120 IV 276
45. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 mai 1994
dans la cause B. et C. c. le Procureur général du canton de Genève
(pourvoi en nullité)
A.- B. est devenu dès le 12 décembre 1986 directeur adjoint et
chef du service financier, soit responsable des services de la bourse
et de la gestion de l'ABN, dont le siège est à Genève. C. était chef
du service de la bourse de la même banque avec rang de fondé de
pouvoir depuis le 1er juillet 1985.
En vertu du règlement interne de l'ABN, les collaborateurs de
celle-ci n'étaient pas autorisés à effectuer des opérations de bourse
à leur profit dans la mesure où il en résulterait un préjudice pour
la banque et ses clients.
Extraits des considérants:
2.- D'après l'art. 140 ch. 1 CP, commet un abus de confiance celui
qui, dans un dessein d'enrichissement illégitime, s'approprie sans
droit une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été
confiée ou celui qui, sans droit emploie à son profit ou à celui d'un
tiers une chose fongible, notamment une somme d'argent qui lui avait
été confiée.
L'un des éléments de l'infraction est que l'objet ou l'argent que
l'auteur s'est approprié sans droit soit une chose confiée. L'auteur
acquiert ainsi, grâce à la confiance dont il jouit, la possibilité de
disposer du bien d'autrui. Une chose est donc confiée au sens de
l'art. 140 ch. 1 CP lorsqu'elle est remise ou laissée à l'auteur pour
qu'il l'utilise de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en
particulier pour la garder, l'administrer ou la livrer selon des
instructions qui peuvent être expresses ou tacites (ATF 118 IV 32
consid. 2b; 117 IV 256 consid. 1a et jurisprudence citée).
3.- Les recourants contestent s'être rendus coupables d'abus de
confiance au sens de l'art. 140 ch. 1 al. 1 CP. Ils prétendent que
selon cette disposition l'objet du délit d'appropriation ne peut être
qu'un objet corporel, à l'exception des droits et des créances.
Invoquant le code des obligations, ils soutiennent que le titre,
objet de l'appropriation qui leur est reprochée, n'existait pas au
moment de ce que l'autorité cantonale décrit comme l'acte
d'appropriation, parce qu'il n'avait pas encore été créé au nom d'une
personne déterminée (art. 974 CO).
Dans le cas particulier, la cour cantonale a retenu que le 9 avril
1987, l'ABN s'était vu attribuer 20 actions nominatives de S. pour
lesquelles elle devait être débitée de 60'000 fr. Partant elle a
considéré que par cet avis, l'ABN était devenue l'ayant-droit et la
propriétaire de ces titres, cet avis constituant la déclaration
prévue à l'art. 967 al. 2 CO et qu'il y avait eu un transfert de
possession des titres sans tradition.
Point n'est besoin dans le cas particulier d'examiner si les
actions nominatives pouvaient être considérées comme déjà créées et
si l'ABN en était devenue propriétaire. En effet, les actions
nominatives, contrairement à ce que prétendent les recourants, sont
des titres à ordre créés par la loi, et non pas des titres nominatifs
(ATF 81 II 197 consid. 4), qui sont transmissibles par endossement ou
déclaration de cession donnée sur le document même ou séparément (ATF
81 II 197 précité).
4.- L'avis écrit du 9 avril 1987 a pour but d'informer le
souscripteur du nombre d'actions qui lui sont attribuées (cf. sur ce
point EMCH/RENZ/BÖSCH, Das schweizerische Bankgeschäft, p. 405). Il
ne peut être que postérieur à la souscription par laquelle le
souscripteur s'est obligé à accepter les titres souscrits et à en
payer le prix. Dès l'avis écrit du nombre de titres qui lui sont
attribués, le souscripteur acquiert ainsi un droit à la délivrance de
ceux-ci. Le contrat entre le souscripteur et la banque
("Zeichnungsstelle", soit, dans le cas particulier, la banque S.) a
déjà été qualifié par le Tribunal fédéral de contrat de vente par
lequel la banque s'engage à livrer les papiers-valeurs et le
souscripteur à payer le prix d'émission (EMCH/RENZ/BÖSCH, op.cit., p.
389). De toute manière il s'agit d'un contrat peut-être innommé mais
assimilable à une vente (cf. Schönle, Zürcher Kommentar, Art. 184 CO
Nos 63-68). Le souscripteur acquiert ainsi contre la banque une
créance dont l'objet n'est pas une somme d'argent (ATF 112 II 444
consid. 2 et 4), mais un fongible aussi longtemps qu'il ne s'agit que
d'un droit sur des actions nominatives non encore individualisées par
l'inscription de leur propriétaire au registre des actionnaires. De
ce point de vue il est donc sans pertinence de savoir si la banque
était en droit de devenir propriétaire desdites actions au regard de
la législation suisse, puisqu'elle n'a jamais prétendu à leur
propriété mais seulement à la titularité du droit - cessible - de les
acquérir ou de permettre leur acquisition, moyennant rétribution le
cas