120 Ib 70
12. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 26
janvier 1994 dans la cause Association Suisse contre les Nuisances de
l'Aviation et consorts contre Grand Conseil de la République et
canton de Genève (recours de droit administratif et de droit public).
A.- En vertu d'un arrêté législatif pris le 4 juillet 1958 par le
Grand Conseil de la République et Canton de Genève, les terrains
appartenant à l'Etat de Genève et compris dans le périmètre de
l'aéroport de Genève-Cointrin sont classés en zone industrielle. Le
1er août 1987 est entrée en vigueur la loi cantonale d'application de
la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT); elle prévoit
que le territoire du canton est réparti en "zones ordinaires" (art.
18 LaLAT), parmi lesquelles figurent les zones à bâtir, l'une d'elles
étant la "zone aéroportuaire" (art. 19 al. 5 LaLAT). Le Conseil
d'Etat de la République et canton de Genève a dès lors élaboré un
projet de loi "modifiant le régime des zones de construction sur le
territoire des communes de Bellevue, Grand-Saconnex, Meyrin et
Vernier (création de la zone aéroportuaire)", le nouveau régime
devant en particulier remplacer celui découlant de l'arrêté de 1958.
Ce projet de loi, accompagné d'un plan du périmètre - qui comprend
aussi des terrains dont la commune de Vernier est propriétaire -, a
été mis à l'enquête publique; l'Association Suisse contre les
Nuisances de l'Aviation (ASNA) et l'Association Transport et
Environnement (ATE) ont formé opposition, en demandant notamment que
le projet soit soumis à une étude de l'impact sur l'environnement
(EIE). Par ailleurs, après l'enquête publique, le conseil municipal
de Vernier a été invité à faire part de son préavis, au même titre
que les autorités des trois autres communes concernées; il a donné un
avis favorable, en demandant cependant qu'une étude d'impact soit
réalisée. La commission d'aménagement du Grand Conseil, chargée
d'étudier le projet de loi, s'est prononcée sur les critiques des
deux associations précitées; elle a proposé, dans son rapport du 19
août 1992, de rejeter l'opposition. Dans sa séance du 18 septembre
1992, le Grand Conseil, suivant les
Extrait des considérants:
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine
cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 119 Ib
56 consid. 1, 64 consid. 3a, 179 consid. 1 et les arrêts cités).
b) aa) L'acte attaqué, adopté sous la forme d'une loi cantonale,
est d'un point de vue matériel un plan d'affectation au sens des art.
14 ss LAT (RS 700); la création et la modification de "zones
ordinaires" (cf. art. 18 ss LaLAT) sont en effet, en droit genevois,
soumises à une procédure de type législatif (art. 15 ss LaLAT; cf.
ATF 113 Ia 266). En vertu du principe énoncé à l'art. 34 al. 3 LAT,
seule la voie du recours de droit public est ouverte contre les
décisions sur les plans d'affectation prises par les autorités
cantonales de dernière instance.
Toutefois, lorsque certaines dispositions d'un plan d'affectation -
en règle générale: d'un plan d'affectation spécial - équivalent à des
décisions fondées sur le droit fédéral de la protection de
l'environnement - le plan contenant alors ces décisions -, la voie du
recours de droit administratif est exceptionnellement ouverte à cet
égard; la clause d'exclusion de l'art. 99 let. c OJ ne s'applique pas
à des recours dirigés contre de telles décisions (ATF 118 Ib 11
consid. 2c, 66 consid. 1c et les arrêts cités).
2.- Les recourantes soutiennent qu'une étude de l'impact sur
l'environnement aurait dû être effectuée dans le cadre de la
procédure d'adoption de la loi attaquée, créant une zone à bâtir en
relation avec un aéroport existant; elles font en substance valoir
que la procédure de planification devrait être considérée comme une
"procédure décisive" au sens de l'art. 5 OEIE dès lors que la
concession octroyée par l'autorité fédérale pour la création ou
l'exploitation de cette infrastructure, selon l'art. 37 al. 1 de la
loi fédérale sur la navigation aérienne (LNA; RS 748.0), présenterait
certaines irrégularités.
La création et la modification, au sens de l'art. 2 OEIE, d'un
aéroport - celui de Genève-Cointrin notamment - sont soumises à une
étude d'impact et la procédure décisive, selon l'ordonnance du
Conseil fédéral, est celle de l'octroi de la concession, au sens de
l'art. 37 al. 1 LNA, par le Département fédéral des transports et
communications et de l'énergie (ch. 14.1 de l'annexe à l'OEIE; cf.
art. 5 al. 1 OEIE). Il n'appartient donc pas aux cantons de régler
différemment cette question et l'art. 5 al. 3 OEIE,
3.- Les recourantes se plaignent d'une violation de leur droit
d'être entendues garanti par l'art. 4 Cst., car elles n'auraient pas
eu accès à l'ensemble du dossier de l'autorité cantonale. Un tel
grief est en principe recevable dans le cadre du recours de droit
administratif.
Les recourantes font en premier lieu valoir que le procès-verbal
des délibérations de la commission parlementaire chargée d'examiner
le projet de loi litigieux aurait dû, à la suite de leur demande,
leur être communiqué par les autorités cantonales. Dans sa réponse au
présent recours, l'Etat de Genève soutient que la législation
cantonale s'oppose à la communication officielle de tels documents.
Il ne se justifie toutefois pas d'examiner plus précisément cette
question, car les recourantes admettent qu'elles ont pu se procurer
le procès-verbal en temps utile, par une autre voie; elle l'ont
d'ailleurs produit en annexe à leur mémoire adressé au Tribunal
fédéral. Le refus opposé par les autorités cantonales, pour autant
qu'il fût contraire à l'art. 4 Cst., ne les a pas entravées
4.- La commune de Vernier a en outre formé un recours de droit
public en sa qualité de propriétaire de terrains compris dans le
périmètre de la zone aéroportuaire.
Selon la règle générale de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit
public n'est recevable qu'à l'encontre de décisions prises en
dernière instance cantonale. En ce qui concerne les procédures
relatives aux plans d'affectation, le "recours" cantonal au sens de
l'art. 33 al. 2 LAT - en droit genevois, il s'agit de la procédure
d'opposition selon l'art. 16 al. 5 LaLAT (cf. ATF 114 Ia 233 consid.
2b, 108 Ib 479 consid. 3) - fait partie des moyens de droit cantonal
qui doivent avoir été épuisés (ATF 118 Ia 165 consid. 2b, 116 Ia 78
consid. 1b).
La commune de Vernier n'a pas formé opposition dans les formes
prescrites avant l'adoption de la loi attaquée et elle n'était pas
partie à la procédure cantonale. Certes, à l'issue de l'enquête
publique, elle a adressé un préavis à l'autorité cantonale; ce
faisant, elle n'a toutefois pas agi en sa qualité de propriétaire
foncier touché, mais comme collectivité publique, nécessairement
consultée en application de l'art. 16 al. 3 LaLAT. Elle n'a donc pas
épuisé les moyens de droit cantonal à sa disposition. Dans ces
conditions, son recours de droit public est irrecevable.