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20/08/1993 | SUISSE | N°2P.77/1993

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 août 1993, 2P.77/1993


119 Ia 254

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20 août
1993 dans la cause X, Y, Z et le Syndicat suisse des services publics
(SSP) contre le Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit
public)
A.- Sous la note marginale "Adaptation au renchérissement", l'art.
54 de la loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le statut général des
fonctions publiques cantonales - dans sa teneur du 16 décembre 1991 -
dispose:

"Le Conseil d'Etat adapte les traitements au coût de la vie le 1er
janvier de chaque année, sur la b

ase de l'indice des prix à la
consommation du mois d'octobre de l'année écoulée. Dans cet...

119 Ia 254

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20 août
1993 dans la cause X, Y, Z et le Syndicat suisse des services publics
(SSP) contre le Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit
public)
A.- Sous la note marginale "Adaptation au renchérissement", l'art.
54 de la loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le statut général des
fonctions publiques cantonales - dans sa teneur du 16 décembre 1991 -
dispose:

"Le Conseil d'Etat adapte les traitements au coût de la vie le 1er
janvier de chaque année, sur la base de l'indice des prix à la
consommation du mois d'octobre de l'année écoulée. Dans cette
mesure, il
est compétent pour modifier l'échelle des traitements figurant à
l'art.
49."

Le 15 décembre 1992, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté un
décret sur l'adaptation au renchérissement dont la teneur est la
suivante:

"Article premier. - L'application de l'article 54 de la loi du 9
juin
1947 sur le statut général des fonctions publiques cantonales est
suspendue pour l'année 1993, de sorte que les traitements ne sont
pas
adaptés au coût de la vie le 1er janvier 1993.
Une adaptation partielle correspondant à l'éventuelle
augmentation en
1993 de la part des cotisations de l'assurance-chômage fédérale à
la charge
des travailleurs est toutefois accordée dès l'entrée en vigueur de
cette
augmentation.
Cette adaptation est limitée à la part du salaire assurée à
l'assurance-chômage.
Les pensions versées aux retraités de l'Etat de Vaud ne sont pas
affectées par le présent décret.
Art. 2. - Sous réserve des dispositions constitutionnelles, le
présent
décret entrera en vigueur le 1er janvier 1993.
Art. 3. - Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution du présent
décret.
Il en publiera le texte conformément à l'article 27, chiffre 2, de
la
Constitution cantonale et le mettra en vigueur, par voie d'arrêté,
conformément à l'article 2 ci-dessus."

