119 II 452
91. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 14 décembre 1993
dans la cause J. AG contre S. (recours en réforme)
A.- Le garagiste S. était lié à X. S.A. par un "contrat de
concessionnaire" et par des contrats de prêt. En 1983, il devait à
cette société divers montants qu'il avait de la peine à payer.
Le 9 septembre 1983, X. S.A. a confié à J. AG un "mandat
d'encaissement" portant sur la somme de 159'291 fr. 70, à réclamer à
S. Cette somme, ramenée après discussion à 116'296 fr. 60, a fait
l'objet d'une reconnaissance de dette que S. a signée le 12 décembre
1983 en faveur de J. AG, à qui il reconnaissait devoir le dernier
montant cité qu'il s'engageait à payer par acomptes, un retard de
plus de cinq jours dans le paiement de l'un de ceux-ci rendant le
solde de la dette exigible dans sa totalité.
Entre janvier 1984 et avril 1985, S. a effectué plusieurs
versements partiels que J. AG a fait virer au compte de X. S.A.
Un premier commandement de payer notifié à S. en février 1985, à
l'instance de J. AG, agissant en qualité de représentante de X. S.A.,
a été frappé d'une opposition que le juge a maintenue parce qu'il n'y
avait pas identité entre le créancier poursuivant et le bénéficiaire
de la reconnaissance de dette invoquée à l'appui de la requête de
mainlevée. Sur réquisition de J. AG, agissant alors personnellement,
un commandement de payer la somme de 58'847 fr. 35, correspondant au
solde du montant de la reconnaissance de dette après imputation des
acomptes versés, a été notifié à S. en septembre 1985. La mainlevée
provisoire de l'opposition du poursuivi a été accordée le 18 novembre
1985 et un recours cantonal contre la décision y relative a été
rejeté le 23 janvier 1986.
B.- Le 3 février 1986, S. a ouvert une action en libération de
dette contre J. AG. En plus de sa libération, il a conclu au paiement
par la défenderesse d'un montant de 57'449 fr. 25.
Par jugement du 29 mars 1993, la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud a admis la conclusion libératoire du demandeur et
rejeté sa conclusion en paiement. Elle a considéré, en substance, que
la défenderesse n'était pas le sujet actif du droit déduit en
justice, puisqu'elle faisait valoir la créance appartenant à un
tiers, soit X. S.A., qui ne la lui avait pas cédée mais l'avait
simplement
Extrait des considérants:
1.- a) X. S.A. est titulaire de la créance litigieuse. Il n'est
pas établi qu'elle ait valablement cédé cette créance - à titre
fiduciaire - à la défenderesse (Inkassoabtretung; cf. SPIRIG,
Commentaire zurichois, Vorbemerkungen zu Art. 164 - 174 OR, n. 120 et
226). En revanche, il est constant qu'elle lui a conféré le pouvoir
de l'encaisser (Inkassovollmacht; cf. SPIRIG, ibid.).
b) Le pouvoir d'encaissement découle en l'occurrence d'un mandat,
en vertu duquel la défenderesse était tenue de recouvrer la créance
et d'en remettre le montant à X. S.A. (SCHRANER, Commentaire
zurichois, n. 72 ad art. 68 CO). Une fois porté à la connaissance du
demandeur, un tel pouvoir avait pour effet de permettre à celui-ci de
s'acquitter entre les mains de la représentante avec effet
libératoire aussi longtemps qu'une révocation ou une restriction de
ce pouvoir ne lui avait pas été communiquée (SCHRANER, op.cit., n. 74
ad art. 68 CO; WEBER, Commentaire bernois, n. 94 ad art. 68 CO).
En signant la reconnaissance de dette dans laquelle la défenderesse
était désignée en qualité de créancière, le demandeur a admis devoir
s'exécuter entre les mains de la représentante. Ce faisant, il a
permis à la défenderesse de recouvrer la créance litigieuse en son
nom à elle, mais pour le compte de la créancière, alors que, faute
d'une telle reconnaissance de dette, la représentante n'eût pu agir
qu'au nom de la créancière.
c) Sous l'angle du droit matériel, le pouvoir d'encaisser la
créance en son propre nom, que le débiteur avait expressément reconnu
à la représentante, n'impliquait pas un changement du titulaire de la
créance. La reconnaissance de dette abstraite du demandeur portait
uniquement sur le pouvoir d'encaissement, en ce sens qu'elle
autorisait la représentante à requérir, le cas échéant, la mainlevée
provisoire en son propre nom (art. 82 al. 1 LP), une telle faculté
étant réservée en principe à la personne désignée comme créancière
dans la
2.- Appliqués au cas particulier, ces principes conduisent à
admettre que la cour cantonale ne pouvait pas faire droit aux
conclusions libératoires du demandeur du seul fait que la
défenderesse n'était pas titulaire de la créance déduite en justice.
En effet, comme la défenderesse, se fondant sur la reconnaissance de
dette souscrite en sa faveur, n'entendait exercer que le droit de
recouvrer en son