120 III 39
15. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des
faillites du 27 janvier 1994 dans la cause M. (recours LP)
A.- Les 20 novembre et 2 décembre 1991, M. a requis et obtenu du
Tribunal de première instance de Genève deux ordonnances de séquestre
dirigées contre B., débiteur domicilié en France. Exécutés le jour
même de leur prononcé par l'office des poursuites, ces séquestres ont
été validés, les 16 décembre 1991 et 6 janvier 1992, par deux
réquisitions de poursuite dirigées contre la succession du débiteur,
représentée par l'épouse de ce dernier. Faute d'avoir pu être remis à
celle-ci, les commandements de payer ont été notifiés au fils du
débiteur décédé et sont restés sans opposition. Le créancier ayant
alors requis la continuation des poursuites, l'office a converti les
séquestres en saisies le 1er décembre 1992.
Ayant appris, le 30 juin 1993, que le débiteur était déjà décédé
lors des requêtes de séquestre, l'office a constaté, par décision du
2 juillet suivant, la nullité des mesures exécutées au préjudice de
B., ainsi que des poursuites et des saisies subséquentes.
M. a déposé plainte contre cette décision auprès de l'autorité
cantonale de surveillance. En cours d'instruction, il a reconnu avoir
eu connaissance du décès de B. antérieurement à ses demandes de
séquestre; c'était d'ailleurs pour cette raison qu'il les avait
présentées, ne connaissant pas les héritiers; il eût été
déraisonnable, selon lui, d'attendre de connaître avec précision
toutes les identités et adresses de ceux-ci pour agir.
Extrait des considérants:
1.- Le recourant fait valoir qu'il n'a jamais contesté ni cherché
à cacher sa connaissance du décès de B. avant le dépôt des requêtes
de séquestre, ni encore cherché délibérément à éluder les règles
établies par la loi et la jurisprudence, seules l'urgence et
l'ignorance de l'identité et de l'adresse des héritiers lui ayant
commandé d'agir comme il l'a fait; ces derniers n'auraient d'ailleurs
nullement prétendu avoir été induits en erreur, ni même exigé des
sûretés. C'est pour n'avoir tenu aucun compte de ces aspects que
l'autorité de surveillance aurait commis un abus de son pouvoir
d'appréciation; sa décision serait au demeurant empreinte d'une
rigueur dénuée de justification et conduisant à un résultat absurde:
celui de contraindre le recourant à recommencer toute la procédure de
séquestre à l'encontre de la succession de B., alors qu'il invoque
les mêmes créance et cause de l'obligation.
a) Il est constant que les séquestres ont été requis et obtenus
alors que le débiteur contre qui ils étaient dirigés était déjà
décédé, ce que savait parfaitement le créancier requérant qui, ainsi
qu'il l'a reconnu lui-même devant l'autorité cantonale, "était
présent lors de la levée du corps de (...) B.". Or seule une personne
physique ou morale existante peut faire l'objet d'une poursuite ou
d'un séquestre (C. JÄGER, Commentaire de la LP, n. 4 ad art. 38;
P.-R. GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 3e
éd., Lausanne 1993, p. 74 et 377 in fine; FRANZ MATTMANN, Die
materiellen Voraussetzungen der Arrestlegung nach Art. 271 SchKG,
thèse Fribourg 1981, p. 7 ss).
Si l'office des poursuites ne peut examiner le bien-fondé de
l'ordonnance de séquestre et vérifier l'existence des conditions
justifiant l'octroi de la mesure, il lui incombe en revanche de
contrôler la régularité formelle de l'ordonnance et de s'assurer
qu'elle contient toutes les indications prescrites par la loi. Si
l'une de ces énonciations fait défaut ou n'est formulée que de
manière insuffisante, l'office ne peut prêter son concours à
l'exécution. Il doit en outre refuser de déférer à l'ordonnance
lorsque la mise sous main de justice des biens visés est impossible
ou se heurte à une cause de nullité (ATF 109 III 120 consid. 6 p.
126, 107 III 33 consid. 4 p. 37 et arrêts cités; GILLIÉRON, op.cit.,
p. 376/377 let. E). C'est ce qu'a aussitôt fait l'office des
poursuites en l'espèce après avoir appris que le décès du débiteur
était antérieur au dépôt des requêtes de séquestre. Il n'avait pas
d'autre alternative, car une procédure de poursuite ou de séquestre
engagée contre un sujet de droit inexistant doit en tout temps être
arrêtée comme nulle (JÄGER, loc.cit.; cf. ATF 102 III 63 consid. 2 p.
64/65 et les références). A son tour, l'autorité cantonale de
surveillance ne pouvait que confirmer la nullité des séquestres et
des poursuites subséquentes: elle ne disposait à cet égard d'aucune
marge d'appréciation dont elle eût pu abuser.
b) Contrairement à ce que soutient le recourant, l'office n'avait
aucune raison de réagir déjà au moment de l'introduction des
poursuites en validation des séquestres, formellement dirigées contre
la succession du débiteur: ces réquisitions ne mentionnaient pas la
date du décès, lequel pouvait avoir eu lieu après le dépôt de la
première d'entre elles. L'office pouvait donc logiquement partir de
l'idée que la poursuite commencée avant le décès se continuait contre
la succession en conformité de l'art. 49 LP (art. 59 al. 2 LP; cf.
MATTMANN, op.cit., p. 13/14). Sur ce point, la Chambre de céans est
d'ailleurs liée par la constatation de la décision attaquée selon
laquelle l'office n'a appris que le 30 juin 1993 le fait que le décès
du débiteur était antérieur aux requêtes de séquestre.
c) Quant à la prétendue absence de réaction des héritiers, il
convient de se référer (art. 64 al. 2 OJ) à la lettre du conseil de
dame B. du 28 novembre 1991, produite par le recourant lui-même et
aux termes de laquelle ledit conseil déclare notamment à celui de M.:
"Je porte à votre connaissance que lorsque vous avez obtenu le
séquestre, (...) B. était décédé". La nullité de la mesure
apparaissant évidente, la réaction des héritiers pouvait se limiter à
cette intervention.
d) Pour le surplus, l'autorité cantonale de surveillance n'a pas
retenu abusivement, dans les circonstances données, que la fausse
désignation du débiteur résultait de la volonté délibérée du
créancier d'éluder les règles en vigueur et qu'il appartenait dès
lors à ce dernier d'en supporter seul les conséquences, à savoir
l'annulation des actes d'exécution forcée ordonnés jusqu'alors et,
partant, l'obligation pour lui d'introduire de nouvelles procédures
de séquestre et de poursuite à l'encontre des héritiers de B.