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18. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 13 juillet
1994 dans la cause G. contre la Chambre d'accusation du Tribunal
cantonal de l'Etat de Fribourg (recours de droit public)
A.- C. a vendu un véhicule automobile de marque Ferrari à S.
Celui-ci s'est fait remettre le véhicule le lendemain sur la
présentation d'un faux récépissé postal attestant le versement du
prix convenu, soit 82'000 fr.
Le même jour, S. a revendu le véhicule à G., qui en a immédiatement
pris possession. Selon G., S. aurait signé un contrat de vente et
reçu en espèces le montant du prix fixé, soit 69'000 fr.
Saisi d'une plainte pénale formée par C., le Juge d'instruction du
4ème ressort du canton de Fribourg a ordonné la saisie du véhicule et
l'arrestation de S., qui a été placé en détention préventive.
Interrogé par le Juge d'instruction, S. a reconnu avoir falsifié le
récépissé postal présenté à C. Il a nié en revanche avoir signé le
contrat évoqué par G. qui ne lui aurait remis qu'une somme de 6'000
fr. le 16 octobre 1993.
Considérant en droit:
1.- Sous l'angle de l'art. 22ter Cst., le recourant reproche à la
Chambre d'accusation d'avoir admis à tort que le Juge d'instruction
était compétent pour ordonner la restitution du véhicule séquestré.
a) Après avoir constaté que le droit cantonal ne contenait pas de
prescriptions régissant la restitution des objets saisis dans le
cadre de la procédure pénale, la Chambre d'accusation a considéré
qu'il lui appartenait d'appliquer en l'espèce les dispositions du
Code civil sur la possession, et notamment l'art. 936 al. 1 CC. Elle
a ainsi admis implicitement que le juge d'instruction, le cas échéant
la Chambre d'accusation saisie d'un recours contre la décision du
juge d'instruction, sont compétents pour statuer sur la restitution
d'un objet séquestré dans le cadre d'une procédure pénale, et cela
même lorsque, comme en l'espèce, deux parties revendiquent la
propriété de cet objet.
Cette conception ne peut être partagée.
b) La garantie de la propriété consacrée à l'art. 22ter Cst.
s'étend non seulement à la propriété des biens mobiliers et
immobiliers, mais aussi aux droits réels restreints, aux droits
contractuels, aux droits de propriété intellectuelle, aux droits
acquis des citoyens contre l'Etat, ainsi qu'à la possession (ATF 105
Ia 46 consid. 1c; pour la période antérieure à l'adoption de l'art.
22ter Cst., cf. l'arrêt Schürmann du 22 juin 1877, III p. 309 ss.,
314 consid. 4 et ATF 40 I 259 consid. 4; cf. aussi GEORG MÜLLER in:
Commentaire de la Constitution fédérale, art. 22ter, no 2; ARTHUR
MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, vol. IV, no 441).
Lorsque le séquestre d'un objet n'est plus nécessaire, le juge
pénal lève cette mesure ordonnée pour les besoins de l'enquête; il
restitue l'objet
2.- Le recours doit être admis pour ce seul motif, et l'arrêt
attaqué annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres
griefs soulevés par le recourant. Il appartiendra à la Chambre
d'accusation, statuant à nouveau, d'appliquer par analogie les règles
relatives aux mesures provisionnelles ordonnées par le juge civil
selon les art. 367 ss CPC/FR. A ce titre, elle ordonnera la
consignation du véhicule litigieux (art. 368 al. 1 let. e CPC/FR), et
impartira à C., possesseur antérieur du véhicule, un délai pour
intenter une action civile, faute de quoi la mesure sera caduque
(art. 375 al. 1 CPC/FR), et le véhicule restitué à G. qui en était le
possesseur au moment du séquestre.