119 II 380
76. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 septembre 1993
dans la cause National Power Corporation contre Westinghouse
International Projects Compagny, Westinghouse Electric S.A.,
Westinghouse Electric Corporation, Burns & Roe, Enterprises Inc. et
Tribunal arbitral (recours de droit public)
A.- En 1972, Ferdinand Marcos, Président de la République des
Philippines, a proclamé la loi martiale. En 1973, il a décidé la
construction d'une centrale nucléaire pour couvrir les besoins
énergétiques de son pays. La National Power Corporation fut chargée
de la planification et de la construction de l'usine. Le 23 avril
1974, elle a conclu avec la société américaine Burns & Roe,
Enterprises Inc. un contrat d'ingénierie et de conseil et, le 9
février 1976, un contrat d'entreprise avec Westinghouse Electric
S.A., en vue de la construction de la centrale. Ces contrats
comportaient une clause arbitrale. La tâche d'entrepreneur fut, par
la suite, reprise, en tout ou partie, par la Westinghouse
International Projects Compagny et par la Westinghouse Electric
Corporation.
B.- Par requêtes des 1er et 21 décembre 1988, les sociétés du
groupe Westinghouse, d'une part, et Burns & Roe, d'autre part, ont
introduit une procédure arbitrale afin de faire valoir leurs
prétentions à l'encontre de la National Power Corporation et de la
République des Philippines. En cours de procédure, les défenderesses
ont élevé l'exception d'incompétence du Tribunal arbitral saisi. Par
sentence incidente du 19 décembre 1991, le Tribunal arbitral a admis
sa compétence.
C.- Le Tribunal fédéral a rejeté dans la mesure où il était
recevable le recours de droit public interjeté par la National Power
Corporation.
Extrait des considérants:
3.- a) La recourante soutient que les contrats litigieux sont
nuls, car des actes de corruption et des pots-de-vin versés au
Président Marcos seraient à l'origine de leur conclusion; cette
nullité affecterait également les clauses compromissoires; selon
elle, c'est ainsi à tort que le Tribunal arbitral s'était déclaré
compétent.
Au terme d'une procédure probatoire minutieuse, le Tribunal
arbitral a conclu que la recourante n'avait pas apporté la preuve que
des pots-de-vin avaient été versés à Marcos, en relation avec la
conclusion des contrats d'ingénierie et de conseil, et qu'elle
n'avait pas établi non plus que la stipulation de la clause
compromissoire incluse dans le contrat d'entreprise aurait été
influencée par des actes de corruption. L'autorité arbitrale a admis
ainsi sa compétence en la fondant sur le caractère obligatoire des
contrats conclus et elle a laissé la question ouverte de savoir si
cette compétence pouvait également découler du principe de
l'autonomie de la clause arbitrale.
4.- Même si le Tribunal arbitral avait retenu que les pots-de-vin
versés au Président Marcos avaient abouti à la conclusion des
contrats litigieux, le recours aurait dû, malgré tout, être rejeté
pour les motifs suivants:
a) Quant au fond, la convention d'arbitrage est valable si elle
répond aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties,
soit le droit régissant l'objet du litige et notamment le droit
applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse (art.
178 al. 2 LDIP). Cette règle de conflit "in favorem validitatis"
fonde un rattachement alternatif dans le but d'éviter, si possible,
la survenance de différends relatifs à la validité de la convention
d'arbitrage (LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 14 ad art. 178 OJ). De plus,
une convention d'arbitrage ne peut être attaquée au motif que le
contrat principal ne serait pas valable (art. 178 al. 3 LDIP). Le
droit suisse connaît ainsi le principe de l'autonomie de la clause
arbitrale, principe adopté par la jurisprudence depuis des décennies
(ATF 59 I 177) et universellement admis en Europe occidentale et aux
Etats-Unis sous la terminologie "severability" ou "separability"
(LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 4 ad art. 178 LDIP; cf., également, A.
BUCHER, Die neue internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der
Schweiz, p. 39, no 84 et p. 116, no 307; WALTER/BOSCH/BRÖNNIMANN,
op.cit., p. 77; RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches
Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 87 s.; JOLIDON, n. 8.1 ad art. 4
CIA; SCHWAB/WALTER, Schiedsgerichtsbarkeit, 4e éd., p. 36 s.;
SCHLOSSER, Das Recht der internationalen privaten
Schiedsgerichtsbarkeit, 2e éd., p. 291 ss, nos 392 s.).
Demeurent réservés, toutefois, les cas dans lesquels la cause de
nullité du contrat principal affecte également la clause
compromissoire qui y est contenue, en particulier s'il y a défaut
d'exercice des droits civils d'une partie, désaccord latent ou
existence de certains vices du consentement, tels que la crainte
fondée au sens de l'art. 29 CO (ATF 88 I 100 consid. 2 p. 105;
LALIVE/POUDRET/REYMOND, n. 3 ad art. 4 CIA; WALTER/BOSCH/BRÖNNIMANN,
op.cit., p. 77; JOLIDON, op.cit., p. 139; RÜEDE/HADENFELDT, loc.cit.;
SCHLOSSER, op.cit., p. 293, no 393).
b) D'après la conception juridique suisse, les promesses de
versement de pots-de-vin sont illicites, et donc nulles en vertu des
articles 19 s. CO, en raison du vice affectant leur contenu (KRAMER,
n. 200 ad art. 19-20 CO avec les réf.). Selon un point de vue
confirmé, elles