119 Ib 492
53. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 24
décembre 1993 dans la cause LO Immeubles S.A. et LO Gestion S.A.
contre Département des travaux publics, de l'aménagement et des
transports et Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit
administratif et de droit public)
A.- La société anonyme LO Immeubles S.A. est propriétaire, sur le
territoire de la commune de Lausanne, d'une parcelle sur laquelle se
trouvent plusieurs bâtiments affectés notamment à l'exploitation d'un
café-restaurant - "Le Boccalino" - et d'un hôtel-restaurant - l'hôtel
"Aulac". Le patrimoine immobilier de LO Immeubles S.A. est géré par
la société anonyme LO Gestion S.A. Cette dernière société loue par
ailleurs des locaux commerciaux dans un bâtiment sis sur une parcelle
adjacente, propriété d'une autre société; un tiers, sous-locataire de
LO Gestion S.A., exploite dans ces locaux une cuisine industrielle,
le "Marmiton".
En automne 1988, une demande de permis de construire a été déposée
pour un projet de transformation des locaux du restaurant "Le
Boccalino". Selon les indications figurant sur la formule transmise à
l'autorité communale, le propriétaire LO Immeubles S.A., également
maître de l'ouvrage, avait chargé la société anonyme DEM S.A.
d'établir les plans et de diriger les travaux. Un "questionnaire
particulier pour approbation des plans de locaux industriels,
artisanaux et commerciaux" a été joint le 3 janvier 1989 au dossier
de la demande de permis de construire; cette formule était signée par
un représentant de LO Gestion S.A. - pour LO Immeubles S.A. -, par un
représentant de DEM S.A. et par un responsable de l'exploitation du
"Boccalino". Par lettre du 31 janvier 1989, le Service des eaux et de
la protection de l'environnement du Département des travaux publics,
de l'aménagement et des transports du canton de Vaud a demandé à la
société DEM S.A. d'ajouter au dossier un "plan des canalisations sur
lequel figureront les différents réseaux (eaux ménagères,
industrielles, de surface) et installations de prétraitement
(séparateurs de graisses)". Le 28 février 1989, le directeur de DEM
S.A. a confirmé par écrit au service cantonal des eaux que "les
travaux relatifs au séparateur de graisses ser[aient] effectués d'ici
au 30 juin 1989". En se référant à cet engagement, le Département des
travaux publics, de l'aménagement et des transports a, le 9 mars
1989, fait savoir au Département cantonal de la justice, de la police
et des affaires militaires qu'il ne s'opposait pas à la délivrance du
permis de construire requis. Le 14 mars 1989, ce dernier département
a notifié à DEM S.A. l'autorisation spéciale qu'il était chargé de
délivrer
Extrait des considérants:
3.- Les recourantes soutiennent que les conditions d'application
de l'art. 18 al. 2 LPEP, disposition sur laquelle la décision
attaquée est fondée, ne seraient pas remplies en l'espèce.
a) La loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux
contre la pollution (LPEP; RO 1972 p. 958 ss) était applicable à la
date de la décision attaquée. Elle a été abrogée par l'entrée en
vigueur, le 1er novembre 1992, de la loi fédérale du 24 janvier 1991
sur la protection des eaux (LEaux; RS 814.20 - cf. art. 74 LEaux).
La validité d'une décision doit en principe être examinée selon le
droit applicable au moment où elle a été prise. La protection du
milieu vital de l'homme procède toutefois d'un intérêt public
essentiel; il importe que les prescriptions nouvelles destinées à
renforcer cette protection produisent leurs effets le plus rapidement
possible, et qu'elles soient donc appliquées dans toutes les
procédures en cours lors de leur entrée en vigueur, y compris dans la
procédure du recours de droit administratif (ATF 119 Ib 174 consid.
3, concernant la nouvelle loi fédérale sur la protection des eaux;
ATF 112 Ib 39 consid. 1c, concernant la loi fédérale sur la
protection de l'environnement; ATF 99 Ia 113 consid. 9, concernant la
loi fédérale de 1971 sur la protection des eaux contre la pollution).
b) aa) Aux termes de l'art. 18 al. 1 LPEP, toutes les eaux usées du
périmètre d'un réseau d'égouts doivent en principe être déversées
dans les canalisations publiques ou dans les canalisations privées et
d'intérêt public. L'art. 18 al. 2 LPEP a la teneur suivante:
"Les exploitants de telles canalisations sont tenus de recevoir
les eaux
usées et de les conduire jusqu'à la station centrale d'épuration.
Celui
qui produit des eaux usées exerçant des effets nocifs sur les
installations d'évacuation et d'épuration devra leur faire subir un
traitement préliminaire avant de les déverser dans les
canalisations."
Le Conseil fédéral a édicté des prescriptions complémentaires dans
ce domaine (cf. art. 22 et 23 LPEP), en particulier l'ordonnance du 8
décembre 1975 sur le déversement des eaux usées (RS 814.225.21).
