120 V 89
12. Arrêt du 10 mars 1994 dans la cause Office fédéral des
assurances sociales, Berne, recourant, contre D. et Tribunal des
assurances du canton de Vaud
A.- D., née en 1977, est atteinte de prognathie mandibulaire
congénitale. Le 12 novembre 1991, elle a demandé à
l'assurance-invalidité de prendre en charge un traitement
orthodontique (consistant en l'expansion du maxillaire supérieur et
en un bumper à la mandibule) qui avait été entrepris depuis le mois
de juin 1990, apparemment, par le Service dentaire scolaire. Cette
institution atteste que l'assurée aura vraisemblablement besoin de
ces soins jusqu'à sa majorité.
Selon les constatations du Service dentaire scolaire du 5 mars 1992
et du docteur M. du 4 décembre 1991, les téléradiographies effectuées
ont révélé un angle ANB de +0,5o au mois de janvier 1990 et de -1o en
janvier 1991.
Par décision du 27 janvier 1992, la Caisse cantonale vaudoise de
compensation (la caisse) a accordé les prestations demandées, mais
seulement à dater du 1er janvier 1991, considérant que la prognathie
n'avait atteint les valeurs ouvrant droit aux prestations que depuis
ce mois-là.
B.- D. a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en concluant à ce que la caisse fût
condamnée à prendre le traitement en charge depuis le 1er mars 1990,
date à laquelle elle alléguait qu'il avait débuté.
Par jugement du 23 juillet 1992, la Cour cantonale a admis le
pourvoi et ordonné la prise en charge par l'assurance-invalidité des
traitements entrepris au cours des seuls douze mois précédant la
demande de prestations. En bref, les premiers juges ont considéré que
l'infirmité présentait un caractère congénital depuis la naissance de
l'enfant, même si le degré de gravité requis pour ouvrir droit aux
prestations n'avait, comme en l'espèce, été atteint qu'ultérieurement.
Considérant en droit:
1.- Aux termes de l'art. 13 LAI, les assurés mineurs ont droit aux
mesures médicales nécessaires au traitement des infirmités
congénitales (al. 1). Le Conseil fédéral établira une liste des
infirmités pour lesquelles ces mesures sont accordées. Il pourra
exclure la prise en charge du traitement d'infirmités peu importantes
(al. 2).
Sont réputées infirmités congénitales au sens de l'art. 13 LAI les
infirmités présentes à la naissance accomplie de l'enfant (art. 1er
al. 1 OIC). Les infirmités congénitales sont énumérées dans une liste
annexée; le Département fédéral de l'intérieur peut qualifier des
infirmités congénitales évidentes, qui ne figurent pas dans la liste
en annexe, d'infirmités congénitales au sens de l'art. 13 LAI (art.
1er al. 2 OIC).
Le droit prend naissance au début de l'application des mesures
médicales, mais au plus tôt à la naissance accomplie de l'enfant
(art. 2 al. 1 OIC). Lorsque le traitement d'une infirmité congénitale
n'est pris en charge que parce qu'une thérapie figurant dans l'annexe
est nécessaire, le droit prend naissance au début de l'application de
cette mesure; il s'étend à toutes les mesures médicales qui se
révèlent par la suite nécessaires au traitement de l'infirmité
congénitale (art. 2 al. 2 OIC). Sont réputés mesures médicales
nécessaires au traitement d'une infirmité congénitale tous les actes
dont la science médicale a reconnu
2.- a) Certaines affections congénitales ne sont reconnues comme
invalidantes que lorsqu'elles atteignent un degré de gravité bien
précis. Pour ces affections-là, et celle qui est en cause en l'espèce
(ch. 210 OIC), le Conseil fédéral s'est écarté de la définition qu'il
avait lui-même donnée à l'art. 1 al. 1 OIC. Il a qualifié d'infirmité
congénitale celle qui ne peut être reconnue comme telle à la
naissance accomplie de l'enfant, faute de gravité suffisante, mais
qui, s'étant développée par la suite sur la base de l'état existant à
la naissance, atteint finalement le degré de gravité requis
justifiant sa prise en charge par l'assurance-invalidité. Selon la
jurisprudence, ces dispositions réglementaires sont conformes à la
loi (arrêt non publié L. du 18 août 1986; voir aussi, pour les
affections congénitales non reconnaissables comme telles à la
naissance, l'arrêt RCC 1989 p. 222 ainsi que l'arrêt non publié C. du
7 août 1979).
