120 III 20
10. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 9
février 1994 dans la cause commune de X. (recours LP)
A.- a) Le 10 août 1992, le Préposé de l'Office des poursuites de
Martigny a fait publier un avis de vente aux enchères publiques de
deux parcelles sises sur le territoire de la commune de X. Le 18 du
même mois, celle-ci a produit ses créances contre les propriétaires
des deux biens-fonds, en précisant qu'elles avaient fait l'objet
d'une inscription hypothécaire légale privilégiée au registre
foncier, au sens des art. 227 LF (loi
Considérant en droit:
1.- Un état des charges non conforme à l'extrait du registre
foncier ou aux productions peut être attaqué par la voie de la
plainte au sens de l'art. 17 LP (P.-R. GILLIÉRON, Poursuite pour
dettes, faillite et concordat, 3e éd., Lausanne 1993, p. 233; KURT
AMONN, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 5e éd.,
Berne 1993, § 28 n. 35). S'il n'est pas contesté dans le délai de dix
jours de l'art. 140 al. 2 LP, il devient définitif et les droits qui
y figurent sont considérés comme reconnus par tous les intéressés
pour la poursuite en cours (art. 37 al. 2 ORI [RS 281.42]; GILLIÉRON,
op.cit., p. 232; AMONN, op.cit., § 28 n. 28).
Un état des charges définitif peut toutefois être modifié d'office,
en tout temps, s'il a été établi en violation de règles de procédure
impératives, parce qu'instituées dans l'intérêt public ou dans
l'intérêt d'un nombre indéterminé de tiers (ATF 96 III 74 consid. 2
p. 77). Une omission fautive du préposé peut aussi justifier un
complément ultérieur de l'état des charges (ATF 113 III 17 consid. 2
p. 18).
2.- L'argument de la recourante, selon lequel le rang de
l'inscription hypothécaire résultait en l'espèce d'une disposition
légale impérative qui devait être appliquée d'office, ne saurait être
suivi. La jurisprudence met en effet en doute le caractère impératif
des dispositions de procédure destinées à fixer le rang des droits de
gage immobilier les uns par rapport aux autres, car la fixation de ce
rapport ne concerne que les créanciers hypothécaires et n'a donc
d'importance que pour un nombre limité de personnes (ATF 96 III 74
consid. 2 p. 78).
Cette jurisprudence ayant été rendue à propos de créances
hypothécaires de droit privé, la recourante conteste qu'elle soit
aussi applicable aux créances garanties par des hypothèques légales
de droit public. Elle a tort, car - comme l'a rappelé à juste titre
l'autorité cantonale de surveillance - le droit fédéral de la
poursuite repose sur le principe de l'égalité entre créanciers de
droit public et de droit privé (ANTOINE FAVRE, Droit des poursuites,
3e éd., p. 88 ch. 1; GILLIÉRON, op.cit., p. 35 § 1 let. b et 313 let.
A; AMONN, op.cit., § 1 n. 14, § 7 n. 4, § 42 n. 43; FRITZSCHE/WALDER,
Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. I, 3e
éd., Zurich 1984, § 10 n. 2; DOMINIQUE RIGOT, Le recouvrement forcé
des créances de droit public selon le droit de poursuite pour dettes
et la faillite, thèse Lausanne 1991, p. 56 n. 48, p. 108 n. 86, p.
253 n. 241 et p. 301; cf. en outre le message du CF concernant la
3.- Aux termes de l'art. 36 al. 2 ORI , l'office n'a pas le droit
de refuser de porter à l'état des charges celles qui figurent dans
l'extrait du registre foncier ou qui ont fait l'objet d'une
production.
En l'espèce, le préposé n'a pas formellement refusé d'inscrire à
l'état des charges les hypothèques légales annoncées par la
recourante; il les a simplement fait figurer au mauvais endroit.
L'autorité cantonale de surveillance qualifie cette inexactitude
d'erreur; la recourante, d'omission fautive au sens de la
jurisprudence (ATF 113 III 17). Il n'y a pas lieu de trancher entre
les deux, car l'inexactitude en question était évidente et pouvait
être aisément constatée à première lecture: clairement subdivisé en
deux titres ("Hypothèques légales privilégiées" et "Hypothèques
conventionnelles"), l'état des charges communiqué à la commune de X.
mentionnait la production de celle-ci sous la rubrique "Hypothèques
conventionnelles", en 3ème rang, alors que l'intéressée avait
expressément signalé au préposé que ses créances avaient fait l'objet
d'une "inscription hypothécaire légale privilégiée au Registre
foncier " et qu'elle avait joint à sa production une copie des
réquisitions à cet office. Or une telle irrégularité pouvait être
corrigée par la voie d'une plainte déposée dans le délai de 10 jours
à compter de la communication de l'état des charges (cf. consid. 1
ci-dessus).
Faute d'avoir usé de ce moyen en temps utile, la recourante doit
dès lors se voir opposer la règle prévue aux art. 43 al. 1 (par
renvoi de l'art. 102) et 112 al. 1 ORI, en vertu de laquelle le rang
et le montant des créances garanties par gage inscrites à l'état des
charges ne peuvent plus être contestés, lors de la distribution des
deniers, par ceux qui auraient eu l'occasion de le faire dans la
procédure d'épuration de l'état des charges.