120 V 463
65. Arrêt du 7 juin 1994 dans la cause Caisse-maladie Helvetia,
Lausanne, recourante, contre H. et H. contre Caisse-maladie Helvetia,
Lausanne, et Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
A.- Assuré par la Caisse-maladie Helvetia (ci-après: la caisse),
en particulier pour les frais de traitement médico-pharmaceutiques et
l'hospitalisation en division privée, H., né en 1950, qui souffrait
d'une dysphorie de genre (ou transsexualisme vrai), a suivi un
traitement psychiatrique auprès du docteur C., médecin-chef à la
clinique psychiatrique universitaire de l'Hôpital de Z., depuis fin
1989.
Envisageant de se soumettre à une opération chirurgicale de
changement de sexe, par les soins du docteur M., à Lausanne, l'assuré
a soumis le 18 janvier 1991 à la caisse deux devis de ce chirurgien,
en requérant, dans les plus brefs délais, "une attestation de prise
en charge de ces frais futurs". Le premier devis, relatif à une
intervention prévue pour le 8 février 1991, concernait une
adamectomie (ablation de la pomme d'Adam) sous anesthésie générale et
une dermabrasion autour de la bouche. Il comprenait les postes
suivants: honoraires médicaux (2'000 francs + 1'500 francs);
anesthésie (1'000 francs); frais de clinique (3 jours en chambre à un
lit à la Clinique Y: 5'500 francs environ). Le second devis, se
rapportant à une intervention prévue pour le 5 novembre 1991, à
savoir l'opération de changement de sexe sous anesthésie générale,
dans la même clinique, s'élevait à 12'000 francs pour les honoraires
médicaux, 2'000 francs pour l'anesthésie et 13'000 francs environ
pour les frais de clinique (chambre à un lit).
Considérant en droit:
1.- Les deux recours de droit administratif concernent des faits
de même nature, portent sur des questions juridiques communes et sont
dirigés contre le même jugement, de sorte qu'il se justifie de les
réunir et de les liquider dans un seul arrêt (ATF 116 V 309 consid.
1, 110 V 148 consid. 1, 108 V 192 consid. 1, 105 V 129 consid. 2b;
POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire,
vol. I, p. 343 s.).
2.- Le jugement entrepris expose de manière exacte la
jurisprudence en matière de prestations obligatoirement à la charge
des caisses-maladie dans des cas de ce genre (ATF 114 V 161 consid.
4c et 168 consid. 5), de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
3.- a) Dans son arrêt du 6 juin 1988 en la cause SUPRA c./X (ATF
114 V 153), le Tribunal fédéral des assurances avait confirmé le
renvoi de la cause à la caisse recourante, afin qu'elle détermine
l'étendue de ses prestations par une nouvelle décision, ce que la
caisse avait fait en date du 21 novembre 1988. Dans son nouveau
prononcé, la caisse avait fixé le montant de ses prestations à 50%
des frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers supportés par
l'assurée et s'élevant au total à 16'130 fr. 80. X ayant recouru
contre cette décision, le tribunal cantonal des assurances admit le
recours et, par jugement du 31 mars 1989, condamna la caisse à
prendre en charge les frais non seulement de l'ablation chirurgicale
des organes génitaux masculins mais également - et contrairement à la
jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances - les frais se
rapportant à la plastie d'organes génitaux féminins.
4.- a) Dans son recours, la caisse conteste l'argument des
premiers juges d'après lequel le principe d'égalité de traitement
commande de traiter de la même manière, en ce qui concerne la prise
en charge des frais de reconstruction d'organes génitaux
correspondant au nouveau sexe du (ou de la) transsexuel(le), les
assurés qui souffrent d'une dysphorie de genre et ceux qui sont
atteints d'un syndrome adréno-génital. Selon elle, en effet, dans ce
dernier cas, le but de l'opération d'ablation puis de reconstruction
serait "de rétablir une apparence sexuelle conforme à la situation
génétique", tandis que chez le transsexuel, on cherche uniquement "à
mettre l'apparence extérieure en concordance avec l'image que le
malade
5.- Les motifs pour lesquels, dans la jurisprudence précitée, le
Tribunal fédéral des assurances a considéré que les frais de
reconstruction d'organes génitaux correspondant au nouveau sexe du
transsexuel ne faisaient pas partie des prestations obligatoires
ressortent essentiellement d'un avis du professeur K. Selon ce
spécialiste, de telles interventions ne sont pas indispensables pour
atteindre le but thérapeutique visé, ne répondent généralement pas à
l'attente des patients, donnent souvent lieu à des complications
ultérieures et sont particulièrement délicates et coûteuses. A cet
égard, les opinions des psychiatres ne sont toutefois pas unanimes.
Ainsi, d'après les avis médicaux mentionnés par le Tribunal des
assurances du canton de Vaud dans son jugement du 31 mars 1989, déjà
cité, les actes de chirurgie plastique et reconstructive tendant à
pourvoir l'assuré(e) d'organes génitaux (masculins ou féminins) ont
un caractère thérapeutique, s'agissant d'un transsexualisme vrai.
Pour sa part, l'assurée se réfère à deux ouvrages médicaux
(GARNIER/DELAMARE, Dictionnaire des termes de médecine, 23e éd.,
6.- a) A l'appui de ses conclusions tendant au remboursement des
frais entraînés par l'adamectomie, l'épilation électrique et la
dermabrasion, H. demande des mesures d'instruction qui lui ont été
refusées en procédure cantonale, à savoir l'interpellation des
docteurs M. et V. Elle entend ainsi prouver que, contrairement à
l'opinion des premiers juges et à celle de la caisse, l'adamectomie
et la dermabrasion qu'elle a subies par les soins du docteur M. "ne
peuvent être assimilées à des traitements de nature esthétique,
compte tenu de l'importance de la pomme d'Adam et des cicatrices au
visage de la recourante, dues à l'épilation électrique".
b) Pour le (la) transsexuel(le), les caractères sexuels secondaires
ne revêtent pas moins d'importance que les caractères sexuels
primaires. Aussi l'intéressé(e) ne peut-il (-elle) acquérir
l'apparence extérieure de son nouveau sexe que si les caractères
sexuels secondaires correspondent à cette nouvelle image. Pour des
raisons tant physiques que psychologiques, l'opération de changement
de sexe doit donc être envisagée de manière globale. Aussi, lorsque
les conditions justifiant l'opération chirurgicale sont réalisées,
les interventions complémentaires destinées à modifier les caractères
sexuels secondaires font aussi partie, en principe, des prestations
obligatoires à la charge des caisses-maladie au sens de l'art. 12
LAMA. Encore faut-il, d'une part, qu'il existe une indication
médicale clairement posée et, d'autre part, que le principe de
l'économie du traitement énoncé à l'art. 23 LAMA soit respecté. En
effet, cette norme légale s'applique aussi dans le domaine de la
chirurgie esthétique lorsque, exceptionnellement, un traitement
relevant de cette discipline ressortit aux prestations obligatoires
des caisses-maladie.
c) En l'espèce, l'épilation électrique a été pratiquée par une
esthéticienne, laquelle ne fait pas partie du personnel paramédical
autorisé à exercer une activité à la charge des caisses en vertu des
art.
7.- (Dépens)