa position, celle-ci ayant toujours été d'une parfaite constance ; que, si i.E estime « pour le moins surprenant que cette rectification sémantique ne soit pas intervenue en suite du recours gracieux qu'elle a réceptionné, auquel elle n'a pas répondu », le terme employé dans la décision du 12 septembre 2023, bien que pouvant porter à confusion, est celui systématiquement usité par le AA dans de tels cas et il n'y avait donc pas lieu de procéder à sa rectification ; qu'en outre, le recours gracieux adressé par i.E le 16 mai 2023 portait sur une autre décision, la décision de reclassement du 17 mars 2023 et il ne peut être reproché au AA de ne pas avoir répondu à une demande qui n'était pas encore formulée, tout en s'étant strictement conformé aux dispositions légales applicables ; que la décision du 12 septembre 2023 ne correspond pas à un « refus de réintégrer » i.E au poste d'infirmière coordinatrice des toilettes à domicile, sans motivation, dès lors qu'elle ne l'occupait plus depuis le 6 novembre 2017, mais cette décision déclare l'inaptitude définitive de i.E à exercer les fonctions d'infirmière en soins généraux, constatant une situation acquise, sur le plan médical, depuis de nombreuses années et permettant au AA d'initier la procédure de reclassement visée à l'article 39-1 précité ; que i.E fait erreur lorsqu'elle interprète le texte de cet article comme prévoyant un licenciement obligatoire, voire automatique, en cas de refus du poste de reclassement proposé, le AA ayant alors la simple possibilité de prendre une décision soit de placement en disponibilité, soit d'admission à la retraite d'office, soit de licenciement ; que, si l'exercice légitime par i.E du recours devant le Tribunal Suprême prévu par la loi ne constitue pas, contrairement à ce qu'elle affirme, un « grief » reproché par le AA, force est de constater que cette demande aura un impact selon l'issue sur la procédure de reclassement initiée par le AA afin d'offrir à i.E un poste en accord avec son état de santé et avec les besoins de l'établissement ; que la requête devra être rejetée ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics ;

Vu la loi n° 637 du 11 janvier 1958 tendant à créer et à organiser la AA ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982 modifiée, portant statut du personnel de service du AA ;

Vu l'Ordonnance du 15 novembre 2023 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Jean-Philippe DEROSIER, Membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Mme le Greffier en Chef en date du 15 mai 2024 ;

Vu l'Ordonnance du 18 octobre 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 20 novembre 2024 ;

Ouï Monsieur Jean-Philippe DEROSIER, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour i.E ;

Ouï Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour le AA ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs

Après en avoir délibéré

1. Considérant que i.E demande au Tribunal Suprême, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 septembre 2023, par laquelle AB du AA la déclare « inapte définitif à son métier d'infirmière », d'autre part, à la condamnation du AA au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Sur les conclusions à fin d'annulation

