119 V 475
68. Arrêt du 22 décembre 1993 dans la cause X contre Nationale
Suisse Assurances et Cour de justice du canton de Genève
A.- a) X, née en 1948, mère de deux enfants nés en 1977 et 1980,
travaillait et travaille encore à 60 pour cent comme dentiste au
service d'une clinique dentaire. A ce titre, elle est obligatoirement
assurée
Considérant en droit:
1.- La décision du 9 juin 1988, par laquelle La Nationale a refusé
d'allouer une rente d'invalidité à la recourante, est entrée en
force, faute d'avoir été attaquée. A certaines conditions cependant,
des décisions revêtues de l'autorité de chose jugée peuvent être
modifiées.
a) Tout d'abord, une décision peut être révisée en raison d'un
changement des circonstances. C'est ainsi que selon l'art. 22 al. 1
LAA, si le degré d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une
modification déterminante, la rente est, pour l'avenir, augmentée ou
réduite proportionnellement, ou supprimée. En outre, conformément à
un principe général du droit des assurances sociales,
l'administration (ou l'assureur) peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une
autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à condition
qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête
une importance notable (ATF 117 V 12 consid. 2a et les arrêts cités).
Enfin, par analogie avec la révision des décisions rendues par les
autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la
révision (procédurale) d'une décision entrée en force formelle
lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de
preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique
différente (ATF 115 V 186 consid. 2c et les références).
2.- a) Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide à la
suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (al. 1). Est
réputé invalide celui dont la capacité de gain subit
vraisemblablement une atteinte permanente ou de longue durée. Pour
l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré
devenu invalide par suite d'un accident pourrait obtenir en exerçant
l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après
exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une
situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).
Les art. 28 et 29 OLAA contiennent des dispositions sur
l'évaluation du degré de l'invalidité dans les cas spéciaux; ces
dispositions
3.- De ce qui précède, il résulte que l'intimée, dans sa décision
initiale, du 9 juin 1988, a considéré à tort que le droit de la
recourante à une rente d'invalidité était d'emblée exclu par le fait
qu'elle avait été en mesure de reprendre, comme auparavant, son
activité à temps partiel. Peu importait, par ailleurs, que l'assurée
ait eu ou non l'intention de travailler à plein temps.
On doit admettre, de surcroît, que cette décision était entachée
d'inexactitude manifeste. En effet, il ressortait des rapports
médicaux établis à l'époque que l'assurée n'eût pas été à même
d'étendre son activité professionnelle. En déniant à l'assurée le
droit à une rente, malgré ce fait médicalement attesté, La Nationale
n'a pas seulement commis une erreur d'appréciation, en principe non
sujette à reconsidération. Elle est partie de l'idée inexacte qu'il
s'agissait d'une circonstance dépourvue de toute portée juridique.
Fondée sur cette fausse prémisse, elle a commis une erreur de droit
qui touche, en l'espèce, les principes mêmes d'évaluation de
l'invalidité dans l'assurance-accidents. L'évaluation inexacte de
l'invalidité, en raison d'une fausse application de ces principes,
fondamentaux, doit être considérée comme sans nul doute erronée, au
même titre d'ailleurs qu'un calcul de rente contraire à la loi (voir
à ce sujet: ATF 103 V 128 consid. a).
4.- En conclusion, la décision sur opposition du 30 août 1991 doit
être annulée. En revanche, le Tribunal fédéral des assurances n'est
pas habilité à annuler lui-même la décision du 9 juin 1988. Il
appartiendra plutôt à l'intimée, à qui la cause doit être renvoyée,
de procéder elle-même à une reconsidération et de statuer sur le
droit de l'assurée à une rente, ainsi que sur le point de départ de
celle-ci (ATF 117 V 21 consid. 2d). A ce dernier propos, on notera
que le juge n'est pas habilité, en l'absence d'une disposition
idoine, à imposer à l'administration ou à l'assureur les modalités de
la reconsidération (ATF 119 V 180; cf. ATF 110 V 295 s.). Par
ailleurs, il sera loisible à La Nationale de compléter l'instruction
du cas, notamment par une expertise. On ne peut en tout cas pas, sans
autre examen,
5.- Un litige relatif à la révocation d'une décision entrée en
force, par voie de reconsidération ou de révision (procédurale), ne
concerne pas l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, de
sorte que la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario).
Succombant, La Nationale supportera les frais de la cause (art. 156
al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce:
I. Le recours est partiellement admis et le jugement de la Cour de
justice
du canton de Genève du 11 février 1993, ainsi que la décision sur
opposition de La Nationale du 30 août 1991, sont annulés.
II. La cause est renvoyée à La Nationale pour qu'elle procède
conformément
aux considérants.