L'art. 7 de cette ordonnance dispose ce qui suit:
"Des autorisations de raccordement à des canalisations publiques
ou
d'intérêt public selon l'art. 18 de la loi sur la protection des
eaux [en
note: actuellement selon l'art. 11 de la LF du 24 janvier 1991] ne
seront
accordées pour les eaux usées artisanales, industrielles et de
nature
semblable que si ces eaux ne portent atteinte ni aux installations
d'évacuation et d'épuration
4.- a) Depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 24 janvier
1991 sur la protection des eaux, l'obligation de prétraitement des
eaux usées ne répondant pas aux exigences fixées pour le déversement
dans les égouts n'incombe plus à celui qui produit ces eaux (cf. art.
18 al. 2 LPEP), mais à celui qui les détient (cf. art. 12 al. 1
LEaux). Cette modification résulte clairement du texte français de la
nouvelle loi. Toutefois, selon le texte allemand de cette dernière
disposition tel qu'il figure au RS 814.20 (ainsi que selon le texte
publié après l'adoption de la loi par les Chambres fédérales - cf.
BBl 1991 I 253), le prétraitement doit être effectué par celui qui
veut introduire des eaux usées dans les égouts ("wer Abwasser
einleiten will..."). On peut dès lors se demander si cette notion
correspond à celle du "détenteur" employée dans le texte français.
Aux termes du projet du Conseil fédéral, l'obligation de
prétraitement incombait au détenteur des eaux usées ("wer Abwässer
hat"; cf. BBl 1987 II 1185). Pour des raisons de style, la commission
du Conseil des Etats avait proposé l'usage du singulier ("Abwasser"
plutôt que "Abwässer"), tout en conservant le verbe employé dans le
projet du Conseil fédéral (BOCE 1988 p. 635). Le Conseil des Etats a
adopté l'art. 12 al. 1 LEaux dans cette teneur (ibid.), de même que
le Conseil national (BOCN 1989 p. 955). La modification
terminologique dans la définition du débiteur de l'obligation, opérée
dans le seul texte allemand, est intervenue ultérieurement; le
Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale ne fournit aucune
explication à ce propos. Quant au texte italien de l'art. 12 al. 1
LEaux, il met l'obligation de prétraitement à la charge du détenteur
des eaux, ou plus précisément de celui qui a des eaux à évacuer ("chi
ha acque di scarico...").
Cette disposition n'a pas fait l'objet d'autres discussions devant
les Chambres fédérales. Dans ces conditions, en ce qui concerne le
débiteur de l'obligation fixée à l'art. 12 al. 1 LEaux, on doit
admettre que la divergence entre les textes français et italien,
d'une part, et allemand, d'autre part, n'a aucune portée décisive.
C'est la notion française de "détenteur", dans l'acception
déterminante en l'espèce (cf. infra, consid. 4b), qui doit être
retenue.
b) aa) Les motifs du choix, à cet égard, de la personne du
"détenteur" plutôt que de celle du "producteur" des eaux usées
utilisée par l'ancienne loi (selon le texte allemand de l'art. 18 al.
2 LPEP, l'obligation de prétraitement incombait au "Verursacher", et
selon le texte italien, à "chi le [= les eaux usées] ha prodotte"),
ne résultent pas clairement des travaux préparatoires. Le Message du
Conseil fédéral
5.- En vertu de l'art. 12 al. 1 LEaux, le prétraitement d'eaux
usées peut être imposé lorsque celles-ci ne répondent pas aux
exigences fixées pour le déversement dans les égouts. Les recourantes
soutiennent que cette condition ne serait pas remplie en l'espèce ou,
à tout le moins, que l'autorité cantonale ne pouvait les contraindre
à installer un séparateur de graisses sans ordonner auparavant une
6.- Les recourantes font valoir qu'elles ne pouvaient de toute
manière pas être tenues d'assurer le prétraitement des eaux usées de
l'établissement "Marmiton".
a) La recourante LO Immeubles S.A. est propriétaire du bâtiment
dans lequel se trouvent les cuisines des restaurants "Le Boccalino"
et "Aulac"; la recourante LO Gestion S.A. gère cet immeuble. Il n'est
pas nécessaire d'examiner plus précisément les attributions
respectives de ces deux sociétés, car on peut considérer qu'ensemble,
elles ont la maîtrise de toutes les canalisations par lesquelles les
eaux usées des cuisines de ces deux établissements sont évacuées dans
le collecteur public; dans cette mesure, elles peuvent disposer des
eaux qui y sont déversées et elles en sont les détentrices au sens de
l'art. 12 al. 1 LEaux (cf. supra, consid. 4b).
b) L'exploitant du "Marmiton" - cuisine de 81 m2 dans laquelle sont
préparés des mets à l'emporter - est locataire de la recourante LO
Gestion S.A., qui elle-même dispose de ces locaux en vertu d'un
contrat de bail passé avec un tiers. Il est au demeurant constant que
la recourante LO Immeubles S.A. n'en est ni propriétaire, ni
locataire, ni responsable à un autre titre. La décision attaquée
retient par