120 V 44
7. Arrêt du 1er février 1994 dans la cause W. contre FAMA,
Fondation pour l'assurance-maladie et accidents et Tribunal des
assurances du canton de Vaud
A.- Denis W., né en 1962, étudiant puis doctorant en droit de
l'Université de Lausanne, est soumis à l'assurance-maladie et
accidents obligatoire des étudiants du canton de Vaud. Membre depuis
le mois d'octobre 1984 de la Société vaudoise et romande de secours
mutuels (SVRSM), devenue entre-temps la SUPRA, il est affilié
actuellement à la caisse-maladie et accidents FAMA par le biais d'un
contrat d'assurance collective dont la version en vigueur depuis le
1er janvier 1992 a été conclue le 6 décembre 1991 entre d'une part
FAMA, et d'autre part l'Université de Lausanne (UNIL) et l'Ecole
polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), au bénéfice des étudiants
de ces deux établissements, eux-mêmes divisés en deux groupes d'âge:
les étudiants jusqu'à 24 ans et les étudiants dès 25 ans.
Au mois de février 1992, la caisse informa ses assurés des
groupements collectifs de l'EPFL et de l'UNIL que "les nouvelles
réglementations fédérales en matière d'assurance collective" la
contraignaient à modifier, de manière sensible pour certains assurés,
les cotisations dues à partir du 1er janvier 1992. Alors que,
jusque-là, une prime "unique" (recte: uniforme) était perçue, les
nouvelles primes seraient dorénavant ventilées par catégories d'âge
et par zones cantonales. Il y aurait désormais trois groupes d'âge:
16-20 ans, 21-25 ans et plus de 26 ans. Par ailleurs, c'est le
domicile des parents de l'assuré qui serait pris en considération.
Enfin, la caisse annonçait que la franchise annuelle serait augmentée
de 100 à 150 francs, mais que la participation de 10% des assurés
mineurs restait inchangée.
Aux termes d'une communication adressée le 19 mars 1992 à Denis W.
par la caisse, la prime mensuelle de l'assurance "Standard Plus",
pour l'année 1992, s'élevait dans son cas à 115 francs (assurés de 26
ans et plus, domiciliés dans les cantons du Valais, de Fribourg ou du
Jura). Par la même occasion, FAMA avisait ses assurés
Considérant en droit:
1.- a) Selon l'art. 129 al. 1 let. b OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable contre des décisions concernant des
tarifs. La réglementation des caisses-maladie relative aux
cotisations de leurs assurés répond à la définition de tarif au sens
de cette disposition (ATF 112 V 293 consid. 1). Toutefois, selon la
jurisprudence, le recours de
2.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances
doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit
fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).
3.- a) Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe
librement la légalité des dispositions d'application prises par le
Conseil fédéral. En particulier, il exerce son contrôle sur les
ordonnances (dépendantes) qui reposent sur une délégation
législative. Lorsque celle-ci est relativement imprécise et que, par
la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir
d'appréciation, le tribunal doit se borner à examiner si les
dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la
délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité
exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi
ou à la Constitution. Dans l'examen auquel il procède à cette
occasion, le Tribunal fédéral des assurances ne doit toutefois pas
substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité dont émane la
réglementation en cause. Il lui incombe cependant de contrôler si le
but fixé dans la loi peut être atteint et si, à cet égard, le Conseil
fédéral a usé de son pouvoir conformément au principe de
proportionnalité. Le contenu de l'ordonnance ne peut être examiné que
dans la mesure où il n'est pas couvert par la norme de délégation. Si
la loi n'autorise pas l'auteur de l'ordonnance à s'écarter de la
Constitution, la Cour de céans peut se prononcer sur la
constitutionnalité de l'ordonnance (ATF 118 Ib 372 consid. 4, 117 V
180 consid. 3a et les arrêts cités).
b) Aux termes de l'art. 6 ord. 5 du DFI sur l'assurance-maladie
(ord. dép. 5), dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 1992
(RO 1991 II 1110):
"1 Les cotisations minimales échelonnées en divers groupes de
risques
suivant les différences de frais dues aux conditions locales sont
fixées
dans un appendice et font partie intégrante de la présente
ordonnance.
2 Si les assurés se trouvent dans des régions appartenant à
différents
groupes de risques, les cotisations doivent être échelonnées
d'après les
groupes de risques déterminants quant au domicile de ces assurés.
Les
contrats peuvent prévoir que les assurés seront attribués au groupe
de
risques déterminant quant à la situation géographique soit de
l'exploitation ou de la succursale dans lesquelles ils sont
occupés, soit
de l'établissement ou du home dans lesquels ils séjournent."
Auparavant, cette disposition de l'ordonnance prévoyait que les
cotisations minimales de l'assurance des soins médicaux et
pharmaceutiques devaient être échelonnées en divers groupes de
risques suivant les différences de frais dues aux conditions locales,
l'attribution des diverses régions (villes, régions, cantons) aux
groupes de risques étant faite par l'OFAS qui en informait les
caisses et qui devait l'adapter périodiquement à l'évolution des
frais (al. 1). Si les assurés se trouvaient dans des
4.- Parmi les conditions auxquelles la loi subordonne la
reconnaissance du droit des caisses-maladie aux subsides fédéraux
(art. 1 al. 2 LAMA), figure l'obligation de ces dernières d'offrir
toute sécurité quant à l'exécution de leurs engagements (art. 3 al. 4
LAMA). A cette fin, la loi leur prescrit, en particulier, de fixer
les cotisations séparément pour l'assurance des soins médicaux et
pharmaceutiques et pour l'assurance d'une indemnité journalière, et
cela de façon que chacun de ces genres d'assurance se suffise à
lui-même et que les réserves nécessaires puissent être constituées
(art. 6bis, al. 1, première phrase LAMA; cf. RAMA 1993 no K 915,
consid. 2 p. 89). En outre, dans l'assurance collective, les
cotisations doivent être fixées "compte tenu des risques
particuliers" (art. 6bis al. 1, seconde phrase LAMA; en allemand:
"unter Berücksichtigung der besonderen Risiken"; en italien: "la
determinazione delle quote deve considerare i rischi particolari").
