119 II 456
92. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 décembre 1993
dans la cause dame X. contre Y. (recours en réforme)
A.- Dame X. a consulté le docteur Y., chirurgien et spécialiste
des troubles liés à l'obésité. A cette occasion, le médecin a
constaté que dame X. pesait 110 kg pour une taille de 170
centimètres; il lui a proposé d'effectuer une gastroplastie selon
Mason dans une clinique privée. Le 9 mars 1988, le chirurgien a
procédé à l'opération prévue, ainsi qu'à l'ablation d'une hernie
ombilicale et de hernies de la ligne blanche, ce que dame X. a appris
incidemment une année plus tard.
B.- La caisse-maladie Z. a refusé toute participation aux frais de
l'intervention, qui s'élevaient au total à 20'709 francs. Elle était
d'avis
Extrait des considérants:
1.- La cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si le
médecin est tenu de renseigner le patient sur la prise en charge
d'une intervention par la caisse-maladie. Elle a jugé que, même si
une telle obligation était reconnue, le défendeur avait fourni à la
demanderesse,
2.- A juste titre, la cour cantonale soumet le contrat passé entre
les parties aux règles du mandat (art. 394 ss CO; ATF 114 Ia 350
consid. 6 p. 358, 105 II 284 consid. 1). Aux termes de l'art. 398 al.
2 CO, le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et
fidèle exécution du mandat; l'art. 398 al. 1 CO renvoie au surplus
aux règles sur la responsabilité du travailleur dans les rapports de
travail (art. 321e CO; cf. également art. 321 ss CO).
a) Informer le patient de manière appropriée fait partie des
obligations contractuelles du médecin (ATF 117 Ib 197 consid. 2a p.
200, 116 II 519 consid. 3b p. 521). Jusqu'à présent, la jurisprudence
s'est surtout attachée à fixer l'étendue du devoir d'information en
relation avec le consentement du patient à un traitement ou à une
intervention; il a ainsi été posé, en particulier, que le médecin a
l'obligation d'informer son patient sur la nature et les risques des
traitements qu'il entend appliquer, à moins qu'il ne s'agisse d'actes
courants, sans danger particulier et n'entraînant pas d'atteinte
définitive ou durable à l'intégrité corporelle (ATF 117 Ib 197
consid. 3b p. 203, 116 II 519 consid. 3b p. 521, 114 Ia 350 consid. 6
p. 358, 108 II 59 consid. 2 p. 61, 105 II 284 consid. 6c p. 287).
Le Tribunal fédéral a néanmoins précisé, en obiter dictum, que
l'information du patient doit également porter sur le coût de
l'intervention (ATF 114 Ia 350 consid. 6 p. 358/359) ou encore sur
les particularités du traitement sur le plan économique (ATF 116 II
519 consid. 3b p. 521/522). Pour leur part, des jugements cantonaux
ont admis l'obligation du médecin d'avertir le patient du défaut de
prise en charge du traitement par les caisses-maladie, lorsque
l'assuré n'est pas en mesure de s'en rendre compte par lui-même
(jugement du 30 juin 1988 du Bezirksgericht de Zurich, in ZR 88
(1989), n. 27, p. 86; jugement du 6 février 1964 de
l'Appellationsgericht de Bâle-Ville, in SJZ 60 (1964), n. 232, p.
344). Statuant sur recours de droit public, le Tribunal fédéral a
jugé à ce propos qu'il n'était pas arbitraire de retenir une telle
obligation à la charge du médecin (arrêt non
3.- En l'espèce, il ressort des faits établis dans le jugement
attaqué que la demanderesse a interrogé le défendeur pour savoir si
l'opération envisagée était prise en charge par sa caisse-maladie; le
médecin lui a répondu qu'à son avis, l'intervention devait être
remboursée. En outre, la demanderesse a soumis son certificat
d'assurance au défendeur; ce dernier a écrit, sur l'attestation,
qu'il n'y avait pas de réserve en ce qui concerne l'obésité.
a) Il apparaît que la demanderesse a été induite en erreur par le
renseignement inexact fourni par le défendeur. Certes, comme la cour
cantonale le fait observer, l'information a été donnée sous la forme
d'un avis et le médecin ne s'est pas montré catégorique. Il n'empêche
que la formulation utilisée par le défendeur et son attitude
n'étaient pas propres à éveiller les doutes de la patiente quant à la
couverture d'assurance. Dans le contexte de l'espèce, la précision "à
mon avis" était insuffisante. En effet, la demanderesse avait toute
confiance dans le défendeur, qui est un spécialiste des troubles liés
à l'obésité et avait effectué environ une centaine de gastroplasties
au moment des faits. La patiente pouvait donc penser avec raison
qu'il était en mesure de la renseigner correctement à propos de la
couverture des frais par l'assurance-maladie. De façon plus générale,
le prestige attaché à la profession de médecin et la situation
d'infériorité du patient empêchent souvent ce dernier de mettre en
doute les paroles du praticien.
Par ailleurs, le défendeur n'a pas fait part à la demanderesse
d'une hésitation quelconque; il ne lui a pas conseillé non plus de se
renseigner auprès de sa caisse-maladie avant l'intervention. En
revanche, il a noté de sa main, sur le certificat d'assurance,
l'absence de réserve à propos de l'obésité, ce qui était exact en
soi, mais également de nature à rassurer faussement la patiente; en
effet, il ne ressort pas du jugement attaqué que celle-ci savait,
avant l'intervention, que la prise en charge d'une gastroplastie par
la caisse-maladie supposait un poids atteignant au moins 180% du
poids idéal. A lire le courrier échangé après les premières
difficultés avec Z., il n'apparaît pas non plus que le défendeur se
soit estimé incompétent en la matière, bien au contraire. Ainsi, dans
sa lettre du 9 décembre 1988 au conseil de la demanderesse, le
défendeur ne reconnaît pas son erreur, mais affirme très clairement
que la patiente a droit au remboursement
4.- Il ressort de la chronologie des faits constatés par la cour
cantonale que le défendeur a proposé à la demanderesse de procéder à
une gastroplastie et que la patiente, avant d'accepter, a demandé au
praticien si l'intervention était couverte par l'assurance-maladie.
Il faut en déduire que la prise en charge des frais par la
caisse-maladie était un élément intervenant dans la volonté de la
demanderesse de se faire opérer. La violation de l'obligation
d'informer commise par le médecin se trouve ainsi dans un lien de
causalité naturelle avec le dommage. En outre, le fait d'être
rassurée sur la couverture d'assurance était un facteur propre, selon
le cours ordinaire des choses et