Ce décret a été publié dans la Feuille des avis officiels du canton
de Vaud du 29 décembre 1992; le délai référendaire expirait le 7
février
Extrait des considérants:
2.- e) Lorsqu'un recours est dirigé contre un arrêté de portée
générale, ses conclusions doivent préciser si elles tendent à
l'annulation pure et simple de ce texte dans son ensemble ou
seulement de certaines de ses dispositions (ATF 109 Ia 120 consid.
2d). Le décret sur l'adaptation au renchérissement a deux aspects: la
suppression même de l'adaptation au renchérissement pour 1993 et
l'effet rétroactif donné à cette suppression par rapport à la date de
promulgation du décret.
3.- a) Les recourants prétendent que le décret du 15 décembre 1992
sur l'adaptation au renchérissement a été muni d'un effet rétroactif
de manière contraire à l'art. 4 Cst.
Selon la jurisprudence, une norme a un effet rétroactif lorsqu'elle
s'applique à des faits entièrement révolus avant son entrée en
vigueur (ATF 116 Ia 213/214 consid. 4a, 113 Ia 425 et les arrêts
cités. Voir aussi ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, vol.
I, p. 147; ALFRED KÖLZ, Intertemporales Verwaltungsrecht, in RDS
102/1983 II p. 160; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne
1988, n. 2.5.2.3, p. 144). En l'espèce, le décret litigieux a été
adopté par le Grand Conseil le 15 décembre, pour être publié dans la
Feuille des avis officiels du 29 décembre 1992. Vu le texte clair de
l'art. 27 ch. 2 Cst./VD, il ne pouvait entrer en vigueur avant
l'échéance du délai référendaire, soit le 7 février 1993. Toutefois,
l'art. 2 du décret lui-même prévoit qu'il entre en vigueur le 1er
janvier 1993 sous réserve des dispositions constitutionnelles. L'Etat
de Vaud pense pouvoir en déduire que le décret n'a pas prévu d'effet
rétroactif, puisque la date de son entrée en vigueur a été fixée au
moment où il a commencé à déployer ses effets. Or, l'art. 2 du décret
est rédigé de manière peu claire. Au vu de l'art. 27 ch. 2 Cst./VD,
le décret ne pouvait entrer en vigueur avant le 7 février 1993. De
fait, son entrée en vigueur remonte au moment de la publication dans
la Feuille des avis officiels de l'arrêté du Conseil d'Etat du 12
février, soit le 19 février 1993. Le texte de cet arrêté est du reste
plus clair et fait mieux ressortir le véritable processus juridique:
en effet, l'arrêté du 12 février 1993 met le décret en vigueur, mais
avec effet au 1er janvier 1993.
4.- Le Conseil d'Etat (ou l'administration cantonale) a appliqué
le décret du 15 décembre 1992 avant son entrée en vigueur, puisqu'en
janvier 1993 l'adaptation au renchérissement n'a pas été octroyée
selon l'art. 54 de la loi sur le statut général des fonctions
publiques cantonales, alors même que ledit décret ne déployait pas
d'effets juridiques, le délai référendaire n'étant pas échu. En droit
strict, on aurait pu envisager de payer aux fonctionnaires, en
janvier, l'allocation de renchérissement puis, en février, de
supprimer cette allocation et de réclamer le remboursement du montant
versé en trop en janvier (sur la base de l'art. 2 du décret, dont on
a vu plus haut qu'il était admissible). En effet, il n'est
normalement pas possible d'appliquer une loi qui n'est pas en vigueur
(KÖLZ, op.cit., p. 173/174). Cette manière de procéder aurait
toutefois entraîné de vaines complications sur le plan pratique. Il
aurait fallu calculer pour le premier trimestre 1993 pas moins de
trois montants différents de salaire: janvier (avec renchérissement),
février (pas de renchérissement et déduction de la somme versée en
trop en janvier) et mars (sans renchérissement). L'Etat aurait encore
dû réclamer séparément le trop-perçu aux fonctionnaires ayant quitté
leur fonction à fin janvier. De plus, l'entrée en vigueur du décret
était imminente. Aucun référendum n'avait été annoncé et il était
quasiment impossible de fin janvier à début février d'annoncer le
référendum et de déposer les listes contenant 12'000 signatures
valables (cf. art. 89 à 96 et 105 de la loi vaudoise du 16 mai 1989
sur l'exercice des droits politiques). On peut du reste sérieusement
se demander si les recourants, notamment les trois premiers, ont un
intérêt réel à soulever ce moyen, car, même si celui-ci était fondé,
ils pourraient théoriquement réclamer à l'Etat le versement du
renchérissement pour janvier, mais l'Etat de Vaud pourrait
immédiatement leur opposer en compensation une créance en
remboursement sur la base de l'art. 2 du décret attaqué. De toute
façon, l'autorité cantonale pouvait en l'espèce donner un "effet
anticipé" au droit nouveau, dans la mesure où elle avait pour cela
une base légale dans le droit en vigueur (MOOR, op.cit., n. 2.5.4, p.
152/153). En effet, le Conseil d'Etat dispose d'un pouvoir
réglementaire


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.77/1993
Date de la décision : 20/08/1993
2e cour de droit public

Analyses

Art. 4 Cst.; décret sur l'adaptation des traitements des fonctionnaires vaudois au renchérissement; effet rétroactif. 1. Exigences relatives aux conclusions contenues dans un recours de droit public dirigé contre un arrêté cantonal de portée générale (consid. 2e). 2. Conditions auxquelles la rétroactivité d'une norme est admissible (consid. 3). Cas exceptionnel où il est possible d'appliquer le droit qui n'est pas encore en vigueur; notion d'"effet anticipé" (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1993-08-20;2p.77.1993 ?
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