Aussi la prognathie inférieure congénitale n'est-elle reconnue
comme infirmité congénitale que lorsque l'appréciation
céphalométrique montre une divergence des rapports sagittaux de la
mâchoire mesurée par un angle ANB d'au moins -1o (respectivement +1o
et moins combiné à un angle maxillo-basal de 37o et plus, ou de 15o
et moins) et lorsque au moins deux paires antagonistes antérieures de
la seconde dentition se trouvent en position d'occlusion croisée ou
en bout à bout (ch. 210 OIC).
b) En l'espèce, il est constant que la recourante souffre de
l'infirmité congénitale figurant au ch. 210 OIC, que l'angle ANB
n'avait pas atteint le degré requis pour ouvrir droit aux prestations
lorsqu'il avait été mesuré au mois de janvier 1990 (+0,5o), mais
qu'il avait atteint cette valeur lors de la mesure effectuée en
janvier 1991 (-1o). Par conséquent, c'est à bon droit que l'assurée a
été mise au bénéfice des prestations de l'assurance-invalidité
(mesures médicales) à ce titre.
c) Dès lors, seul demeure litigieux le point de savoir à partir de
quel moment l'intimée a droit aux prestations: depuis le début du
traitement (soit en juin 1990, apparemment), depuis le douzième mois
précédant la demande de prestations (en novembre 1990), ou depuis
l'époque où l'examen médical a établi que le degré d'infirmité requis
était atteint (soit en janvier 1991).
3.- a) S'agissant de la fin du droit aux prestations (c'est-à-dire
lorsque le traitement a permis de corriger l'infirmité congénitale
admise antérieurement par l'assurance-invalidité, au point qu'elle
n'atteint plus
4.- a) Les premiers juges ont limité le droit à la prise en charge
du traitement médical par l'assurance-invalidité aux douze mois
précédant la demande de prestations, en vertu de l'art. 48 al. 2, 1re
phrase LAI.
On ne saurait cependant partager leur opinion. En effet, selon
l'art. 48 al. 2, 2e phrase LAI, les prestations sont allouées pour
une période antérieure si l'assuré ne pouvait pas connaître les faits
ouvrant droit à prestations et qu'il présente sa demande dans les
douze mois dès le moment où il en a eu connaissance.
b) Selon la jurisprudence, la connaissance desdits faits est celle
de l'atteinte qui ouvre le droit aux prestations (ATF 114 V 137
consid. 3b, 100 V 120 consid. 2c; RCC 1989 p. 49 consid. 2, 1984 p.
420 consid. 1), soit, en l'espèce, le moment à partir duquel
l'intimée a été informée que la prognathie avait atteint un angle ANB
de -1o. Bien que cet angle fût de +0,5o en janvier 1990 et que le
dentiste ou la mère de l'intimée se soit probablement rendu compte du
fait que l'infirmité s'aggravait, ce n'est qu'en janvier 1991 qu'un
angle ANB de -1o a été effectivement mesuré. Dès lors, on doit
admettre que la demande a été introduite dans l'année où l'intimée a
eu connaissance de ce fait.
c) Il s'ensuit que l'assurée a droit aux prestations litigieuses
dès le début du traitement entrepris en 1990.
5.- a) Selon l'art. 132 let. c OJ, le Tribunal fédéral des
assurances peut s'écarter des conclusions des parties, à l'avantage
ou au détriment de celles-ci, dans la mesure où la décision attaquée
concerne l'octroi ou le refus de prestations d'assurance. Mais
lorsque la Cour de céans envisage de procéder à une "reformatio in
peius" du jugement attaqué, elle attire au préalable l'attention du
recourant quant à cette éventualité, et lui donne l'occasion de
s'exprimer, cette règle découlant du droit d'être entendu. La partie
recourante a alors la possibilité de retirer son pourvoi, afin
d'obvier à la menace d'une aggravation de sa situation (ATF 107 V 23,
248; cf. aussi ATF 118 V 182 et les références; ZIMMERLI, Zur
reformatio in peius vel melius im Verwaltungsrechtspflegeverfahren
des Bundes, Mélanges Henri Zwahlen, Lausanne 1977, pp. 511 ss,
523-525).
b) GRISEL (Traité de droit administratif, p. 934) semble admettre
implicitement que "toute partie" doive être informée, à la seule
"exclusion de l'autorité inférieure".
La "reformatio in peius" d'un jugement attaqué ne peut intervenir
qu'au détriment du recourant (cf. à ce sujet l'arrêt ATF 113 Ib 221
consid. 1c, la critique de celui-ci parue dans la RJB 125/1989