1. Considérant qu'aux termes de l'article 2-1 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958 tendant à créer et à organiser la AA : « Le suivi individuel de l'état de santé dont bénéficie chaque salarié est réalisé par un médecin du travail de l'AA. Ce suivi médical comprend : /[…] 6) un examen médical à la demande du salarié ou, lorsqu'elle est dûment motivée, de l'employeur ; / 7) tout examen médical complémentaire prescrit par le médecin du travail lorsqu'il l'estime nécessaire ; / 8) l'établissement, à l'issue de chaque examen médical, d'une fiche de visite contenant, le cas échéant et sans indication des motifs, la déclaration d'aptitude ou d'inaptitude médicale ; / 9) l'établissement, en cas de déclaration d'inaptitude médicale définitive du salarié, d'un rapport dans lequel le médecin du travail formule ses conclusions et des indications sur l'aptitude médicale du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; ce rapport contient également les constatations effectuées lors de l'étude du poste de travail du salarié et des conditions de travail dans l'entreprise prévue au deuxième alinéa de l'article 2-3, ainsi que les résultats de ladite étude » ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2-3 de la même loi : « La fiche de visite mentionnée au chiffre 8 de l'article 2-1 ne peut contenir aucune information médicale. Elle est établie par le médecin du travail et transmise au salarié et à l'employeur dans les conditions fixées par ordonnance souveraine. / Le médecin du travail ne peut déclarer l'inaptitude médicale définitive d'un salarié à son poste de travail que s'il a réalisé une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise ainsi qu'un examen médical du salarié. / Toutefois, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles de toute autre personne, le médecin du travail peut déclarer l'inaptitude médicale à l'issue du seul examen médical. / Il y a inaptitude médicale uniquement dans les cas où il est impératif, pour des raisons de santé ou de sécurité, de soustraire le salarié à son poste de travail. / Toute déclaration d'aptitude ou d'inaptitude médicale peut faire l'objet, de la part du salarié ou de l'employeur concerné, d'une contestation devant une commission médicale instituée auprès de l'AA aux fins d'en obtenir la confirmation ou la réformation. Une ordonnance souveraine détermine les conditions d'application du présent alinéa » ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur l'avis du 21 juillet 2023 par lequel la Commission Médicale Supérieure a confirmé « l'avis inaptitude définitive au poste d'infirmière en soins généraux émise par l'AA en date du 21 décembre 2022 » concernant i.E, sans valider « les commentaires émis sur cette même fiche d'aptitude. Compte tenu des éléments médicaux figurant dans le dossier, l'aptitude médicale aux postes proposés lors de la démarche de reclassement devra être évaluée par le médecin du travail » ; que, si le 12 septembre 2017, un autre médecin avait déclaré i.E « apte avec recommandation d'aménagement de poste », le fait qu'il ait alors indiqué un commentaire identique à celui de l'avis du 21 décembre 2022, par ailleurs annulé par la Commission Médicale Supérieure, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui ne vise ni l'avis du 12 septembre 2017, ni celui du 21 décembre 2022 ; que i.E a pu, conformément aux prescriptions de l'article 2-3 de la loi du 11 janvier 1958 précitée, contester l'avis du 21 décembre 2022 devant la Commission Médicale Supérieure, laquelle a par ailleurs annulé le commentaire litigieux ; que le AB du AA a pu ainsi valablement se fonder sur l'avis d'inaptitude médicale émis par la Commission Médicale Supérieure du 21 juillet 2023 pour prendre sa décision ;

4. Considérant qu'en déclarant i.E, d'une manière générale, « inapte définitif à son métier d'infirmière », alors que la AA, dont l'avis a été, sur ce point, confirmé par la Commission Médicale Supérieure, s'est bornée à la déclarer simplement « inapte définitif à son poste », le AB du AA a usé d'un terme impropre ; que cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de sa décision, dès lors que la lettre de notification du 12 septembre 2023 indique expressément que « le présent courrier a pour objet de vous notifier la décision entérinant votre inaptitude à exercer vos fonctions d'infirmer en soins généraux » ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que i.E n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ; qu'il suit de là que ses demandes indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La requête de i.E est rejetée.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de i.E.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au AA.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Didier GUIGNARD, Pierre de MONTALIVET, Membres titulaires, Jean-Philippe DEROSIER, rapporteur, Membre suppléant ;

et prononcé le quatre décembre deux mille vingt-quatre en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.

Le Greffier en Chef,

Le Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : TS/2024-03
Date de la décision : 04/12/2024

Analyses

Fonction publique ; Fonction publique civile et militaire ; Chômage et reclassement


Parties
Demandeurs : i.E
Défendeurs : AA

Références :

loi n° 918 du 27 décembre 1971
Vu la Constitution
article 39 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982
article 2-1 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958
Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982
loi n° 637 du 11 janvier 1958
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
article 39-1 alinéa 4 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.464 du 28 juillet 1982


Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2024-12-04;ts.2024.03 ?

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