Or, la norme de délégation contenue à l'art. 5bis al. 5 LAMA ne
saurait être considérée isolément. Elle doit, bien au contraire, être
mise en relation avec l'art. 6bis d'une part et avec l'art. 33 al. 1
LAMA d'autre part. En effet, c'est uniquement parce que le
législateur avait la volonté de garantir la sécurité financière des
caisses-maladie, que le Conseil fédéral a reçu, lors de la
codification de l'assurance collective dans la loi, la compétence
d'imposer aux caisses reconnues un tarif minimal des cotisations de
l'assurance collective. A cet égard, des raisons historiques
expliquent l'existence d'un tarif minimal et la compétence de
l'autorité exécutive d'en imposer l'application dans certains cas.
Cela ressort du message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de
loi modifiant le titre premier de la LAMA, du 5 juin 1961, en
particulier du passage suivant:
"b. L'énorme développement pris par l'assurance collective au
cours de
ces dernières années a entraîné, vu les circonstances
particulières, la
formation d'une pratique spéciale pour la fixation des cotisations
dans
cette assurance. Dans l'intérêt de leur sécurité financière, les
caisses
doivent, lors de la conclusion de contrats collectifs, ne pas
prévoir des
cotisations inférieures aux taux minimaux fixés par l'autorité de
surveillance. Pour la même raison, les cotisations prévues dans les
contrats en cours doivent être contrôlées sans cesse et adaptées,
le cas
échéant, aux risques spéciaux. Cette réglementation a donné
satisfaction
dans la pratique et sera prévue dans la loi" (FF 1961 I 1460).
En d'autres termes, la fixation de tarifs minimaux par l'autorité
de surveillance est antérieure à la codification dans la LAMA du
droit des caisses-maladie reconnues de pratiquer l'assurance
collective. Cette
5.- Le Conseil fédéral a modifié à trois reprises l'art. 13a Ord.
II sur l'assurance-maladie: une première fois le 16 octobre 1990 (al.
3bis: RO 1990 II 1674), une deuxième fois le 3 décembre 1990 (al. 3,
3bis, 3ter et 3quater: RO 1991 I 606) et une troisième fois le 13
novembre 1991 (RO 1991 III 2546).
Or, c'est précisément dans le but de "lutter contre le manque de
solidarité" dans le domaine de l'assurance collective que ces
dispositions, notamment, ont été modifiées (rapport du Conseil
fédéral sur sa gestion en 1990, p. 147).
a) Cela a entraîné du même coup, à partir du 1er janvier 1992, une
refonte complète du système de calcul des cotisations minimales de
l'assurance collective des frais de soins médico-pharmaceutiques:
aa) En premier lieu, les caisses ont désormais l'obligation de
respecter dans tous les cas le tarif minimal (art. 13a al. 3 Ord. II,
dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 1992), alors que
jusque-là celui-ci ne s'appliquait qu'à titre supplétif (ancien art.
23 al. 2 Ord. V; art. 13a al. 3 Ord. II, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 1991). En second lieu, il s'est agi de supprimer
la possibilité de fixer une prime "unique" (recte: uniforme) fondée
sur la
6.- a) Le recourant demande au Tribunal fédéral des assurances
d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à la caisse
intimée, en invitant cette dernière "à fixer à nouveau les
cotisations litigieuses en fonction des risques connus de l'assurance
collective en cause".
b) La Cour de céans ne saurait toutefois contraindre l'intimée à
procéder en ce sens. Bien plutôt faut-il l'inviter à soumettre à
l'autorité de surveillance un nouveau tarif pour l'assurance
collective des étudiants de l'UNIL et de l'EPFL qui soit conforme à
l'art. 13a Ord. II, à l'exception de l'alinéa 3quater, dans la mesure
où cette disposition réglementaire fixe pour le tarif minimal des
critères inadéquats en regard de l'art. 6bis al. 1, seconde phrase
LAMA.
Il appartiendra en outre à la caisse de prévoir, d'entente avec
l'autorité de surveillance, des mesures propres à garantir les droits
des preneurs d'assurance, en l'occurrence l'UNIL et l'EPFL, auxquels
un exemplaire du présent arrêt sera notifié, et ceux des
bénéficiaires de l'assurance collective - parmi lesquels figure le
recourant - durant la période transitoire nécessaire à l'élaboration
et à l'approbation du nouveau tarif.
Il n'y a pas lieu, en revanche, d'annuler la "décision" informelle
par laquelle la caisse intimée a fixé le montant des cotisations
réclamées au recourant pour l'année 1992. En effet, ces cotisations
restent dues jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau tarif - ce qui
garantit du même coup au recourant le maintien de sa couverture
d'assurance - et elles seront comprises dans le décompte rectificatif
auquel procédera nécessairement la caisse après cette date.
7.- En principe, la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario). Le recourant, qui obtient gain de cause sur le principe,
n'aura pas à supporter les frais de justice (art. 156 al. 1 en
corrélation